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et de la Recherche

Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanctions disciplinaires

nor : ESRH2422950S

Décisions du 4-7-2024

MESR – Cneser

Monsieur XXX

N° 1680

Marcel Sousse

Rapporteur

Séance publique du 13 juin 2024

Décision du 4 juillet 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a engagé le 11 mai 2020, contre Monsieur XXX, professeur des universités et directeur d’études à l’EHESS, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement, pour des faits susceptibles d’être qualifiés d’agression sexuelle ;

Par une décision du 17 décembre 2020, la section disciplinaire de l’EHESS compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé la relaxe de Monsieur XXX ;

Par un mémoire en appel du 20 janvier 2021, le président de l’EHESS demande au Cneser statuant en matière disciplinaire d’annuler la décision du 17 décembre 2020 de la section disciplinaire de l’EHESS et de prononcer une sanction à l’encontre de Monsieur XXX ;

Le président de l’EHESS soutient que la décision rendue par la section disciplinaire de son établissement n’est pas à la hauteur de la gravité des faits pour lesquels il l’avait saisie ;

Par un mémoire en défense déposé le 29 février 2024 lors de la commission d’instruction, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de confirmer la relaxe prononcée en première instance ;

Il soutient que, s’il y a eu effectivement un baiser entre Madame YYY et lui à la suite du repas du 13 mars 2020, ce baiser était consenti de part et d’autre ; que Madame YYY n’a manifesté alors aucune retenue ni aucune gêne ; qu’aucune relation institutionnelle ou hiérarchique n’existe entre lui et cette dernière ; qu’il n’est pas son professeur, qu’il ne connaît pas son directeur de thèse et que ce n’est pas ce dernier qui l’a contacté pour introduire sa doctorante ; que, si Madame YYY avait été son étudiante ou même une étudiante de l’EHESS, il ne l’aurait jamais invitée à dîner ;

La commission d’instruction s’est tenue le 29 février 2024 ;

Par lettres recommandées du 14 mai 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître Marc Bellanger, ainsi que le président de l’EHESS, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 13 juin 2024 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Marcel Sousse ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Maître Marc Bellanger représentant Monsieur XXX étant présent ;

Le président de l’EHESS étant représenté par Jean-Baptiste Cornette, directeur des affaires juridiques et des achats ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Marcel Sousse, rapporteur ;

La parole ayant été donnée aux parties, Maître Marc Bellanger représentant Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Marcel Sousse, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Il est constant que, sur les conseils de son directeur de thèse, Madame YYY, doctorante en quatrième année au département d’histoire de l’université de Columbia a envoyé le 6 février 2020 un email à Monsieur XXX, professeur à l’EHESS, pour discuter de ses projets de recherche ; qu’un premier rendez-vous a eu lieu le 13 février au cours duquel Monsieur XXX a proposé à cette dernière de donner une conférence lors de son séminaire ; qu’après plusieurs échanges de mail à caractère uniquement professionnel, ils sont convenus le 13 mars 2020 de se retrouver lors d’un rendez-vous en fin d’après-midi, rendez-vous qui s’est transformé en un dîner dans un restaurant parisien ; qu’à l’issue de ce dîner, payé par Monsieur XXX et bien arrosé, ce dernier a proposé à Madame YYY de la raccompagner à une station de métro pratique pour elle, ce qu’elle a accepté ; qu’arrivés à cette station, au moment de leur séparation, ils se sont « fait la bise », geste qui s’est transformé en un baiser prolongé ; que Monsieur XXX a dit à Madame YYY qu’elle était « so beautiful » ; qu’ils se sont enfin séparés ;

2. Madame YYY soutient que Monsieur XXX l’a en réalité embrassée par surprise et qu’étant paralysée, elle n’a pu le repousser. Elle affirme avoir été bouleversée et avoir pleuré toute la nuit, ce qu’attestent les nombreux mails qu’elle a échangés, dès son retour chez elle et dans la première partie de la nuit, avec son directeur de thèse et un ami doctorant, ainsi que les témoignages de deux responsables du Centre d’études de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est qu’elle a contactés dès le lendemain et qui l’ont engagée à faire un signalement. Elle reproche à Monsieur XXX d’avoir pris avantage de son pouvoir et d’avoir agi sans la moindre considération pour ses sentiments et ses opinions ;

3. Monsieur XXX soutient au contraire que, s’il y a eu effectivement un baiser entre Madame YYY et lui à la suite du repas du 13 mars 2020, ce baiser était consenti de part et d’autre et que Madame YYY n’avait alors manifesté aucune retenue ni aucune gêne ;

4. Si Madame YYY a pu voir dans les contacts qu’elle a eus avec Monsieur XXX une relation de type professionnel entre une doctorante et un professeur d’université spécialiste du même champ d’intérêt que le sien, il ne peut être contesté qu’elle n’était pas inscrite à l’EHESS, que Monsieur XXX n’était pas son directeur de thèse et qu’il n’avait aucune relation d’autorité vis-à-vis d’elle ;

5. Il ressort ensuite des pièces du dossier que, même si elle n’a pu exprimer un refus, Madame YYY a subi le baiser que lui a donné Monsieur XXX, ainsi qu’en témoignent son désarroi immédiat et les conséquences ultérieures sur son état psychologique ; qu’en revanche, Monsieur XXX a mal interprété le comportement de Madame YYY, avec laquelle il n’avait pas de lien hiérarchique et dont il a pu considérer que, dans le cadre de relations entre adultes consentants, elle avait commencé à nouer une relation intime avec lui ;

6. Il ne peut donc être établi que le baiser entre Madame YYY et Monsieur XXX ait résulté, de la part de ce dernier, d’une forme de contrainte ou de pression, qui aurait pu caractériser un manquement à ses obligations déontologiques et une agression sexuelle. Le comportement de Monsieur XXX ne peut ainsi être regardé comme constitutif d’une faute disciplinaire ;

7. Le président de l’EHESS n’est donc pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par la décision attaquée, la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé la relaxe de Monsieur XXX ;

 

Décide

 

Article 1 – Le recours du président de l’EHESS est rejeté.

 

Article 2 – La décision rendue le 17 décembre 2020 par la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de l’EHESS qui a prononcé la relaxe de Monsieur XXX est confirmée.

 

Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’École des hautes études en sciences sociales, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 13 juin 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Marguerite Zani, Lilian Aveneau, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, le 4 juillet 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

La vice-présidente,
Frédérique Roux

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1691

Décision du 4 juillet 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne a engagé le 14 décembre 2020, contre Monsieur XXX, attaché temporaire d’enseignement et de recherche (Ater), des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par un courrier du 22 juin 2021, le président de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne a saisi directement le Cneser statuant en matière disciplinaire au motif qu’aucun jugement n’était intervenu dans les six mois ayant suivi la date à laquelle les poursuites avaient été engagées ;

Par un mémoire du 17 juin 2024 enregistré le 18 juin 2024 au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire, le président de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne indique se désister purement et simplement de la demande de saisine directe qu’il a portée devant le Cneser statuant en matière disciplinaire ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2, R. 232-31 et R. 232-35 ;

 

Considérant ce qui suit :

  • Aux termes de l’article R. 232-35 du Code de l’éducation, « le président peut donner acte des désistements, rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ou entachées d’une irrecevabilité manifeste et constater qu’il n’y a pas lieu à statuer » ;
  • Aux termes du mémoire du 17 juin 2024, le président de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne indique se désister de la demande qu’il a formée le 22 juin 2021, à l’encontre de Monsieur XXX, auprès du Cneser statuant en matière disciplinaire ;
  • Ce désistement est pur et simple ;
  • Rien ne s’oppose à ce qu’il en soit donné acte ;

 

Décide

 

Article 1 – Il est donné acte au président de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne du désistement de demande qu’il a formée le 22 juin 2021, à l’encontre de Monsieur XXX, devant le Cneser statuant en matière disciplinaire.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.

 

Fait à Paris, le 4 juillet 2024,

 

Le président,
Christophe Devys
 

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1702

Gaël Raimbault

Rapporteur

Séance publique du 13 juin 2024

Décision du 4 juillet 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université Bordeaux Montaigne a engagé le 2 octobre 2019, contre Monsieur XXX, maître de conférences affecté à l’UFR Humanités, département histoire de l’université Bordeaux Montaigne, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par un courrier du 10 octobre 2019, le président de l’université Bordeaux Montaigne demandait au Cneser statuant en matière disciplinaire, le renvoi de ce dossier devant la section disciplinaire du conseil académique d’un autre établissement ;

Par décision rendue le 27 novembre 2019, le Cneser statuant en matière disciplinaire renvoyait la connaissance de ce dossier disciplinaire devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Limoges ;

Le président de l’université Bordeaux Montaigne reproche à Monsieur XXX d’avoir eu des comportements déplacés, à l’égard de deux jeunes femmes rencontrées à l’université, dont une était son étudiante de master ;

Par une décision du 20 octobre 2021, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Limoges a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement à l’université Bordeaux Montaigne ou tout établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans, assortie de la privation de la moitié du traitement ;

Par une déclaration d’appel du 7 décembre 2021, complétée par un premier mémoire du 18 mars 2022, puis par un second mémoire daté du 8 avril 2024, et par un troisième mémoire daté du 7 juin 2026, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire l’annulation de la décision rendue le 20 octobre 2021, de prononcer sa relaxe et de mettre à la charge de l’université Bordeaux Montaigne une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Monsieur XXX soutient :

  • que la décision contestée est insuffisamment motivée s’agissant de l’exécution immédiate de la sanction nonobstant appel ;
  • qu’elle est entachée d’irrégularité, la section disciplinaire n’ayant pas tenu compte des éléments présentés en défense ;
  • qu’elle est entachée d’erreur de fait, d’erreur de qualification juridique des faits ;
  • que la sanction retenue est, en tout état de cause disproportionnée eu égard aux faits retenus ;

Par un mémoire en défense daté du 15 décembre 2021, complété par un mémoire du 12 juillet 2022, le président de l’université Bordeaux Montaigne demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter la demande en annulation de Monsieur XXX ainsi que celle formulée au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative et de maintenir la sanction prononcée par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Limoges ;

Le président de l’université Bordeaux Montaigne fait valoir que les moyens soulevés par Monsieur XXX ne sont pas fondés ;

La commission d’instruction s’est tenue le 12 avril 2024 ;

Par lettres recommandées du 15 mai 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître Geoffroy Lebrun, ainsi que le président de l’université Bordeaux Montaigne, ainsi que Monsieur YYY, témoin, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 13 juin 2024 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Gaël Raimbault ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé, en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX et son conseil, Maître Geoffroy Lebrun, étant présents ;

Alexandre Péraud, président de l’université Bordeaux Montaigne, étant présent ;

Monsieur YYY, témoin, étant présent ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu :

  • le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, et R. 232-23 à R. 232-48 ;
  • le Code général de la fonction publique ;
  • la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Gaël Raimbault, rapporteur ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Gaël Raimbault, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

Considérant ce qui suit :

1. Monsieur XXX, maître de conférences à l’université de Bordeaux Montaigne, relève appel d’une décision du 20 octobre 2021 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Limoges lui a infligé la sanction d’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement dans l’établissement ou tout établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans, avec privation de la moitié de son traitement, au motif qu’il avait adopté des comportements déplacés à l’égard de deux étudiantes de l’université, Madame AAA et Madame BBB ;

En ce qui concerne les faits reprochés et leur qualification :

2. Aux termes de l’article L. 121-1 Code général de la fonction publique : « L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. » ;

S’agissant des faits reprochés à l’égard de Madame AAA :

3. Il est constant que Monsieur XXX a rencontré fortuitement au printemps 2018, dans une cafétéria de l’université, Madame AAA, étudiante en histoire de l’art qui n’étudiait pas sous sa direction. Après un échange de plusieurs courriers électroniques au ton léger et personnel, ils ont convenu d’un déjeuner au domicile de Monsieur XXX, lequel s’est tenu le 24 avril 2018. À l’issue de ce déjeuner, Monsieur XXX a adressé à Madame AAA un dernier courrier électronique de remerciement le soir-même, puis leurs échanges ont cessé. En revanche, si Madame AAA reproche à Monsieur XXX des tentatives de séduction qui se seraient déroulées à l’occasion de ce déjeuner, sous la forme d’une invitation à danser et d’une tentative de baiser sur la bouche, le mis en cause a fermement contesté l’existence de ces gestes. S’il est constant que Madame AAA a été cruellement marquée par ces évènements, au point d’en arrêter ses études, elle n’a produit, ni au cours de l’enquête administrative, ni devant la commission d’instruction de première instance, aucune pièce ou élément de nature à corroborer son témoignage et n’a par ailleurs pas déposé plainte. La matérialité de ces tentatives ne peut, dans ces conditions, être regardée comme prouvée ;

4. Dès lors, les seuls faits ainsi établis, impliquant un enseignant-chercheur et une étudiante qui n’était pas placée sous sa responsabilité, ont consisté en un échange de courriers électroniques dont le caractère était certes personnel, mais n’a pas été instauré de manière unilatérale par Monsieur XXX, puis en un déjeuner organisé d’un commun accord. Quelles qu’en soient les conséquences douloureuses sur l’état de santé de Madame AAA, ils ne sont pas en lien avec le service, ne peuvent en soi être regardés comme d’une particulière gravité et n’ont pas eu pour effet de perturber l’organisation du service ni de jeter le discrédit sur l’université. Ils ne sont dès lors pas fautifs ;

S’agissant des faits reprochés à l’égard de Madame BBB :

5. Il résulte de l’instruction et n’est pas contesté que durant l’année universitaire 2017-2018, Monsieur XXX a encadré le mémoire de master 1 de Madame BBB. Ils se retrouvaient fréquemment chez Monsieur XXX, à l’instigation de ce dernier, pour travailler et, occasionnellement, ces séances de travail se prolongeaient par des dîners durant lesquels l’enseignant-chercheur proposait systématiquement de l’alcool. Le témoignage de Monsieur Devillers, directeur du laboratoire de l’intéressé, a révélé que ces pratiques n’étaient pas d’usage dans la composante et que, si la question lui avait été posée, il aurait déconseillé à son collègue d’agir ainsi. D’autres témoignages montrent qu’elles étaient, en revanche, souvent adoptées par Monsieur XXX et qu’au sein des étudiants circulait l’idée qu’il ne fallait pas accepter les invitations à déjeuner ou à dîner de ce dernier. De son côté, s’agissant de Madame BBB, Monsieur XXX a constamment fait valoir les difficultés de la rencontrer à l’université, eu égard à l’hostilité qu’il y subissait et qui le conduisait à y passer le moins de temps possible. Toutefois, il n’a montré aucune difficulté à mettre fin aux rencontres à son domicile tout en poursuivant l’encadrement du mémoire de recherche de Madame BBB à partir du moment où celle-ci le lui a demandé ;

6. Monsieur XXX a également associé Madame BBB à deux projets, l’un porté par l’université (la réalisation de vidéos pédagogiques portant sur l’analyse des « grands procès » athéniens) et l’autre plus personnel (la participation au volet « culturel » d’un projet touristique autour du vignoble). Durant l’été 2018, alors qu’elle devait assister à un colloque se déroulant à Strasbourg et au cours duquel Monsieur XXX intervenait, Madame BBB a brusquement mis fin à ces relations en invoquant des raisons liées à son état psychologique. Au cours de l’enquête administrative, puis devant la commission d’instruction de première instance, elle a attribué ses difficultés psychologiques à la nature de ses relations avec Monsieur XXX, qui lui donnaient l’impression de perdre prise. À la rentrée universitaire de l’année 2018-2019, elle a néanmoins souhaité poursuivre son mémoire de master 2 sous sa direction, compte tenu de la qualité de ses activités de recherche, mais lui a demandé que celle-ci prenne une forme plus classique et moins personnelle, notamment en limitant les rencontres aux seuls locaux de l’université. Enfin, peu de temps avant la fin de cette année universitaire, elle a demandé à changer de directeur de mémoire, demande à laquelle il a été fait droit ;

7. Monsieur XXX a ainsi cherché, consciemment et volontairement, à instaurer une relation effaçant la frontière, s’agissant des relations enseignants-chercheurs/étudiants, entre relations professionnelle et personnelle, ce qu’il ne conteste pas d’ailleurs dans sa pratique d’enseignant. Il a, avec une étudiante de master 1, institué une habitude de dîners de travail chez lui accompagnés d’alcool, à un rythme qui a pu, sur la fin, devenir hebdomadaire. Il n’a pris aucune des précautions requises visant à éviter que cette relation ambigüe et asymétrique n’emporte d’éventuelles conséquences néfastes, notamment psychologiques sur Madame BBB, alors que cette dernière était son étudiante, en master 1, et, à ce titre, placée sous son autorité. Il a ainsi manifestement manqué au devoir de dignité et à l’obligation de protection de leur intégrité que tout enseignant-chercheur doit à ses étudiants ;

8. En revanche, Madame BBB n’a produit aucune pièce ou élément de nature à corroborer son témoignage, ni au cours de l’enquête administrative, ni durant l’instruction en première instance. La nature des faits reprochés à Monsieur XXX apparaît, dès lors, isolée. Dans ces conditions, alors même que Monsieur XXX ne peut sérieusement contester avoir tenté de séduire Madame BBB et nonobstant le retentissement psychologique qu’a pu avoir sur cette dernière sa relation avec son enseignant, aucun fait relevant du harcèlement sexuel ou d’infractions sexuelles ne saurait être retenu à l’encontre de ce dernier.

En ce qui concerne la sanction :

9. Compte tenu de la nature et de la teneur des faits dont Monsieur XXX est reconnu responsable, mais aussi de leur caractère isolé et de ce qu’il a fait droit à la volonté de Madame BBB de mettre fin à leur relation ambigüe dès qu’elle en a manifesté expressément le souhait, il y a lieu d’infliger à l’intéressé la sanction du blâme, première sanction prévue par l’article L. 952-8 du Code de l’éducation ;

10. Par voie de conséquence, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa régularité, la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Limoges du 20 octobre 2021 doit être annulée ;

Sur les frais de l’instance :

11. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre une somme à la charge de l’université Bordeaux Montaigne au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 20 octobre 2021 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Limoges est annulée.

 

Article 2 – La sanction du blâme est infligée à Monsieur XXX.

 

Article 3 – Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

 

Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Bordeaux Montaigne, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Bordeaux.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 13 juin 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Marguerite Zani, Marcel Sousse, Lilian Aveneau, Jean-Luc Hanus, Véronique Reynier, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, le 4 juillet 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

La vice-présidente,
Frédérique Roux

Le greffier en chef,
Éric Mourou

 

 

Monsieur XXX

N° 1728

Barbara Aventino

Rapporteure

Séance publique du 13 juin 2024

Décision du 4 juillet 2024

Vu la procédure suivante :

Le président de l’université d’Artois a engagé le 25 janvier 2022, contre Monsieur XXX, maître de conférences, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par une décision du 28 juin 2022, la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche à l’université d’Artois pendant une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement ;

Par un appel formé le 25 août 2022, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire d’annuler cette décision et de rejeter les poursuites engagées à son encontre ;

Il soutient :

  • en premier lieu, que la décision du 28 juin 2022 méconnait le principe du contradictoire dès lors que :
    • l’enquête administrative interne diligentée à son encontre ne lui a pas été signalée comme telle mais comme une enquête sur les dysfonctionnements du service et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) n’en a pas été informé,
    • il n’a pas été en mesure de répondre aux déclarations de Monsieur CCC qui a été auditionné par la commission d’instruction au titre du conflit d’intérêt dans le cadre du projet FFF postérieurement à son audition par cette même commission,
    • il n’a pas été auditionné par la commission d’instruction sur le motif ajouté de la suspicion de cumul d’activité non autorisé et l’indication qu’il pouvait faire des observations écrites n’a pas été de nature à compenser cette absence d’audition ;
  • en deuxième lieu, que la sanction est disproportionnée dès lors que :
    • il n’est plus en situation de cumul d’activité en ce qui concerne la société AAA,
    • le conflit d’intérêt avec le projet Interreg Socorro 2 ne pourrait concerner que la société AAA, dirigée par sa femme, qui ne pouvait exercer d’influence sur l’exercice de ses fonctions au service exclusif du projet ; cette société s’est retirée du projet. La société BBB, dirigée également par sa femme n’est que sous-traitante. Le grief de tentative de recrutement de sa femme ne peut être retenu,
    • le conflit d’intérêt avec le projet FFF n’est pas avéré compte tenu de la nature des échanges préliminaires avec les personnes en charge du projet et dès lors que le témoignage de Monsieur CCC ne peut être retenu en raison de son caractère tardif et subjectif,
    • le motif tiré du non-respect de ses obligations de service a été abandonné,
    • il n’est pas le seul responsable des difficultés relationnelles au sein du service dont il subit également les conséquences comme en atteste notamment son congé d’office ;

Par une déclaration d’appel incident, complétée par un mémoire en appel incident, enregistrée le 10 février 2023, le président de l’université d’Artois demande au Cneser statuant en matière disciplinaire le rejet de la demande d’annulation formulée contre le jugement de la section disciplinaire de son conseil académique rendu à l’encontre de Monsieur XXX ainsi, qu’à titre principal, le maintien de la sanction, et à titre subsidiaire, son aggravation ;

Il soutient que les moyens de Monsieur XXX ne sont pas fondés et que le motif non retenu par la section disciplinaire de son conseil académique de non-respect par Monsieur XXX de ses obligations de service est avéré et justifie une sanction disciplinaire ;

La commission d’instruction s’est tenue le 12 avril 2024 ;

Par lettres recommandées du 14 mai 2024, Monsieur XXX ainsi que le président de l’université d’Artois ont été régulièrement convoqués à l’audience du 13 juin 2024 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Barbara Aventino ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX et son conseil, Jérôme Buresi, défenseur syndical, étant présents.

Le président de l’université d’Artois étant représenté par Laurence Deloffre, responsable du service des affaires générales et juridiques ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Barbara Aventino, rapporteure ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Barbara Aventino, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit :

1. Monsieur XXX a été recruté en qualité de maître de conférences par l’université d’Artois à compter du 1er septembre 2012. Il y exerce les fonctions d’enseignant-chercheur au sein de l’institut universitaire de technologie (IUT) réseaux et télécommunications de Béthune et du laboratoire de génie informatique et d’automatique de l’Artois (LGI2A). Le président de l’université d’Artois a, le 25 janvier 2022, engagé à son encontre des poursuites disciplinaires en raison de cumuls d’activités non autorisés, de conflits d’intérêts avec ses fonctions de chercheur, de son comportement au sein de l’IUT et du laboratoire et du non-respect de ses obligations de service. Par une décision du 28 juin 2022, dont Monsieur XXX relève appel, la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois a estimé que les trois premiers motifs étaient avérés et a infligé à Monsieur XXX la sanction de l’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche dans cet établissement pour une durée d’un an assortie de la privation de la moitié de son traitement. Le président de l’université d’Artois relève appel de cette décision en tant qu’elle a écarté le motif du non-respect par Monsieur XXX de ses obligations de service ;

Sur la régularité de la décision du 28 juin 2022 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois :

2. Aux termes de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation dans sa version applicable : « La commission d'instruction instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer. Elle doit convoquer l'intéressé, qui peut se faire accompagner de son défenseur, afin d'entendre ses observations. Le président fixe un délai pour le dépôt du rapport d'instruction, qui ne doit comporter que l'exposé des faits ainsi que les observations présentées par l'autorité qui a engagé la poursuite et celles présentées par la personne déférée. Ce rapport est transmis au président dans un délai qu'il a préalablement fixé et qui ne peut être supérieur à deux mois. Toutefois, le président peut ordonner un supplément d'instruction s'il estime que l'affaire n'est pas en état d'être jugée. Le rapport et les pièces des dossiers sont tenus à la disposition de la personne déférée et de l'autorité qui a engagé les poursuites, de leur conseil et des membres de la formation appelée à juger dans le délai fixé au troisième alinéa de l'article R. 712-35. Dans le cas où la juridiction est saisie de nouveaux éléments, le président ordonne la réouverture de l'instruction qui se déroule selon les formes prescrites au premier alinéa du présent article » ;

3. En premier lieu, Monsieur XXX ne saurait utilement soutenir que les conditions dans lesquelles l’enquête administrative interne sur les tensions et dysfonctionnements au sein de l’IUT de Béthune et du laboratoire LGI2A a été conduite entachent d’irrégularité la décision en litige, le rapport et les témoignages recueillis dans ce cadre constituant des pièces du dossier produites par le président de l’université d’Artois et soumises au débat contradictoire au vu duquel la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois s’est prononcée et dont il appartenait à cette dernière, au vu de ce débat, d’apprécier la valeur probante. En tout état de cause, il ressort du courrier du 25 mai 2021 du président de l’université d’Artois adressé au directeur de cet IUT que cette enquête administrative, confiée à la vice-présidente chargée des ressources humaines et au directeur des ressources humaines de l’université entre le 23 juin et le 13 juillet 2021, avait pour objet de mener des investigations sur les tensions et les dysfonctionnements signalés au sein du département « réseaux et télécommunication » et du laboratoire LGI2A. Le comité d’hygiène et de sécurité et des conditions de travail en a été informé lors de sa réunion du 1er juillet 2021. Tous les personnels qui le souhaitaient pouvaient apporter leur témoignage et Monsieur XXX s’y est exprimé spontanément ainsi que onze autres personnes. Le rapport de synthèse établi à l’issue de cette enquête ainsi que l’ensemble des rapports d’entretien annexés ont été communiqués à Monsieur XXX le 27 janvier 2022 dans le cadre de la procédure contradictoire devant le conseil académique de l’université d’Artois constitué en section disciplinaire ;

4. En deuxième lieu, il ne résulte ni des dispositions citées au point 2, ni d’aucune autre disposition ou principe que la personne poursuivie doit être entendue en dernier ou après chacune des auditions des témoins par la commission d’instruction. En outre, il ressort des mentions de la décision en litige que Monsieur XXX a, le 28 mars 2022, réceptionné le procès-verbal d’audition de Monsieur CCC par la commission d’instruction, qu’il a déposé des éléments écrits avant la clôture de l’instruction le 6 mai 2022, qu’un mémoire en défense a été déposé par son conseil le 10 juin 2022 et qu’il a pu faire part de ses observations orales aux membres de la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois lors de sa séance du 17 juin 2022. Il a ainsi été mis à même de discuter utilement du caractère probant du témoignage de Monsieur CCC et a d’ailleurs pu faire état, dans ce cadre, de ce que les propos de Monsieur CCC étaient, selon lui, purement subjectifs ;

5. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation précitées que le respect du caractère contradictoire de la procédure disciplinaire est assuré notamment par l’audition de la personne poursuivie par la commission d’instruction. Néanmoins, cet article mentionne également que la commission d'instruction instruit l'affaire par tous les moyens qu'elle juge propres à l'éclairer. En outre, l’audition de la personne poursuivie par la commission d’instruction ne constitue pas le seul élément permettant le respect de la procédure contradictoire. La mise à disposition à l’intéressé des pièces et du rapport de la commission d’instruction en constitue un autre, ainsi que l’audition par les membres de la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois, laquelle donne une seconde occasion à la personne poursuivie de fournir oralement ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés ;

6. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que Monsieur XXX a été entendu par la commission d’instruction le 3 mars 2022 avant la transmission par le président de l’université d’Artois d’un courrier du 22 mars 2022 demandant l’élargissement de la saisine a un nouveau motif de cumul d’activités non autorisé. Si Monsieur XXX n’a pas été de nouveau entendu par la commission d’instruction sur ce nouveau motif, celui-ci a fait l’objet d’un échange écrit et Monsieur XXX a fourni ses observations sur ce point le 6 mai 2022. Il a également pu faire valoir ses observations dans le mémoire produit par son avocate le 10 juin 2022, qui a été pris en compte par la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois et au cours de la séance de celle-ci ;

7. Il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de ce que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire doivent être écartés ;

Sur les faits retenus par la décision du 28 juin 2022 et sur la sanction qu’elle inflige :

En ce qui concerne les cumuls d’activités non autorisés :

8. D’une part, aux termes de l’article 8 du décret du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences : « Les enseignants chercheurs doivent la totalité de leur temps de service à la réalisation des différentes activités qu'impliquent leurs fonctions. / En matière de cumul d'activité, ils sont soumis aux dispositions législatives et réglementaires applicables à l'ensemble des agents de la fonction publique (…) » ;

9. D’autre part, aux termes de l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires désormais codifié à l’article L. 123-3 du Code général de la fonction publique : « I.- Le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit, sous réserve des II à V du présent article. (…) IV.- Le fonctionnaire peut être autorisé par l'autorité hiérarchique dont il relève à exercer à titre accessoire une activité, lucrative ou non, auprès d'une personne ou d'un organisme public ou privé dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas leur exercice. (…) ».. Aux termes de l’article L. 951-5 du Code de l’éducation applicable aux faits de l’espèce à compter du 1er janvier 2022 : « Par dérogation au IV de l'article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, l'exercice d'une activité accessoire par les personnels de l'enseignement supérieur relevant du présent titre fait l'objet d'une déclaration à l'autorité dont ils relèvent lorsque cette activité correspond aux missions mentionnées à l'article L. 123-3 du présent code et qu'elle est exercée auprès d'un établissement public d'enseignement supérieur, d'un établissement public de recherche relevant du livre III du Code de la recherche, d'un établissement public relevant du décret mentionné à l'article L. 112-6 du même code, d'une fondation reconnue d'utilité publique exerçant une ou plusieurs des missions définies à l'article L. 123-3 du présent code, du Haut Conseil d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur ou d'une administration de l'État ou d'une collectivité territoriale ou d'une organisation internationale intergouvernementale ou d'une institution ou d'un organe de l'Union européenne.(…) » ;

10. En premier lieu, il est constant que Monsieur XXX a cumulé l’exercice de ses fonctions d’enseignant chercheur à l’université d’Artois avec celui de dirigeant de la société « AAA » (AAA), de janvier à août 2018 puis de novembre 2018 à novembre 2019, sans y avoir été préalablement autorisé. Si Monsieur XXX soutient que « la situation s’est apurée » et partant qu’il n’est plus en situation de cumul, cette circonstance est sans incidence sur le constat d’une méconnaissance des articles précités et de l’engagement d’une poursuite disciplinaire à ce titre, laquelle a, par essence, pour effet de sanctionner des faits passés. Est également sans incidence sur ce constat, la circonstance que l’intéressé n’aurait pas été informé des conditions dans lesquelles un tel cumul pouvait être exercé ;

11. En second lieu, il ressort du courriel d’un membre du personnel de l’école de management privée DDD Lille du 17 mars 2022 que Monsieur XXX y a effectué un peu plus de 108 heures d’enseignement au cours du premier semestre de l’année académique 2021-2022. Il est également constant que Monsieur XXX n’a, dans ce cadre, pas davantage sollicité ni obtenu d’autorisation préalable de cumul d’activités ;

En ce qui concerne les conflits d’intérêt :

12. Aux termes de l’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique : « L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité. ». L’article L. 121-5 de ce code précise que constitue un conflit d'intérêts « toute situation d'interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions de l'agent public. ». L’article L. 123-1 de ce même code dispose : « (…) Il est interdit à l'agent public : (…) 4° De prendre ou de détenir, directement ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle il appartient ou en relation avec cette dernière, des intérêts de nature à compromettre son indépendance ; (…) ». Enfin, l’article L. 121-4 de ce code prévoit que : « L’agent public veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflit d’intérêts défini à l’article L. 121-5 dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver » ;

13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Monsieur XXX était le référent scientifique pour l’université d’Artois du projet EEE formé autour d’un consortium multidisciplinaire public et privé et dont l’objectif était de développer de nouveaux outils informatiques pour gérer le risque de corrosion des navires. La société AAA mentionnée au point 8 était l’un des partenaires privés de ce projet. Il ressort ainsi d’un courriel échangé le 7 mai 2020 entre l’intéressé et le coordinateur du projet de l’Académie maritime d’Anvers que ce dernier était l’interlocuteur de ce coordinateur tant pour ce qui concerne le laboratoire LGI2A que pour la société AAA. Si cette société s’est désengagée du projet sans avoir été rémunérée, la société BBB créée par l’épouse de Monsieur XXX en 2021, dont l’objet social recouvre notamment les activités de prestations de conseil et d’assistance opérationnelle en matière de stratégie et d’ingénierie informatique, a pris le relais de la société AAA en qualité de sous-traitante du projet. Or il ressort des pièces du dossier que Monsieur XXX était impliqué dans la gestion de cette société pour laquelle il a effectué des démarches commerciales ;

14. En second lieu, par un courriel adressé à l’université d’Artois le 2 décembre 2021, Monsieur CCC, employé de l’agence de développement économique FFF, dont l’université d’Artois est l’une des tutelles, a alerté cette dernière de ce que Monsieur XXX faisait la promotion, via une entreprise privée BBB, d’un projet qui pourrait être issu de la recherche publique. Si ce courriel fait état de l’attitude de Monsieur XXX, il fait également état d’échanges entre les services d’FFF et Monsieur XXX pour le compte de la société BBB attestés par des courriels qui figurent au dossier ;

15. Il ne peut être ainsi utilement contesté qu’il existait une situation d’interférence entre des intérêts personnels et des intérêts publics, dès lors que Monsieur XXX a pu utiliser les informations et relations qu’il détenait dans le cadre de son activité de chercheur pour donner un avantage aux sociétés privées précitées et mettre en avant sa légitimité scientifique de chercheur pour obtenir des contrats. Cette situation était inévitablement de nature à influencer ou paraître influencer l'exercice indépendant, impartial et objectif des fonctions de l'agent public au sens des dispositions précitées au point 12 ;

En ce qui concerne le comportement de Monsieur XXX et l’accomplissement de ses obligations de service :

16. En premier lieu, il ressort des différents témoignages recueillis que Monsieur XXX rencontrait des difficultés relationnelles avec sa hiérarchie, ses collègues mais également le personnel administratif. Ces témoignages ainsi que les nombreux échanges de messages produits attestent de ce que Monsieur XXX avait un comportement erratique et parfois agressif et paranoïaque, se traduisant par des invectives, des accusations, des insultes et des menaces. À plusieurs reprises, Monsieur XXX a accusé, y compris publiquement par des publications sur les réseaux sociaux, l’université et ses collègues de racisme et de discrimination ainsi que d’un manque de probité et d’incompétence. Par ailleurs, Monsieur XXX ne se rendait à l’université que pour y dispenser ses cours, ne participait à aucune activité pédagogique et n’assumait pas les responsabilités administratives liées aux projets. Ce comportement a conduit à des difficultés de fonctionnement du service et a engendré pour certains de ses collègues des situations de souffrance au travail. Si Monsieur XXX soutient que les dysfonctionnements de l’IUT et du laboratoire ne lui sont pas exclusivement imputables et qu’il est victime de discrimination et de racisme, il ne ressort pas des pièces du dossier que la conduite de sa carrière ou les conditions dans lesquelles les moyens lui ont été alloués pour exercer ses missions (emploi du temps, crédits, bureau, moyens matériels, etc.) seraient différentes de celles de ses collègues ou qu’elles résulteraient d’une intention de lui nuire. Ainsi sa mise en congé d’office a été validée par le tribunal administratif de Lille qui, par un jugement du 10 décembre 2021, a estimé que le président de l’université disposait d’éléments suffisants pour effectuer ce placement, dans l’attente de l’avis du comité médical. Enfin, si lors d’une altercation verbale qui a eu lieu le 11 septembre 2019 pendant un cours dispensé par Monsieur XXX, un collègue a répondu à Monsieur XXX « je ne parle qu’à ceux qui comprennent le français » et qu’un article, publié par le laboratoire il y a quelques années, aurait dû être cosigné par Monsieur XXX et l’a finalement été, ces deux éléments isolés, pour regrettables qu’ils soient, ne sont pas de nature à justifier le comportement précité de Monsieur XXX contraire aux obligations déontologiques de dignité ;

17. En second lieu, aux termes du décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences : « Article 2 - Les enseignants-chercheurs ont une double mission d'enseignement et de recherche. Ils concourent à l'accomplissement des missions du service public de l'enseignement supérieur prévues par l'article L. 123-3 du Code de l'éducation ainsi qu'à l'accomplissement des missions de la recherche publique mentionnées à l'article L. 112-1 du Code de la recherche. / Dans l'accomplissement des missions relatives à l'enseignement et à la recherche, ils jouissent, conformément aux dispositions de l'article L. 952-2 du Code de l'éducation, d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du Code de l'éducation, les principes de tolérance et d'objectivité. (…) / Article 3 - Les enseignants-chercheurs participent à l'élaboration, par leur recherche, et assurent la transmission, par leur enseignement, des connaissances au titre de la formation initiale et continue incluant, le cas échéant, l'utilisation des technologies de l'information et de la communication. Ils assurent la direction, le conseil, le tutorat et l'orientation des étudiants et contribuent à leur insertion professionnelle. Ils organisent leurs enseignements au sein d'équipes pédagogiques dans tous les cursus universitaires et en liaison avec les milieux professionnels. Ils établissent à cet effet une coopération avec les entreprises publiques ou privées. (…) Ils ont également pour mission le développement, l'expertise et la coordination de la recherche fondamentale, appliquée, pédagogique ou technologique ainsi que la valorisation de ses résultats. Ils participent au développement scientifique et technologique en liaison avec les grands organismes de recherche et avec les secteurs sociaux et économiques concernés. Ils contribuent à la coopération entre la recherche universitaire, la recherche industrielle et l'ensemble des secteurs de production. / Ils participent aux jurys d'examen et de concours. / Ils contribuent au dialogue entre sciences et sociétés, notamment par la diffusion de la culture et de l'information scientifique et technique. Ils peuvent concourir à la conservation et l'enrichissement des collections et archives confiées aux établissements et peuvent être chargés d'activités documentaires. / Ils contribuent au sein de la communauté scientifique et culturelle internationale à la transmission des connaissances et à la formation à la recherche et par la recherche. Ils contribuent également au progrès de la recherche internationale. Ils peuvent se voir confier des missions de coopération internationale. / Ils concourent à la vie collective des établissements et participent aux conseils et instances prévus par le Code de l'éducation et le Code de la recherche ou par les statuts des établissements. / Les professeurs des universités ont vocation prioritaire à assurer leur service d'enseignement sous forme de cours ainsi que la direction des unités de recherche. » ;

18. Le président de l’université d’Artois produit des témoignages, d’une part, du chef du département indiquant que Monsieur XXX ne participait à aucune activité pédagogique (tutorat, suivi de stagiaires, actions de promotion, visites d’entreprises…) et assurait uniquement ses cours, d’autre part, du chef de laboratoire et de collègues indiquant que Monsieur XXX ne prenait aucune responsabilité ni mission administrative et qu’il n’assumait pas les tâches administratives liées aux projets. Il produit enfin quelques pièces montrant qu’il participait de façon sporadique aux réunions, qu’il n’allait plus à son laboratoire et qu’il avait refusé de participer à certains évènements. Toutefois, Monsieur XXX produit également des pièces montrant qu’il a participé à une réunion d’apprentissage ainsi qu’à d’autres réunions du service. Il fait en outre état de ce qu’il participait régulièrement aux jurys ainsi qu’à d’autres procédures collectives. Il n’est pas ailleurs par contesté qu’il effectuait l’ensemble de ses heures de cours et qu’il remplissait ses missions de chercheur. Ainsi, si son implication administrative et collective a pu être qualifiée de faible dans une appréciation sur sa manière de servir, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle est de nature à justifier une sanction disciplinaire ;

En ce qui concerne la sanction :

19. L’article L. 952-8 du Code de l’éducation prévoit sept groupes de sanctions disciplinaires à l’encontre des enseignants-chercheurs : « (…) 1° Le blâme ; 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; 3° L'abaissement d'échelon ; 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; 6° La mise à la retraite d'office ; 7° La révocation. (…) » ;

20. La section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois a infligé à Monsieur XXX une sanction du 5° groupe d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche. Cette sanction, limitée à l’université d’Artois, à une durée d’un an et assortie d’une privation de la moitié du traitement, n’apparait pas disproportionnée au regard des fautes commises par Monsieur XXX de l’exercice d’activités accessoires sans autorisation de cumul, de conflits d’intérêt et d’un comportement incompatible avec les obligations déontologiques d’un enseignant-chercheur ;

21. Il résulte de tout ce qui précède que Monsieur XXX n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par la décision attaquée la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois a prononcé à son encontre une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche au sein de l’université pour une durée d’un an en assortissant cette interdiction d’une privation de la moitié de son traitement. Les conclusions d’appel incident présentées à titre subsidiaire par l’université d’Artois doivent également être rejetées ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision du 28 juin 2022 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de l’université d’Artois a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherches à l’université d’Artois pendant une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement, est confirmée.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université d’Artois, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Lille.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 13 juin 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Marguerite Zani, Marcel Sousse, Lilian Aveneau, Jean-Luc Hanus, Véronique Reynier, Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, le 4 juillet 2024,

 

Le président,
Christophe Devys

La vice-présidente,
Frédérique Roux

Le greffier en chef,
Éric Mourou

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