Un peu de contexte
Selon le modèle systémique de l'entraînement, formalisé par les chercheurs Eric Banister et John Fitz-Clarke en 1993, la performance physique dépend de la différence entre les niveaux de forme et de fatigue.
Afin de programmer une performance maximale durant une saison sportive, il est nécessaire de minimiser le niveau de fatigue tout en maintenant la forme physique. Pour cela, les entraîneurs réduisent souvent la charge d'entraînement avant un événement majeur, mais cela doit être adapté à chaque individu en fonction de leur niveau de fatigue, tout en prenant garde au risque de « désentraînement », préjudiciable à la performance.
Dans ce contexte, d'autres pistes visant à réduire la charge d'entraînement sont envisagées. Celle qui a le plus attiré l'attention des scientifiques et des techniciens au cours des quinze dernières années est l'optimisation de la période qui suit une séance d'entraînement, également appelée période de récupération.
De nombreuses techniques ont été proposées pour raccourcir cette période et accélérer la préparation à la compétition, dont des techniques d'exposition au froid susceptibles d’améliorer la qualité et la quantité de sommeil.
Cependant, certains athlètes présentent des troubles du sommeil, ce qui peut être préjudiciable à leur performance. Il est donc important d'identifier les meilleures méthodes pour améliorer le sommeil des athlètes d'élite, en particulier avant les grandes compétitions.
Le projet D-Day vise à optimiser les trois semaines précédant les Jeux olympiques puis les Jeux paralympiques de Paris 2024, afin de permettre aux nageurs de l'équipe de France d'atteindre leur pic de performance lors de la compétition.
Le programme D-Day
Afin de diminuer le niveau de fatigue sans modifier la condition physique des sportifs, le programme D-Day est articulé autour de trois étapes.
Estimer le niveau de fatigue cumulée
Afin de prévenir les troubles du sommeil, les chercheurs du programme ont dans un premier temps veillé à évaluer la qualité de sommeil des nageurs, en administrant des questionnaires, mais aussi en utilisant des outils et des méthodes connus dans la médecine du sommeil.
Par exemple, les nageurs ont porté des accéléromètres au poignet au moment du coucher, afin d'aider les chercheurs à identifier les mouvements effectués par les athlètes pendant leur sommeil. Autre outil bien connu : des capteurs fixés sur le front pour enregistrer l'activité cérébrale pendant la nuit.
Valider des méthodes de diminution du niveau de fatigue
Le programme a eu notamment recours à la cryostimulation, qui consiste à soumettre les nageurs à des projections d'air froid, à - 110 degrés, et cela pendant trois minutes après chaque entraînement.
Les nageurs ont constaté :
- une amélioration de la durée du sommeil ;
- une amélioration de la qualité de régénération ;
- un endormissement plus rapide ;
- un sommeil plus réparateur.
Accompagner les athlètes vers une routine de récupération adaptée
Il s'agit de tirer parti des étapes précédentes et de l'expérience accumulée avec chaque mesure et chaque athlète pour individualiser la réponse apportée à leur situation, adapter la routine de récupération pour optimiser les performances de chaque nageur. Les améliorations de la performance constatées sont de 2 % ; un chiffre élevé dans un sport où la différence de performance entre une cinquième et une quatrième place en compétition est de l'ordre de 0,1 % à 0,3 %.
Pour chaque sportif, le programme s'appuie sur trois axes pour personnaliser la routine de récupération :
- le profil biomécanique (notamment via la mesure de la force du nageur en situation de nage attachée) ;
- le profil physiologique (en évaluant la fréquence cardiaque, par exemple) ;
- le profil psychologique (état d'esprit de l'athlète, bien-être, qualité du sommeil)
Doté d'un budget de 1,4 million d'euros, ce programme a bénéficié d'un financement de l’État dans le cadre du Programme prioritaire de recherche « Sport de très haute performance ».
Ce projet est porté par l'Université de Poitiers et associe la Fédération Française de Natation.
Le consortium académique est composé par ailleurs de l'Insep, de l'Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) et du CNRS (Centre Poitou Charentes).
En outre, des partenaires appuient le projet : le Centre de ressources d’expertise et de performance sportive (CREPS) et l'entreprise Aurore Concept.