(seul le discours prononcé fait foi)
Madame la présidente de l’université Paris-Sud,
Monsieur le président de l’université Paris-Saclay,
Mesdames et Messieurs les présidents et directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Cette conférence de presse de rentrée, j’ai tenu à ce qu’elle se déroule non pas au ministère, rue Descartes, mais dans une université. Et plus précisément ici, à Paris-Sud, dans une université qui attire des étudiants et des chercheurs venus du monde entier, qui rayonne et qui est reconnue, dans toutes les grandes nations de science, comme une université de premier plan mondial.
Et si Paris-Sud est une grande université de recherche, c’est aussi une université qui, depuis bien longtemps, investit fortement son premier cycle, qui est attentive à ses étudiants de Licence et qui s’efforce de les accueillir et de les accompagner dans les meilleures conditions possibles.
Paris-Sud, c’est, parmi tant d’autres, l’exemple d’un établissement qui mène de front les missions de formation et de recherche et qui sait que pour porter des doctorants au meilleur niveau, il faut d’abord éveiller la vocation de la recherche, dès l’entrée en licence. Paris-Sud c’est aussi l’université qui accueille les anciens élèves des classes préparatoires et les élèves des grandes écoles toutes proches.
Il n’y a pas de grande université de recherche sans un premier cycle fort. Comme il n’y a pas grande université de recherche en France sans un lien fort et assumé avec les grandes écoles et les grands organismes de recherche. Et chacun sait l’intensité des relations qu’entretient Paris Sud avec le CNRS, bien sûr, mais aussi avec le CEA, avec l’INSERM, avec INRIA et nombre d’organismes thématisés.
Paris-Sud est aussi au coeur de Paris-Saclay qui porte un projet d’École de premier cycle s’inscrivant parfaitement dans cette double mission d’excellence et d’ouverture chère à nos établissements publics. Je sais que la réussite de ce projet est essentielle et, madame la
Présidente, chère Sylvie, vous pouvez compter sur le soutien déterminé de l’Etat pour le faire aboutir. Paris-Saclay c’est aussi la capacité de grandes écoles prestigieuses de travailler harmonieusement avec les universités, c’est le lieu où chaque membre choisit librement de s’appuyer sur les forces de ses partenaires pour se développer.
Je veux saluer ici Hervé Biausser qui a résolument engagé l’Ecole Centrale dans le projet Paris-Saclay tout au long de ses deux mandats. L’Ecole doit bénéficier des moyens nécessaires à son rayonnement et je veillerai avec Romain Soubeyran, son nouveau directeur, à ce que là encore, l’Etat réponde bien à ces enjeux.
Chacun le sait, notre système d’enseignement supérieur et de recherche ne brille pas toujours par sa simplicité et par sa lisibilité. C’est une évidence et nous y travaillons. Mais cette complexité ne doit jamais nous faire oublier les forces de notre enseignement supérieur et de notre recherche : tout ce que nous construisons, nous le construisons sur des bases solides et anciennes. Vous savez aussi que cette apparente complexité est largement partagée par de nombreux grands pays de science.
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Grace à l’engagement de tous les personnels, nos organisations ont su s’adapter aux profondes évolutions qui ont été lancées l’an dernier. Au-delà de Parcoursup, qui n’est qu’un outil, aussi regardé soit-il, l’essentiel s’est passé ailleurs.
L’essentiel s’est passé dans les lycées, où les deux professeurs principaux et l’ensemble des équipes pédagogiques se sont engagés sans compter dans l’accompagnement vers l’enseignement supérieur des futurs étudiants. C’était une première et c’est à l’évidence une vraie réussite.
L’essentiel s’est passé dans les universités et les grandes écoles, où les enseignants-chercheurs ont saisi à bras le corps l’opportunité qui leur était donné de mieux connaître leurs futurs étudiants, d’analyser les voeux reçus dans chaque formation et de concevoir des parcours adaptés pour accueillir les nouveaux étudiants dans toute leur diversité.
Pour la première fois cette année, un pont s’est construit entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Chacun a commencé à regarder vers l’autre, à essayer de comprendre ses attentes et ses contraintes, dans l’intérêt des futurs étudiants. Ce mouvement doit pouvoir se poursuivre et s’accentuer et c’est tout l’enjeu des mois qui viennent : nous aurons à travailler à nouveau sur les attendus et sur la fiche Avenir, en prenant en compte le contexte nouveau de la réforme du baccalauréat. Avec Jean-Michel Blanquer, nous y travaillons d’ores et déjà.
Si, en l’espace d’un an, notre système éducatif est parvenu à repenser de fond en comble, l’articulation entre le lycée et l’enseignement supérieur, c’est aux professeurs, aux enseignants-chercheurs et à l’ensemble des personnels que nous le devons. Je tenais donc à
débuter cette conférence de presse en saluant le travail accompli et en leur rendant hommage : ce sont eux qui ont fait de la réforme un succès.
Trois engagements tenus au service de la réussite étudiante
J’y tenais d’autant plus que, depuis près de quatre mois, la plateforme Parcoursup monopolise toute l’attention, au point parfois de faire oublier qu’elle n’est qu’un outil au service d’un projet politique et pédagogique.
Ce projet, c’est d’accomplir la démocratisation de notre enseignement supérieur, c’est-à-dire d’accompagner vers la réussite le plus grand nombre. Avec le Premier ministre, nous avions pris trois engagements.
Premier engagement : supprimer le tirage au sort et redonner le dernier mot aux étudiants
C’est chose faite et je constate que personne n’imagine revenir en arrière.
Deuxième engagement : mettre en place un accompagnement personnalisé vers la réussite non seulement à l’entrée des études supérieures, mais tout au long du premier cycle
Là aussi, les faits sont là : procédure normale et procédure complémentaire comprises, 145 000 propositions de parcours personnalisés ont été faites via la plateforme. Les nouveaux cursus à l’université ont commencé à se déployer – je l’ai constaté la semaine dernière à l’université de Savoie-Mont-Blanc. Et le cadre qui définit la nouvelle Licence, issue de la concertation conduite au printemps, a été publié le 7 août dernier : tout au long de l’année qui vient, les universités vont commencer à pouvoir mettre en place des parcours plus modulaires, qui répondent mieux aux besoins des étudiants dans leur diversité.
Troisième engagement : faire baisser le coût de la rentrée en 2018.
Là aussi, les chiffres parlent d’eux-mêmes : la cotisation de sécurité sociale de 217 euros par an que devaient payer les étudiants a été supprimée, les droits d’inscription baissent à la rentrée 2018 et le prix du ticket de restauration universitaire a été gelé pour la troisième année consécutive. Au total, ce sont 100 millions d’euros de pouvoir d’achat qui sont ainsi rendus aux étudiants.
Parcoursup
Ces trois engagements expriment une seule et même priorité : mieux accueillir et mieux accompagner les étudiants vers la réussite. C’est à cette aune que nous devons mesurer l’ensemble des outils que nous avons mis en place. Parcoursup n’échappe pas à la règle.
Car Parcoursup n’est qu’un outil, qui prend sens dans une politique d’ensemble dont l’objectif est de favoriser la démocratisation de notre enseignement supérieur. Et c’est là la différence majeure entre APB et Parcoursup : APB était un outil d’affectation, dont la vocation principale était d’affecter le plus rapidement possible le plus grand nombre d’étudiants possible. Peu importait de savoir si ces étudiants se présentaient effectivement à la rentrée ou s’ils abandonnaient ou échouaient au cours du premier semestre.
Parcoursup, quant à elle, est une plateforme d’orientation : elle permet aux futurs étudiants de mûrir leurs projets, de recevoir les réponses des formations et de faire leur choix.
Analyser Parcoursup sous un angle purement quantitatif – même si l’image est favorable – c’est faire d’emblée un contresens : le succès de Parcoursup, c’est maintenant qu’il se joue, dans les amphithéâtres, les salles de classe ou de TD. Ma conviction, depuis le premier jour, c’est que donner le choix aux étudiants, leur ouvrir des possibilités, lutter contre l’orientation par défaut, c’est changer la donne.
Et depuis maintenant quelques semaines, ce que me disent les présidents d’université, les professeurs et les proviseurs que je rencontre, c’est que dans les établissements, oui, la donne a bel et bien changé. L’ambiance est différente, parce que les étudiants sont là où ils ont choisi d’être.
Alors, bien sûr, tout cela n’est qu’une première impression, qui demande à être confirmée et à être renforcée par tout le travail pédagogique qui sera conduit tout au long des semaines qui viennent. C’est dans la durée que nous mettrons un terme à la sélection par l’échec en premier cycle. Mais c’est aussi ce premier constat qualitatif que je garde en tête au moment de faire le bilan du fonctionnement de Parcoursup.
Je ne rentrerai pas dans le détail des chiffres. Ils sont largement développés dans le dossier de presse. Je voudrais insister sur trois points.
Premier point :
Parcoursup a pleinement fonctionné. Plus de 2,4 millions de propositions ont été faites ; près de 730 000 jeunes en ont reçu au moins une, soit près de 90% des candidats et 92,2% des lycéens. Cette proportion atteint 96% pour les bacheliers généraux. Je rappelle, s’il en était besoin, que ces pourcentages intègrent les candidats qui ont quitté la plateforme et ceux qui n’étaient plus actifs.
Je m’étais engagée à ce que chaque candidat ait une proposition au plus près de ses voeux. Cet engagement a été tenu et à la clôture de la procédure, les commissions rectorales accompagnaient encore un peu plus de 900 candidats, dont soixante bacheliers généraux, pour trouver avec eux des solutions.
Parcoursup a donc rempli sa mission : il a permis aux futurs étudiants de trouver la formation de leur choix pour la rentrée.
Deuxième point :
Parcoursup a donné un plus large choix aux futurs étudiants – trois propositions par candidat en moyenne, ce qui a conduit plus d’étudiants à accepter une proposition et à s’inscrire effectivement. Ils sont plus de 583 000 au total, soit près de 27 000 de plus qu’en 2017 avec APB.
C’est bien là l’enjeu central et j’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. L’objectif n’est pas de faire des propositions pour avoir fait des propositions. C’est de faire des propositions qui correspondent à ce que souhaitent les candidats. Le chiffre des candidats qui ont accepté une proposition est nettement plus élevé cette année : à mes yeux, c’est le signe de la pertinence de Parcoursup, qui redonne la main aux candidats et leur permet d’avoir un choix plus large.
Troisième point :
avec Parcoursup, nous avons fait faire un premier pas, mais un pas de géant pour la démocratisation de notre enseignement supérieur. Je mesure la force de cette formule.
Mais les faits sont là et je veux m’y arrêter un instant.
Tout au long des derniers mois, Parcoursup a été accusée de tous les maux. Les légendes urbaines les plus extravagantes ont circulé et ont été largement relayées : la plateforme discriminerait les territoires, les genres, renforcerait les inégalités sociales et exclurait les Outre-mer et j’en passe.
Aucune de ces affirmations n’est confirmée par les chiffres : c’est même tout le contraire.
Je pense par exemple aux candidats boursiers. Contre toute évidence, certains affirmaient qu’ils seraient discriminés par la nouvelle plateforme. Il n’en est rien et pour une très bonne raison : c’est que Parcoursup a mis en oeuvre les principes fixés par la loi ORE, qui a rendu obligatoire l’accueil d’un pourcentage minimal de boursiers dans toutes les formations, y compris sélectives.
La conséquence directe, c’est qu’à l’échelle nationale, ils sont 21% de boursiers en plus à avoir accepté une proposition en phase principale. Dans les formations sélectives les plus demandées, comme les classes préparatoires parisiennes, c’est plus de 28% de boursiers en plus qui ont accepté une proposition.
On nous a dit également que Parcoursup renforçait les inégalités territoriales et empêchait les candidats de quitter leur académie. Contre toute évidence, là aussi, puisqu’en 2017, un candidat qui cherchait à rejoindre une formation en tension en dehors de son académie n’avait aucune chance d’obtenir ce voeu. C’est précisément pour cette raison que la loi ORE a garanti la possibilité de la mobilité entre académies pour l’ensemble des formations.
Parcoursup a été paramétrée pour cela et là aussi, les résultats sont sans appel : le nombre de lycéens ayant accepté une proposition hors de leur académie a augmenté de 10 % cette année. Et cette proportion atteint 15 % pour les seuls bacheliers technologiques et professionnels résidant en Seine-Saint-Denis.
Bien entendu, il appartiendra au comité de suivi de la loi ORE de faire un bilan précis et complet de l’effet des taux de mobilité intégrés dans Parcoursup. Pour cette première année, ils avaient été fixés de manière prudente : j’irai plus loin en 2019.
Un dernier exemple des progrès rendus possibles par Parcoursup : la situation des bacheliers technologiques et professionnels. Depuis 2013, des quotas étaient fixés chaque année, mais ils restaient purement déclaratifs. Avec Parcoursup, ils ont été intégrés dans la plateforme et ont enfin produit leurs effets : cette année, les bacheliers professionnels sont 23,2 % en plus à avoir accepté une proposition en BTS ; quant aux bacheliers technologiques, ils sont près de 19 % en plus à avoir accepté une proposition en IUT.
Parcoursup n’est donc qu’un outil, mais un outil dont l’efficacité est prouvée. Et parce qu’il
est au service d’une volonté politique claire, dont les principes sont gravés dans la loi, il a
permis de déverrouiller l’accès à l’enseignement supérieur et d’engager sa démocratisation.
Evolutions de la plateforme
Les objectifs politiques de la réforme ont donc été atteints. Et sur ce plan, les chiffres le montrent, Parcoursup est une vraie réussite.
Cela ne veut pas dire, bien sûr, que des ajustements techniques ne sont pas nécessaires. Bien au contraire : nous le devons aux étudiants et à leurs familles, tout comme aux enseignants et aux formations. L’amélioration permanente doit devenir la règle, année après année.
Je pense par exemple à l’affichage du rang du dernier candidat appelé l’année précédente, qui deviendra systématique en 2019, ce qui permettra aux futurs étudiants de mettre immédiatement en perspective leur place sur la liste d’attente, ou à l’amélioration des conditions d’affichage du taux de remplissage des formations, qui est intervenu tard cette année et qui a suscité des interrogations.
Mais ces améliorations, je le dis très clairement, ne sont qu’une façon de confirmer les principes et les résultats de la réforme. Cela suppose de faire un diagnostic clair et d’apporter des réponses adaptées et précises.
Ce diagnostic, c’est que le calendrier de Parcoursup est le point majeur d’amélioration. J’ai entendu les étudiants et leurs familles, mais aussi les formations : la durée de la procédure normale a entretenu un sentiment d’incertitude durant l’été.
Nous devons y remédier. Nous le pouvons d’autant plus qu’à la fin du mois de juillet, près de 97 % des candidats avaient déjà accepté la proposition qu’ils allaient conserver jusqu’à la fin de la procédure. Nous savons donc désormais que Parcoursup peut aller plus vite : l’année prochaine, la première phrase de la procédure sera donc achevée au plus tard fin juillet.
La date exacte sera fixée en son temps, avec l’ensemble du calendrier de la procédure. Mais cela signifie d’ores et déjà que l’année prochaine, les futurs étudiants et les formations seront fixées à la fin du mois de juillet et pourront aborder sereinement le mois d’août.
Cela signifie que les inscriptions dans les formations se feront dans le même délai. Cette année, un candidat pouvait s’inscrire dans une formation tout en conservant des voeux en attente. Ce n’est pas satisfaisant et nous allons corriger ce point.
Je souhaite aussi que ceux des futurs étudiants qui ont une vision très claire de leurs voeux puissent, s’ils le souhaitent et après les résultats du baccalauréat, définir par avance la réponse qu’ils apporteront aux différentes propositions qui pourraient leur être faites. Ce « répondeur automatique », pour le définir de manière imagée, sera une possibilité nouvelle ouverte en 2019.
En revanche, il n’y aura pas de retour à la hiérarchisation des voeux. J’assume ce choix, qui est un choix politique fondé sur une analyse technique.
C’est un choix politique : la hiérarchisation des voeux est intellectuellement séduisante, mais dans les faits, elle a limité la liberté de choix des candidats, qui n’avaient qu’une seule proposition à chaque tour d’APB, et était synonyme de biais sociaux et d’autocensure.
Je ne crois pas un seul instant qu’un bachelier issu d’une famille peu favorisée puisse facilement franchir le pas qui le conduit à placer en voeu n°1 une formation qu’il rêverait de suivre, mais qu’il imagine ne pas être faite pour lui. Tous les lycéens que j’ai rencontrés me l’ont dit très clairement.
C’est cela qui a changé avec Parcoursup : ce même bachelier peut désormais mettre ce voeu « pour voir ». Et il peut avoir une réponse positive. Ce n’est pas une hypothèse d’école. Un seul chiffre suffit à le montrer : le nombre de candidats boursiers ayant reçu une proposition en classe préparatoire à Paris a progressé de 151 % cette année.
Ce choix politique est conforté par les analyses techniques. Je ne rentrerai pas dans les détails, bien que la question de la hiérarchisation des voeux ait entraîné de multiples débats. Ce que montrent les données, que j’ai partagées avec les experts du comité éthique et scientifique de Parcoursup ainsi qu’avec le comité de suivi de la loi ORE, c’est que Parcoursup avait effectivement convergé à la fin du mois de juillet.
Hiérarchiser les voeux quelques jours auparavant ou juste après les résultats du baccalauréat n’aurait donc que des effets marginaux sur les délais de la procédure.
La réalité, c’est qu’à l’issue du mois de juillet, le plus grand nombre a d’ores et déjà trouvé sa place dans l’enseignement supérieur. A partir du mois d’août s’ouvre dès lors une nouvelle phase de la procédure, qui doit répondre à deux impératifs : d’une part, garantir que les places libérées par les 25 000 candidats qui sortent de la procédure durant le mois d’août ne seront
pas perdues ; d’autre part, accompagner les futurs étudiants qui ne sont pas encore inscrits dans l’enseignement supérieur.
Je veux y insister. Le débat sur la plateforme fait parfois perdre de vue une réalité simple, mais essentielle : avec Parcoursup, nous avons fait le choix d’accompagner les candidats qui ne peuvent être affectés par aucune plateforme nationale. Ce sont ceux qui n’ont candidaté que dans des filières sélectives, sans avoir aucune réponse positive et plus largement, tous ceux qui, parce que leurs voeux sont concentrés sur un seul territoire ou une seule filière, parfois en fort décalage avec leur parcours antérieur, se trouvent en situation difficile.
Ce sont ces futurs étudiants qui, pour la première fois cette année, ont été accompagnés un par un par les CAES. C’est un travail dans la dentelle. Il a été accompli de manière absolument remarquable par les rectorats, les universités et les lycées et je veux dire toute ma
reconnaissance à ceux qui ont oeuvré durant l’été pour trouver des solutions à ces candidats.
Pour en terminer avec la question du calendrier, j’ai entendu certaines voix s’élever pour proposer de réduire les délais de réponse laissés au candidat, notamment au début de la procédure. Pour l’heure, il n’y a pas encore de consensus sur ce sujet : je continuerai donc à travailler avec l’ensemble des acteurs sur ce point d’ici les vacances de la Toussaint et la publication du calendrier de la procédure Parcoursup 2019.
Restaurer l’égalité : les trois chantiers de 2018-2019
Vous l’avez compris, Mesdames et Messieurs : les vraies marges de progression, ce n’est pas dans la plateforme qu’elles se trouvent. Parcoursup n’est pas la cause, mais le révélateur des inégalités qu’elle permet justement de combattre.
Et c’est pourquoi, après avoir redonné une vraie liberté de choix aux candidats en 2018, je souhaite qu’en 2019, nous puissions renforcer encore l’égalité entre les futurs étudiants.
Egalité face à l’information, tout d’abord : la première vertu de Parcoursup, c’est d’avoir mis à la disposition de tous les futurs étudiants les mêmes informations et d’en avoir considérablement augmenté le nombre et la richesse. Mais nous devons aller plus loin.
Je l’ai constaté tout au long des dernières semaines : tous les étudiants ne sont pas également armés pour s’orienter dans le maquis des formations, identifier celles qui correspondent effectivement à leur projet et repérer l’offre existante à proximité. Et cette difficulté d’accès à l’information n’est pas pour rien dans le nombre de places vacantes, année après année, en fin de procédure, y compris dans des formations très demandées à l’échelle nationale.
Je souhaite que nous puissions avancer sur ce plan, à la fois dans le travail d’accompagnement à l’orientation et en tirant le plein parti du potentiel de la plateforme, qui doit permettre aux étudiants de naviguer de manière plus simple et plus intuitive dans l’offre de formation.
Restaurer l’égalité face à l’information, c’est aussi apporter de la clarté dans une offre de formation qui ne cesse de s’étoffer et où il devient toujours plus difficile de se retrouver parmi les cursus, publics ou privés, les diplômes et les différents types de reconnaissance ou de labels délivrés par l’Etat ou par des tiers.
Ce chantier, je souhaite que nous puissions l’ouvrir dans l’année qui vient, afin de préparer l’entrée sur la plateforme en 2019 et 2020 de toutes les formations disposant d’une forme de reconnaissance par l’Etat. Il m’est intolérable d’imaginer que certaines familles se serrent la
ceinture pour financer une formation douteuse conduisant à un diplôme sans grande valeur, alors même que des cursus de qualité existent, publics ou privés.
Il me semble que nous devons à tout le moins être capables de rendre facilement identifiables les formations reconnues par l’Etat ou dispensées par un établissement solide et crédible.
Deuxième chantier : élargir le champ des possibles en restaurant l’égalité face à la mobilité.
Là aussi, Parcoursup a mis en lumière la puissance des déterminants sociauàx et territoriaux. J’ai en tête la situation d’un bachelier bordelais à qui la CAES proposait de suivre la formation qu’il souhaitait non pas à Bordeaux, mais à Pau, où des places étaient encore vacantes, en lui proposant de bénéficier d’une place en résidence universitaire et d’une aide à la mobilité. Ce bachelier ne se sentait pourtant pas de sauter le pas.
Ce n’est pas un cas isolé : quitter sa ville, quitter son environnement familial, c’est un pas que tous les bacheliers ne sont pas préparés à franchir. La mobilité se prépare, s’anticipe, se construit. L’objectif, c’est qu’elle puisse devenir une possibilité pour tous : non pas parce
qu’il faudrait nécessairement étudier loin de chez soi, mais parce qu’aucun étudiant ne doit se sentir enfermé dans son territoire. L’inégalité de destin qu’évoquait le Président de la République il y a quelques jours, se joue bien souvent là.
Suivre des études supérieures, y compris loin de chez soi, c’est une étape cruciale dans un chemin d’émancipation et de construction de soi. C’est pourquoi je ferai de l’accompagnement à la mobilité une priorité cardinale de l’année 2018-2019. Un fonds pour la mobilité étudiante sera mis en place, afin de mettre en place et de financer, avec les collectivités territoriales, et notamment avec les régions, les agglomérations et les villes universitaires, des actions très concrètes pour faciliter sur tous les plans la mobilité : logement, transport, accès aux formations.
Ce fonds sera notamment abondé par les crédits précédemment employés par l’ARPE, à laquelle succède la généralisation de la Garantie jeunes annoncée par le Président de la République.
Ce travail de fond autour de la mobilité étudiante sera conforté par la démarche que nous avons lancée avec Jacques Mézard et Julien Denormandie dans le cadre du plan 60 000, démarche au sein desquelles les CROUS tiendront naturellement toute leur place.
Troisième chantier : garantir l’égalité d’accès aux filières courtes professionnalisantes, qui sont plébiscitées par les futurs étudiants. Là aussi, nous devons tirer les leçons de cette première procédure Parcoursup, qui a mis en évidence leur attractivité. Or nous le savons, ce succès des BTS et des DUT a notamment eu pour effet, au cours des années passées, à rendre plus difficile l’accès des bacheliers professionnels et technologiques à ces formations.
Je le disais il y a quelques minutes, les quotas obligatoires introduits par la loi ORE ont permis d’améliorer très nettement la situation. Mais l’ampleur de la demande est telle que nous devons entendre ce qu’elle exprime : c’est-à-dire à la fois une envie forte de professionnalisation dès le début des études supérieures et le souci qu’ont les bacheliers professionnels et technologiques de rejoindre des cursus qui sont de vraies voies de réussite pour eux.
Ce chantier suppose tout d’abord d’engager la généralisation de l’expérimentation qui a permis, au cours des deux dernières années, de favoriser l’accès des bacheliers professionnels aux STS sur la base de l’avis du conseil de classe. Ce sera le cas et avec Jean-Michel Blanquer, nous souhaitons que cela soit l’occasion d’intégrer au dispositif les classes passerelles, qui permettent aux étudiants de se préparer et qui sont des tremplins vers la réussite en BTS.
Au-delà de la question des BTS, je souhaite que nous puissions travailler, avec les universités et les IUT sur l’offre de formations professionnalisantes, afin de proposer de nouveaux parcours d’une, deux ou trois années qui offrent des possibilités nouvelles à des étudiants aux profils différents. Dès le 18 octobre, je réunirai l’ensemble des acteurs concernés, afin de lancer ce chantier.
Ce chantier, je le conduirai également en lien étroit avec les collectivités territoriales, notamment en Ile-de-France, où les besoins sont particulièrement importants.
Il nous faudra également, c’est l’évidence, conforter la place particulière qu’occupe l’apprentissage dans l’enseignement supérieur. Avec Muriel Pénicaud et Jean-Michel Blanquer, nous avons franchi une première étape décisive avec la loi Liberté de choisir son avenir professionnel. Il nous faut à présent la mettre en oeuvre rapidement.
Cette année encore, nous avons constaté que les futurs étudiants plébiscitent l’apprentissage. Les chiffres Parcoursup 2018 sont là pour en témoigner. Mais là aussi, ce désir d’apprentissage se heurte à la difficulté qu’ont encore trop souvent les candidats acceptés dans une formation à trouver un contrat. Et ce, alors même que les entreprises, sont à la recherche d’apprentis.
Nous devons faire mieux. Mieux pour rapprocher l’offre et la demande d’apprentissage, bien sûr. Et mieux aussi pour intégrer plus efficacement encore les formations en apprentissage dans une plateforme et une procédure qui n’avaient pas originellement été pensées pour elles.
Garantir la confiance dans l’équité du système
Tout au long des mois qui viennent, dans le prolongement de la loi ORE, je veux donc replacer l’égalité au coeur de nos politiques d’enseignement supérieur. Mais si nous voulons restaurer l’égalité réelle des chances, si nous voulons redonner leur rôle émancipateur aux études supérieures, nous devons d’abord restaurer la confiance dans l’équité et l’ouverture de notre système d’enseignement supérieur.
Cette confiance passe par des gestes forts et des garanties concrètes. Au-delà des démarches purement politiciennes, les inquiétudes qui se sont exprimées, dans certains territoires, lors de premières semaines de la procédure Parcoursup traduisent aussi la crainte que les destins individuels puissent être scellés. Bien que le constat que nous tirons aujourd’hui montre le contraire, nous devons entendre ce sentiment, cette appréhension. Nous ne pouvons pas laisser une partie de la jeunesse penser qu’elle pourrait être laissée de côté. Nous devons lui montrer qu’elle peut nous faire confiance.
C’est pourquoi, face aux craintes de discriminations dans l’accès à l’enseignement supérieur, je suis prête à travailler à l’anonymisation des dossiers analysés dans le cadre de la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur. C’est un engagement fort qui représente à mon sens la façon de préserver le lien de confiance entre les jeunes et l’enseignement supérieur. Il nous faut bien sûr placer précisément le curseur et j’y travaillerai avec l’ensemble des acteurs concernés.
Le PLF 2019 : préparer l’avenir
Pour mener à bien l’ensemble de ces chantiers, notre enseignement supérieur disposera, en 2019, de moyens qui seront encore renforcés. Au total, le budget de mon ministère progressera de 549M€. Sur deux ans, la hausse globale atteint 1,3Md€, soit une augmentation de 5,3%. La priorité donnée à l’éducation et à la préparation de l’avenir est donc confirmée pour la deuxième année d’affilée.
Vous le savez, en présentant le plan Etudiants, nous avions, avec le Premier ministre, pris l’engagement de lui consacrer un milliard d’euros sur le quinquennat. Eh bien nous tenons ces engagements.
Sur les 500 millions d’euros alloués en crédits budgétaires, une enveloppe de 123 millions d’euros sera consacrée en 2019 à la mise en oeuvre du plan Etudiants, qui permettra de poursuivre le financement de nouvelles places dans l’enseignement supérieur, d’accentuer l’effort de recrutement d’enseignants-chercheurs et de personnels pour mieux les accueillir et les accompagner et d’intensifier la reconnaissance de l’engagement pédagogique dans l’enseignement supérieur.
Vous le savez, les universités étant autonomes, l’Etat n’est pas en mesure de créer directement des emplois dans les établissements. Pour autant, les financements alloués en 2018 et 2019 pour la création de places supplémentaires représentent, à eux seuls, 800 nouveaux emplois. Il n’y aura donc pas de suppression de postes dans l’enseignement supérieur, bien au contraire.
A ces 500 millions d’euros de crédits budgétaires viennent s’ajouter 450 millions d’euros issus du grand plan d’investissement. Là aussi, les engagements pris seront tenus : d’ores et déjà, 325 millions d’euros ont été libérés au titre des deux appels à projet Nouveaux cursus à l’université, qui se mettent en place dans les établissements.
Enfin, viennent s’ajouter à ces différentes sommes les 100 millions d’euros issus de la contribution vie étudiante et de campus, qui vont permettre de renforcer les actions de prévention et de soins des étudiants dans les établissements d’enseignement supérieur et qui soutiendront également l’accès à la culture et à la pratique sportive.
Un mot également du budget de la recherche : il progressera de 2,5% l’année prochaine. Sur deux ans, la hausse atteindra même 8%. Là aussi, cela traduit une conviction simple : nous devons investir pour préparer l’avenir.
Préparer l’avenir, c’est d’abord repousser les limites de la connaissance. Vous le savez, je me refuse à opposer la recherche dite « de base » et la recherche appliquée. L’une ne va pas sans l’autre et les plus grandes innovations ont été rendues possibles par des révolutions scientifiques dont le seul moteur était l’avancée du savoir.
Et de même, il n’y a aucun sens à opposer la recherche sur projet et le financement de base. Les deux ont leur place, leurs vertus et leurs limites. Un système de recherche qui se passerait de l’une ou de l’autre serait tout simplement boiteux.
C’est pourquoi, en 2019 comme en 2018, j’ai souhaité abonder de 25M€ les crédits de base des laboratoires, ceux qui leur permettent de construire leur politique scientifique. Et dans le même temps, nous poursuivrons la remise à niveau des crédits de l’ANR, afin de tourner définitivement de taux de sélectivité tels qu’ils avaient fini par détourner les chercheurs des appels à projets de l’agence. En 2019, les autorisations d’engagement dont disposent l’ANR et qui traduisent la tendance de moyen terme progresseront de 33M€, soit, sur deux ans, une hausse de 9,3%.
Quant aux très grandes infrastructures de recherche, qui sont indispensables à certaines disciplines, largement représentées sur le plateau de Saclay, elles verront les crédits qui leur sont consacrés augmenter de 3,5%.
Ce sont là les signes concrets d’un véritable engagement au service de notre recherche, une recherche qui est forte de nos grands organismes et du partenariat qu’ils ont su noués avec nos établissements d’enseignement supérieur.
Et de nombreux autres chantiers
Je ne voudrais pas arriver au terme de cette intervention, sans évoquer, même rapidement, certains des autres chantiers de l’année. Je suis bien entendu prête à préciser les choses lorsque je répondrai à vos questions.
Je pense notamment à la réforme des formations en santé. En l’espace d’un an, avec Agnès Buzyn et l’ensemble des acteurs, c’est une vraie révolution qui s’est engagée, autour de trois piliers : l’ancrage dans l’université, tout d’abord, mais également la modernisation des cursus et des pédagogies et une plus grande attention accordée au bien-être des étudiants.
Qu’il s’agisse de l’admission dans les IFSI, de la suppression des ECN, de la réforme du troisième cycle d’études médicales ou tout récemment encore, de la suppression du numerus clausus, ces réformes dessinent un portrait cohérent : celui d’études de santé qui entrent dans le XXIe siècle et qui se libèrent de traditions devenues pesantes au fil des années.
Il nous faut à présent aller jusqu’au bout de ce mouvement et je réunirai, dès le 12 octobre, l’ensemble des parties prenantes pour engager le travail qui conduira à la rédaction du projet de loi supprimant le numerus clausus et qui définira le nouveau cadre de formation des futurs médecins en premier cycle.
Je pense également à la réforme de la formation des enseignants, que nous allons engager avec Jean-Michel Blanquer. Au cours des derniers mois, j’ai échangé avec l’ensemble des parties prenantes. Partout, j’ai entendu une réelle insatisfaction et parfois une grande frustration. Nous devons y répondre.
La solution, ce n’est pas un énième « big-bang » institutionnel. C’est aller jusqu’au bout de la démarche engagée en 2013, qui est restée au milieu du gué. Il faut clarifier et affirmer le rôle de chacun : le rôle du ministère de l’éducation nationale, qui doit pouvoir exprimer clairement ses besoins et ses attentes ; le rôle des universités, qui sont le lieu naturel de formation des enseignants. C’est ce partenariat qu’il nous faut construire.
Je souhaite que les ESPE puissent devenir de vraies écoles professionnelles dans les universités. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, il y a eu trop de débats artificiels. Bien former les enseignants ne suppose pas de choisir entre la pratique et la théorie, entre les enseignements fondamentaux et la pédagogique, entre le lien avec la recherche et le lien avec la pratique. Il doit y avoir tout cela dans les ESPE, qui doivent être des lieux ouverts et vivants.
Dans les semaines qui viennent, nous ferons donc des propositions pour avancer sur le sujet.
Je pense enfin à la politique de site et à l’avant-projet d’ordonnance qui va lancer l’expérimentation de nouvelles formes d’organisation des regroupements. L’objectif, une fois encore est de permettre à chaque site de pouvoir trouver sa signature et de choisir l’organisation qui correspond à son projet – et non l’inverse.
Je sais que la démarche expérimentale éveille des inquiétudes. Il est vrai que nous ne sommes pas habitués, en France, à recourir à l’expérimentation. Mais nous le voyons, cela fait 10 ans que nous sommes prisonniers d’une contradiction : nous demandons aux universités d’affirmer leur singularité à l’échelle de chaque site et nous leur proposons de le faire dans des cadres totalement uniformes. Cela ne peut pas fonctionner, c’est l’évidence.
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Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, les chantiers sont nombreux. Je les aborde avec le souci du dialogue et une détermination totale.
Dans le monde académique plus encore qu’ailleurs, le dialogue est nécessaire, car les décisions qui tombent d’en haut sont vouées à rester lettre morte. C’est pourquoi j’ai fait de la concertation ma marque de fabrique : aucun chantier n’est piloté en vase clos, bien au contraire.
Et j’en suis convaincue, c’est ce dialogue permanent qui nous a permis de mener à bien des transformations aussi profondes dans un calendrier aussi contraint. Rarement, j’en suis sûre, le ministère aura eu autant à coeur d’échanger, semaine après semaine, avec les établissements, les enseignants-chercheurs, les doyens, les responsables pédagogiques et bien sûr avec les organisations syndicales, pour consulter, écouter et expliquer.
C’est vrai pour la loi ORE. C’est vrai aussi pour l’arrêté Licence ou pour la réforme des formations en santé.
Ce dialogue permanent n’enlève rien à ma détermination, bien au contraire : il me permet de prendre mes responsabilités chaque fois que nécessaire, de trancher et de donner les impulsions nécessaires. Face à l’ampleur des défis qui s’offrent à nous, nous avons l’obligation d’avancer et de le faire ensemble.
C’est ce que nous avons fait tout au long de l’année dernière. Et c’est ce que nous allons faire dans l’année qui vient.
Je vous propose maintenant de répondre à vos questions.