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Bulletin officiel
Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanctions disciplinaires
nor : ESRS1800227S
Décisions du 18-9-2018
MESRI - CNESER
Affaire : monsieur XXX, maître de conférences, né le 5 avril 1965
Dossier enregistré sous le n° 1167
Appel formé par monsieur le président de l'université des Antilles, d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Toulouse 1 Capitole et appel incident formé par monsieur XXX ;
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeur des universités ou personnel assimilé :
Madame Camille Broyelle, vice-présidente, présidente de la séance, le président étant empêché
Parisa Ghodous
Jean-Yves Puyo
Maître de conférences ou personnel assimilé :
Marie Jo Bellosta, rapporteur
Anne Roger
Marc Boninchi
Thierry Côme
Étant absents :
Mustapha Zidi
Alain Bretto
Jean-Marc Lehu
Vu le Code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-3, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime au profit de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole, prononcée par le Cneser statuant en matière disciplinaire le 14 octobre 2014 ;
Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, le 11 juin 2015, par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Toulouse 1 Capitole, prononçant un blâme, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Vu l'appel formé le 18 juin 2015 par monsieur le président de l'université des Antilles, de la décision prise à l'encontre de monsieur XXX par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole ;
Vu l'appel incident formé le 23 novembre 2015 par monsieur XXX ;
Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, le 8 juin 2016, par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire prononçant la sanction d'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de deux ans, assortie de la privation de la totalité du traitement ;
Vu la décision prise le 8 novembre 2017 par le Conseil d'État annulant la décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire du 8 juin 2016 et renvoyant l'affaire audit Conseil ;
Vu la demande de récusation de Marie Jo Bellosta, membre de la commission d'instruction chargée d'instruire de nouveau le dossier, déposée le 27 avril 2018 par Maître Olivier Bureth au nom de monsieur le président de l'université des Antilles et rejetée par décision du 7 mai 2018 ;
Vu le mémoire du 2 juillet 2018 déposé par Maître Olivier Coudray au nom de monsieur XXX ;
Vu le mémoire du 2 juillet 2018 déposé par Maître Olivier Bureth au nom de monsieur le président de l'université des Antilles, ainsi que des pièces complémentaires déposées le 3 août 2018 et encore les précisions et modifications de ses précédents mémoires datées du 30 août 2018 ;
Vu la demande de récusation de Mesdames et Messieurs Camille Broyelle, Parisa Ghodous, Jean-Yves Puyo, Marc Boninchi et Thierry Côme, membres de la formation de jugement, déposée le 18 septembre 2018 à 9 h 53 en début d'audience par Maître Olivier Coudray au nom de monsieur XXX et rejetée le jour même ;
Vu ensemble les pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 août 2018 ;
Monsieur le président de l'université des Antilles ou son représentant ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 août 2018 ;
Monsieur XXX et ses conseils Maître Olivier Coudray et Maître Lionel Crusoé étant présents ;
Maître Olivier Bureth représentant monsieur le président de l'université des Antilles étant présent ;
Après lecture, en audience publique, du rapport d'instruction établi par Marie Jo Bellosta ;
Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties présentes à l'audience ;
Monsieur XXX et ses conseils Maître Olivier Coudray et Maître Lionel Crusoé ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que la présidente de l'université des Antilles et de la Guyane (ci-après « UAG ») a saisi le président de la Section disciplinaire de l'université UAG, par courrier daté 9 septembre 2014, d'une demande tendant à engager des poursuites à l'encontre de monsieur XXX, maître de conférences, doyen de l'Unité de formation et de recherche (UFR) de droit et d'économie de l'UAG, et membre du laboratoire Ceregmia, pour des fautes de nature financières, administratives et déontologiques et pour des faits de harcèlements, insultes publiques, menaces ou encore violence morale à l'encontre de la communauté universitaire, et en particulier de la présidence de l'UAG ;
Considérant que par jugement du 14 octobre 2014, le Cneser statuant en matière disciplinaire, faisant droit aux demandes de dépaysement concordantes de la présidente de l'UAG et de monsieur XXX, a décidé du renvoi de l'affaire devant la section disciplinaire de l'université Toulouse 1 Capitole ;
Considérant que par un jugement rendu le 11 juin 2015, la section disciplinaire de l'université Toulouse 1 Capitole a décidé d'infliger un blâme à monsieur XXX;
Considérant que la présidente de l'UAG a fait appel de ce jugement, par un recours introduit le 18 juin 2015 devant le Cneser statuant en matière disciplinaire, demandant dans ses dernières écritures, que soit prononcée contre monsieur XXX l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans, avec privation de la totalité du traitement ; que monsieur XXX demandant à la juridiction « de constater l'absence de toute faute pouvant être retenue à son encontre » doit être regardé comme formant un appel incident à fin d'annulation de la décision disciplinaire qui lui a été infligée ;
Considérant que le Cneser disciplinaire a prononcé, le 8 juin 2016, à l'encontre de monsieur XXX l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche pour une durée de deux ans, assortie de la privation de la totalité du traitement ;
Considérant que le 8 novembre 2017, le Conseil d'État a annulé la décision du Cneser disciplinaire ;
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, l'université réclame que soit prononcée à l'encontre de monsieur XXX une interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant deux ans, avec privation de la totalité du traitement ; que monsieur XXX réclame l'annulation de la sanction prononcée en première instance à son encontre et qu'il soit relaxé ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que par courrier en date du 26 mai 2015 adressé à la présidente de l'UAG la convoquant aux audiences de jugement des 9 et 10 juin 2015 en qualité, selon ledit courrier, de « témoin », le président de la section disciplinaire de première instance a indiqué à la présidente de l'UAG : « il ne sera en aucun cas question d'organiser un débat contradictoire devant nous qui se substituerait à la procédure habituelle disciplinaire qui permet d'entendre principalement les personnes déférées » ; qu'en admettant que, malgré les affirmations du président de la section disciplinaire, les audiences de jugement des 9 et 10 juin 2015 se soient tenues dans le respect du principe du contradictoire, il résulte de l'instruction que, à la suite de la demande formée par la Présidente de l'université et de son conseil, le président de la section disciplinaire de première instance a refusé, par courrier en date du 12 mai 2015, de lui transmettre le dossier d'instruction ; que l'article R. 712-33 du Code de l'éducation dispose que le rapport d'instruction et les pièces du dossiers « sont tenus à la disposition de la personne déférée et de l'autorité qui a engagé les poursuites » ; que la non transmission du rapport d'instruction à l'autorité de poursuite, qui contrairement à ce qui a été affirmé, n'a pas la qualité de « témoin » mais de partie au litige, constitue un vice de procédure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UAG est fondée à demander l'annulation de la décision du 11 juin 2015 de la section disciplinaire de Toulouse 1 Capitole ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par l'UAG devant la section disciplinaire de première instance ;
Sur le fond du litige :
– Sur le contexte litigieux :
Considérant que monsieur XXX, membre du Ceregmia depuis 1994, maître de conférences à l'UAG depuis 1998, est depuis le 14 octobre 2010 doyen de l'UFR de droit et économie ; qu'il était également ordonnateur délégué au titre de délégation de signature consentie par les présidents d'université successifs, jusqu'au retrait de cette délégation par décision du 26 mai 2014 ;
Considérant que, à la suite d'un rapport provisoire établi en 1999 par la Cour des comptes faisant part, au sujet du Ceregmia, de « situations appelant des sanctions, sinon des correctifs sévères », un premier rapport de la Cour des comptes, en 2006, relatif aux années 1999-2003, a révélé des pratiques de gestion anormales au sein du Ceregmia ; que la Cour des comptes a remis, le 11 janvier 2013, un second rapport, relatif aux années 2005-2010, révélant de graves dysfonctionnements dans la gestion par le Ceregmia de fonds obtenus pour la réalisation de projets principalement financés par des fonds européens ; que le rapport indique en particulier que le Ceregmia ne justifiait pas de l'utilisation de ces fonds conformément aux projets pour lesquels ils avaient été accordés ;
Considérant que, entrée en fonction le 25 janvier 2013, la nouvelle présidente de l'UAG, madame AAA, a demandé au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de diligenter une mission d'inspection de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et la recherche (IGAENR) ; que cette mission, conjointement menée avec le Contrôle général économique et financier, a donné lieu à un rapport remis par l'IGAENR le 13 mai 2014 ; qu'en raison de la gravité des dysfonctionnements relevés, ce rapport préconise d'une part l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre du directeur et du directeur-adjoint du Ceregmia ainsi que leur suspension, d'autre part le retrait de la délégation de signature accordée au doyen, monsieur XXX, lui donnant la qualité d'ordonnateur délégué ; que la délégation sénatoriale de l'outre-mer remettait au bureau du Sénat, le 16 avril 2014, un rapport d'information dénonçant des irrégularités d'une grande ampleur commises par le Ceregmia et préconisant « en prenant les sanctions disciplinaires et administratives qui s'imposent, [de] mettre un terme au climat délétère et aux intimidations exercées par des responsables de composantes qui défendent des comportements de "chapelle" et remettent en cause systématiquement l'autorité es instances centrales de l'université, comme celle de l'État » ; qu'en juillet 2014, l'IGAENR et le Contrôle général économique et financier remettaient un second rapport, relatif lui, à l'agence comptable et la direction financière de l'UAG révélant, notamment, que madame YYY, agent comptable et directrice financière de l'UAG, avait perçu des primes importantes de la part du Ceregmia et délibérément détruit avant son départ un nombre considérable d'informations et de données numériques afin de les soustraire aux autorités de contrôle ; que la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) a diligenté un audit, en mars 2013, mis en œuvre par le cabinet Ernst & Young ; que la préfecture de la Martinique, en charge de la gestion des fonds européens perçus dans le cadre de conventions que le Ceregmia devait mettre en œuvre, a décidé de l'audit de ces conventions en décembre 2013 ; que ces différents audits ont révélé de graves irrégularités, relatives notamment à l'exécution des conventions, qui ne pouvait être établie ; qu'il en est résulté des demandes de remboursements des fonds versés à l'UAG au bénéfice du Ceregmia ; que l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a diligenté un contrôle, en juin 2014, dont les résultant seront remis en 2017 ; qu'après l'ouverture d'une information judiciaire, le 7 avril 2014, pour « délit de favoritisme, détournement de fonds et escroquerie en bande organisée au détriment de l'Union européenne », le directeur et le directeur-adjoint du Ceregmia, l'ancien président de l'université, monsieur ZZZ, et l'ancien agent comptable et directrice financière, madame YYY, ont été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire en janvier 2016 ;
Considérant qu'à la suite du premier rapport de l'IGAENR (13 mai 2014), la présidente de l'UAG a engagé des poursuites disciplinaires contre le directeur et le directeur-adjoint du Ceregmia ainsi que contre monsieur XXX à qui est reproché d'avoir commis de graves fautes, notamment en sa qualité de doyen de l'UFR et d'ordonnateur délégué, qui le rendent complice des irrégularités commises dans la gestion financière du Ceregmia ainsi que d'avoir tenu des propos injurieux et insultants à l'encontre de la communauté universitaire et de la présidence de l'UAG et de s'être livré à des faits de harcèlement ;
– Sur les griefs d'ordre financier :
Considérant que le Ceregmia dispose de fonds qui, comme l'indique le rapport de l'IGAENR d'avril 2014, proviennent principalement de fonds européens versés pour financer des programmes, décidés dans le cadre de conventions, que le Ceregmia était chargé de mettre en œuvre ; qu'entre les années 2009 et 2012, ces fonds européens représentaient 85 % des recettes du laboratoire, soit 5,7 M€ ; qu'entre les années 2009 et 2014, le Ceregmia devait assurer neuf projets, d'un coût de plus de 13 M€ financés par le Fonds européen de développement économique et régional (Feder) ; que parmi ces projets trois résultaient de conventions conclues avec la région Guadeloupe - IFGCar Haïti, Avancite 3D, EIC, conventions appelées projets Interreg IV « Caraïbes » - et six résultaient de conventions conclues avec la préfecture de Martinique - Lamentin On Line, Green Island, Oolog, Pred, Saic, Cdr-QECB, PAT-TEIN - ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des différents rapports rendus par les autorités de contrôles, que, en moyenne, 48 % des dépenses engagées au titre de ces conventions ont été déclarées inéligibles, certaines conventions atteignant des taux d'inéligibilité de 80 % (conventions IFGCar, Avancite 3D et EIC) voire de 98 % (convention Pred) ; que ces inéligibilités résultent de ce que le Ceregmia n'a produit aucun rapport d'exécution, n'a pas produit les pièces justificatives, a fourni des pièces non probantes, ou encore de l'absence de lien entre les dépenses et le projet dans le cadre duquel elles ont été engagées ; que le rapport établi par l'OLAF, datant de 2017, fixe à 4,6 M€ le montant des fonds que l'Union européenne doit récupérer ; que d'ores et déjà, l'UAG a dû rembourser aux autorités de gestion une somme de 3,5 M€ ;
Considérant que, comme le révèle le rapport l'IGAENR du 13 mai 2014, à la suite d'une autorisation donnée par le conseil d'administration au seul titre des « questions diverses », sans l'avis conseil scientifique de l'UAG, le Ceregmia a initié, en 2010, un projet de construction d'un bâtiment pour y établir ses locaux, d'un coût de 20,5 M€ ; que le directeur du Ceregmia, qui déclarait avoir doté le Ceregmia d'un « Trésor des Templiers », avait annoncé que le Ceregmia financerait en totalité la construction sur ses fonds propres ; que si le projet a été finalement abandonné, plus d'1M€ a été versé par le Ceregmia pour couvrir des frais d'études ; que cette somme provenant de fonds obtenus pour financer d'autres projets dont les reliquats auraient dû être restitués à l'université, son versement est irrégulier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Ceregmia a conclu des contrats en méconnaissance des règles de la commande et de la comptabilité publiques ; que c'est le cas notamment des contrats conclus pour l'achat de matériel informatique dans le cadre de la convention Pred, ou encore du contrat relatif à l'acquisition d'un calculateur d'un montant de 1,2 M€ ;
Considérant que l'UAG soutient, sans être contredite de façon convaincante par monsieur XXX et son conseil, que l'ensemble de ces agissements lui a causé un préjudice financier qui s'élève à un montant d'environ 10,39 M€, en comptabilisant les sommes d'ores et déjà remboursées, celles qui devront l'être et celles dont elle n'obtiendra pas le remboursement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'un accord de partenariat conclu le 28 septembre 2007 entre l'Agence universitaire pour la francophonie (AUF), deux universités d'Haïti et l'UAG, a été créé, au sein de l'AUF, un institut de la francophonie pour la gestion de la Caraïbe (IFGCar) chargé de former en Haïti des dirigeants des secteurs privé et public et permettant l'obtention d'un master délivré par l'UAG ; que le directeur-adjoint du Ceregmia, détaché de l'UAG entre le 1er octobre 2008 et le 30 septembre 2011, dirigeait l'institut IFGCar ; que le 22 juin 2010, il a conclu une convention de collaboration entre l'institut IFGCar et l'UAG afin que cette dernière rembourse les frais avancés par l'institut pour la mise en œuvre du programme Interreg IV « Caraïbes » (supporté par les conventions IFGCar, Avancite 3D et EIC), notamment des frais de déplacement et de rémunération des personnels de l'UAG supposés participer à la formation en Haïti ; que comme le révèlent les rapports de la Cour des comptes, de l'IGAENR et du Sénat, la finalité réelle de cette convention n'est pas établie ; que la formation de master que l'IFGCar devait assurer n'était pas habilitée par l'UAG ;
Considérant que pour décliner toute responsabilité dans la commission de ces irrégularités, monsieur XXX soutient qu'il n'est directement visé par aucun rapport et qu'il est victime de la nuisance de la présidente de l'université ; qu'il soutient également qu'en admettant que des fautes de gestion aient été commises, elles seraient imputables à l'université, en sa qualité de porteur des projets, ainsi qu'aux services de la comptabilité ;
Considérant cependant, qu'il résulte de l'instruction que les conventions dont l'exécution est à l'origine des irrégularités mentionnées ci-dessus ont été soit signées soit mises en œuvre pendant le mandat de monsieur XXX ; qu'en sa qualité d'ordonnateur délégué, ce dernier a mandaté des dépenses dépourvues de tout lien avec les conventions au titre desquelles elles ont été engagées ou encore mandaté de telles dépenses en l'absence même de rapport d'exécution ; qu'il a signé les documents relatifs à la remontée des factures rejetées ; qu'il a validé la pratique du « surbooking », dénoncée par l'IGAENR, consistant à fournir en masse un nombre considérable de factures sans lien avec le projet afin de faire délibérément obstruction à tout contrôle ; qu'il a rendu possible l'absence de traçabilité des dépenses organisée par le directeur du Ceregmia, comme l'indique le second rapport IGAENR (juillet 2014) ; qu'il a mandaté des dépenses effectuées en méconnaissance des règles de la commande publique, par exemple l'achat d'un calculateur pour un montant d'1,2 M€ ; qu'il a ordonné des versements irréguliers sur le compte du Ceregmia, comme le versement, en novembre 2011, d'une somme d'environ 886 000 € qui n'a pu se faire sans son aval, ainsi que le révèle le rapport du contrôleur de gestion en date du 21 mars 2012 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que monsieur XXX a personnellement participé à la mise en œuvre des conventions et a lui-même bénéficié des irrégularités commises, notamment en percevant des primes et rémunérations, comme plus de 58 000 €, entre 2008 et 2012, dans le cadre de la convention IFGCar pour 175 heures de cours données en Haïti en 2011, alors que son activité de doyen l'occupait à temps plein en Martinique ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que monsieur XXX en ses qualités de doyen et d'ordonnateur délégué a pris activement part aux irrégularités décrites ci-dessus qui n'auraient pu être commises sans son aval ; qu'il constituait ainsi un maillon essentiel du cercle des complicités établi par le directeur du Ceregmia ; qu'il résulte de ce qui précède que les faits qui lui sont imputables témoignent d'une absence de probité constitutive d'une faute ;
Sur les griefs relatifs aux propos injurieux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que monsieur XXX a adressé un certain nombre de courriels, à destination pour certains d'entre eux d'une longue liste de destinataires, d'une particulière violence à l'égard de la présidente de l'UAG ; que c'est le cas par exemple de celui adressé le 21 janvier 2014 reprochant à la présidente de l'UAG son « incompétence » et de revêtir « les habits de la grande prêtresse manipulatrice » : que c'est le cas également du courriel du 26 janvier 2014 dénonçant, de la part de la présidente de l'université, « l'usage systématique et constant de méthodes qui s'assimilent à des pratiques "mafieuses" », « la manipulation, la dissimulation d'information » ou des « agissement "génocidaires" » ; que la teneur et le ton de ces propos dépassent ceux susceptibles d'être habituellement tenus dans le cadre du service, y compris dans un contexte conflictuel ; que l'expression de tels propos témoigne d'une absence de réserve et de loyauté qui constitue une faute ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que ces fautes, d'une particulière gravité, imputables à monsieur XXX justifient sa révocation ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – La décision rendue le 11 juin 2015 par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole est annulée.
Article 2 – La révocation de monsieur XXX est prononcée.
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur XXX, à monsieur le président de l'université des Antilles, à madame la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; copie sera adressée, en outre, à monsieur le recteur de l'académie de Martinique.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 18 septembre 2018 à 14 h 30 à l'issue du délibéré.
Le secrétaire de séance
Marc Boninchi
La présidente
Camille Broyelle
Affaire : monsieur XXX, professeur des universités , né le 17 mars 1959
Dossier enregistré sous le n° 1168
Appel formé par monsieur le président de l'université des Antilles, d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Toulouse 1 Capitole et appel incident formé par monsieur XXX ;
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeur des universités ou personnel assimilé :
Madame Camille Broyelle, vice-présidente, présidente de la séance, le président étant empêché
Parisa Ghodous
Jean-Yves Puyo, rapporteur
Étant absents :
Mustapha Zidi, président
Alain Bretto
Le quorum étant atteint.
Vu le Code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-3, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime au profit de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole, prononcée par le Cneser statuant en matière disciplinaire le 14 octobre 2014 ;
Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, le 11 juin 2015, par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université de Toulouse 1 Capitole, prononçant un blâme, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Vu l'appel formé le 18 juin 2015 par monsieur le président de l'université des Antilles, de la décision prise à l'encontre de monsieur XXX par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole ;
Vu l'appel incident formé le 23 novembre 2015 par monsieur XXX ;
Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, le 8 juin 2016, par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire prononçant la sanction d'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée de cinq ans, assortie de la privation de la totalité du traitement ;
Vu la décision prise le 8 novembre 2017 par le Conseil d'État annulant la décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire du 8 juin 2016 et renvoyant l'affaire audit Conseil ;
Vu d'une part, les demandes de récusation de Mustapha Zidi, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, mais également de Madame Camille Broyelle et de Jean-Yves Puyo, tous deux chargés d'instruire de nouveau le dossier, déposées le 20 mars 2018 par Maître Philippe Senart au nom de monsieur XXX ;
Vu d'autre part, la demande de récusation déposée le 30 mars 2018 par Maître Olivier Bureth au nom de monsieur le président de l'université des Antilles afin de « s'associer à la demande de récusation formée par le conseil de monsieur XXX » et sollicitant la récusation de Madame Camille Broyelle et de monsieur Jean-Yves Puyo, tous deux chargés d'instruire de nouveau le dossier ;
Vu la décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire du 3 avril 2018 rejetant toutes ces demandes de récusation ;
Vu les mémoires en date des 9 avril 2018 et 11 juin 2018 déposés par Maître Olivier Bureth au nom de monsieur le président de l'université des Antilles, ainsi que des pièces complémentaires déposées le 3 août 2018 et encore les précisions et modifications de ses précédents mémoires datées du 30 août 2018 ;
Vu les mémoires en date des 7 avril 2018 et 10 juin 2018 déposés par Maître Philippe Senart au nom de monsieur XXX et encore les pièces déposées en séance de jugement du 11 septembre 2018 ;
Vu les demandes de récusation dirigées le jour de l'audience de la formation de jugement, le 11 septembre 2018, et leur rejet le jour même ;
Vu ensemble les pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 2018 ;
Monsieur le président de l'université des Antilles ou son représentant ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 2018 ;
L'audience ayant débuté à 14 h 26 pour attendre monsieur XXX convoqué à 14 h 00 qui n'avait pas averti la juridiction d'un possible retard ; monsieur XXX s'étant présenté à 14 h 28, sans expliquer le motif de son retard ;
Maître Philippe Senart s'étant présenté à 14 h 47 alors qu'il était convoqué à 14 h 00 et présentant trois nouvelles demandes de récusation alors que l'audience a commencé et que les parties sont entendues ;
Maître Olivier Bureth représentant monsieur le président de l'université des Antilles étant présent ;
La juridiction ayant suspendu la séance pour se prononcer sur les demandes de récusation ;
La juridiction ayant rejeté les demandes de récusation ;
Monsieur XXX et son conseil Maître Philippe Senart ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que la présidente de l'université des Antilles et de la Guyane (ci-après « UAG ») a saisi le président de la section disciplinaire de l'université UAG, par courrier daté du 9 septembre 2014, d'une demande tendant à engager des poursuites à l'encontre de monsieur XXX, professeur des universités et directeur du laboratoire Ceregmia, pour des fautes de nature financières relatives à la gestion du Ceregmia et pour des faits de harcèlement, insultes publiques, menaces ou encore violence morale à l'encontre de la communauté universitaire, en particulier de la présidence de l'UAG ;
Considérant que par jugement du 14 octobre 2014, le Cneser statuant en matière disciplinaire, faisant droit aux demandes de dépaysement concordantes de la présidente de l'UAG et de monsieur XXX, a décidé du renvoi de l'affaire devant la section disciplinaire de l'université Toulouse 1 Capitole ;
Considérant que par un jugement rendu le 11 juin 2015, la section disciplinaire de l'université Toulouse 1 Capitole a décidé d'infliger un blâme à monsieur XXX, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Considérant que la présidente de l'UAG a fait appel de ce jugement par un recours introduit le 18 juin 2015 devant le Cneser statuant en matière disciplinaire, demandant, dans ses dernières écritures, que soit prononcée contre monsieur XXX l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans, avec privation de la totalité du traitement ; que monsieur XXX soutenant qu'aucune faute ne lui est imputable et qu'aucune poursuite ne peut être maintenue à son encontre doit être regardé comme formant un appel incident aux fins d'annulation de la décision disciplinaire qui lui a été infligée ;
Considérant que le Cneser disciplinaire a prononcé, le 8 juin 2016, à l'encontre de monsieur XXX l'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement et de recherche pour une durée de cinq ans, assortie de la privation de la totalité du traitement ;
Considérant que le 8 novembre 2017, le Conseil d'État a annulé la décision du Cneser disciplinaire ;
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, l'université réclame que soit prononcée à l'encontre de monsieur XXX une interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans, avec privation de la totalité du traitement ; que monsieur XXX réclame l'annulation de la sanction prononcée en première instance à son encontre et la relaxe ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que par courrier en date du 26 mai 2015 adressé à la présidente de l'UAG la convoquant aux audiences de jugement des 9 et 10 juin 2015 en qualité, selon ledit courrier, de « témoin », le président de la section disciplinaire de première instance a indiqué à la présidente de l'UAG : « il ne sera en aucun cas question d'organiser un débat contradictoire devant nous qui se substituerait à la procédure habituelle disciplinaire qui permet d'entendre principalement les personnes déférées » ; qu'en admettant que, malgré les affirmations du président de la section disciplinaire, les audiences de jugement des 9 et 10 juin 2015 se soient tenues dans le respect du principe du contradictoire, il résulte de l'instruction que, à la suite de la demande formée par la présidente de l'université et de son conseil, le président de la section disciplinaire de première instance a refusé, par courrier en date du 12 mai 2015, de lui transmettre le dossier d'instruction ; que l'article R. 712-33 du Code de l'éducation dispose que le rapport d'instruction et les pièces du dossiers « sont tenus à la disposition de la personne déférée et de l'autorité qui a engagé les poursuites » ; que la non transmission du rapport d'instruction à l'autorité de poursuite, qui contrairement à ce qui a été affirmé, n'a pas la qualité de « témoin » mais de partie au litige, constitue un vice de procédure ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UAG est fondée à demander l'annulation de la décision du 11 juin 2015 de la section disciplinaire de Toulouse 1 Capitole ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par l'UAG devant la section disciplinaire de première instance ;
Sur le fond du litige :
– Sur le contexte litigieux :
Considérant que, à la suite d'un rapport provisoire établi en 1999 par la Cour des comptes faisant part de « situations appelant des sanctions, sinon des correctifs sévères », un premier rapport de la Cour des comptes, en 2006, relatif aux années 1999-2003, a révélé des pratiques de gestion anormales du Ceregmia ; que la Cour des comptes a remis, le 11 janvier 2013, un second rapport, relatif aux années 2005-2010, révélant de graves dysfonctionnements dans la gestion par le Ceregmia de fonds obtenus pour la réalisation de projets principalement financés par des fonds européens ; que le rapport indique en particulier que le Ceregmia ne justifiait pas de l'utilisation de ces fonds conformément aux projets pour lesquels ils avaient été accordés ;
Considérant que, entrée en fonction le 25 janvier 2013, la nouvelle présidente de l'UAG, madame YYY, a demandé au ministère de l'Enseignement supérieur la réalisation d'une mission d'inspection ; que cette mission, conjointement menée par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et la recherche (IGAENR) et le Contrôle général économique et financier, a donné lieu à un rapport remis par l'IGAENR le 13 mai 2014 ; qu'en raison de la gravité des dysfonctionnements relevés, ce rapport préconise l'engagement de poursuites disciplinaires contre monsieur XXX et, en attendant l'issue de ces poursuites, la suspension de l'intéressé ; que, le 16 avril 2014, la délégation sénatoriale de l'outre-mer remettait au bureau du Sénat un rapport d'information dénonçant des irrégularités importantes commises par le Ceregmia et préconisant « [...] en prenant les sanctions disciplinaires et administratives qui s'imposent, [de] mettre un terme au climat délétère et aux intimidations exercées par des responsables de composantes qui défendent des comportements de « chapelle » et remettent en cause systématiquement l'autorité les instances centrales de l'université, comme celle de l'État » ; qu'en juillet 2014, l'IGAENR et le Contrôle général économique et financier remettaient un second rapport, relatif lui, à l'agence comptable et la direction financière de l'UAG révélant, notamment, que madame ZZZ, agent comptable et directrice financière de l'UAG, avait perçu des primes importantes de la part du Ceregmia et délibérément détruit avant son départ un nombre considérable d'informations afin de les soustraire aux autorités de contrôle ; que la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) a diligenté un audit, en mars 2013, mis en œuvre par le cabinet Ernst & Young ; que la préfecture de la Martinique, en charge de la gestion des fonds européens perçus dans le cadre de conventions que le Ceregmia devait mettre en œuvre, a décidé de l'audit de ces conventions en décembre 2013 ; que ces différents audits ont révélé de graves irrégularités, relatives en particulier à l'imputabilité des dépenses aux projets auxquels elles étaient dédiées, qui ne pouvait être établie ; qu'il en est résulté des demandes de remboursement des fonds versés à l'UAG au bénéfice du Ceregmia ; que l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a également diligenté un contrôle, en juin 2014, dont les conclusions seront rendues en 2017 ; qu'après l'ouverture d'une information judiciaire, le 7 avril 2014, pour « délit de favoritisme, détournement de fonds et escroquerie en bande organisée au détriment de l'Union européenne », monsieur XXX a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire en janvier 2016, comme l'ont été d'autres membres du Ceregmia ainsi que l'ancien président de l'université, monsieur BBB, et l'ancien agent comptable, madame ZZZ ;
Considérant qu'à la suite du premier rapport de l'IGAENR (13 mai 2014), la présidente de l'UAG a engagé des poursuites disciplinaires contre monsieur XXX ainsi que contre deux autres membres du Ceregmia ; qu'il est reproché à monsieur XXX d'avoir commis de graves fautes d'ordre financier ainsi que d'avoir tenu des propos injurieux et insultants à l'encontre de la communauté universitaire, notamment de la présidence, et de s'être livré à des faits de harcèlement à l'encontre des mêmes personnes ;
– Sur les griefs d'ordre financier :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'un accord de partenariat conclu le 28 septembre 2007 entre l'Agence universitaire pour la francophonie (AUF), deux universités d'Haïti et l'UAG, a été créé, au sein de l'AUF, un institut de la francophonie pour la gestion de la Caraïbe (IFGCar) chargé de former en Haïti des dirigeants des secteurs privé et public et permettant l'obtention d'un master délivré par l'UAG ; que monsieur XXX, détaché de l'UAG entre le 1er octobre 2008 et le 30 septembre 2011, dirigeait l'institut IFGCar ; que le 22 juin 2010, il a conclu une convention entre l'institut IFGCar et l'UAG afin que cette dernière rembourse les frais avancés par l'Institut pour la mise en œuvre du programme Interreg IV « Caraïbes » (supporté par les conventions IFGCar, Avancite 3D et EIC), notamment des frais de déplacement et de rémunération des personnels de l'UAG supposés participer à la formation en Haïti ; que monsieur XXX n'était pas compétent pour conclure cette convention qui contrairement à ce qu'il soutient n'était pas une convention pédagogique mais une convention financière ; qu'il résulte de l'instruction que le recteur de l'AUF n'a pas été informé de la conclusion d'une telle convention par monsieur XXX ; que monsieur XXX ne pouvait par ailleurs ignorer que la formation de master dont il devait assurer la mise en œuvre en tant que directeur de l'institut IFGCar n'était pas habilitée par l'UAG, contrairement à ce que stipulait l'accord de partenariat du 28 septembre 2007 ;
Considérant que sur le fondement de la convention irrégulière du 22 juin 2010, monsieur XXX, en tant que directeur de l'institut IFGCar, a irrégulièrement versé des primes importantes à monsieur CCC et à lui-même ;
Considérant que, en sa qualité de directeur de l'institut IFGCar, monsieur XXX a conclu, le 17 octobre 2008, une convention de prestation Gecades avec monsieur DDD, directeur de Gecades SA et membre du Ceregmia ; que cette convention avait pour objet le montage de dossiers de subventions dans le cadre de la mise en œuvre de l'opération Interreg IV « Caraïbes » ; qu'elle a donné lieu à une rémunération de la société Gecades SA pour un montant de plus de 108 000 € imputé sur la convention du 22 juin 2010 conclue entre l'Institut IFGCar et l'UAG ; que cette convention a été décidée sans mise en concurrence et en dehors des prévisions du programme Interreg IV « Caraïbes » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la mise en œuvre des conventions financées par les fonds européens, monsieur XXX a perçu des rémunérations non justifiées, notamment dans le cadre de la convention Pred, comme l'indique l'audit du bureau des contrôles de la préfecture de Martinique ; qu'il a également perçu des rémunérations non autorisées, notamment en sa qualité de directeur de l'IFGCar, comme une rémunération annuelle de 100 000 €, non autorisée par l'AUG, dont l'AUF a demandé le remboursement ;
Considérant au surplus que monsieur XXX, en poste à l'UAG depuis 1992 en qualité de contractuel puis de maître de conférences, membre actif du Ceregmia puis, depuis 2002, directeur adjoint du Ceregmia, ne pouvait contrairement à ce qu'il soutient ignorer le système organisé de fraudes aux fonds européens mis en place par le directeur du Ceregmia, à l'origine d'un préjudice financier pour l'université s'élevant à plus de 10 M€ ;
Considérant que l'ensemble de ces agissements témoignent d'une absence de probité constitutive d'une faute disciplinaire ;
– Sur les griefs relatifs les propos injurieux :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que monsieur XXX a adressé plusieurs courriers notamment un courrier datant du 9 février 2014, adressé à la présidente de l'UAG, dans lequel est indiqué que la « duplicité, la haine, la manipulation... » sont ses méthodes de gouvernance ; que la teneur et le ton de ces propos dépassent ceux susceptibles d'être habituellement tenus dans le cadre du service, y compris dans un contexte conflictuel ; que l'expression de tels propos constitue une absence fautive de loyauté et de réserve ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que eu égard à la gravité des fautes commises, il y a lieu de prononcer la révocation de monsieur XXX ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – La décision rendue le 11 juin 2015 par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole est annulée.
Article 2 – La révocation est prononcée à l'encontre de monsieur XXX.
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur XXX, à monsieur le président de l'université des Antilles, à madame la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; copie sera adressée, en outre, à monsieur le recteur de l'académie de Martinique.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 18 septembre 2018 à 14 h 30 à l'issue du délibéré.
Le secrétaire de séance
Jean-Yves Puyo
La présidente
Camille Broyelle
Affaire : monsieur XXX, professeur des universités, né le 29 septembre 1955
Dossier enregistré sous le n° 1169
Appel formé par monsieur le président de l'université des Antilles, d'une décision de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole et appel incident formé par monsieur XXX ;
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeur des universités ou personnel assimilé :
Madame Camille Broyelle, vice-présidente, présidente de la séance, le président étant empêché
Parisa Ghodous
Jean-Yves Puyo, rapporteur
Étant absents :
Mustapha Zidi, président
Alain Bretto
Le quorum étant atteint.
Vu le Code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-3, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la décision de renvoi pour cause de suspicion légitime au profit de la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole, prononcée par le Cneser statuant en matière disciplinaire le 14 octobre 2014 ;
Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, le 11 juin 2015, par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université, prononçant une interdiction d'exercer des fonctions de direction de laboratoire de recherche pour une durée de cinq ans à l'université des Antilles et de la Guyane, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Vu l'appel formé le 18 juin 2015 par monsieur le président de l'université des Antilles, de la décision prise à l'encontre de monsieur XXX par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole ;
Vu l'appel incident formé le 23 novembre 2015 par monsieur XXX ;
Vu la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, le 8 juin 2016, par le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire prononçant la révocation assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé ;
Vu la décision prise le 8 novembre 2017 par le Conseil d'État annulant la décision du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire du 8 juin 2016 et renvoyant l'affaire audit Conseil ;
Vu la première demande de récusation des membres chargés d'instruire de nouveau le dossier déposée le 30 mars 2018 par Maître Olivier Bureth au nom de monsieur le président de l'université des Antilles et rejetée par décision du 4 avril 2018 ;
Vu la seconde demande de récusation des membres du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire déposée le 5 avril 2018 par Maître François Molinié au nom de monsieur XXX avant la commission d'instruction, et rejetée par décision du 19 avril 2018 ;
Vu les mémoires en date des 11 avril 2018 et 11 juin 2018 déposés par Maître Olivier Bureth au nom de monsieur le président de l'université des Antilles, ainsi que des pièces complémentaires déposées le 3 août 2018 et encore les précisons et modifications de ses précédents mémoires datées du 30 août 2018 ;
Vu le mémoire du 11 juin 2018 et la « note complémentaire » du 27 août 2018 déposés Maître François Molinié au nom de monsieur XXX ;
Vu ensemble les pièces du dossier ;
Monsieur XXX ainsi que son conseil ayant été informés de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 2018 ;
Monsieur le président de l'université des Antilles et de la Guyane ou son représentant ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 juillet 2018 ;
Monsieur XXX et son conseil, Maître Elisa Arrighi de Casanova, étant présents ;
Maître Olivier Bureth représentant monsieur le président de l'université des Antilles étant présent ;
Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties présentes à l'audience ;
Monsieur XXX et son conseil Maître Elisa Arrighi de Casanova ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que la présidente de l'université des Antilles et de la Guyane (dénommée ici « UAG ») a saisi le président de la section disciplinaire de l'UAG, le 9 septembre 2014, d'une demande tendant à engager des poursuites à l'encontre de monsieur XXX, professeur des universités et directeur du laboratoire Ceregmia, pour des fautes de nature financières relatives à la gestion du Ceregmia et pour des faits de harcèlement, insultes publiques, menaces ou encore violence morale à l'encontre de la communauté universitaire, et en particulier de la présidence de l'UAG ;
Considérant que par jugement du 14 octobre 2014, le Cneser disciplinaire, faisant droit aux demandes de dépaysement concordantes de la présidente de l'UAG et de monsieur XXX, a décidé du renvoi de l'affaire devant la section disciplinaire de l'université Toulouse 1 Capitole ;
Considérant que par un jugement rendu le 11 juin 2015, la section disciplinaire de l'université Toulouse 1 Capitole a décidé de sanctionner monsieur XXX d'une interdiction d'exercer à l'UAG les fonctions de direction de laboratoire de recherche pendant une durée de cinq ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Considérant que la présidente de l'UAG a fait appel de ce jugement le 18 juin 2015 devant le Cneser disciplinaire, demandant la révocation de monsieur XXX assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé ; que monsieur XXX a formé un appel incident le 23 novembre 2015 aux fins d'annulation de la décision disciplinaire qui lui a été infligée ;
Considérant que le Cneser disciplinaire a prononcé, le 8 juin 2016, la révocation de monsieur XXX assortie de l'interdiction définitive d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé ;
Considérant que le 8 novembre 2017, le Conseil d'État a annulé la décision du Cneser disciplinaire ;
Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, l'université réclame que soit prononcée à l'encontre de monsieur XXX la révocation assortie de l'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement public ou privé ; que monsieur XXX réclame l'annulation de la sanction prononcée en première instance à son encontre et sa relaxe de l'ensemble des chefs de poursuites ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que dans un courrier daté du 26 mai 2015 adressé à la présidente de l'UAG la convoquant aux audiences de jugement des 9 et 10 juin 2015 en qualité, selon ledit courrier, de « témoin », le président de la section disciplinaire de première instance a indiqué « [qu'] il ne sera en aucun cas question d'organiser un débat contradictoire devant nous qui se substituerait à la procédure habituelle disciplinaire qui permet d'entendre principalement les personnes déférées » ; qu'il résulte de l'instruction que, à la suite de la demande formée par la présidente de l'université et de son conseil, le président de la section disciplinaire de première instance a refusé, par courrier en date du 12 mai 2015, de lui transmettre le dossier d'instruction ; que l'article R. 712-33 du Code de l'éducation dispose que le rapport d'instruction et les pièces du dossiers « [...] sont tenus à la disposition de la personne déférée et de l'autorité qui a engagé les poursuites » ; que la non transmission du rapport d'instruction à l'autorité de poursuite, qui contrairement à ce qui a été affirmé, n'a pas la qualité de « témoin » mais de partie au litige, constitue une irrégularité de nature à entraîner l'annulation de la décision du 11 juin 2015 de la section disciplinaire de Toulouse 1 Capitole ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par l'UAG devant la section disciplinaire de première instance ;
Sur le fond du litige :
– Sur le contexte litigieux :
Considérant que monsieur XXX dirige le Ceregmia depuis sa création, en 1986 ; qu'à la suite d'un rapport provisoire établi en 1999 par la Cour des comptes faisant part, au sujet du Ceregmia, de « situations appelant des sanctions, sinon des correctifs sévères », un premier rapport de la Cour des comptes de 2006, relatif aux années 1999-2003, a révélé des pratiques de gestion anormales au sein du Ceregmia ainsi que l'exercice par son directeur d'une activité commerciale, en méconnaissance de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; qu'à la suite de ce rapport, et après communication du procureur général près la Cour des comptes aux autorités judiciaires, monsieur XXX a été sanctionné par la section disciplinaire de l'UAG, le 30 mai 2007, d'une interdiction d'accéder à la classe supérieure de son corps pour une durée d'un an ;
Considérant que la Cour des comptes a remis, le 11 janvier 2013, un second rapport, relatif aux années 2005-2010, révélant, d'une part, la poursuite d'une activité commerciale par monsieur XXX, d'autre part, de graves dysfonctionnements dans la gestion par le Ceregmia de fonds obtenus pour la réalisation de projets principalement financés par des fonds européens ; que le rapport indique en particulier que le Ceregmia ne justifiait pas de l'utilisation de ces fonds conformément aux projets pour lesquels ils avaient été accordés ;
Considérant que, entrée en fonction le 25 janvier 2013, la nouvelle présidente de l'UAG, madame YYY, a demandé au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche de diligenter une mission d'inspection ; que cette mission, conjointement menée par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et la recherche (ci-après IGAENR) et le Contrôle général économique et financier, a donné lieu à un rapport remis par l'IGAENR le 13 mai 2014 ; qu'en raison de la gravité des dysfonctionnements relevés, ce rapport préconise l'engagement de poursuites disciplinaires contre monsieur XXX et, en attendant l'issue de ces poursuites, la suspension de l'intéressé ; que, le 16 avril 2014, la délégation sénatoriale de l'outre-mer remettait au bureau du Sénat un rapport d'information dénonçant des irrégularités importantes commises par le Ceregmia et préconisant « [...] en prenant les sanctions disciplinaires et administratives qui s'imposent, [de] mettre un terme au climat délétère et aux intimidations exercées par des responsables de composantes qui défendent des comportements de "chapelle" et remettent en cause systématiquement l'autorité des instances centrales de l'université, comme celle de l'État » ; qu'en juillet 2014, l'IGAENR et le Contrôle général économique et financier remettaient un second rapport relatif, lui, à l'agence comptable et à la direction financière de l'UAG révélant, notamment, que madame ZZZ, agent comptable et directrice financière de l'UAG, avait perçu des primes importantes de la part du Ceregmia et avait délibérément détruit, avant son départ, un nombre très important d'informations et de données numériques afin de les soustraire aux autorités de contrôle ; que la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) a diligenté un audit, en mars 2013, mis en œuvre par le cabinet Ernst & Young ; que la préfecture de la Martinique, en charge de la gestion des fonds européens perçus dans le cadre de conventions que le Ceregmia devait exécuter, a décidé de l'audit de ces conventions en décembre 2013 ; que ces différents audits ont révélé de graves irrégularités, relatives en particulier à l'imputabilité des dépenses aux projets auxquels elles étaient dédiées, qui ne pouvait être établie ; qu'il en est résulté des demandes de remboursement des fonds versés à l'UAG au bénéfice du Ceregmia ; que l'Office européen de lutte anti-fraude (Olaf) a diligenté une enquête, en juin 2014, dont les résultant seront remis en 2017 ; qu'après l'ouverture d'une information judiciaire, le 7 avril 2014, pour « délit de favoritisme, détournement de fonds et escroquerie en bande organisée au détriment de l'Union européenne », monsieur XXX a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire en janvier 2016, comme l'ont été d'autres membres du Ceregmia, ainsi que l'ancien président de l'université, monsieur AAA, et l'ancien agent comptable, madame ZZZ ;
Considérant qu'à la suite du premier rapport de l'IGAENR (13 mai 2014), la présidente de l'UAG a engagé des poursuites disciplinaires contre monsieur XXX ainsi que contre deux autres membres du Ceregmia ; qu'il est reproché à monsieur XXX d'avoir commis de graves fautes dans la gestion financière du Ceregmia ainsi que d'avoir tenu des propos injurieux et insultants et de s'être livré à des harcèlements à l'encontre de la communauté universitaire, en particulier de la présidence de l'UAG ;
Sur les griefs relatifs à la gestion financière du Ceregmia :
Considérant que le Ceregmia dispose de fonds qui, comme l'indique le rapport de l'IGAENR (13 mai 2014), proviennent principalement de fonds européens versés pour financer des programmes, décidés dans le cadre de conventions que le Ceregmia était chargé de mettre en œuvre ; qu'entre les années 2009 et 2012, ces fonds européens représentaient 85% des recettes du laboratoire, soit 5,7 M€ ; qu'entre les années 2009 et 2014, le Ceregmia devait assurer neuf projets d'un coût de plus de 13 M€ financés par le Fonds européen de développement économique et régional (Feder) ; que parmi ces projets, trois résultaient de conventions conclues avec la région Guadeloupe - IFGCar Haïti, Avancite 3D, EIC, conventions appelées projets Interreg IV « Caraïbes » - et six résultaient de conventions conclues avec la préfecture de Martinique - Lamentin on line, Green island, Oolog, Pred, Saic, Cdr-QECB, PAT-TEIN ; qu'il résulte de l'instruction et des différents rapports rendus par les autorités de contrôle, que, en moyenne, 48 % des dépenses engagées au titre de ces conventions ont été déclarées inéligibles, certaines conventions atteignant des taux d'inéligibilité de 80 % (conventions IFGCar, Avancite 3D et EIC) voire de 98 % (convention Pred) ; que ces inéligibilités résultent de ce que le Ceregmia n'a produit aucun rapport d'exécution, n'a pas produit les pièces justificatives, a fourni des pièces non probantes, ou encore de l'absence de lien entre les dépenses et le projet au titre duquel elles ont été engagées ; que le rapport établi par l'Olaf, datant de 2017, fixe à 4,6 M€ le montant des fonds que l'Union européenne doit récupérer ; que d'ores et déjà, l'UAG a dû rembourser aux autorités de gestion une somme de 3,5 M€ ;
Considérant que, à la suite d'une autorisation donnée par le conseil d'administration, présidé par monsieur AAA, alors président de l'université, au seul titre des « questions diverses » et sans avis du Conseil scientifique de l'UAG, le Ceregmia a initié, en 2010, un projet de construction d'un bâtiment pour y établir ses locaux ; que ce bâtiment d'un coût de 20,5 M€ devait être financé par le Ceregmia sur ses crédits propres, comme l'indique le procès-verbal du Conseil d'administration en date du 14 juin 2010 ; que comme le révèle le rapport de l'IGAENR (avril 2014), monsieur XXX déclarait que le Ceregmia détenait un « Trésor des Templiers constitué de crédits européens acquis antérieurement » permettant ce financement ; que si le projet a été finalement abandonné, plus d'1 M€ a été versés par le Ceregmia pour couvrir des frais d'études ; que cette somme provenant de fonds obtenus pour financer d'autres projets dont les reliquats auraient dû être restitués à l'université, son versement est irrégulier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre du projet PAT-TEIN financé par le projet européen Leonardo, Monsieur XXX a signé des documents que seul l'ordonnateur principal ou délégué était compétent pour signer ; que, de même, dans le cadre du contrat « Avantilles », Monsieur XXX a signé un document « service fait » permettant le mandatement d'une facture d'un montant de plus de 200.000 € ; qu'un document « attestation de ressources propres », permettant le financement d'une convention par le Feder a été signé par monsieur XXX engageant l'UAG contre la volonté de l'université ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le Ceregmia a conclu des contrats en méconnaissance des règles de la commande et de la comptabilité publiques ; que c'est le cas notamment, comme le révèlent le second rapport de la Cour des comptes ainsi que le rapport de l'Olaf, des contrats de prestation de services passés avec la société Filiatis dirigée par une ancienne salariée de l'UAG, dont la passation a fait l'objet d'une communication du Procureur général près la Cour des comptes pour avantage injustifié à autrui et doute sérieux quant à la réalité des prestations fournies ; que c'est le cas aussi des contrats conclus pour l'achat de matériel informatique dans le cadre de la convention Pred, ou encore du contrat relatif à l'acquisition d'un calculateur d'un montant de 1,2 M€ ;
Considérant que l'UAG soutient, sans être contredite de façon convaincante par monsieur XXX et son conseil, que l'ensemble de ces agissements lui a causé un préjudice financier qui s'élève à un montant d'environ 10,2 M€, en comptabilisant les sommes d'ores et déjà remboursées, celles qui devront l'être et celles dont elle n'obtiendra pas le remboursement ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de la mise en œuvre de ces conventions, notamment de la Convention IFGCar, monsieur XXX a perçu entre 2008 et 2012, des rémunérations pour un montant supérieur à 100 000 € et qu'aucun document ne permet d'établir le service fait ; qu'il en va de même des rémunérations perçues sur le fondement d'une convention de vacation relative conclue par monsieur BBB, relative à la formation dispensée à l'IFGCar, couvrant les années 2008 et 2009, qui a donné lieu à un versement de 22 800 € ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que monsieur XXX a mis en place un diplôme interuniversitaire de « gestionnaire de cas » qui a donné lieu à une formation de quatre semaines, entre mars et avril 2013, ainsi qu'à des épreuves écrites et orales, alors que l'UAG n'avait pas donné son accord pour la mise en place de cette formation ; que, de même, dans le cadre de la convention IFGCar, monsieur XXX a mis en place une formation de « master en management » que l'université n'était pas habilitée à délivrer ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'assemblée générale du Ceregmia a adopté, le 20 décembre 2013, de nouveaux statuts faisant bénéficier le Ceregmia de compétences élargies et d'une autonomie financière, notamment d'un budget propre intégré, comparable à celle d'une unité de formation et de recherche (UFR) ; que les statuts du Ceregmia attribuent au directeur du laboratoire, monsieur XXX, le pouvoir d'autoriser la conclusion de contrats de prestations réalisés au nom du laboratoire et « de proposer de gratifier » les personnels participant à la réalisation de ces contrats par des dépenses prélevées sur les recettes desdits contrats ; que les dispositions de ce nouveau statut sont contraires aux dispositions du Code de l'éducation ;
Considérant que l'ensemble de ces irrégularités nécessitait des appuis ; que comme le conclut le rapport de l'Olaf, a été institué « [...] un système organisé de fraudes perpétrées par la hiérarchie du laboratoire Ceregmia, avec la complicité active d'acteurs clefs de l'université (doyen de la faculté, ancien président de l'UAG, agent comptable de l'UAG), [fraudes et irrégularités qui] ont profité personnellement aux acteurs précités » ; qu'il résulte de l'instruction que monsieur XXX a constitué, notamment par l'attribution de primes, un réseau de complicités opérationnel à chacun des maillons de la chaîne de l'engagement de la dépense publique, qu'il s'agisse de l'agent comptable et directrice financière (madame ZZZ), du président de l'université (monsieur AAA) du doyen de l'UFR de droit, économie et gestion et ordonnateur délégué (monsieur BBB), ou encore du directeur adjoint du Ceregmia (monsieur CCC) ; que si monsieur XXX a mis en place un suivi détaillé des recettes obtenues pour la réalisation des conventions, il a organisé, grâce à ses complicités, un dispositif comptable et budgétaire assurant l'absence de traçabilité des dépenses engagées par le Ceregmia, notamment en faisant obstacle à leur suivi pour chacune des conventions, en méconnaissance des règles européennes, comme le souligne le rapport de l'Olaf de 2017 ;
Considérant que monsieur XXX soutient que les rapports relatifs au Ceregmia ont été établis de façon partiale par les autorités de contrôle, que les dysfonctionnements révélés seraient dus à une mauvaise gestion imputable à la seule université, et que les poursuites disciplinaires dont il fait l'objet sont inspirées par l'esprit de vengeance de la présidente de l'UAG, dont il n'a pas soutenu la candidature ; que cependant, il résulte de l'instruction, que monsieur XXX est l'instigateur de l'ensemble de ces dysfonctionnements et manquements qui témoignent de son absence de probité ;
– Sur les griefs relatifs aux faits de harcèlement, violences publiques et violences morales :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que monsieur XXX s'est livré à de violentes attaques à l'encontre de la gouvernance de l'université, en particulier à l'encontre de la présidente ; que ces attaques se sont manifestées par la diffusion de courriers électroniques, pour certains à destination de l'ensemble de la communauté universitaire, comme celui envoyé le 14 janvier 2014 indiquant « puisque la présidente et son équipe de dangereux amateurs ont choisi de décider de la date de début des hostilités, je pense qu'il nous revient de décider de la date de la fin et de la violence des coups à donner », celui datant de février 2014 selon lequel « [...] il n'y aura pas de dialogues avec ces dangereux amateurs qui ne sont qu'une bande de délinquants qui manipulent les uns et les autres », celui adressé le 10 décembre 2012, destiné à un membre du conseil d'administration, contenant des propos particulièrement injurieux, ou encore celui du 9 janvier 2015, insultant un maître de conférences de l'UAG ; que certains messages électroniques adressés à des agents administratifs étaient menaçants, que c'est le cas par exemple de celui envoyé le 22 octobre 2013 à l'aide-comptable lui indiquant « je sais bien que votre chef a des consignes. Sauf qu'elle doit savoir que j'en suis à mon 12e agent comptable et qu'ils sont tous partis en mauvais état » ; que la tenue de tels propos témoigne d'une absence de réserve et de loyauté qui constitue une faute disciplinaire ;
Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que ces fautes, d'une particulière gravité, imputables à monsieur XXX justifient sa révocation ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – La décision rendue le 11 juin 2015 par la section disciplinaire du conseil d'administration de l'université Toulouse 1 Capitole est annulée ;
Article 2 – La révocation de Monsieur XXX est prononcée ;
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur XXX, à monsieur le président de l'université des Antilles, à madame la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; copie sera adressée, en outre, à monsieur le recteur de l'académie de Martinique.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 18 septembre 2018 à 14 h 30 à l'issue du délibéré.
Le secrétaire de séance
Jean-Yves Puyo
La présidente
Camille Broyelle
Affaire : monsieur XXX, né le 26 juin 1978
Dossier enregistré sous le n° 1332
Appel formé par monsieur le président de l'université Claude Bernard Lyon 1, d'une décision de la section disciplinaire du conseil académique de l'université Claude Bernard Lyon 1 ;
Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeur des universités ou personnel assimilé :
Mustapha Zidi, président
Jean-Yves Puyo
Maître de conférences ou personnel assimilé :
Marie Jo Bellosta, rapporteure
Marc Boninchi
Thierry Côme
Vu le Code de l'éducation, notamment ses articles L. 232-3, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la décision prise le 10 avril 2017 à l'encontre de monsieur XXX maître de conférences, par la section disciplinaire du conseil académique de l'université Claude Bernard Lyon 1, prononçant un blâme, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel.
Vu l'appel formé le 19 mai 2017 par monsieur le président de l'université Claude Bernard Lyon 1, de la décision prise à l'encontre de monsieur XXX, par la section disciplinaire de l'établissement ;
Vu ensemble les pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 août 2018 ;
Monsieur le président de l'université Claude Bernard Lyon 1, ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 août 2018 ;
Monsieur XXX et son conseil Maître Max Lebreton, étant présents ;
Mesdames Christine Vinciguerra et Marguerite da Costa Rios représentant Monsieur le président de l'université Claude Bernard Lyon 1, étant présentes ;
Après lecture, en audience publique, du rapport d'instruction établi par Marie Jo Bellosta ;
Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que monsieur XXX a été condamné par la section disciplinaire du de l'université Claude Bernard Lyon 1 à un blâme pour avoir falsifié un dossier de recrutement et un dossier de demande de prime d'encadrement doctoral et de recherche au titre de l'année 2016-2017 ;
Considérant qu'au vu des pièces du dossier disciplinaire, il apparait que monsieur XXX, dans le cadre de la demande de prime d'encadrement doctorale et de recherche (PEDR), a fait état dans son dossier de publications qui ne figurent pas dans les bases de données ; que par ailleurs, la composante de rattachement du déféré a également noté de fausses déclarations relatives à ses publications scientifiques et brevets dans le cadre de son dossier de recrutement ;
Considérant que monsieur XXX reconnaît les faits qui lui sont reprochés et qu'il dit regretter ses agissements ; qu'il souligne toutefois avoir travaillé dans un contexte délétère et estime que son nom aurait légitimement dû apparaître parmi les co-auteurs de certaines publications ;
Considérant que les affirmations du déféré ne sont pas de nature à faire disparaître la faute commise ; que le fait d'altérer sciemment le contenu d'un dossier dans le cadre d'un recrutement ou d'une demande de prime est un comportement fautif qui doit être sanctionné sévèrement ; que monsieur XXX mérite compte-tenu des circonstances de l'espèce d'être condamné à un retard d'avancement d'échelon pour une durée de deux ans ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – Monsieur XXX est condamné à un retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans.
Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l'éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à monsieur XXX, à monsieur le président de l'université Claude Bernard Lyon 1, à madame la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ; copie sera adressée, en outre, à madame la rectrice de l'académie de Lyon.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 18 septembre 2018 à 18 h 00 à l'issue du délibéré.
Le secrétaire de séance
Marc Boninchi
Le président
Mustapha Zidi
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