Des pistes pour positionner la France à l’avant-garde de l’IA
Cédric Villani, lauréat 2010 de la médaille Fields – la plus haute distinction mondiale en mathématiques –, mène depuis septembre dernier une large réflexion sur l'intelligence artificielle (IA) qui a conduit à la remise, mercredi 28 mars 2018, d’un rapport détaillé sur le sujet.
- Selon le mathématicien, "la France a une très grande capacité en recherche en matière d'intelligence artificielle" ce qui se traduit par le fait que de grandes entreprises américaines ou asiatiques implantent des laboratoires de recherche sur le territoire français.
- La recherche française est au premier plan mondial pour ce qui concerne ses chercheurs en mathématiques et en intelligence artificielle, "mais elle a du mal à transformer ses avancées scientifiques en applications industrielles et économiques".
- Ce rapport met aussi l'accent sur les efforts à faire pour éviter la fuite des cerveaux français vers l'étranger et un large volet est consacré à l'amélioration des conditions de travail au sein des laboratoires. "Il s'agit certes d’offrir des conditions salariales satisfaisantes, mais aussi et surtout un environnement de travail favorable", souligne Cédric Villani.
- Le rapport identifie quatre secteurs prioritaires ou la France doit particulièrement concentrer son effort de développement de l'intelligence artificielle : la santé, les transports, l'environnement et la défense.
- Les questions d'éthique sont également abordées, tant ces technologies qui donnent aux machines de gigantesques pouvoirs d'analyse dépassant de loin ceux des humains peuvent avoir des aspects inquiétants. Pour Cédric Villani "Il faut une instance pour émettre des avis, donner des jugements en toute indépendance, qui puisse être saisie par le gouvernement comme par les citoyens, et qui nous dise ce qui est acceptable ou non acceptable"...
Pour une recherche agile et diffusante
Créer un réseau d’Instituts interdisciplinaires d’intelligence artificielle
Il s'agit de renforcer la place mondiale de la recherche française en IA en créant, à l'intérieur d'une sélection d'établissements publics d'enseignement et de recherche, des Instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle réunissant chercheurs, ingénieurs et étudiants. Ils devront être concus comme des "zones franches de l'IA" : allégement des formalités administratives, compléments de salaire, aides pour l'amélioration de la qualité de vie.
Il faudra également attirer des partenaires privés porteurs de solutions nouvelles en IA en leur permettant de former leurs ingénieurs, de recruter des ingénieurs de haut niveau, de réaliser ou consolider des avancées technologiques.
Disposer d’outils de calcul permettant de rivaliser avec les grands acteurs du privé
Les instituts de recherche en IA doivent pouvoir disposer d'outils de calcul qui leur qui leur permettent de rivaliser avec les moyens des grands acteurs privés.
Le rapport propose donc la mise en place d'un supercalculateur conçu spécifiquement pour les applications d'IA, dédié aux chercheurs et à leurs partenaires économiques dans le cadre de projets communs.
Rendre plus attractives les carrières dans la recherche publique
Le rapport propose de revaloriser les carrières d'enseignants-chercheurs et de chercheurs, en particulier en début de carrière, sous peine de voir se poursuivre la captation de nos meilleurs cerveaux par les géants de l'IA et de se tarir définitivement le flux de jeunes prêts à s'investir dans l'enseignement supérieur et la recherche académique.
Former des talents en IA, à tous niveaux
Il fixe également pour objectif de multiplier par trois le nombre de personnes formées en IA d'ici à 3 ans, avec des actions spécifiques visant à féminiser les formations en mathématiques et en informatique (40% de femmes dans les filières du numérique).
Il évoque la possibilité de créer de nouveaux cursus et de nouvelles formations à l'IA : programmes croisés, doubles cursus (droit-IA par exemple)s, formations de haut niveau en IA (doctorat, master) ou à des niveaux intermédiaires (bac+2 et bac+3). Et propose des bourses de master ou de thèse fléchées IA...
L’IA en chiffres
La France compte parmi les 4 premiers pays au monde pour la production mondiale d’articles sur l’intelligence artificielle, avec la Chine, les Etats-Unis, et le Royaume-Uni, grâce à son excellence en mathématiques, en STIC et en SHS.
268 équipes de recherche
5 300 chercheurs
81 écoles d’ingénieurs et 38 universités délivrant 138 cours liés à l’IA.
18 diplômes de mastères spécialisés en IA
80 ETI et PME et plus de 270 start-ups spécialisées dans l’IA, avec un rythme de création soutenu : plus de 30% par an depuis 2010.
400 M€ par an de financement public pour la recherche en IA
Le site AI for humanity
Constat
- Les États-Unis, la Chine, l'Angleterre, le Canada et Israël sont les pays les plus en avancés sur le déploiement de l'intelligence artificielle.
- La France dispose d'un savoir théorique indéniable avec des cerveaux recherchés à l'étranger, mais qui ne se traduit pas encore par l'émergence de grandes entreprises leaders.