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Bulletin officiel
Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanctions disciplinaires
nor : ESRS2323064S
Décisions du 12-7-2023
MESR - Cneser
Affaire : Monsieur XXX, professeur des universités à l’École centrale de Lyon, né le 26 juin 1971
Dossier enregistré sous le n° 1608
Appel formé par Monsieur XXX d’une décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 ;
Appel incident formé par Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon ;
Le Cneser statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Mustapha Zidi, président
Frédérique Roux
Emmanuel Aubin
Jacques Py
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 712-4, L. 952-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 et R. 712-13 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Cneser statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la décision de dépaysement rendue le 12 novembre 2018 par le Cneser statuant en matière disciplinaire renvoyant la connaissance de la procédure disciplinaire à la section disciplinaire de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 ;
Vu la décision prise à l’encontre de Monsieur XXX le 12 septembre 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, prononçant une interdiction d’exercer toutes fonctions de recherche à l’École centrale de Lyon pour une durée de trois mois assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Vu l’appel formé le 20 novembre 2019 par Monsieur XXX, professeur des universités, de la décision prise à son encontre par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 ;
Vu l’appel incident formé le 23 janvier 2020 par Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon ;
Vu les mémoires et pièces déposés par Monsieur XXX et son conseil, Maître Stéphanie Hérin, les 17 février 2020, 14 mars 2023 et 26 juin 2023 ;
Vu le mémoire daté du 13 juin 2023 déposé par Maître Serge Deygas ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 7 juin 2023 ;
Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 7 juin 2023 ;
Mesdames AAA, BBB, CCC et Messieurs DDD, EEE, FFF, GGG ayant été convoqués en qualité de témoins ;
Monsieur XXX et son conseil, Maître Stéphanie Hérin, étant présents ;
Maître Serge Deygas représentant Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon étant présent ;
Madame CCC et Messieurs DDD, EEE, FFF, GGG, témoins, étant présents ;
Madame AAA, absente, ayant adressé un témoignage écrit ;
Madame BBB, absente, ayant adressé un témoignage écrit ;
Après lecture, en audience publique, du rapport d’instruction établi par Jean-Yves Puyo ;
Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications des parties, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que Monsieur XXX a été condamné le 12 septembre 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 à une interdiction d’exercer toutes fonctions de recherche à l’École centrale de Lyon pour une durée de trois mois assortie de la privation de la moitié du traitement ;
Considérant que le directeur de l’École centrale de Lyon reproche à Monsieur XXX d’avoir commis « des agissements ayant instauré un climat conflictuel et des dysfonctionnements graves au sein de l’équipe MMV » ; plus précisément, qu’il lui est reproché des faits relevant du harcèlement moral et d’avoir fait obstruction à la carrière professionnelle de maîtres de conférences affectés dans le même groupe que lui ; qu’il lui est encore reproché de surfacturer des devis pour écarter un des membres fondateurs d’un projet. Il aurait par ailleurs abandonné le projet mené avec la Fondation de l’avenir, dont la dotation devait permettre de financer les travaux de ses collaborateurs ; qu’il lui est aussi reproché des propos offensants et à caractère homophobe à l’encontre d’un maître de conférences, des dérapages verbaux coutumiers envers des personnels administratifs et enseignants extérieurs au groupe ; d’avoir démonté le barillet d’une porte dans un moment de colère ; de n’avoir pas permis au directeur de l’École centrale de Lyon, ni à la délégation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur d’accéder à la plateforme de l’ÉquipEx IVTV ; que la décision attaquée précise que ces dysfonctionnements au sein du groupe MMV sont avérés, qu’ils ont été provoqués par les abus d’autorité répétés de Monsieur XXX ; que ce dernier, en raison d’un management défaillant, a favorisé l’existence de clans au sein du groupe et que cela a nui à son activité ; que le comportement de Monsieur XXX a dégradé l’ambiance de travail et provoqué la souffrance de plusieurs de ses collaborateurs ; que son comportement et ses propos sont d’une certaine gravité au regard du grade de l’intéressé ainsi que de sa renommée scientifique, et que ces faits ont porté atteinte à l’image de l’École centrale de Lyon ;
Considérant que Monsieur XXX, au soutien des prétentions de son appel, conteste fermement les faits et les griefs retenus d’une part, et souligne, d’autres part, de graves irrégularités affectant la décision ; que, selon lui, les motifs sur lesquels s’est prononcée la section disciplinaire ne peuvent justifier la qualification de faute disciplinaire au regard des éléments de fait qu’il a produits au soutien de sa défense ; qu’il ne peut lui être reproché une prétendue « gestion autocratique du groupe MMV » sur les deux dernières années alors qu’il n’en a plus la responsabilité depuis le 1er janvier 2015 ; que l’accusation selon laquelle il aurait surfacturé des prestations portant accès à une plateforme technique, dans le dessein de dissuader un autre établissement public de s’y rendre, ne serait corroborée par aucune pièce et encore moins soutenue par la direction de son établissement ; qu’il n’a jamais tenu de propos homophobes et n’a jamais empêché ses collègues enseignants-chercheurs (et non collaborateurs) d’avoir accès à une salle de réunion ou à des équipements ;
Considérant que, au soutien de son appel incident, le directeur de l’École centrale de Lyon demande le maintien de la sanction prononcée par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 ; que, selon lui, Monsieur XXX tenterait d’éluder à ses responsabilités ; que, concernant la gestion du groupe MMV, même si Monsieur XXX n’en avait plus la responsabilité de droit depuis le 1 janvier 2015, il en était resté le responsable de fait et son comportement a été caractérisé par des méthodes expéditives et par des dénigrements constants qui se sont traduits par des propos homophobes ou par des remarques outrancières (notamment à l’encontre des convictions religieuses) ; que, par ailleurs, plusieurs enseignants-chercheurs ont témoigné contre le comportement de Monsieur XXX, tant à l’écrit qu’au cours de l’audience disciplinaire ; que Monsieur XXX fait preuve d’absence d’empathie envers la souffrance ressentie par ses collègues et d’une totale absence de remise en question ; que le comportement de Monsieur XXX aurait eu des répercussions sur le déroulement de la carrière de Monsieur EEE et de Madame AAA, en les privant d’un climat de travail favorable et de responsabilités auxquelles ils auraient pu légitimement prétendre ;
Considérant que, dans ses mémoires et pièces déposés les 14 mars 2023 et 26 juin 2023 aux intérêts de Monsieur XXX, Maître Stéphanie Hérin précise que la décision attaquée est affectée d’illégalités de forme, en ce que la section disciplinaire de première instance aurait refusé la demande d’audition de témoins de son client ; que ce dernier n’aurait pas été placé en position de discuter les témoignages à charge lors de la phase d’instruction (propos de Monsieur DDD, directeur de l’École centrale de Lyon, de Monsieur HHH, directeur des ressources humaines, de Monsieur III, responsable de l’équipe MMP) ; que le mémoire et les pièces qu’il avait déposés n’auraient pas été pris en compte ; que les poursuites disciplinaires initiées par le directeur de l’École centrale de Lyon reposent sur un dossier exclusivement à charge constitué par l’établissement qui a rassemblé de nombreux témoignages, faisant pourtant état de la qualité des relations professionnelles nouées par Monsieur XXX avec des étudiants, des doctorants, des chercheurs confirmés, des ingénieurs, des vétérinaires, des professeurs, des chargés de recherche, des praticiens, des gestionnaires administratifs, des secrétaires, etc. ; que, sur le fond, la motivation retenue par la juridiction de première instance se fonde sur des faits matériellement inexacts et procède à des qualifications erronées ; que, contrairement à ce qu’affirme la section disciplinaire, Monsieur XXX n’était plus responsable du groupe de recherche MMV au moment des faits reprochés ; qu’il n’aurait pas davantage surfacturé un devis destiné à VetAgro Sup ; qu’il n’aurait pas davantage décidé d’abandonner un projet scientifique mené avec la Fondation de l’avenir, privant ainsi ses collaborateurs d’un financement ; que les trente témoignages produits aux débats contredisent l’accusation selon laquelle Monsieur XXX serait coutumier de dérapages verbaux, offensants ou homophobes ; que Monsieur XXX conteste fermement avoir démonté le barillet d’une porte d’accès ; que Monsieur XXX conteste formellement avoir injurié Monsieur EEE, qu’il a fait en sorte de préserver (Monsieur XXX aurait aidé Monsieur EEE à publier un article, ou lui aurait encore permis de bénéficier de fonds qui n’étaient pas destinés à ses projets, si bien que Monsieur EEE ne peut prétendre avoir disposé de moyens de recherche suffisants du fait de Monsieur XXX), alors que ce dernier lui témoigne d’une « animosité parfaitement inacceptable », notamment en multipliant des accusations à son encontre ; que Monsieur XXX conteste formellement les accusations portées par Madame BBB (épouse de Monsieur EEE), notamment d’obstruction professionnelle ou de rétention et d’utilisation par Monsieur XXX de données scientifiques, de prétendus dénigrements, par Monsieur XXX, de Monsieur III et des chercheurs issus de la filière vétérinaire ou encore de renonciation à la bourse de la Fondation de l’avenir qui était la seule décision du CNRS ; que Monsieur XXX conteste les accusations portées par Monsieur JJJ quant au financement des travaux pour l’ÉquipEx, la prétendue marginalisation de certains membres du laboratoire, l’encadrement défaillant du travail doctoral de Mesdames KKK et LLL ; que Monsieur XXX conteste formellement les accusations « légères » portées par Monsieur MMM ; que Monsieur XXX conteste formellement les accusations d’entraves multiples à ses activités d’enseignement et de recherches portées par Madame AAA ; qu’au final Maître Stéphanie Hérin aux intérêts de Monsieur XXX demande l’annulation et la réformation de la décision attaquée et juge qu’il n’y a pas lieu à sanction ;
Considérant que, dans son mémoire daté du 13 juin 2023, Maître Serge Deygas aux intérêts de l’École centrale de Lyon rappelle que la saisine de la section disciplinaire fut décidée après qu’une enquête interne eut été diligentée et réalisée par le cabinet NNN et que de nombreux témoignages eurent été recueillis ; que l’établissement considère comme établis les faits reprochés à Monsieur XXX et que la sanction retenue, mesurée, doit être confirmée ; que l’établissement n’entend pas maintenir son appel incident, considérant que l’écoulement du temps ne justifie plus des réquisitions dépassant la sanction prononcé en 2019 ; que, pour autant, il n’y aurait pas eu d’irrégularité ni aucun manquement aux règles de procédure lors de la première instance ; que les griefs retenus sur lesquels la section disciplinaire s’est fondée sont précis et résultent des éléments de l’instruction et des pièces produites ; que ces griefs retenus car attestés témoignent de dysfonctionnements significatifs qui sont bien en relation avec le comportement de Monsieur XXX, dont le poids dans le service était évidemment prédominant ; qu’il ne s’agit pas d’un fait isolé mais d’un ensemble de défaillances à la fois humaines et managériales, conduisant à des dysfonctionnements majeurs au sein du service ; que, sur les comportements inappropriés de Monsieur XXX et les différents témoignages apportés, les observations de Monsieur XXX « donnent la fâcheuse impression qu’il aurait été victime d’une véritable machination et que, somme toute, l’ambiance incontestablement délétère régnant au sein de son service relèverait de la responsabilité de ses collègues, mais surtout pas de la sienne » ; que les témoignages, tous très précis et concordants, conjugués aux nombreux documents du dossier, accréditent totalement les griefs formulés à l’encontre de Monsieur XXX ; que Maître Serge Deygas conclut que « les comportements discriminants, dénigrants, humiliants tenus souvent publiquement au travers d’une violence verbale et comportementale évidente sont répréhensibles et relèvent indiscutablement d’attitudes inappropriées liées à des techniques de harcèlement moral ; que, sur ce dernier point, la dégradation de l’état de santé de la plupart des victimes est également indéniable ; pour ces raisons, la sanction infligée en première instance paraît totalement proportionnée aux faits de la cause et devra être purement et simplement confirmée » ;
Considérant que rien ne s’oppose à ce qu’il soit donné acte à Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon du désistement de son appel incident qu’il avait formé de la décision rendue le 12 septembre 2019 à l’encontre de Monsieur XXX par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 ;
Considérant, au regard de ce qui précède et des pièces du dossier, qu’il est apparu aux juges d’appel que certaines expressions utilisées par Monsieur XXX ont pu être ressenties comme blessantes ou humiliantes par certains de ses collègues ; que, dans le cadre du pilotage scientifique de la plateforme ÉquipeEx, le déféré était manifestement sous pression et en situation de burn-out à l’origine d’un arrêt de travail ; qu’il n’existe pas de témoignages directs concernant l’accusation d’homophobie dont a fait l’objet le déféré ; que le grief d’avoir contrarié la carrière de maîtres de conférences ne repose sur aucun élément, cette accusation ayant été contredite par de nombreux témoignages produits aux débats ; que Monsieur XXX a, sans être contredit, précisé qu’il avait rendu possible le financement de recherches de Monsieur EEE et ne l’a pas empêché de présenter deux projets de recherches ANR ; que Monsieur XXX a également assuré une codirection de thèse avec Madame AAA, laquelle lui a adressé en avril 2013 un courriel le remerciant de son soutien ; qu’il n’existe, par ailleurs, aucune preuve permettant d’accréditer que Monsieur XXX aurait surfacturé des prestations de la plateforme ÉquipEx ;
Considérant que, malgré l’existence de tensions avérées entre Monsieur XXX et plusieurs collègues maîtres de conférences ainsi que d’une ambiance de travail à l’origine de difficultés relationnelles au sein du groupe de recherches dont Monsieur XXX n’était plus responsable depuis le 1 janvier 2015, les faits relevés n’étaient pas de nature à justifier le prononcé d’une sanction disciplinaire ; qu’il y a lieu d’annuler la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, prononçant une interdiction d’exercer toutes fonctions de recherche à l’École centrale de Lyon pour une durée de trois mois assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – Il est donné acte à Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon du désistement de son appel incident.
Article 2 – La décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 est annulée.
Article 3 – Monsieur XXX est relaxé.
Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à Monsieur le directeur de l’École centrale de Lyon, à Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à Monsieur le recteur de l’académie de Lyon.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 12 juillet 2023 à 17 h 30 à l’issue du délibéré.
Le secrétaire de séance,
Emmanuel Aubin
Le président,
Mustapha Zidi
Affaire : Monsieur XXX, Professeur des Universités, né le 25 mars 1961
Dossier enregistré sous le n° 1745
Demande de dépaysement formée par Maître Stéphanie Hérin aux intérêts de Monsieur XXX
Le Cneser statuant en matière disciplinaire ;
Étant présents :
Professeurs des universités ou personnels assimilés :
Mustapha Zidi, président
Frédérique Roux
Jacques Py
Emmanuel Aubin, rapporteur
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, R. 232-23 à R. 232-48 dans leur rédaction antérieure à l’article 33 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, et R. 712-27-1 ;
Le dossier et le rapport ayant été tenus à la disposition des parties, de leur conseil et des membres du Cneser statuant en matière disciplinaire dix jours francs avant le jour fixé pour la délibération ;
Vu la requête de Maître Stéphanie Hérin aux intérêts de Monsieur XXX en date du 23 mars 2023 tendant au dessaisissement de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Toulouse III Paul-Sabatier, normalement compétente pour statuer sur son cas ;
Vu les observations du 28 avril 2023 du président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier ;
Vu les observations du 7 juillet 2023 de Maître Stéphanie Hérin ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Monsieur XXX ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 7 juin 2023 ;
Monsieur le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier ayant été informé de la tenue de cette séance par lettre recommandée avec avis de réception du 7 juin 2023 ;
Monsieur XXX et son conseil, Maître Stéphanie Hérin, étant présents ;
Monsieur le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier étant absent et ayant prévenu qu’il ne sera pas représenté ;
Après lecture, en audience publique, du rapport d’instruction établi par Emmanuel Aubin ;
Après avoir entendu, en audience publique, les demandes et explications de la partie présente, puis les conclusions du déféré, celui-ci ayant eu la parole en dernier ;
Après que ces personnes et le public se sont retirés ;
Après en avoir délibéré
Considérant que, par courrier daté du 23 mars 2023, Maître Stéphanie Hérin, avocat de Monsieur XXX, a introduit devant le Cneser statuant en matière disciplinaire une demande de dessaisissement de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Toulouse III Paul-Sabatier normalement compétente pour connaître le dossier disciplinaire de Monsieur XXX, professeur des universités ;
Considérant que, dans son courrier de saisine, le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier reproche à Monsieur XXX « d’avoir un comportement inadapté par des manquements à ses obligations professionnelles, notamment à son obligation d’obéissance hiérarchique. Il est également reproché à Monsieur XXX un comportement de nature à dégrader les conditions de travail et d’avoir eu une attitude inappropriée en créant ainsi une ambiance délétère et toxique en bloquant les publications de ses collègues et en critiquant lesdits collègues auprès de la communauté scientifique. Il est également reproché à Monsieur XXX de ne pas effectuer son service d’enseignement depuis plusieurs années. » ;
Considérant que, dans sa requête de dépaysement, Maître Stéphanie Hérin expose que Monsieur XXX « doit faire face, depuis plusieurs années, à des attaques personnelles particulièrement virulentes de la part de la direction de l’établissement et de certains de ses collègues, situation conflictuelle qui a pour cause initiale une mésentente scientifique au sein du laboratoire CNRS LCC […] courant 2021, Monsieur XXX se verra brutalement opposer une prétendue décision d’exclusion du laboratoire LCC au sein duquel il effectue l’essentiel de sa recherche depuis près de 25 ans […]le 22 juin 2022, Monsieur XXX est accusé par un responsable du laboratoire LCC d’avoir bousculé un vigile placé à l’entrée et le président décide le lendemain de faire intervenir les forces de police, sur le site universitaire, afin d’interpeller Monsieur XXX, qui se trouve en train de travailler avec ses collègues et étudiants dans l’enceinte du Laboratoire […] le président de l’université prendra le 24 juin 2022 un arrêté de suspension conservatoire de toutes fonctions à l’université Toulouse III pour une durée de 12 mois […] puis le 2 mars 2023 la décision d’engager une procédure disciplinaire […] les poursuites disciplinaires reposent sur des faits particulièrement discutables. » ;
Considérant que Maître Stéphanie Hérin précise encore que, « dans ce contexte, et alors même que le dossier est sous-tendu par un conflit collectif pérenne impliquant de nombreux enseignants-chercheurs de l’établissement également présents au laboratoire LCC et que les griefs invoqués, en particulier celui tenant à la violation de l’obligation d’obéissance par Monsieur XXX, professeur des universités auquel doit être reconnu le bénéfice d’une indépendance à valeur constitutionnelle, traduisent l’implication particulièrement forte de la présidence en défaveur du requérant, il apparaît pleinement justifié de voir ordonner l’attribution de cette procédure disciplinaire à une autre section disciplinaire, de préférence hors région toulousaine, afin de permettre un examen impartial des faits reprochés.
À elle seule, la mise en œuvre, sans proportion avec les faits reprochés, d’une intervention policière dans l’enceinte de l’université pour interpeller Monsieur XXX, devant ses collègues et ses étudiants, caractérise une atteinte parfaitement inacceptable à la présomption d’innocence de l’intéressé. » ;
Considérant que Maître Stéphanie Hérin conclut en précisant que « cette situation, qui participe tout à la fois de l’initiative du président de l’université, mais également de collègues du requérant membres de l’équipe du laboratoire LCC, constitue une raison objective de mettre en doute l’impartialité de la section disciplinaire, dont la composition n’est toujours pas connue de Monsieur XXX, faute de publication de la décision y afférent par l’université Toulouse III.
Dans ce contexte, exceptionnel, l’impartialité de la section disciplinaire nous semble pouvoir être mise en doute. » ;
Considérant que, dans son mémoire en réponse à la demande de dépaysement déposée par Maître Stéphanie Hérin aux intérêts de Monsieur XXX (courrier A2 – p. 91) daté du 28 avril 2023, le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier apporte les précisions suivantes pour s’opposer à la demande de dépaysement :
- Le laboratoire de chimie de coordination est une unité propre au CNRS, établissement distinct de l’université. L’université n’est pas propriétaire des locaux, ni des badges d’accès dudit laboratoire. La décision d’exclure Monsieur XXX est à l’initiative du CNRS et l’université n’y a pas été associée.
- L’intervention des forces de police qui a eu lieu le 22 juin 2022 était à l’initiative du directeur adjoint du CNRS et non à celle du président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier, suite à l’intrusion forcée de Monsieur XXX dans les locaux.
- La mesure de suspension a été prise afin d’assurer la sécurité du personnel du laboratoire aussi bien que celle de Monsieur XXX.
- La commission d’enquête administrative a également recommandé la saisine de la section disciplinaire à l’encontre du directeur du laboratoire ; Monsieur XXX n’est donc pas le seul concerné par la saisine de la section disciplinaire, si bien que Maître Hérin ne peut affirmer qu’une décision a été prise par l’université dans « un but d’animosité personnelle parfaitement démesurée de la part de la présidence de l’université » ; au contraire, la présidence de l’université a toujours participé à tenter d’améliorer la situation de Monsieur XXX.
- Quant à l’impartialité alléguée de la section disciplinaire :
- La saisine de la section disciplinaire a été effectuée, non pas parce que la « direction de l’établissement attaque personnellement Monsieur XXX », mais pour faire suite aux préconisations de l’enquête administrative et sur la base de faits pouvant être qualifiés de manquements professionnels, et notamment de non-respect d’une mesure de suspension. Il appartiendra ainsi à la section disciplinaire de se prononcer sur ces faits, objets de la saisine. Seule la section disciplinaire pourra prononcer, le cas échéant, une sanction à l’encontre de Monsieur XXX. L’affaire sera instruite à charge et à décharge, la sanction n’est ainsi pas automatique.
- Les membres de la section disciplinaire sont élus et non désignés par le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier ; il n’y a donc aucun lien hiérarchique entre les membres de la section disciplinaire et la présidence de l’université. La composition de la section disciplinaire a été régulièrement publiée, si bien que Monsieur XXX ne peut prétendre ne pas connaître cette composition, d’autant plus qu’il n’a jamais cherché à la connaître. La section disciplinaire est aujourd’hui « composée de quatre professeurs des universités (deux femmes et deux hommes) dont aucun ne connaît ou n’a été amené à collaborer avec Monsieur XXX, ni professionnellement, ni institutionnellement. Au vu de tout ce qui précède, l’impartialité de la section disciplinaire ne saurait être remise en cause dans cette affaire ».
Considérant que le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier conclut que « les événements révélés par Monsieur XXX, ensemble ou séparément, ne sont pas de nature à faire naître un doute légitime sur l’impartialité de la section disciplinaire de l’université Toulouse III Paul-Sabatier, je vous demande de rejeter la demande de renvoi de Monsieur XXX à une autre section disciplinaire » ;
Considérant que, dans ses observations du 7 juillet 2023, Maître Stéphanie Hérin aux intérêts de Monsieur XXX précise le bien-fondé de sa demande de renvoi pour cause de suspicion légitime ; qu’il y aurait des causes de partialité objective des membres de la section disciplinaire dans la mesure où l’ensemble de la communauté universitaire dont les membres de la section disciplinaire font partie sont parfaitement informés du rapport à charge établi de manière partiale à l’encontre de Monsieur XXX de l’enquête administrative ; qu’il y aurait également des causes de partialité subjective des membres de la section disciplinaire dans la mesure où l’établissement ne serait pas neutre envers Monsieur XXX puisqu’une décision d’intervention policière, manifestement disproportionnée aux faits reprochés, a été mise en œuvre aux fins d’expulsion par la force de Monsieur XXX ; qu’au final Maître Stéphanie Hérin demande, d’une part, le dépaysement de ce dossier, et, d’autre part, l’affichage de la décision à intervenir dans les locaux de l’université Toulouse III Paul-Sabatier ;
Considérant qu’il ressort de l’ensemble de ces éléments qu’un risque de partialité de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Toulouse III Paul-Sabatier n’est pas à exclure et que, pour garantir le bon déroulement de la procédure, il convient dès lors de répondre favorablement à la demande de dépaysement formée par Maître Stéphanie Hérin aux intérêts de Monsieur XXX ;
Considérant en revanche que la demande d’affichage dans les locaux d’un établissement d’une décision du Cneser statuant en matière disciplinaire n’est pas prévue dans le Code de l’éducation, qui ne vise que l’affichage des décisions rendues par les sections disciplinaires des conseils académiques des établissements, elle doit donc être rejetée ;
Par ces motifs
Statuant au scrutin secret, à la majorité absolue des membres présents,
Décide
Article 1 – Les poursuites disciplinaires engagées contre Monsieur XXX sont renvoyées devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Montpellier.
Article 2 – La demande d’affichage de la présente décision du Cneser statuant en matière disciplinaire dans les locaux de l’université Toulouse III Paul-Sabatier est rejetée.
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à Monsieur le président de l’université Toulouse III Paul-Sabatier, à Monsieur le président de la section disciplinaire du conseil académique de Montpellier et au président de cette université, à Madame la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à Monsieur le recteur de l’académie de Toulouse.
Fait et prononcé en audience publique à Paris, le 12 juillet 2023 à 17 h 30 à l’issue du délibéré.
Le secrétaire de séance,
Emmanuel Aubin
Le président,
Mustapha Zidi
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