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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanction disciplinaire

nor : ESRS2319826S

Décision du 22-6-2023

MESR - CNESER

Affaire : Madame XXX, professeure agrégée née le 2 décembre 1973

Dossier enregistré sous le n° 1649

Appel formé par Madame XXX d’une décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Pau et des Pays de l’Adour ;

Le Cneser statuant en matière disciplinaire ;

Étant présents :

Professeurs des universités ou personnels assimilés :

Mustapha Zidi, président

Frédérique Roux

Emmanuel Aubin

Jacques Py

Maîtres de conférences ou personnels assimilés :

Marie Jo Bellosta

Nicolas Guillet, rapporteur

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-9, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;

Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Cneser statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;

Vu la décision prise à l’encontre de Madame XXX, le 16 juin 2020 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Pau et des Pays de l’Adour, prononçant l’interruption des fonctions dans l’université de Pau et des Pays de l’Adour pour une durée de deux ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Vu l’appel formé le 21 juillet 2020 par Madame XXX de la décision prise à son encontre par la section disciplinaire de l’établissement ;

Vu la demande de sursis à exécution formée le 21 juillet 2020 par Madame XXX et accordé par le Cneser statuant en matière disciplinaire le 18 novembre 2020 ;

Vu le mémoire et les pièces déposés par Maître Geoffroy Lebrun le 30 mars 2023 et le 16 juin 2023 ;

Vu le mémoire et les pièces déposés par l’université de Pau et des Pays de l’Adour le 6 juin 2023 ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Madame XXX ayant été informée de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 16 mai 2023 ;

Monsieur le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 16 mai 2023 ;

Madame AAA ayant été convoquée en qualité de témoin ;

Madame XXX et ses conseils, Maître Geoffroy Lebrun, avocat, et Monsieur Michel Gay, défenseur syndical, étant présents ;

Madame Carine Monlaur, directrice des affaires juridiques, et Fanny Testarrouge, chargée des affaires juridiques représentant Monsieur le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour, étant présentes ;

Madame AAA étant présente ;

Après lecture, en audience publique, du rapport d’instruction établi par Nicolas Guillet ;

Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties, puis les conclusions de la déférée, celle-ci ayant eu la parole en dernier ;

Après que ces personnes et le public se sont retirés ;

Après en avoir délibéré

Sur l’appel de Madame XXX :

Considérant que Madame XXX a été condamnée le 16 juin 2020 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Pau et des Pays de l’Adour à une interruption des fonctions dans l’université de Pau et des Pays de l’Adour pour une durée de deux ans ; que le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour reproche à Madame XXX :

  • le non-respect des horaires fixés par l’administration ;
  • la mise en place d’un circuit parallèle d’organisation des enseignements en ne tenant pas compte des plannings officiels, ni de la composition des groupes, ni de la répartition des compétences au sein des services ;
  • le refus de discuter des difficultés avec les responsables de services ;
  • le refus d’utiliser la communication institutionnelle avec ses étudiants : d’après les témoignages d’étudiants, versés au dossier, l’enseignante se serait livrée à des choix arbitraires de constitution des groupes en prenant en compte leur origine supposée et plusieurs soulignent les difficultés relationnelles liées aux pressions effectuées par l’enseignante, son « agressivité verbale », son « manque de respect » pour eux ;
  • la désorganisation des enseignements et des évaluations du fait du refus de prendre en compte l’emploi du temps institutionnel ;
  • des absences sans justifications et le non-respect de ses obligations de service ;
  • Des négligences répétées dans la remise des sujets d’examen.

Considérant qu’au soutien de ses prétentions d’appel Madame XXX considère, sur la forme, que l’instruction de première instance a été faite à charge et que de nombreuses pièces qu’elle avait fournies n’ont pas été prises en compte par la commission d’instruction qui les a rejetées (s’agissant des témoignages anonymes) ; qu’elle reproche à la lettre de saisine de s’achever par la formule « la liste exposée [de griefs] ci-dessus n’est pas limitative » alors que l’article R. 712-30 du Code de l’éducation indique que les faits doivent être mentionnés ; qu’elle estime n’avoir pas pu faire valoir son droit de récusation d’un membre de la section disciplinaire car la liste des membres lui a été communiquée tardivement ;

Considérant qu’au soutien de ses prétentions d’appel Madame XXX, sur le fond, conteste les dysfonctionnements reprochés qui ne lui sont pas imputables, ne reconnaît pas la réalisation d’examens en dehors de tout cadre réglementaire, conteste les absences injustifiées, considère qu’elle n’a pas eu d’attitudes discriminatoires, nie avoir refusé d’utiliser la communication institutionnelle avec ses étudiants ou d’avoir altéré l’image de l’établissement, nie avoir fait irruption dans un cours donné par une vacataire dont on ne l’avait pas avisée de son recrutement ; Madame XXX indique qu’elle a subi une retenue sur salaire injustifiée, que son emploi du temps du premier semestre 2018-2019 était incohérent, démontrant que l’administration est responsable de dysfonctionnements, que sa notation est injuste depuis 2016. Elle considère que la médiation était inefficace et qu’elle subit un harcèlement moral car l’administration refuse de prendre en considération la fiche d’aptitude médicale émise le 29 mars 2019 par le service de santé au travail demandant un aménagement afin de préserver sa santé ; qu’elle indique encore que tous ces faits ont créé un climat de tension dont l’université doit être tenue pour responsable, si bien que son comportement ne saurait être regardé comme constitutif d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu’enfin Madame XXX considère que la sanction est inadaptée et disproportionnée et constitue un détournement de pouvoir qui compromet son avenir professionnel et entraîne des conséquences irrémédiables ;

Considérant que, dans son mémoire complémentaire déposé le 30 mars 2023, Maître Geoffroy Lebrun aux intérêts de Madame XXX précise que l’appel est recevable même si sa cliente ne l’avait pas motivé initialement ; que, sur la légalité externe, la décision attaquée serait insuffisamment motivée (absence de visa des pièces déposées par Madame XXX, le prononcé de l’exécution provisoire n’est pas justifié) ; la saisine de la section disciplinaire serait irrégulière (griefs non limitatifs), la convocation de Madame XXX devant la formation de jugement serait irrégulière ; un membre de la formation de jugement, Madame BBB, n’aurait pas été impartiale, car faisant partie du même département que la déférée ; que les éléments versés par Madame XXX n’ont pas été pris en compte ; que, sur la légalité interne, la décision serait entachée d’inexactitude matérielle des faits, présenterait une erreur de qualification juridique et que la sanction prononcée serait disproportionnée ;

Considérant que, dans son mémoire du 6 juin 2023, Monsieur le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour rappelle en préambule que Madame XXX allègue sans le prouver des difficultés organisationnelles et structurelles de l’établissement ou présente les faits relatifs à l’ouverture du poste de portugais de manière erronée, et impute à l’université la lenteur de sa réintégration suite à la décision du Cneser statuant en matière disciplinaire, qui lui a accordé le bénéfice du sursis à exécution alors qu’elle dépend du rectorat qui a tardé à prendre un arrêté ; que la décision rendue en première instance est parfaitement motivée car elle énonce de manière très détaillée les griefs reprochés à Madame XXX, leurs conséquences et les raisons pour lesquelles ils sont contraires aux obligations imposées par la loi à l’intéressée ; que la saisine de la section disciplinaire est parfaitement régulière et que Madame XXX a connu et pu répondre tout au long de la procédure à l’ensemble des griefs qui lui sont reprochés ; qu’il ne peut être reproché à l’établissement que Madame XXX ne retire pas à la Poste sa convocation devant la formation de jugement ; que Madame XXX ne peut arguer du fait qu’elle n’a pu récuser Madame BBB dans la mesure où son conseil n’a pas suivi la procédure de récusation prévue par les textes ; que Madame XXX n’apporte aucune preuve sur une quelconque partialité de la procédure disciplinaire suivie à son encontre, les attestations produites par l’intéressée ayant été prises en compte ; que Madame XXX disposait de l’ensemble des documents nécessaires à la préparation de sa défense, si bien qu’elle ne peut invoquer le caractère incomplet de son dossier ; que, sur le fond, les fautes qui lui sont imputées sont démontrées et lui sont imputables et que ces fautes sont pérennes et se reproduisent quelle que soit l’affectation de l’intéressée ; que Madame XXX refuse d’accueillir des étudiants en cours sans justification alors même que les cours sont ouverts à tout étudiant dans la limite des places disponibles et du niveau requis ; que Madame XXX adopte une attitude agressive envers les étudiants, entraînant des plaintes ; que certains étudiants se plaignent des cours ou renoncent à cette option ; que Madame XXX a eu une attitude discriminatoire envers certains étudiants, en s’appuyant par exemple sur leur patronyme pour décréter qu’ils sont lusophones et ainsi les changer de niveau ou en choisissant ceux avec lesquels elle entre en communication par le biais de moyens non institutionnels, comme Facebook, alors même que ce type de communication n’est pas réglementaire ; que Madame XXX a tenu des propos dépréciatifs et fallacieux ; que Madame XXX a des difficultés à respecter l’emploi du temps, mettant en difficulté les étudiants et impliquant une sollicitation constante des personnels administratifs ; que Madame XXX organise en dehors de toute réglementation le contrôle continu des étudiants, occasionnant plusieurs plaintes de leur part ; que Madame XXX ne respecte pas la charte des examens, ni les consignes alors que les règles lui ont été rappelées à plusieurs reprises par sa hiérarchie ; que Madame XXX a organisé une sortie avec les étudiants sans respecter la procédure applicable en la matière et sans autorisation de l’établissement ; qu’elle ne respecte pas les règles relatives à la transmission des notes et des copies d’examens ; qu’elle a entravé le déroulement des cours de rattrapages, impliquant l’intervention personnelle du président de l’université ; que Madame XXX a, de manière générale, une attitude pressante et procédurière envers ses interlocuteurs, plaçant les personnels en position difficile et défensive ; que la sanction prononcée était parfaitement proportionnée ; qu’au final le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour demande le rejet de la demande d’annulation formulée par Madame XXX à l’encontre de la décision rendue par la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Considérant que, dans son mémoire en réplique déposé le 16 juin 2023, Maître Geoffroy Lebrun aux intérêts de Madame XXX rappelle que l’université explique qu’elle « ne s’est pas réorganisée pour résoudre des difficultés d’ordre structurel ou organisationnel, mais pour répondre à l’appel à projet en vue de l’obtention du label d’excellence I-SITE » ; qu’il eut été « plus heureux que l’université ait entrepris une réorganisation en raison de sa volonté d’amélioration des conditions de travail des agents de l’Uppa » ; que « c’est à la faveur d’un argumentaire totalement grotesque que l’université croit pouvoir soutenir qu’il n’y aurait aucun lien entre les problèmes d’organisation, les personnes en poste suite à la réorganisation, le rapport CHSCT et les reproches faits à sa cliente » ; que l’argumentaire de l’université quant au poste de portugais est faux ; qu’il y aurait eu une différence dans le traitement de la mesure de sanction et celui tenant au respect du sursis à exécution obtenu en indiquant que l’« on peut s’interroger sur le probité de cette administration universitaire à la dérive » ; que, sur le bien-fondé de la requête d’appel et plus particulièrement sur la légalité externe, la décision attaquée serait insuffisamment motivée, entachée de vices de procédure (irrégularité de la saisine, irrégularité de la convocation devant la formation de jugement, absence d’impartialité de Madame BBB, absence de prise en charge des éléments à décharge, caractère incomplet du dossier) ; que, sur le bien-fondé de la requête d’appel et plus particulièrement sur la légalité interne, tous les faits reprochés seraient matériellement inexacts, de sorte qu’aucune sanction ne peut être prononcée ; qu’il y a donc lieu de prononcer la relaxe à titre principal ou, à titre subsidiaire, de reconnaître, notamment au regard du harcèlement moral subi par Madame XXX, que la sanction prononcée est largement disproportionnée ;

Considérant que les juges d’appel estiment que la sanction prononcée à l’encontre de Madame XXX en première instance est manifestement disproportionnée, si bien que la décision attaquée doit être annulée ; que, par ailleurs, au vu de ce qui précède et des pièces du dossier, il est apparu qu’il y a eu un dysfonctionnement administratif et que l’isolement de Madame XXX dans son champ d’enseignement et dans sa composante, en raison notamment d’une réorganisation de l’établissement liée à un appel à projet I-SITE, ne lui a pas permis d’exercer ses missions dans de bonnes conditions ; que, même si la déférée aurait pu s’accommoder de ces dysfonctionnements, les torts sont partagés avec l’université et les reproches adressés par l’université à Madame XXX dans sa manière de servir ne permettent pas de matérialiser une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; qu’en conséquence les griefs à l’encontre de Madame XXX ne peuvent être retenus ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

Considérant que Madame XXX sollicite la condamnation de l’université de Pau et des Pays de l’Adour à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de Madame XXX de condamnation de l’université de Pau et des Pays de l’Adour à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Par ces motifs

Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 16 juin 2020 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Pau et des Pays de l’Adour est annulée.

 

Article 2 – Madame XXX est relaxée.

 

Article 3 – La demande de Madame XXX de condamnation de l’université de Pau et des Pays de l’Adour à lui verser la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative est rejetée.

 

Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Madame XXX, à Monsieur le président de l’université de Pau et des Pays de l’Adour, à Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à Madame la rectrice de l’académie de Bordeaux.

 

Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 22 juin 2023 à 12 h 30 à l’issue du délibéré.

Le secrétaire de séance,
Emmanuel Aubin

 

Le président,
Mustapha Zidi

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