Je suis heureuse de vous retrouver ce matin pour faire ensemble un tour d’horizon de la rentrée 2017, cette rentrée est désormais en cours dans la très grande majorité des universités. C’est le bon moment pour évoquer ensemble les grands chantiers ouverts par le Gouvernement pour enseignement supérieur.
Mais avant de les aborder point par point, je voudrais vous dire que l’objectif du Gouvernement est de reconstruire une vision de l’enseignement supérieur en France. Une vision qui permette à chacun d’exprimer ses talents, et ce, quel que soit son origine social, qui vise à redonner à la jeunesse confiance dans son enseignement supérieur et dans l’Etat et en retour l’Etat devra montrer sa confiance dans sa jeunesse en investissant pour son avenir et enfin accompagner la construction de la société de demain et passer du sentiment d’échec dans ses études, au sentiment de réussite pour retrouver la confiance en soi, l’estime de soi et la capacité à se projeter sans crainte dans le futur. Nous avons donc le devoir d’accompagner, le devoir de protéger mais aussi le devoir de dire la vérité et je vais, maintenant un par un évoquer avec vous les différents points qui vont marquer cette rentrée universitaire.
Les trois derniers mois ont mis en évidence toutes les limites de notre procédure d’accès à l’enseignement supérieur, qui s’identifie désormais, dans l’esprit de tous, à la plateforme Admission Post Bac.
Bien sûr, le recours au tirage au sort n’est pas une nouveauté. C’est la clef du fonctionnement de la plateforme depuis qu’APB est devenu l’outil unique d’affectation. Mais cette année, avec 169 filières en tension au soir du premier tour, nous avons pris conscience de ce que cela voulait dire que tirer au sort : il suffit qu’il y ait plus de candidats que de places dans une filière non sélective pour que ce soit le hasard qui décide des études supérieures suivies par un bachelier. Et celui-ci n’aura jamais la chance de défendre sa candidature, de mettre en avant sa motivation, ses projets, son parcours.
Je veux y insister, car c’est bien cela que la CNIL vient, ce matin même, de pointer publiquement. Les propositions faites par APB sont faites sans aucune intervention humaine, elles n’ont aucune autre justification que les règles qui gouvernent l’algorithme.
Et ces règles sont fixées par la loi, car c’est la loi qui nous interdit de départager autrement que par tirage au sort les candidats qui sont dans la même situation de famille, qui ont la même académie d’origine et qui ont fait le même voeu 1.
La CNIL nous confirme ce que nous savions tous : nous devons définitivement tourner la page du tirage au sort. C’était le choix du Gouvernement. C’est désormais une obligation légale et nous devrons trouver des solutions dans les trois mois à venir.
Ce matin, je veux donc vous dire que le Gouvernement se conformera strictement à la mise en demeure de la CNIL. Cela suppose donc de modifier la loi, puisque nous ne pouvons pas, en l’état des textes, faire autrement que tirer au sort. A l’issue de la concertation qui s’est engagée, nous devrons donc poser un nouveau cadre et lui donner une assise juridique solide.
Se conformer à la décision de la CNIL, cela veut dire également garantir que l’ensemble du cadre fixé par la loi « Informatique et libertés » sera respecté strictement. La CNIL a relevé des défauts d’information et de respect du droit d’accès sur la plateforme, qui est à présent fermée.
C’est donc pour l’avenir que je m’engage : la plateforme qui sera appelée à succéder à APB sera adossée à un comité d’éthique, qui inclura des scientifiques de haut niveau et qui vérifiera que ce cadre est strictement respecté. Il devra également veiller à ce que les règles de fonctionnement de la plateforme soient parfaitement transparentes.
Enfin, pour garantir sa parfaite conformité, cette nouvelle plateforme sera pilotée par un service à compétence nationale, qui sera rattaché directement à la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle.
Je veux enfin souligner la qualité technique du travail mené par les équipes de développement APB. L’échec d’APB, ce n’est pas un échec technique, c’est un échec politique. C’est pourquoi cet outil doit être repensé, renommé. Il le sera d’ici la rentrée 2018.
Au-delà du tirage au sort, la campagne 2017 d’APB aura également mis en évidence les difficultés particulières auxquelles sont confrontés les bacheliers technologiques et professionnels.
La quasi-totalité des bacheliers qui n’avaient pas encore de proposition via APB à l’issue de la procédure complémentaire sont en effet titulaires d’un baccalauréat technologique ou d’un baccalauréat professionnel. Au total, ils sont 3729 à demeurer sans affectation (dont 1146 bacheliers technologiques et 2503 bacheliers professionnels).
Cette situation est d’autant plus inacceptable qu’il reste plus de 135 000 places vacantes dans l’enseignement supérieur.
Ce sont pour l’essentiel des places de Licence (111 000), mais il y a même encore 4 201 places vacantes en BTS public et 5 042 dans des BTS privés.
Certaines de ces places n’ont pas été attribuées au fil des tours d’APB. D’autres se sont libérées en septembre, les étudiants concernés ayant finalement décidé de prendre une autre orientation.
J’ai donc demandé aux recteurs de travailler dès cette semaine avec les proviseurs de lycées à STS de leur académie, afin d’identifier très précisément ces places et de les proposer à ces bacheliers technologiques et professionnels qui, bien souvent, avaient uniquement candidaté sur des formations sélectives de type STS ou DUT.
Vous l’aurez compris, la procédure complémentaire est close, mais tout ne s’arrête pas, loin s’en faut : les rectorats continueront d’accompagner les candidats.
Et je veux saisir cette occasion pour remercier tous ceux qui, dans les rectorats, dont les services d’orientation et les services du supérieur sont largement mobilisés, mais aussi tous ceux qui dans les universités et dans les établissements travaillent d’arrache-pied depuis des mois pour trouver des solutions. Si nous avons pu limiter les effets du tirage au sort, c’est grâce à eux : je tenais à le souligner devant vous ce matin.
Tout au long de la procédure 2017, nous avons répondu à l’urgence. Mais vous le savez, nous n’avons pas attendu la fin de la campagne APB pour commencer à travailler, avec l’ensemble des acteurs de l’enseignement supérieur, avec comme objectif de mieux accueillir nos étudiants et de mieux les accompagner vers la réussite.
A la fin du mois d’août, 11 groupes de travail ont été constitués. Ils se réunissent régulièrement. Dans certains, des visions partagées commencent à émerger. Dans d’autres, les positions sont plus figées. C’est parfaitement naturel : chaque groupe est différent, avec son rythme, sa dynamique propre.
Pour ma part, je reste fidèle à la méthode que j’ai adoptée : celle de construire cette transformation du premier cycle avec l’ensemble des acteurs. Mon choix, c’est celui de la concertation. Nous n’avons pas déposé sur la table de chaque groupe un projet tout préparé sur ce sujet.
Nous avons tous à prendre nos responsabilités, puisque tous nous condamnons le tirage au sort. Il s’agit donc d’utiliser notre intelligence collective pour construire des solutions cohérentes, pragmatiques et réalistes qui puisse être portée par tous.
Ma conviction, en effet, c’est que la question de la réussite des étudiants dépasse toutes les différences et tous les clivages. Cet objectif, cette exigence d’accompagner vers la réussite, elle nous rassemble tous, que nous soyons étudiants ou lycéens, parents d’élèves ou enseignants-chercheurs, ingénieurs, agents des CROUS, président d’université, chef d’établissement et bien sûr Ministre. C’est notre moteur, notre mission commune.
Sur ce sujet, je sais que nous pouvons faire bouger les lignes. Bien sûr, nous ne serons pas d’accord sur tout, il y aura nécessairement des divergences. Elles pourront bien sûr s’exprimer et je souhaite qu’aux propositions formulées par les rapporteurs puissent s’adosser des contributions particulières. Elles permettront à ceux qui ne partagent pas le point de vue de leur groupe de s’exprimer et d’indiquer les propositions qu’ils souhaitent faire.
J’ai eu, dès le début de la concertation, le 17 juillet dernier, l’occasion de fixer clairement le cadre de ce travail commun. Les lignes définies par le Gouvernement sont nettes : plus de tirage au sort à la rentrée 2018 et la mise en place d’un contrat de réussite pour lutter contre la sélection par l’échec.
Dans cet espace, tout peut être imaginé, toutes les propositions peuvent être examinées, à une seule condition : c’est qu’elles permettent, dès la rentrée prochaine, d’offrir à tous les nouveaux étudiants, des formations qui les mènent vers l’emploi et dans lesquelles ils auront de réelles chances de réussite. Pour cela nous ferons connaître les attendus à acquérir pour une insertion réussie dans une formation, les taux de succès en fonction des baccalauréats et les taux de poursuite d’étude et d’insertion professionnelle de chaque filière. Nous avons en effet une obligation de résultat et c’est une obligation collective. A l’ensemble des acteurs de se saisir de cette responsabilité.
Les propositions issues de la concertation me seront remises le 19 octobre par le rapporteur général, Daniel Filâtre.
Le Gouvernement prendra alors ses responsabilités et devra arrêter des choix, mais le dialogue ne s’interrompra pas et au tout début du mois de novembre, nous présenterons notre projet.
Nous serons donc en mesure d’informer les lycéens et leurs familles dès le retour des vacances de la Toussaint et nous les accompagnerons pour qu’ils puissent mûrir sereinement leur orientation.
L’objectif du Gouvernement, vous le savez, c’est de faire de l’accompagnement et de l’orientation une priorité absolue et de se donner les moyens de personnaliser très fortement les parcours, en diversifiant les rythmes, en imaginant de nouvelles manières d’organiser les parcours et en misant sur l’innovation pédagogique.
Je l’ai toujours souligné, le Gouvernement en a toujours été conscient cela appellera un fort investissement de la part de l’Etat. Il est au rendez-vous. Avec le projet de budget 2018, le Gouvernement a fait des choix : il a identifié des priorités, dont l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation. Ces priorités bénéficient de moyens supplémentaires au service d’objectifs clairs.
Pour ce ministère, et en ce qui concerne l’enseignement supérieur cet objectif premier et impérieux, c’est d’accompagner les étudiants vers la réussite, c’est de transformer en profondeur la manière dont nous accueillons les nouveaux bacheliers dans l’enseignement supérieur.
Et pour y parvenir, nous pourrons nous appuyer sur deux leviers : un projet de budget 2018 en hausse de 707 millions d’euros pour l’ensemble du ministère - dont 194 millions pour l’enseignement supérieur portant le budget à 13,4 milliards d’euros - et un grand plan d’investissement qui consacre 7,6 milliards d’euros à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’innovation.
Il s’agit bien de deux leviers distincts. L’un et l’autre s’ajoutent bien.
Un mot du budget 2018, tout d’abord. Pour le seul enseignement supérieur, ce sont 234 millions d’euros de crédits disponibles supplémentaires qui sont prévus, dont 175 millions d’euros directement fléchés vers les universités et l’ensemble des établissements.
C’est considérable – d’autant plus qu’il n’y a pas d’impasse cachée ou de dette non financée. Cette somme permet de couvrir largement aussi bien le GVT que les mesures salariales, comme PPCR.
Autrement dit, les universités et les établissements disposeront bien de 175 millions d’euros supplémentaires, dont ils détermineront librement l’usage.
Mon choix, vous l’aurez compris, était de construire un véritable budget pour l’autonomie, c’est-à-dire un budget qui permette à chaque université de faire des choix et d’affirmer ses projets, sans que ses marges de manoeuvre ne soient absorbées par des charges non financées.
Ce choix, je le revendique. Je ne crois pas au saupoudrage national de crédits fléchés, aux plans de créations d’emploi qui sont répartis à l’unité près par le ministère et qui sont en réalité destinés à financer des charges nouvelles. Je parle d’expérience, comme ancienne présidente d’université et devenue ministre, j’ai souhaité qu’il en aille autrement.
A ce budget, qui permet aux universités d’agir, vient s’ajouter le grand plan d’investissement, qui consacre 1,550 milliard d’euros sur le quinquennat à l’enseignement supérieur.
Je ne rentrerai pas dans le détail ici, mais un point mérite d’être souligné : un peu moins d’un tiers de cette somme, soit 450 millions d’euros, sera consacré à la transformation du premier cycle. C’est une décision forte et cela veut dire que dès 2018 et tout au long du quinquennat, les établissements auront les moyens de mettre en place des nouveaux cursus que j’évoquais il y a quelques instants, ils auront aussi les moyens de travailler avec l’Education nationale pour construire une meilleure orientation pour l’ensemble des nouveaux étudiants.
Le point de départ de ce mouvement d’investissement sera la première vague de nouveaux cursus universitaires (NCU), mais, très vite, cette première vague devra être amplifiée et devenir le point d’appui du déploiement des innovations pédagogiques proposées.
Un point mérite également d’être souligné : la présentation du projet de loi de finances conduit à distinguer enseignement supérieur et recherche, qui constituent des programmes budgétaires différents. Mais par définition, les investissements faits pour la recherche bénéficieront aussi aux établissements d’enseignement supérieurs, au travers notamment de leurs laboratoires.
Je pense à l’augmentation des crédits de l’ANR, par exemple, à hauteur de 32,7 millions d’euros, par exemple, ou aux 25 millions d’euros qui viendront augmenter directement les moyens des laboratoires – et notamment des UMR.
Permettez-moi de le souligner au passage, il s’agit d’une petite révolution : non seulement nous remettons de l’argent sur l’ANR, dont le budget avait beaucoup souffert, mais nous nous refusons à opposer financement sur projet et crédits de base. Nous le savons tous, nous étions arrivés au bout d’un mouvement où les dotations des laboratoires étaient rognées, année après année. Et avec ce budget 2018, nous inversons la tendance et nous commençons à redonner de l’oxygène à notre recherche.
J’ai aussi tenu à ce que nous fassions face aux engagements de la France dans les grandes infrastructures de recherche internationales comme le CERN, Soleil, ITER ou le spatial. Ces équipements et ces grands projets sont indispensables. Ils permettent aux scientifiques de comprendre la matière, le monde, l’univers. C’est grâce à ces travaux menés à la frontière des connaissances que la communauté scientifique produit des ruptures scientifiques et technologiques qui feront les innovations de demain.
Je souhaite à présent en venir à notre action en faveur de la vie étudiante. Le Premier ministre a eu l’occasion de dire, à la fin du mois d’août, sa volonté de placer les étudiants et leur réussite au coeur des objectifs de la concertation.
Dire cela, ce n’est pas seulement rappeler notre volonté de sortir de la sélection par l’échec en repensant les cursus. C’est dire aussi que les étudiants doivent être au centre de nos politiques publiques et que nous devons enfin prendre à bras le corps la question de leurs conditions matérielles d’études.
Deux exemples, parmi tant d’autres : celui du logement étudiant, tout d’abord. Il a fallu des années pour s’impose l’idée qu’il fallait soutenir de manière particulière la création de logements pour les étudiants. Cette idée a désormais bien cheminé. Les objectifs du plan 40 000 ont été tenus et le Gouvernement va accélérer encore, puisque le Président de la République et le Premier Ministre ont fixé un cap plus ambitieux : celui de 80 000 nouveaux logements sur le quinquennat, dont 60 000 logements étudiants et de 20 000 logements pour jeunes actifs.
Autre exemple, celui de la santé des étudiants, qui là aussi, a mis du temps pour s’imposer comme une priorité des politiques publiques. Ce sera chose faite avec la stratégie nationale de santé préparée par Agnès Buzyn, qui accordera enfin une attention réelle aux jeunes et au besoin de renforcer nos efforts de prévention. Et je ne reviendrai pas sur la question de l’accès des étudiants aux soins et de la qualité de leur protection sociale : le Défenseur des droits, entre autres, a écrit très précisément ce qu’il en était en 2015.
Toutes ces questions, nous allons nous en saisir, en construisant un plan étudiant dont les bases seront jetées dans le cadre de la concertation.
Nous construirons ainsi une stratégie d’ensemble, qui débouchera sur un vrai plan d’action ciblé et financé.
Dans le cadre du projet de budget pour 2018, nous avons fait le choix de maîtriser les charges qui pèsent sur les étudiants : nous avons en effet gelé les droits d’inscription, le ticket de restaurant Universitaire et veillé au maintien des loyers des CROUS. Et dans le même temps, nous avons rendue effective à l’aide à la mobilité en Master de 1 000 euros et reconduit l’Aide à la recherche du premier emploi (ARPE).
A ce socle, qui figure dans le projet de loi de finances pour 2018, viendront s’ajouter, en temps et en heure, des moyens à la hauteur du « Plan Etudiant », que nous avons voulu prendre le temps de construire avec l’ensemble des acteurs en interministériel – et avec les étudiants eux-mêmes.
Ce sont des chantiers majeurs que nous évoquons ensemble, afin de répondre aux questions majeures qui se posent à notre enseignement supérieur. Nous serons donc appelés à nous revoir, tout au long des mois qui viennent, pour faire le point ensemble sur l’avancement de ces questions.
Un mot enfin, avant de répondre à vos questions, sur la situation en Master. Vous le savez, cette rentrée 2017 voit pour la première fois s’appliquer le droit à la poursuite d’études. C’est une procédure complexe décidée en 2016 et appliquée pour la première fois en cette rentrée 2017.
Il est encore trop tôt pour tirer un bilan. A ce stade, le nombre d’étudiants concernés se stabilise. Ils sont à ce jour un peu plus de 2 200 inscrits. 400 ont accepté les propositions faites, 533 les ont été refusées, 446 n’ont pas encore répondu.
Ce qui apparaît d’ores et déjà clairement, c’est la longueur du processus : une fois saisis, les rectorats transmettent des demandes d’admission aux universités. Si celles-ci les acceptent, des propositions sont alors faites à l’étudiant concerné, qui, à son tour, peut les accepter ou les rejeter.
Nous aurons l’occasion d’en reparler dans les semaines qui viennent. Une chose est certaine : les chiffres évoluent tous les jours, ce qui signifie qu’après un démarrage tardif les choses avancent.
Je me tiens maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je vous remercie.