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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanctions disciplinaires

nor : ESRS1700034S

Décision du 23-5-2017

MESRI - CNESER

Affaire : Monsieur XXX, Maître de conférences, né le 25 septembre 1960

Dossier enregistré sous le n° 750

Appel formé par Monsieur XXX, d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Paris 4 ;

Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;

Étant présents :

Professeur des Universités ou personnel assimilé :

Madame Camille Broyelle, présidente suppléante, le président étant empêché

Parisa Ghodous

Alain Bretto

Jean-Yves Puyo

Maître de conférences ou personnel assimilé :

Marie Jo Bellosta, rapporteure

Christine Duprat

Thierry Côme

Jean-Marc Lehu

Vu le code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-3, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;

Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;

Vu la décision prise à l'encontre de Monsieur XXX, le 21 mai 2010, par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Paris 4, prononçant la révocation, accompagnée d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé.

Vu l'appel formé le 7 juillet 2010 par Monsieur XXX, de la décision prise à son encontre par la section disciplinaire de l'établissement ;

Vu la décision du Cneser statuant en matière disciplinaire des 11 et 12 juillet 2012 confirmant la décision rendue le 21 mai 2010 par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Paris 4 ;

Vu la décision du Conseil d'État du 8 juin 2015 annulant la décision du Cneser statuant en matière disciplinaire rendue le 12 juillet 2012 et renvoyant l'affaire devant le Cneser statuant en matière disciplinaire ;

Vu ensemble les pièces du dossier ;

Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2017 ;

Monsieur le recteur de l'académie de Nice ou son représentant, ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 29 mars 2017 ;

Monsieur XXX et ses conseils Maîtres Arnaud Lucien et Lionel Moroni, étant présents ;

Monsieur le recteur de l'académie de Nice ou son représentant étant absent ;

Après lecture, en audience publique, du rapport d'instruction établi par Marie-Jo Bellosta ;

Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications de la partie présente à l'audience, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;

Après que ces personnes et le public se sont retirés ;

Après en avoir délibéré

Sur le contexte litigieux :

Considérant que, à la suite d'une plainte contre X déposée le 10 janvier 2009 par Monsieur YYY, maître de conférences à l'Institut d'administration des entreprises (IAE), composante de l'Université du Sud, Toulon Var (USVT), auprès du procureur de la République, relative à un prétendu trafic de diplômes au sein de l'université, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a saisi, le 14 avril 2009, l'inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) d'une demande de contrôle des modalités l'obtention de leur diplôme par les étudiants étrangers, notamment chinois, au sein de l'USTV ; que dans un rapport n° 2009-075 remis en septembre 2009, l'IGAENR conclut que s'il est impossible d'établir de façon formelle des irrégularités dans la délivrance des diplômes, se produisent de graves irrégularités dans les inscriptions d'étudiants étrangers, de nationalité chinoise principalement ; que le même rapport indique que ces inscriptions ont été officiellement effectuées au terme d'une procédure centralisée, confiée à une commission centralisée de validation des études supérieures, créée par décision du 10 juillet 2007 du président de l'université, Monsieur XXX, commission supposée fonctionner parallèlement aux commissions de validation propres aux différentes composantes de l'université ; que selon le même rapport, la composition de cette commission est irrégulière, notamment en raison de la présidence assurée par Monsieur XXX, maître de conférences, qui méconnaît les dispositions de l'article 8 du décret n° 85-906 du décret du 23 août 1985 ; que le rapport mentionne également que la commission centralisée ne s'est jamais réunie et que les décisions d'inscription étaient directement prises par le président de l'université, Monsieur XXX ; que selon le rapport de l'IGAENR, Monsieur XXX a été alerté par les services de l'université de ces irrégularités, notamment par Monsieur ZZZ, responsable du service des validations des études supérieures ; que le rapport de l'IGAENR souligne que cette procédure a donné lieu à des inscriptions irrégulières d'étudiants étrangers, ces étudiants ne présentant pas, pour certains d'entre eux, les conditions requises ; que selon une note adressée le 27 avril 2009 à l'IGAENR par Madame AAA, maître de conférences associée affectée à l'IAE, ces inscriptions ont conduit entre les mois d'octobre 2008 et fin novembre 2008 à un afflux massif au sein de l'IAE d'étudiants chinois ne parlant pas le français ; que le rapport de l'IGAENR souligne également que Monsieur XXX avait été informé en décembre 2008, par Monsieur YYY, de l'existence de fraudes et de corruptions ; que le rapport relève que Monsieur XXX avait été informé, en janvier et février 2009, par Madame AAA et par Monsieur BBB, directeur de l'IAE de tentatives de corruption dont ils avaient fait l'objet, notamment pour l'obtention par des étudiants chinois de diplômes ; que le rapport pointe la responsabilité du président et de l'équipe présidentielle de l'université dans ces irrégularités et dysfonctionnements ;

Considérant qu'à la suite de ce premier rapport, le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a déclaré, le 8 septembre 2009, vouloir engager des procédures disciplinaires à l'encontre du président de l'université ; qu'à la suite d'incidents consécutifs à cette déclaration, le ministre a de nouveau saisi l'IGAENR, le 29 septembre 2009, afin qu'elle diligente une nouvelle enquête ; que celle-ci a donné lieu à une note n° 2009-090 d'octobre 2009 de l'IGAENR selon laquelle le retrait d'emploi de Madame CCC, secrétaire générale de l'université, demandé au ministre le 1er septembre 2009 par Monsieur XXX et le retrait des fonctions de Monsieur ZZZ décidé le 17 septembre 2009 par Monsieur XXX constitueraient des mesures de rétorsions prises en raison des déclarations faites par lesdites personnes auprès de la mission d'inspection de l'IGAENR, indiquant que le président avait personnellement décidé des inscriptions frauduleuses d'étudiants étrangers ; que la note fait également état de pressions exercées par Monsieur XXX sur Monsieur ZZZ, au cours de l'été 2009, afin que Monsieur ZZZ fournisse aux agents de l'IGAENR une version des faits validés par le président et qu'il taise certains éléments ; que la note, enfin, fait état d'une enquête sur pièces et sur place diligentée par le président de l'université, dans les locaux de l'IAE, les 24 et 25 septembre 2009, à la suite de plaintes d'étudiants chinois relatives, entre autres, à des retards dans l'affichage des notes, enquête sur pièces et sur place destinée en réalité, selon l'IGAENR, à jeter publiquement, en présence de journalistes de la presse écrite et de la télévision, le discrédit sur l'IAE et à reporter sur l'IAE la mauvaise gestion des étudiants étrangers qui avaient été inscrits auprès de l'Institut (138 étudiants de nationalité chinoise inscrits en supplément à la rentrée 2008, indique le rapport du mois d'octobre 2009) ;

Sur la procédure antérieure :

Considérant qu'à la suite de ces deux rapports, le recteur de l'académie de Nice a saisi, par courriers des 12 et 20 octobre 2009, la section disciplinaire de l'université de Toulon de poursuites dirigées contre Monsieur XXX, maître de conférences et président de l'université, contre Monsieur DDD, maître de conférences et vice-président du Conseil d'administration de l'université, ainsi que contre Monsieur EEE, professeur d'université, vice-président du Conseil des études et de la vie universitaire (CEVU) de l'université ; qu'il est reproché à Monsieur XXX d'avoir institué une commission centralisée de validation, irrégulièrement composée et destinée à fonctionner parallèlement aux commissions propres aux composantes de l'université, en méconnaissance du décret du 23 août 1985 ; d'avoir attesté, par un document du 17 novembre 2008, que la commission s'était réunie alors qu'elle ne l'avait jamais fait ; d'avoir admis l'inscription de nombreux étudiants étrangers ne remplissant pas les conditions requises ; d'avoir exercé des pressions sur les enseignants chercheurs et personnels de l'université pour les dissuader d'apporter leur concours aux inspecteurs de l'IGAENR et de les avoir écartés de leurs fonctions, ou tenté de le faire, en représailles de leur collaboration avec ces inspecteurs ; et d'avoir orchestré publiquement, les 24 et 25 septembre 2009, un incident au sein de l'IAE ;

Considérant que le 17 novembre 2009, statuant sur demande du recteur de l'académie de Nice adressée le 20 octobre 2009, le Cneser statuant en matière disciplinaire a renvoyé le jugement de l'affaire à la section disciplinaire de l'Université Paris 4, pour cause de suspicion légitime ;

Considérant que par décision du 21 mai 2010, la section disciplinaire de l'université Paris 4 a prononcé à l'encontre de Monsieur XXX la révocation assortie d'une interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ; que le 7 juillet 2010, Monsieur XXX a interjeté appel de ce jugement devant le Cneser statuant en matière disciplinaire ; qu'en appel, le recteur a demandé le maintien de la sanction et a avancé d'autres motifs de sanction, l'un tenant aux recrutements irréguliers d'agents contractuels, par la conclusion de contrats d'Ater au bénéficie de Mesdames FFF, GGG, HHH et III, l'autre à l'absence de poursuites disciplinaires et de signalement de faits de tentatives de corruption dont Monsieur XXX avait été informé ; que par décision du 12 juillet 2012, le Cneser statuant en matière disciplinaire, confirmant la sanction prononcée en première instance, a rejeté l'appel, décision contre laquelle Monsieur XXX a formé un pourvoi en cassation, auquel le Conseil d'État a fait droit par décision du 8 juin 2015 en raison d'une irrégularité procédurale devant le juge d'appel ;

Considérant que parallèlement à la procédure disciplinaire, les poursuites pénales ont conduit à une condamnation prononcée par le tribunal correctionnel de Marseille, le 24 février 2016, contre Monsieur XXX, le sanctionnant d'une peine de deux années d'emprisonnement dont une année assortie du sursis simple, et au paiement d'une amende de 10 000 euros, pour avoir sollicité ou agréé des relations intimes ou avantages financiers de la part de ressortissants chinois pour accorder des autorisations d'inscriptions d'étudiants chinois ou remettre des attestations de pré-inscriptions en vue de l'obtention de visas, pour détournement de fonds publics entre 2008 et 2009 en faisant bénéficier Madame GGG des rémunérations liées à un contrat d'attaché temporaire d'enseignement et de recherche (Ater) alors que l'intéressée ne présentait pas les conditions requises pour bénéficier d'un tel contrat et n'a effectué aucune prestation en contrepartie, pour avoir établi une attestation, le 17 novembre 2008, indiquant que la commission centralisée de validation s'était réunie et avait délibéré, faits matériellement inexacts, la commission ne s'étant jamais réunie ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a, dans un arrêt du 14 décembre 2016, définitif et irrévocable, condamné Monsieur XXX à deux années d'emprisonnement assorties du sursis simple et de 20 000 euros d'amendes ; que la cour d'appel d'Aix-en-Provence a confirmé le jugement de première instance en ce qu'il a déclaré Monsieur XXX coupable de détournement de fonds publics résultant du contrat d'Ater illégalement accordé à Madame GGG et de d'établissement d'attestation de faits matériellement inexacts, la commission centralisée de validation ne s'étant jamais réunie, contrairement au document signé par Monsieur XXX datant du 17 novembre 2008, la cour relevant que les 438 dossiers d'étudiants étrangers prétendument examinés par la commission au cours de l'année universitaire 2008-2009 ayant été traités par Monsieur XXX et les 395 réponses positives décidées par lui, Monsieur XXX ayant ordonné à Monsieur JJJ, agent de catégorie C, la délivrance de décisions d'admission ; qu'en revanche, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a réformé le jugement en tant qu'il avait déclaré Monsieur XXX coupable de corruption passive ;

Sur le fond du litige :

Considérant que l'arrêt définitif et, au surplus irrévocable de la cour d'appel de Aix-en-Provence est revêtu de l'autorité de la chose jugée ; qu'il ressort des constatations de fait qui sont le support nécessaire du dispositif de cet arrêt et s'imposent au juge administratif que Monsieur XXX a établi une attestation de faits matériellement inexacts, la commission centralisée n'ayant jamais fonctionné collégialement ; qu'il ressort également des constatations opérées par la cour d'appel de Aix-en-Provence que Monsieur XXX a fait bénéficier Madame GGG d'un contrat d'Ater alors qu'elle ne remplissait pas les conditions requises et qu'elle n'a effectué aucune prestation en contrepartie ; que ces faits sont constitutifs de fautes disciplinaires ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des témoignages effectués auprès de l'IGAENR, que les inscriptions litigieuses ont été décidées par Monsieur XXX en personne et non pas à l'initiative de membres de la commission centralisée, comme l'affirme Monsieur XXX ; que ces faits constituent une faute disciplinaire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des SMS envoyés par Monsieur XXX au cours de l'été 2009 à Monsieur ZZZ, que Monsieur XXX a exercé des pressions sur Monsieur ZZZ afin qu'il cache aux inspecteurs de l'IGAENR les modalités d'inscription des étudiants étrangers mises en place par Monsieur XXX ; que ces faits, tendant à faire obstruction à la mission de l'IGAENR, constituent une faute disciplinaire ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement aux affirmations de Monsieur XXX lors de l'audience publique de la formation de jugement du 23 mai 2017, la demande de retrait de fonction, concernant Madame CCC adressée au ministre le 1er septembre 2009, et la décision, en date du 17 septembre 2009, de retirer à Monsieur ZZZ ses fonctions de directeur du service des validations des études supérieures ont été prises en représailles aux déclarations faites par ces derniers auprès des agents de l'IGAENR ; que ces faits, imputables à Monsieur XXX, constituent des fautes disciplinaires ;

Considérant, au surplus, que l'enquête sur pièces et sur place diligentée dans les locaux de l'IAE, à l'initiative de la présidence de l'université, les 24 et 25 septembre 2009, en présence de journalistes, dont Monsieur XXX ne pouvait ignorer le caractère inutile, et à laquelle il a donné son accord, comme il l'a déclaré à l'audience de la formation de jugement du 23 mai 2017, a jeté le discrédit sur l'IAE ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, si l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé prononcée par la section disciplinaire de l'université Paris 4 est excessive, les fautes commises par Monsieur XXX ayant été commises en sa qualité de président d'université, eu égard à la gravité et au nombre de fautes commises à ce titre, il y a lieu de prononcer la révocation de Monsieur XXX ;

Par ces motifs

Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,

Décide

Article 1 - La décision rendue le 21 mai 2010 par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Paris 4 prononçant à l'encontre de Monsieur XXX la révocation, avec, à titre accessoire, interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, est annulée ;

Article 2 - La sanction de révocation est prononcée à l'encontre de Monsieur XXX ;

Article 3 - Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à Monsieur le recteur de l'académie de Nice, à Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à Monsieur le président de l'université Paris 4.

Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 23 mai 2017 à 12h30 à l'issue du délibéré.

La secrétaire de séance                                                        

Parisa Ghodous                                                                    

La présidente
Camille Broyelle

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