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Bulletin officiel
Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanctions disciplinaires
nor : ESRH2426835S
Décisions du 12-8-2024
MESR – CNESER
Monsieur XXX
N° 1666
Lilian Aveneau
Rapporteur
Séance publique du 4 juillet 2024
Décision du 12 août 2024
Vu la procédure suivante :
Le directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris a engagé le 11 février 2020, contre Monsieur XXX, étudiant en deuxième année de sciences politiques au cours de l’année universitaire 2019-2020, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire de son établissement ;
Par une décision du 20 juillet 2020, la section disciplinaire de l’IEP de Paris a sanctionné Monsieur XXX de l’exclusion de l’établissement pour une durée de deux ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par un appel formé le 23 septembre 2020, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire d’annuler cette décision, de prononcer sa relaxe et de condamner l’IEP de Paris à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Par une demande de sursis à exécution formée le 23 septembre 2020, Monsieur XXX a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire de sursoir à l’exécution de la décision du 20 juillet 2020 prononcée à son encontre. Par une décision du 9 décembre 2020, le Cneser statuant en matière disciplinaire a rejeté cette requête. Le Conseil d’État a censuré ce refus par une décision n° 449286 du 25 octobre 2021 et renvoyé la décision devant le Cneser. Le sursis a été accordé par le Cneser statuant en matière disciplinaire par une décision rendue le 9 décembre 2021. L’IEP de Paris s’est pourvu contre cette décision devant le Conseil d’État, qui a confirmé le sursis de la sanction disciplinaire dans sa décision n° 461306 du 28 décembre 2023, au motif que la décision de l’IEP de Paris du 20 juillet 2020 devait être annulée car elle ne comportait pas la mention des membres de la formation de jugement, alors qu’à la date à laquelle cette décision a été rendue, elle avait le caractère d’une décision juridictionnelle ;
Par un mémoire en réplique enregistré le 8 décembre 2020 et par un mémoire en défense récapitulatif enregistré le 22 mai 2024, complété le 30 mai 2024 par le dépôt de nombreuses pièces, Monsieur XXX, représenté par Maître Fatima Ousseni, confirme la demande d’annulation de la sanction disciplinaire du 20 juillet 2020 prononcée par la section disciplinaire de l’IEP de Paris, d’une exclusion de l’établissement pour une durée de deux ans, puis demande la relaxe pure et simple, et 10 000 € de frais irrépétibles sur le fondement de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;
Monsieur XXX fait valoir que la décision attaquée est irrégulière, aux motifs qu’elle ne contient aucune mention relative à sa formation, et que l’audience de jugement n’était pas ouverte au public ; il soulève ensuite la violation du principe d’un procès équitable, avec la violation du contradictoire de par l’absence de qualification des faits reprochés et d’un défaut d’accès aux pièces du dossier car non traduites de l’anglais, la méconnaissance du principe d’impartialité avec des pièces autosaisies par la section disciplinaire, et une légalité malmenée de par l’absence de qualification juridique, et sur le principe de légalité des délits et des peines ; il soutient que la sanction prononcée est illégale pour erreur de droit, car ce n’est qu’à la lecture de la décision que se dessinent les faits reprochés, que les faits concernant Madame YYY ne relèvent ni d’un viol commis par Monsieur XXX, ni des comportements contraires au règlement intérieur de l’IEP, que les faits concernant Madame ZZZ ne sont attestés que par un unique témoignage, et que les faits concernant Madame BBB ne sauraient être reprochés à Monsieur XXX car il ne cherchait qu’à prouver son innocence, ce qui fut d’ailleurs retenu par la section disciplinaire ; à titre subsidiaire, Monsieur XXX fait valoir la disproportion de la sanction pour un étudiant n’ayant aucun antécédent disciplinaire, alors que la décision ne relève que le caractère déplacé des faits reprochés ;
Par des mémoires en défense du 3 décembre 2020 et du 22 mai 2024, Jean Basseres, administrateur provisoire de l’IEP de Paris, soutient qu’aucun des moyens de légalité externe présentés par Monsieur XXX n’est fondé et demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter l’appel ; si par extraordinaire l’un des moyens devait être retenu, et en l’absence de moyen sérieux de légalité interne, il demande à ce que le Cneser jugeant au fond reprenne exactement la même décision que celle attaquée ;
Il fait valoir que la procédure menée par la section disciplinaire de l’IEP de Paris était régulière, car elle était compétente pour connaitre le dossier de Monsieur XXX, mais aussi du fait que le principe du contradictoire a été respecté : la lettre de saisine était précise et indiquait la conduite déplacée de Monsieur XXX en lien avec l’article 3 du règlement intérieur de l’IEP de Paris ; la procédure disciplinaire étant indépendante de la procédure pénale, il n’y avait pas besoin de donner une qualification pénale aux faits reprochés ; les agissements sexistes ne sont pas réprimés pénalement ; la décision de saisine n’est pas susceptible de recours ; Monsieur XXX suivant un cursus anglophone maîtrise parfaitement l’anglais ; toutes les pièces furent communiquées en temps et en heure ; rien n’oblige l’IEP de Paris à communiquer le compte rendu d’une audition qui s’est déroulée en amont de la procédure disciplinaire ; concernant les pièces du cas de Madame BBB, il n’y avait pas lieu de rouvrir l’instruction qui n’était pas close, les pièces ayant été communiquées avant la séance d’instruction, et pour des faits surabondants ; concernant la présomption d’innocence, la procédure s’est déroulée selon la réglementation en vigueur, et Monsieur XXX a pu faire valoir sa défense à chaque étape de la procédure, et l’instruction s’est faite à charge et à décharge en entendant tous les protagonistes de l’affaire ; sur le principe de légalité, Monsieur XXX ne pouvait ignorer la loi et le règlement de la scolarité ; sur la procédure de jugement, la composition de la formation de jugement était régulière comme le montre le procès-verbal, aucune disposition ne prévoyait que le jugement devait porter mention du nom des juges, et si le moyen était déclaré fondé, eut égard à la gravité des faits, le Cneser statuant en matière disciplinaire, sur le fond, ne pourrait que reprendre les termes de la décision querellée ; sur le caractère public de la séance de jugement, il est constant que le principe de publicité des débats ne s’applique pas aux juridictions disciplinaires, et que la salle de jugement n’était pas close, que personne ne s’est vu refusé son accès, et que Monsieur XXX n’avait pas demandé à être entendu publiquement ;
La commission d’instruction s’est tenue le 24 avril 2024. Les parties étaient régulièrement convoquées, mais aucune ne s’étant présentée, le rapporteur s’en est trouvé privé ;
Par lettres recommandées du 31 mai 2024, Monsieur XXX et son conseil, ainsi que le directeur de l’IEP de Paris, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 4 juillet 2024 ;
Le rapport d’instruction rédigé par Lilian Aveneau ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;
Maître Fatima Ousseni représentant Monsieur XXX étant présente ;
Le directeur de l’IEP de Paris étant absent ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7 dans leur rédaction antérieure à l’article 33 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, R. 232-23 à R. 232-48, et R. 811-10 à R. 811-15 dans leur rédaction antérieure au décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur ;
Vu le décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur, notamment ses articles 15 et suivants ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Lilian Aveneau, rapporteur ;
La parole ayant été donnée en dernier au représentant de Monsieur XXX ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos ;
Considérant ce qui suit :
- Comme retenu dans la décision n° 461306 du Conseil d’État statuant sur le sursis à exécution de la décision de l’IEP de Paris du 20 juillet 2020 à l’encontre de Monsieur XXX, la décision de la section disciplinaire de l’IEP de Paris ne faisant pas mention du nom des juges, ne respecte pas la forme d’une décision juridictionnelle ; ainsi, elle doit être annulée ;
- Il est reproché à Monsieur XXX d’une part d’avoir eu une conduite déplacée vis-à-vis de deux étudiantes de sciences politiques (Mesdames YYY et ZZZ) : relation sexuelle non consentie (première plaignante) et prise et diffusion d’une photo sans consentement, lors d’un rapport sexuel consenti (deuxième plaignante) ; d’autre part, de violence sexuelle à l’encontre de Madame BBB ;
- Il ressort des pièces du dossier notamment des échanges de SMS et des témoignages écrits que Monsieur XXX a eu des relations sexuelles non consenties avec Madame YYY qui était alors sous l’emprise de l’alcool et en phase d’endormissement, que le consentement vicié constitue une faute qui convient d’être sanctionnée ; que le fait que Monsieur XXX avait lui-même consommé de l’alcool et fumé du haschich ne peut constituer une circonstance exonératoire ; que le fait d’avoir dans le passé eu des rapports sexuels consentis avec la victime n’exonère en rien les faits reprochés ici ;
- Il résulte que Maître Fatima Ousseni n’a apporté aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause les agissements de Monsieur XXX à l’encontre des plaignantes ; que les violences sexuelles subies par les plaignantes doivent donc être sanctionnées ; et qu’indépendamment de la plainte déposée au titre de l’article 40 en 2019 par le directeur de l’IEP de Paris, les faits commis par Monsieur XXX constituent incontestablement une faute grave qu’il convient de sanctionner à sa hauteur ;
- Il ressort de tout ce qui précède que c’est à bon droit que la section disciplinaire du conseil académique de l’IEP de Paris a retenu, à l’encontre de Monsieur XXX, l’existence d’un comportement contraire à l’article 3 du règlement de la vie étudiante ainsi que des faits de violence sexuelle ; que ces faits sont constitutifs d’une faute grave de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- L’article R. 811-11 du Code de l’éducation, tel qu’applicable au moment des faits, prévoit plusieurs sanctions disciplinaires à l’encontre des étudiants : « 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion de l'établissement pour une durée maximum de cinq ans ; 4° L'exclusion définitive de l'établissement ; 5° L'exclusion de tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée maximum de cinq ans ; 6° L'exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur ; »
- La section disciplinaire de l’IEP de Paris, après avoir retenu des faits constitutifs de violence sexuelle, a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX une sanction du troisième groupe sur une échelle contenant six sanctions, à savoir l’exclusion de l’établissement pour une durée de deux ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
- En l’absence d’appel incident de l’IEP de Paris, il sera fait une juste appréciation des faits retenus dans la présente décision en prononçant la même sanction qu’en première instance ;
- Il ressort des pièces communiquées par l’IEP de Paris quant à la scolarité de Monsieur XXX que la sanction de deux années d’exclusion de l’établissement a déjà été entièrement exécutée par Monsieur XXX, et cela passant outre la décision de sursis à exécution du Cneser statuant en matière disciplinaire, décision confirmée sur le fond par le Conseil d’État par sa décision n° 461306 ; il conviendra donc de laisser Monsieur XXX poursuivre sa scolarité à l’IEP de Paris, la peine ayant déjà été exécutée dans son entièreté ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :
Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Monsieur XXX au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative et de lui verser la somme de dix mille euros (10 000 €) pour les frais engagés ; de même aucune somme ne sera mise à la charge de Monsieur XXX ;
Décide
Article 1 – La décision du 20 juillet 2020 de la section disciplinaire de l’IEP de Paris, qui a sanctionné Monsieur XXX de l’exclusion de l’établissement pour une durée de deux ans, est annulée.
Article 2 – Il est prononcé à l’encore de Monsieur XXX la sanction de l’exclusion de l’établissement pour une durée de deux ans, à compter du 20 juillet 2020. Cette sanction ayant déjà été effectuée en totalité par Monsieur XXX, il n’y a pas lieu d’interrompre à nouveau ses études.
Article 3 – La demande de Monsieur XXX de condamnation de l’IEP de Paris à lui verser la somme de 10 000 euros (10 000 €) en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative est rejetée.
Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au directeur de l’IEP de Paris, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.
Délibéré à l’issue de la séance du 4 juillet 2024, où siégeaient Frédérique Roux, présidente, Lilian Aveneau, Fabrice Guilbaud, Manon Moret, Héléna Gauthier-Castro, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris, le 12 août 2024,
La présidente,
Frédérique Roux
Le secrétaire,
Fabrice Guilbaud
Le greffier en chef,
Éric Mourou
Monsieur XXX
N° 1683
Lilian Aveneau
Rapporteur
Séance publique du 4 juillet 2024
Décision du 12 août 2024
Vu la procédure suivante :
Le président de l’université Sorbonne Nouvelle a engagé le 4 mars 2020, contre Monsieur XXX, étudiant en première année de licence d’anglais et culture économique au cours de l’année 2019-2020, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;
Le président de l’université Sorbonne Nouvelle reproche à Monsieur XXX d’avoir eu un comportement inapproprié à l’égard de plusieurs personnels de l’établissement ; de s’être montré violent et insultant envers une enseignante ; d’avoir employé un ton et adressé des messages dont les contenus sont inappropriés à l’égard d’une seconde enseignante ; de tenir divers propos insultants voire d’adopter un comportement relevant du harcèlement moral faisant naître un sentiment d’insécurité ;
Par une décision du 5 octobre 2020, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle a sanctionné Monsieur XXX d’une exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de trois ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par un appel du 16 décembre 2020, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire l’annulation de la décision rendue le 5 octobre 2020 par la section disciplinaire de l’université Sorbonne Nouvelle ;
Monsieur XXX motive sa requête en appel par l’obligation morale de faire appel, car « rien de ce (qu’il) a pu dire n’a été pris en compte. » Madame YYY, présidente de la section disciplinaire, fait un faux témoignage dans la décision et le diffame ; la décision est une mesure de représailles pour le faire taire ; il a été menacé, diffamé et séquestré par Madame ZZZ avec l’aide de Madame AAA, Monsieur BBB et Madame CCC le 1er juillet 2019 ; Madame ZZZ lui avait parlé sur un ton agressif, le menaçant de monter un dossier « bidon » pour le faire exclure de l’USN, et que « s’il n’était pas content il pouvait partir de l’établissement, voire de la France ». Il n’a jamais été violent avec Madame DDD, dont la main courante est une forme de représailles à son encontre ; elle voulait partir en vacances un mois en avance ; il en avait apporté la preuve, et que cela constitue un abandon de poste. Il n’a jamais rencontré Madame EEE. Madame FFF a modifié le jour et l’heure de son cours sans consulter les étudiants ; il n’y a aucune preuve qu’il ait été insultant envers elle. Il n’a jamais rencontré Madame GGG ; il ne se rendait pas sur son lieu de travail sans raison mais parce qu’il étudie à l’université ; ses déclarations montrent que c’est lui qui est la victime, car épié par des fonctionnaires. Monsieur XXX considère enfin que la décision vise à le dénigrer et lui nuire par la diffamation et la calomnie ; que le jugement est à charge ; que sa demande de rectification du rapport d’instruction n’a jamais été prise en compte ; que cette affaire est de la dénonciation calomnieuse par des fonctionnaires ;
Par un mémoire en défense du 27 mars 2023, le président de l’université Sorbonne Nouvelle demande au Cneser statuant en matière disciplinaire le rejet de la requête en appel de Monsieur XXX ;
Le président de l’université Sorbonne Nouvelle confirme la nature contradictoire de la procédure et le fait que Monsieur XXX a pu présenter ses observations et donner son récit des évènements lors de la commission d’instruction réunie le 22 juin 2020. Les faits sont établis, autant pour ceux concernant Madame DDD, Madame GGG et Mesdames EEE et FFF. La décision contestée est fondée sur des éléments matériels que sont les témoignages précis et circonstanciés ainsi que des échanges de courriels entre Monsieur XXX et des membres de la communauté universitaire. Ainsi, Monsieur XXX a bien porté atteinte au bon fonctionnement de l’établissement et la sanction est juste ;
Par un mémoire complémentaire du 17 janvier 2024 de Maître Maxence Marcel aux intérêts de Monsieur XXX, et de diverses pièces annexées ultérieurement, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire l’annulation de la décision du 5 octobre 2020 et de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros en application de l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Il soutient que la décision est insuffisamment motivée (article R. 712-41 du Code de l’éducation) notamment en ce qu’elle prononce un des plus hauts niveaux de sanction disciplinaire pour un usager, et qui emporte des conséquences très graves quant au suivi de sa scolarité. La sanction est disproportionnée au regard des faits prétendument commis : elle est particulièrement lourde, puisqu’elle est l’avant-dernière de celles encourues par les usagers au titre de l’article R. 811-36 du Code de l’éducation ; sont mentionnées la décision du TA de Nantes du 6 avril 2023 pour des faits de propos homophobes, transphobes, misogynes et racistes et faisant l’apologie de tueurs de masse, propos offensants et violents qui ont été diffusés sur des réseaux sociaux, et la décision du TA de Caen du 21 avril 2023 pour des faits de harcèlement moral à l’égard d’étudiantes, de harcèlement sexuel à l’égard d’une étudiante et de comportements persécutants violents et/ou à connotation sexuelle à l’égard d’étudiantes, décisions qui jugent disproportionnées une peine identique pour la première et moindre pour la seconde pour des fautes plus graves en apparence ; il conteste les faits tels que reprochés dans la décision de la section disciplinaire de l’USN, mettant en doute le harcèlement moral à l’égard de Madame GGG qui ne serait pas caractérisé sinon par des témoignages contradictoires, l’incident avec Madame DDD qui est un cas isolé, unique, et ne semblant pas aussi violent que celui décrit dans sa main-courante puisqu’elle a pu terminer son cours après cela, ce qui démontrerait qu’il n’est pas dans la confrontation systématique mais dans l’expression de ses frustrations, de manière il est vrai excessive ;
La commission d’instruction s’est tenue le 4 avril 2024 ;
Par lettres recommandées du 31 mai 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître Maxence Marcel, ainsi que le président de l’université Sorbonne Nouvelle, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 4 juillet 2024 ;
Le rapport d’instruction daté du 10 avril 2024 rédigé par Lilian Aveneau ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;
Monsieur XXX et son conseil, Maître Maxence Marcel, étant absents ;
Le président de l’université Sorbonne Nouvelle étant représenté par Inès Gamoudi et Chérine Belkhiter, chargées des affaires juridiques ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7 dans leur rédaction antérieure à l’article 33 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, R. 232-23 à R. 232-48, et R. 811-10 à R. 811-15 dans leur rédaction antérieure au décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur ;
Vu le décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur, notamment ses articles 15 et suivants ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Lilian Aveneau, rapporteur ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos ;
Considérant ce qui suit :
- Il est reproché à Monsieur XXX d’avoir eu un comportement inapproprié à l’égard de plusieurs personnels de l’établissement Sorbonne Nouvelle ; de s’être montré violent et insultant envers une enseignante, Madame DDD ; d’avoir employé un ton et adressé des messages dont les contenus sont inappropriés à l’égard d’une autre enseignante, Madame EEE ; d’avoir utilisé dans ces mêmes messages des propos insultants à l’égard d’une autre enseignante, Madame FFF ; d’avoir eu un comportement inadapté à l’égard d’une secrétaire pédagogique, Madame GGG, en adoptant un comportement relevant du harcèlement et faisant naître chez l’intéressée un fort sentiment d’insécurité ;
- Il ressort des pièces du dossier, des écrits et des témoignages concordants que Monsieur XXX a eu à l’égard des enseignantes et des agents de l’université un comportement inadapté violent et menaçant ; que ce comportement qui a fait naitre un sentiment d’insécurité auprès de ces personnels constitue à ce titre une faute ; que le fait de n’être jamais entré en contact physique avec les intéressées et l’absence totale de conscience d’avoir placé par son comportement plusieurs personnes dans une situation intimidante n’exonèrent en rien les faits ici reprochés ; que les difficultés relationnelles de Monsieur XXX constituent manifestement un trouble qui porte atteinte au bon fonctionnement de l’établissement Sorbonne Nouvelle ; que l’ensemble de ces comportements fautifs convient d’être sanctionné ;
- Il résulte que ni Monsieur XXX ni le président de l’université Sorbonne Nouvelle n’ont apporté un quelconque élément nouveau susceptible de remettre en cause les agissements reprochés à Monsieur XXX ; qu’il n’est pas acceptable que des agents se sentent menacés et qu’ils doivent être protégés ; que puisque Monsieur XXX n’était pas suivi par la mission handicap de l’établissement, ce comportement ne peut pas s’expliquer pour des raisons médicales et qu’aucune altération de discernement ne saurait être retenue ;
- Il ressort de tout ce qui précède que la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle a sanctionné à juste titre Monsieur XXX ; que les faits reprochés sont constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- L’article R. 811-11 du Code de l’éducation en vigueur en l’espèce prévoit plusieurs sanctions disciplinaires à l’encontre des étudiants : « 1° L'avertissement ; 2° Le blâme ; 3° L'exclusion de l'établissement pour une durée maximum de cinq ans. Cette sanction peut être prononcée avec sursis si l'exclusion n'excède pas deux ans ; 4° L'exclusion définitive de l'établissement ; 5° L'exclusion de tout établissement public d'enseignement supérieur pour une durée maximum de cinq ans ; 6° L'exclusion définitive de tout établissement public d'enseignement supérieur. » ;
- La section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle, après avoir retenu des faits relevant d’un comportement inadapté et des faits de harcèlement, a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX une sanction du cinquième groupe sur une échelle de 6 sanctions, à savoir l’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de trois ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
- Il apparait toutefois que s’agissant d’une première condamnation, il s’agit d’une sanction très lourde au regard des faits évoqués, sans pour autant vouloir en réduire la gravité ; ainsi, et sans avoir besoin de discuter des autres moyens soulevés par Monsieur XXX, il convient d’annuler la décision querellée, et de prononcer la sanction de l’exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de deux ans ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991
Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Monsieur XXX au titre de l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991 et de lui verser la somme de mille cinq cents euros (1 500 €) pour les frais engagés ; de même aucune somme ne sera mise à la charge de Monsieur XXX ;
Décide
Article 1 – La décision rendue le 5 octobre 2020 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle est annulée.
Article 2 – Monsieur XXX est sanctionné d’une exclusion de tout établissement public d’enseignement supérieur pour une durée de deux ans.
Article 3 – La demande de Monsieur XXX de condamnation de l’université Sorbonne Nouvelle à lui verser la somme de 1500 euros en application de l’article 36 de la loi du 10 juillet 1991 est rejetée.
Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Sorbonne Nouvelle, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.
Délibéré à l’issue de la séance du 4 juillet 2024, où siégeaient Frédérique Roux, présidente, Lilian Aveneau, Fabrice Guilbaud, Manon Moret, Héléna Gauthier-Castro, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris, le 12 août 2024,
La présidente,
Frédérique Roux
Le secrétaire,
Fabrice Guilbaud
Le greffier en chef,
Éric Mourou
Monsieur XXX
N° 1778
Lilian Aveneau
Rapporteur
Séance publique du 4 juillet 2024
Décision du 12 août 2024
Vu la procédure suivante :
Le président de l’université Jean Moulin Lyon 3 a engagé le 23 novembre 2017, contre Monsieur XXX, étudiant inscrit en master 2 de droit privé international et comparé à l’université Jean Moulin Lyon 3 au cours de l’année 2017-2018, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;
Le président de l’université Jean Moulin Lyon 3 reprochait à Monsieur XXX une fraude ou tentative de fraude aux examens, plus précisément, un plagiat de son mémoire de recherche de fin de master 2 ;
Par une décision du 12 février 2018, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean Moulin Lyon 3 a sanctionné Monsieur XXX d’une exclusion définitive de tous les établissements publics d’enseignement supérieur, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par un courrier qu’il a adressé le 27 mai 2023 à la Ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Monsieur XXX demande à bénéficier des dispositions des articles L. 232-4 et L. 232-5 du Code de l’éducation qui prévoient le relèvement des exclusions, déchéances et incapacités ;
Monsieur XXX soutient qu’il était, au moment des faits qui lui sont reprochés, incapable, en raison de ses charges familiales, de rédiger le mémoire qui lui était demandé dans le cadre du master 2 de droit privé international et comparé ; que, devant partir en Iran pour se marier, il a donné son mémoire iranien à son colocataire en lui demandant, contre rémunération, de le traduire ; que ce colocataire a finalement abandonné cette traduction et a pris l’initiative d’élaborer un document, issu d’un plagiat, qu’il a adressé à l’université Jean Moulin Lyon 3 comme le mémoire de recherche de Monsieur XXX ; que sa convocation devant la section disciplinaire de cet établissement ne lui est jamais parvenue ; qu’il n’a pas été capable de lire les emails adressés par l’université, dès lors qu’il avait été victime fin décembre 2017 d’un grave accident et avait été dans le coma durant 20 jours ; qu’il n’a jamais eu connaissance de son dossier disciplinaire ; qu’il n’a donc pu se défendre ; qu’il a été ainsi condamné à une exclusion définitive de tous les établissements d’enseignement supérieur ; qu’il n’a en fait eu connaissance de cette décision que plusieurs années après ; qu’il a toujours rêvé d’étudier le droit dans les universités françaises ; qu’il serait justifié de lui redonner une chance de le faire ;
La section disciplinaire de l’université Jean Moulin Lyon 3, saisie conformément à l’article R. 232-46 du Code de l’éducation, a rendu le 9 octobre 2023 un avis défavorable à la demande de relèvement de sanction formée par Monsieur XXX ;
Elle relève que les faits reprochés, à savoir le plagiat intégral d’un mémoire de fin d’études, sont d’une particulière gravité ; que Monsieur XXX ne semble à aucun moment avoir pris conscience de la gravité et des conséquences de ses actes ; que l’intéressé dit avoir continué ses études en Iran, être devenu avocat et avoir entrepris un doctorat à l’université de Téhéran ; que, dès lors, les éléments apportés par le requérant ne justifient pas qu’il soit mis fin à l’exécution de la sanction qui lui a été infligée ;
La commission d’instruction s’est tenue le 4 avril 2024.
Par lettres recommandées du 31 mai 2024, Monsieur XXX, ainsi que le président de l’université Jean Moulin Lyon 3, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 4 juillet 2024 ;
Le rapport d’instruction rédigé par Lilian Aveneau ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé, en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;
Monsieur XXX étant présent ;
Monsieur le président de l’université Jean Moulin Lyon 3 étant représenté par Madame Amélie Streichenberger, juriste à la direction des affaires juridiques et institutionnelles ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7,
R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu l’article R. 811-11 du Code de l’éducation dans sa rédaction antérieure au décret n° 2020-785 du 26 juin 2020 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d'enseignement supérieur ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Lilian Aveneau, rapporteur ;
La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Lilian Aveneau, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;
Considérant ce qui suit :
Il ressort des pièces du dossier que Monsieur XXX, de nationalité iranienne, étudiant en master 2 droit international et comparé à l’université Jean Moulin Lyon 3 durant l’année 2017-2018, a déposé ou laissé déposer en son nom par un tiers indélicat un mémoire de recherche de fin de master qui s’est révélé être le plagiat d’un mémoire soutenu à Washington en 2015, accessible sur internet et traduit via le logiciel Google Translate ;
Une procédure a été engagée contre Monsieur XXX dont il affirme n’avoir pas eu connaissance, étant reparti en Iran et ayant alors de graves soucis de santé ; qu’il a été ainsi condamné le 12 février 2028 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean Moulin Lyon 3 à une exclusion définitive de tous les établissements publics d’enseignement supérieur en France ;
Cette sanction a été appliquée durant plus de six ans, alors que Monsieur XXX a continué ses études en Iran, est devenu avocat et s’est engagé dans un doctorat à Téhéran ;
Monsieur XXX dit aujourd’hui regretter la légèreté de son comportement et mesurer la gravité de ses actes et souhaite parachever ses études dans une université français ;
La sanction, telle qu’elle a été aujourd’hui exécutée, paraît proportionnée à la gravité des actes qu’il a commis. Dès lors, il y a lieu de faire droit à la demande de relèvement de la sanction d’exclusion définitive qui a été prononcée à son encontre ;
Décide
Statuant au scrutin secret, à la majorité des deux tiers des suffrages des membres présents, conformément au deuxième alinéa de l’article L. 232-7 et à l’article R. 232-47 du Code de l’éducation ;
Article 1 – Il est fait droit à la demande de relèvement de sanction formée par Monsieur XXX.
Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Jean Moulin Lyon 3, à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Lyon.
Délibéré à l’issue de la séance du 4 juillet 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Jean-Luc Hanus, Nicolas Guillet, Julie Dalaison, Véronique Reynier, Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris, le 12 août 2024,
Le président,
Christophe Devys
La vice-présidente,
Frédérique Roux
Le secrétaire de séance,
Jean-Luc Hanus
Le greffier en chef,
Éric Mourou
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