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Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanctions disciplinaires
nor : ESRS2314097S
Décision du 9-5-2023
MESR - CNESER
Affaire : Monsieur XXX, étudiant né le 1er octobre 1975
Dossier enregistré sous le n° 1602
Appel formé par maître Balthazar Lévy aux intérêts de Monsieur XXX, d'une décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle ;
Le Cneser statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Madame Frédérique Roux, présidente de séance
Jacques Py
Alain Bretto, rapporteur
Étudiants :
Matéo Bertin
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7 dans leur rédaction antérieure à l’article 33 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, R. 232-23 à R. 232-48, et R. 811-10 à R. 811-15 dans leur rédaction antérieure au décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur ;
Vu le décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur, notamment ses articles 15 et suivants ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Cneser statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la décision prise à l’encontre de Monsieur XXX le 4 novembre 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle, prononçant l’exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Vu l’appel formé le 19 novembre 2019 par maître Balthazar Lévy aux intérêts de Monsieur XXX, étudiant inscrit à la préparation de l'agrégation d'anglais à l’université Sorbonne Nouvelle, de la décision prise à son encontre par la section disciplinaire de l’établissement ;
Vu la demande de sursis à exécution formée le 19 novembre 2019 par maître Balthazar Lévy aux intérêts de Monsieur XXX et rejetée par le Cneser statuant en matière disciplinaire le 20 mai 2020 ;
Vu le pourvoi formé le 15 juillet 2020 par Monsieur XXX contre cette décision ;
Vu la décision rendue le 30 juillet 2021 par le Conseil d’État annulant la décision rendue le 20 mai 2020 par le Cneser statuant en matière disciplinaire ;
Vu la seconde décision rendue le 18 novembre 2021 par le Cneser statuant en matière disciplinaire rejetant à nouveau la demande de sursis à exécution formée le 19 novembre 2019 par maître Balthazar Lévy aux intérêts de Monsieur XXX ;
Vu le second pourvoi formé le 7 février 2022 par Monsieur XXX contre cette décision rendue le 18 novembre 2021 ;
Vu la décision rendue le 22 juillet 2022 par le Conseil d’État de non-admission du pourvoi formé par Monsieur XXX ;
Vu le mémoire et pièces déposés par maître Balthazar Lévy, les 26 septembre 2022 et 6 octobre 2022 ;
Vu le mémoire en défense déposé par le président de l’université Sorbonne Nouvelle, le 27 septembre 2022, et ses observations du 27 avril 2023 ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 avril 2023 ;
Monsieur le président de l’université Sorbonne Nouvelle ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 6 avril 2023 ;
Mesdames AAA, BBB et CCC ayant été convoquées en qualité de témoins ;
Monsieur XXX et son conseil, maître Balthazar Lévy, étant présents ;
Ines Gamoudi et Ognyan Atanasov, chargés des affaires juridiques représentant monsieur le président de l’université Sorbonne Nouvelle, étant présents ;
Madame CCC, témoin, étant présente ;
Après lecture, en audience publique, du rapport d’instruction établi par Alain Bretto ;
Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que Monsieur XXX a été condamné le 4 novembre 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle à l’exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur ; qu’il est reproché à Monsieur XXX d’avoir adopté un comportement inapproprié à l’égard de plusieurs étudiantes ; que le type de relation qu’il a cherché à créer avec elles ne relève pas d’une relation normale s’exerçant entre étudiants ; que les propos qu’il a tenus aux étudiantes ont été de nature à les mettre mal à l’aise (propos à caractère sexuel) ; qu’il a fait preuve d’une insistance déraisonnable en cherchant à maintenir contact avec les étudiantes alors qu’elles lui avaient plusieurs fois et sous plusieurs formes manifesté leur volonté qu’il se tienne éloigné d’elles ; qu’il a envoyé de multiples messages sur un réseau social à l’une des étudiantes alors que celle-ci ne répondait pas ; que Monsieur XXX a suivi au moins deux étudiantes, l’une dans les transports en commun, l’autre dans un magasin se trouvant à proximité de l’université ; qu’ainsi Monsieur XXX a placé les étudiantes dans une situation intimidante ; que son comportement a également été de nature à mettre en péril leur santé et leur réussite au concours de l’agrégation, comportement troublant le bon fonctionnement de l’établissement ;
Considérant qu’au soutien des prétentions d’appel de son client maître Balthazar Lévy soulève les griefs suivants de légalité externe :
- violation de son droit au procès équitable : Monsieur XXX n’a pas été en mesure de préparer utilement sa défense puisqu’un délai inférieur à une semaine lui a été accordé pour préparer ses observations devant la commission d’instruction et que les dernières pièces ne lui ont été communiquées que la veille avant la tenue de cette commission. Par ailleurs, les membres de la commission d’instruction n’auraient pas été impartiaux ;
- violation de diverses dispositions du Code de l’éducation : l’un des membres de la commission de jugement n’apparaît pas sur le jugement disciplinaire (ils auraient été six et non cinq, comme il est rédigé dans la décision) ; le secret de l’instruction n’aurait pas été respecté car un enseignant déclare dans son témoignage avoir été informé de l’existence d’une procédure avant même que Monsieur XXX ne soit entendu ; de nouvelles pièces auraient été versées (témoignages d’enseignants) sans que l’instruction n’ait été rouverte pour discuter de celles-ci ; la commission d’instruction n’était composée que de deux membres ; le secrétaire de séance aurait participé aux débats de la séance d’instruction ; lors de la formation de jugement, Monsieur XXX n’aurait pas eu la parole en dernier ;
Considérant qu’au soutien des prétentions d’appel de son client maître Balthazar Lévy soulève les griefs suivants de légalité interne :
- les faits ne seraient corroborés par aucun élément matériel, ni par aucun témoignage valable autre que celui d’une enseignante, Madame DDD. Les témoignages des plaignantes n’ont aucune valeur probante car ils ont été préparés par écrit pendant près de trois mois par sept étudiants différents qui témoignent chacun de choses différentes et alors que la commission d’instruction n’a tenu aucun compte des témoignages apportés par Monsieur XXX ; qu’en conséquence la motivation de la décision serait insuffisante à établir la preuve d’un trouble à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement ; la commission de discipline aurait également commis une erreur de faits en se basant sur des éléments de preuve tronqués ;
- la sanction serait disproportionnée au regard des faits reprochés et alors même que Monsieur XXX s’est excusé pour la remarque déplacée qu’il avait faite sur l’habillement « sexy » de sa camarade ;
Considérant qu’au final maître Balthazar Lévy demande l’annulation de la décision et, subsidiairement, que la sanction prononcée soit réduite ;
Considérant que, dans ses écritures, monsieur le président de l’université Sorbonne Nouvelle précise :
- sur la forme : que la section disciplinaire du conseil académique de son établissement n’a commis aucune erreur de procédure ; que la commission disciplinaire est libre d’accepter tous les moyens qu’elle juge propres à l’éclairer et de réunir un faisceau d’indices suffisant permettant de motiver sa décision ; que le Code de l’éducation ne prévoit pas de délai de convocation minimal devant la commission d’instruction ; qu’il est tout à fait possible de produire des observations et pièces entre la commission d’instruction et la formation de jugement ; qu’il n’y a aucune partialité envers Monsieur XXX puisque les membres de la section disciplinaire appartiennent à d’autres composantes que celle de l’intéressé et le seul membre ayant eu une relation pédagogique avec Monsieur XXX s’est récusé immédiatement ; que s’il est vrai que l’un des membres ayant siégé au sein de la commission de jugement n’apparaît pas sur la décision, cet enseignant a bien été convoqué et a bien émargé, cela ne remet donc pas en cause la validité de la formation de jugement et, par voie de conséquence, le jugement lui-même ; qu’il n’y a eu aucune violation du secret de l’instruction ; que les témoignages versés, débattus contradictoirement, n’apportent que des éléments de contextualisation et ne peuvent être considérés comme étant à charge ; que la composition de la commission d’instruction était conforme aux dispositions prévues par les textes ; que la secrétaire de séance (qui est à la fois la juriste de l’établissement) ne s’est exprimée que sur des questions procédurales et qu’enfin, contrairement à ce qu’indique Monsieur XXX, ce dernier a bien eu la parole en dernier ;
- sur le fond : que les témoignages des étudiantes sont précis, circonstanciés et concordants ; que les étudiantes relatent plusieurs épisodes ayant fait naître chez elles un sentiment de mal-être et non un simple épisode isolé comme le soutient Monsieur XXX ; que ce dernier a perturbé la sécurité affective des étudiantes et mis en péril leur réussite universitaire et professionnelle ; qu’il a instauré un rapport de force avec les étudiantes dont il a abusé, notamment en raison de la différence d’âge ; que les enseignantes interrogées ont confirmé le caractère sérieux et réfléchi des plaignantes ; que la section disciplinaire ne s’est donc pas basée sur des rumeurs ou encore des témoignages isolés ;
Considérant qu’au final monsieur le président de l’université Sorbonne Nouvelle considère que le comportement de Monsieur XXX est inapproprié et constitue un trouble avéré au bon fonctionnement de l’université ; que la décision attaquée était parfaitement proportionnée à la gravité des faits reprochés et demande le rejet de la requête d’appel de Monsieur XXX tendant à l’annulation de la décision attaquée ;
Considérant que, lors de la formation de jugement, Madame CCC déclare que, à l’époque des faits, les relations étaient amicales les trois premières semaines, puis Monsieur XXX a tenu des propos sexistes et misogynes, des blagues déplacées, avec répétition sur le long terme, ce qui l’a mise mal à l’aise ; qu’il l’a raccompagnée au métro alors qu’elle n’en avait pas envie ; qu’elle recevait de nombreux messages sur Facebook et Messenger, sur les cours, de plus en plus insistants ; qu’elle lui a indiqué clairement qu’elle souhaitait ne plus être contactée mais qu’il insistait ; qu’elle n’était pas sereine en rentrant chez elle ; que Monsieur XXX était intelligent et conscient qu’il la mettait mal à l’aise ; que d’autres étudiantes subissaient le même comportement déplacé de la part de Monsieur XXX, et c’est ce qui l’a poussée à saisir les instances pour dénoncer ces faits ; que Monsieur XXX s’asseyait systématiquement à côté d’elle alors qu’elle lui demandait de ne pas le faire ; que la situation a été « très stressante pour moi » et qu’elle a accepté dans un premier temps le comportement de Monsieur XXX car elle pensait que c’était de la maladresse de sa part, alors qu’avec du recul elle considère qu’il ne s’agit pas de maladresse, qu’elle a accepté de lui apporter son soutien car Monsieur XXX exprimait un besoin de contact et une déprime ; qu’elle avait peur et était inquiète que Monsieur XXX se retrouve avec des jeunes filles s’il réussissait son concours ; que, par la suite, après lui avoir demandé de cesser de lui envoyer des textos, Monsieur XXX a arrêté définitivement ;
Considérant que, lors de la formation de jugement, Monsieur XXX indique qu’il a obtenu son agrégation en juin 2019 ; qu'il est à la recherche d’un emploi mais qu’il ne cherche pas dans le secteur de l’enseignement, mais dans son précédent domaine de compétence en qualité de cadre commercial ; sur les faits, Monsieur XXX indique qu’il a passé une année à un rythme « infernal » à l’université Sorbonne Nouvelle (8 h-20 h) ; qu’il a beaucoup travaillé pour obtenir son agrégation et qu’il n’avait pas fait beaucoup attention à son entourage ; qu’il cherchait un binôme pour travailler ; que Madame AAA ne souhaitait plus travailler avec lui et que, de son côté, Monsieur XXX ne voulait plus être en contact avec elle car il se sentait attiré par elle ; qu’il ne pense pas avoir harcelé Madame CCC par messages Messenger et qu’il a cessé de communiquer avec elle ; que Madame BBB ne voulait pas partager ses notes avec lui ; qu’il est suivi depuis 2019 par un psychiatre suite aux faits qui lui ont été reprochés ; qu’avec du recul, il pense qu’à l’époque des faits il avait « une grande gueule et qu’il aurait dû se taire » et ne percevait pas que ses propos puissent choquer ; qu’il ne comprend pas pourquoi on lui reproche des faits de harcèlement ; que les propos dénoncés par les plaignantes sont « délirants » ;
Considérant que, lors de la formation de jugement, maître Balthazar Lévy, sur la forme, émet un doute sur l’impartialité de la section disciplinaire ; sur le fond, maître Balthazar Lévy indique que son client n’a pas troublé l’ordre ou le bon fonctionnement de l’établissement ; qu’il n’y avait chez son client aucune intention de nuire ; que le témoignage de Madame BBB indique clairement qu’il n’y a pas de tentative de séduction et encore moins de harcèlement de la part de son client ; que, dans le témoignage de Madame AAA, l’étudiante a essayé de rompre la relation mais a tenté ensuite de revenir vers lui et il n’y a ni harcèlement, ni propos à connotation sexuelle ; que, dans le témoignage de Madame CCC, il n’y a simplement pas la même perception entre la plaignante et Monsieur XXX, mais aucune intention de harcèlement ; que rien ne justifiait une saisine de la section disciplinaire de l’établissement ; qu’enfin la sanction serait manifestement disproportionnée ;
Considérant que, lors de la formation de jugement, il ressort des échanges avec les parties que Monsieur XXX n’a pas eu de geste déplacé, ni de propos à caractère sexuel visant spécifiquement des étudiantes ; qu’il lui est reproché de mettre mal à l'aise les étudiantes avec lesquelles il échange dans le cadre de la formation sans capacité à évaluer ce que provoquent ses attitudes et comportements sur autrui ; que le fait d'évoquer une question à connotation sexuelle ou sexiste, même si elle reste générale, de manière répétée y compris alors que l'interlocuteur a signifié clairement ne pas souhaiter en entendre davantage, peut s'apparenter à une forme de harcèlement ;
Considérant que, lors de la formation de jugement, les représentants de l’université Sorbonne Nouvelle demandent le maintien de la sanction prononcée en première instance ; qu’au regard des éléments ci-dessus évoqués, elle apparait toutefois disproportionnée et qu’il convient à ce titre de l’annuler ;
Considérant que, lors de la formation de jugement, il est apparu aux juges d’appel que les faits reprochés à Monsieur XXX se caractérisent par des propos sexistes et misogynes et une attitude ambiguë ; que ce comportement est manifestement inapproprié, particulièrement envers de jeunes étudiantes ; que toutefois la sanction prononcée en première instance étant la plus lourde, il convient au regard des faits présentés de la ramener à une plus juste proportion ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – La décision rendue le 4 novembre 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle est annulée ;
Article 2 – Monsieur XXX est condamné à une exclusion de tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée cinq ans ;
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à monsieur le président de l’université Sorbonne Nouvelle, à madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à monsieur le recteur de l’académie de Paris.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 9 mai 2023 à 12 h 30 à l’issue du délibéré.
Le secrétaire de séance
Alain Bretto
La présidente
Madame Frédérique Roux
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