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Bulletin officiel
Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanctions disciplinaires
nor : ESRH2427253S
Décisions du 10-10-2024
MESR – CNESER
Monsieur XXX
N° 1776
Guillaume Halard
Rapporteur
Séance publique du 19 septembre 2024
Décision du 10 octobre 2024
Vu la procédure suivante :
Par un courrier du 12 octobre 2023, la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a saisi directement le Cneser statuant en matière disciplinaire, en application des dispositions des articles L. 232-2 et R. 232-31 du Code de l’éducation, de poursuites disciplinaires à l’encontre de Monsieur XXX, professeur des universités affecté à l’université de La Réunion et président de cette même université, aucune section disciplinaire n’ayant été constituée au sein du conseil académique de l’université de La Réunion ;
Elle soutient, en se prévalant du rapport de l’IGÉSR n° 22-23 175A de juillet 2023, que des faits pouvant être constitutifs de harcèlement moral ont été commis par Monsieur XXX et sont susceptibles de sanctions disciplinaires ;
Par des mémoires enregistrés les 17 janvier, 16 juillet, 1er septembre et 15 septembre 2024, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de prononcer sa relaxe ;
Il soutient :
- que le Cneser statuant en matière disciplinaire n’est pas compétent pour connaître de poursuites disciplinaires contre un président d’université n’exerçant pas de fonctions d’enseignement et que la saisine de la ministre est en conséquence irrecevable ;
- que la saisine de la ministre, dont le rapport de l’IGÉSR n° 22-23 175A est le support exclusif, ne « comporte pas l’énoncé suffisant de faits précis et répétés de nature à rendre vraisemblable la commission fautive d’un harcèlement moral » et est donc « irrecevable et dans tous les cas (…) infondée, pour défaut de base factuelle précise et crédible » ;
- que les poursuites engagées à son encontre sont prescrites ;
- qu’il ne s’est pas rendu coupable de faits constitutifs de harcèlement moral ;
Par un mémoire enregistré le 6 septembre 2024, la ministre demande au Cneser statuant en matière disciplinaire d’infliger à Monsieur XXX une sanction et s’en remet à la sagesse de la juridiction pour en déterminer le quantum ;
Elle soutient que le Cneser statuant en matière disciplinaire est compétent pour statuer sur des poursuites disciplinaires dirigées contre un président d’université, que sa saisine est recevable, que les poursuites litigieuses ne sont pas prescrites et que les faits dont elle se prévaut sont établis et fautifs ;
La commission d’instruction s’est tenue les 2 et 3 juillet 2024 ;
Par lettres recommandées du 16 juillet 2024, Monsieur XXX et la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ont été régulièrement convoqués à l’audience du 19 septembre 2024 ;
Le rapport d’instruction daté du 13 août 2024 rédigé par Guillaume Halard a été communiqué aux parties par courrier recommandé du même jour ;
Monsieur XXX étant présent et assisté de son conseil, Maître Yves Monerris ;
La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche étant représentée par Ali Ferhi, chef de service, adjoint au directeur général des ressources humaines, par Fabrice Bretéché, chef de service, adjoint au directeur des affaires juridiques, et par Monsieur Dominique Kervadec, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48, R. 712-29 et R. 712-30 ;
Vu le Code général de la fonction publique, notamment son article L. 133-2 ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Guillaume Halard, rapporteur ;
Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;
La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Guillaume Halard, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;
Considérant ce qui suit :
Sur la compétence du Cneser statuant en matière disciplinaire :
1. Aux termes de l’article L. 232-2 du Code de l’éducation : « Le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statue en appel et en dernier ressort sur les décisions disciplinaires prises par les instances universitaires compétentes à l’égard des enseignants-chercheurs et enseignants. Toutefois, il est appelé à statuer en premier et dernier ressort lorsqu’une section disciplinaire n’a pas été constituée ou lorsque aucun jugement n’est intervenu six mois après la date à laquelle les poursuites ont été engagées devant la juridiction disciplinaire compétente. » Aux termes de l’article R. 712-29 du même code : « Les poursuites sont engagées devant la section disciplinaire compétente : (…) 2° Par le ministre chargé de l’enseignement supérieur lorsque les poursuites sont engagées à l’encontre du président de l’université. » Il résulte de ces dispositions, d’une part, que le Cneser statuant en matière disciplinaire est compétent pour connaître de la discipline des enseignants-chercheurs à raison de l’ensemble des fonctions qu’ils sont susceptibles d’exercer, notamment lorsqu’ils exercent un mandat de président d’université, et, d’autre part, que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche est seul compétent pour engager des poursuites disciplinaires à l’encontre d’un président d’université ;
Sur la recevabilité de la saisine de la ministre :
2. Monsieur XXX soutient que la saisine de la ministre est irrecevable faute d’énoncé suffisamment précis et étayé des faits qui lui sont reprochés. Toutefois, lorsque le Cneser statuant en matière disciplinaire est saisi en qualité de juge de première instance, il est saisi non d’une requête d’appel au sens de l’article R. 232-35-1 du Code de l’éducation, mais d’une saisine de l’autorité compétente pour engager des poursuites disciplinaires dans les conditions prévues à l’article R. 712-30 du même code, aux termes duquel « La section disciplinaire est saisie par une lettre adressée à son président par tout moyen permettant de conférer date certaine. Ce document mentionne le nom, l’adresse et la qualité des personnes faisant l’objet des poursuites, ainsi que les faits qui leur sont reprochés ». Or, la saisine de la ministre, en se référant au rapport de l’IGÉSR n° 22-23 175A de juillet 2023, mentionne précisément les faits reprochés à Monsieur XXX. La fin de non-recevoir soulevée par le déféré doit ainsi être écartée ;
Sur les fautes :
3. Aux termes de l’article L. 133-2 du Code général de la fonction publique : « Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. » Il résulte de ces dispositions qu’est passible d’une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder à de tels agissements ;
En ce qui concerne le contexte de l’université de La Réunion :
4. Il résulte de l’instruction que l’université de La Réunion, qui accueille environ 19 000 étudiants et emploie près de 1 600 personnels, est sujette depuis de nombreuses années à des tensions, clivages et conflits particulièrement nombreux et intenses, nourris notamment par son environnement insulaire. Ainsi que l’a relevé l’IGÉSR dans son rapport, le contexte politique de l’île interfère fréquemment avec la vie de l’université. La souffrance au travail et le mal-être des personnels apparaissent largement répandus, à tous les niveaux, dans les composantes comme dans l’administration générale ;
5. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que des tensions et de la souffrance au travail existaient dès avant l’élection de Monsieur XXX aux fonctions de président de l’université de La Réunion en septembre 2016, et qu’elles ont perduré depuis sa suspension pour une durée d’un an prononcée sur le fondement de l’article L. 951-4 du Code de l’éducation, entrée en vigueur le 6 octobre 2023 ;
6. Il est enfin constant que Monsieur XXX avait connaissance de la situation de l’université lorsqu’il a pris ses fonctions de président, puisqu’il y avait effectué l’essentiel de son cursus étudiant et l’intégralité de sa carrière d’enseignant-chercheur, et avait exercé des fonctions de vice-président en charge des relations extérieures entre 2008 et 2012 ;
7. Il n’en est pas moins avéré que le mode d’animation et de gouvernance adopté par Monsieur XXX, marqué par une recherche constante d’efficacité mais aussi par une centralisation excessive des pouvoirs, une forte exigence de loyauté, une intervention constante dans les actes de gestion et l’entretien d’une confusion entre sa personne et sa fonction, ne pouvait qu’accentuer ce climat de tension et accroître les situations de souffrance au travail ;
En ce qui concerne les faits constitutifs de harcèlement moral :
8. Il résulte de l’instruction que Monsieur XXX s’est rendu coupable de faits constitutifs de harcèlement moral à l’égard de Madame YYY et Madame ZZZ ;
9. Madame YYY, en premier lieu, a été recrutée à l’université de La Réunion le 1er avril 2016 en qualité de directrice des ressources humaines avant de se voir également confier, par Monsieur XXX, les fonctions de directrice générale des services par intérim, qu’elle a exercées jusqu’en juin 2017. Il apparaît, ainsi que le soutient Monsieur XXX, que Madame YYY n’a pas toujours été à la hauteur de ses missions, ce qui a pu mettre le président de l’université en difficulté sur des dossiers importants. Il apparaît également que si l’adjoint de Madame YYY a acquis un rôle toujours plus important, à l’initiative de Monsieur XXX, qui le contactait directement et préparait les décisions importantes avec lui, notamment en matière de suivi de la masse salariale, ceci s’explique avant tout par le fait que Madame YYY s’appuyait elle-même très souvent sur lui pour mener à bien ses missions. Si ce rôle toujours plus important reconnu à son adjoint et son effacement ont pu créer chez Madame YYY un sentiment d’humiliation et de dévalorisation, il ne ressort pas de l’instruction que ceci résulte d’une volonté délibérée de Monsieur XXX ;
10. Toutefois, les insuffisances professionnelles dont a fait preuve Madame YYY ne sauraient justifier la dureté du ton employé par Monsieur XXX dans ses échanges avec elle. Alors qu’il a eu très tôt conscience des difficultés rencontrées par Madame YYY, le conduisant à demander un retrait d’emploi, il semble n’avoir rien fait pour accompagner cette dernière, la soutenir et éviter la dégradation inéluctable de ses conditions de travail. Il est ainsi frappant qu’elle n’ait fait l’objet d’aucun entretien professionnel en bonne et due forme, que ce soit au titre de ses fonctions de directrice générale des services par intérim ou de directrice des ressources humaines. À ce sujet, Monsieur XXX ne produit pas de pièces permettant d’établir ses allégations selon lesquelles il aurait, à plusieurs reprises, tenté de dialoguer avec Madame YYY pour réparer leur relation de travail et, le cas échéant, lui permettre de trouver une voie de sortie. Il a au contraire maintenu sur elle une très forte pression, illustrée par l’épisode du week-end du 17 novembre 2017, durant lequel le déféré a exigé que Madame YYY finalise pour le lundi matin des documents substantiels : à supposer même que Madame YYY ait alors eu tous les éléments pour réaliser cette commande ancienne, rien n’obligeait le président à agir le samedi et, qui plus est, à laisser sa directrice des ressources humaines dans l’incertitude en ne lui répondant plus avant le lundi matin. Leur relation n’a, dans ce contexte, cessé de se détériorer. Ainsi lorsque Madame YYY, qui avait précipitamment quitté La Réunion pour rejoindre sa mère mourante, a manqué un entretien programmé avec lui sans le prévenir : Monsieur XXX avait été alerté de ce départ et de sa raison par la directrice générale des services, mais n’en a pas moins ordonné à son cabinet d’envoyer un courriel de reproches implicites à Madame YYY, sans témoigner à son égard la moindre empathie ;
11. Ainsi que le souligne le rapport de l’IGÉSR, Monsieur XXX porte une responsabilité personnelle dans l’installation d’un processus conduisant à la fragilisation de Madame YYY, à son isolement, à la mise à l’écart des missions relevant de son poste et à la dévalorisation de ses compétences. Les agissements répétés de Monsieur XXX, qui ne pouvait ignorer le mal-être croissant de Madame YYY ni l’impasse dans laquelle se trouvait leur relation professionnelle, ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail qui, a minima, a porté atteinte à sa dignité. Ces faits sont constitutifs d’un harcèlement moral rendant Monsieur XXX passible d’une sanction disciplinaire ;
12. En second lieu, Madame ZZZ, ingénieure en chef hors classe, titulaire de la fonction publique territoriale, a été recrutée par Monsieur XXX pour occuper les fonctions de directrice générale des services à compter du 1er juin 2017 et a quitté l’université de La Réunion à la fin de son détachement, en mai 2021, après plus de dix-huit mois passés en arrêt maladie ;
13. Il résulte de l’instruction, ainsi que le soutient Monsieur XXX, que Madame ZZZ a fait preuve de défaillances professionnelles sur plusieurs dossiers importants, comme celui de la réorganisation de l’administration générale de l’université que lui avait confié le président peu après son arrivée, que ses relations étaient conflictuelles avec beaucoup de personnels de l’université de La Réunion, notamment avec des membres de l’équipe présidentielle, et qu’elle a adopté vis-à-vis du président un comportement parfois vindicatif voire peu respectueux des compétences de ce dernier. Ainsi, lors d’une grève en septembre 2019 à l’Esiroi, école d’ingénieurs de l’université, après, il est vrai, que le président de l’université, absent de l’île, lui ait demandé lui-même d’aller à la rencontre des personnels, elle a refusé d’exécuter l’ordre de ce dernier de mettre immédiatement fin à une réunion à laquelle elle participait. Il est par ailleurs avéré que les échanges entre Monsieur XXX et Madame ZZZ ont souvent été chaleureux et empreints d’une confiance certaine, le président se montrant accessible et à l’écoute de la directrice générale des services ;
14. Toutefois, il résulte également de l’instruction que Monsieur XXX, qui a eu très tôt conscience des difficultés et, à partir d’un certain moment, de la souffrance au travail de Madame ZZZ, a contribué à la dégradation de ses conditions de travail en maintenant sur elle une forte pression et en multipliant, souvent au vu de nombreuses personnes de l’université, les marques de défiance à son égard, sans préjudice des marques de confiance qu’il savait également lui témoigner. Ainsi lorsqu’à la veille des congés annuels et de la fermeture de l’établissement, en juillet 2018, le président lui a demandé que soit reprise à zéro la procédure de recrutement de deux agents que le responsable du service juridique lui demandait pourtant de valider : la réponse de Madame ZZZ invoquant sa santé dégradée et son « droit de déconnexion » durant ses congés a appelé une réponse cinglante de Monsieur XXX mettant en cause son sens des responsabilités et son investissement pour l’université. Ainsi, également, lorsqu’en novembre 2018, dans le contexte d’une crise à l’Institut d’administration des entreprises, le président a demandé à Madame ZZZ de réaliser dans les plus brefs délais un audit, mais a refusé de tenir compte de ses objections répétées relatives à l’insuffisance des moyens mis à sa disposition pour tenir cet objectif : le dossier traînant, leurs relations se sont rapidement tendues, aboutissant à des menaces de Monsieur XXX d’informer le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche des défaillances de Madame ZZZ. Un lien direct apparaît par ailleurs entre l’épisode de l’Esiroi les 18-19 septembre 2019, l’envoi d’un courriel du président à Madame ZZZ le 23 septembre à 10 heures évoquant une « insubordination à une directive directe de sa part » et un comportement « à ce point déloyal à (son) supérieur hiérarchique direct », l’entretien qui a suivi immédiatement la réception de ce courriel et qui a été décrit comme houleux et enfin le malaise de Madame ZZZ qui est intervenu aussitôt après, à 15 heures, et qui sera reconnu imputable au service par la commission de réforme le 15 février 2021. Il résulte enfin de l’instruction qu’en dépit des difficultés récurrentes rencontrées depuis le recrutement de Madame ZZZ, Monsieur XXX a attendu la survenance de ce malaise pour demander à la ministre le retrait de son emploi fonctionnel ;
15. Il résulte de ce qui précède que si Madame ZZZ n’est pas exempte de tout reproche, Monsieur XXX, en sa qualité de président de l’université de La Réunion, supérieur hiérarchique direct de l’intéressée, ne pouvait raisonnablement ignorer que la situation allait dégénérer et que cette détérioration ne pouvait qu’avoir des conséquences sérieuses sur l’état de santé de cette dernière. Aussi frustrantes qu’aient pu être pour lui les insuffisances de Madame ZZZ, ses exigences et ses agissements répétés ont contribué à une dégradation des conditions de travail de celle-ci susceptible de porter atteinte à sa santé et à sa dignité. Ces faits sont constitutifs d’un harcèlement moral rendant Monsieur XXX passible d’une sanction disciplinaire.
En ce qui concerne la prescription :
16. Aux termes de l’article L. 532-2 du Code général de la fonction publique : « Aucune procédure disciplinaire ne peut être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu une connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction. […] » Si Monsieur XXX soutient que l’engagement des poursuites à son encontre a été tardif, il résulte de l’instruction que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche n’a eu connaissance d’un faisceau de faits susceptibles d’être constitutifs d’un harcèlement moral à l’encontre de Madame YYY et de Madame ZZZ qu’à l’occasion de la remise du rapport de l’enquête de l’IGÉSR n° 22-23 175A en juillet 2023. Par suite, dès lors que la procédure disciplinaire a été engagée avant l’expiration du délai de trois ans mentionné à l’article L. 532-2 du Code général de la fonction publique, Monsieur XXX n’est pas fondé à soutenir que ces dispositions auraient été méconnues ;
Sur la sanction :
17. Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « Sous réserve des dispositions prises en application de l’article L. 952-23, les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l’enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L’abaissement d’échelon ; / 4° L’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieur pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche ou certaines d’entre elles dans l’établissement ou dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d’office ; / 7° La révocation. / Les personnes à l’encontre desquelles a été prononcée la sixième ou la septième sanction peuvent être frappées à titre accessoire de l’interdiction d’exercer toute fonction dans un établissement public ou privé, soit pour une durée déterminée, soit définitivement. »
18. Compte tenu de la gravité des fautes commises par Monsieur XXX à l’égard de deux agents, mais également de la difficulté de retenir une intention malveillante avérée de sa part et du contexte spécifique de l’université de La Réunion, il y a lieu de lui infliger la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche à l’université de La Réunion pendant un an, avec privation de la totalité de son traitement. Une telle mesure prise à l’égard d’un président d’université a nécessairement pour effet d’interdire l’exercice par l’intéressé de l’ensemble de ses fonctions dans l’établissement et fait, en particulier, obstacle à ce qu’il continue de présider le conseil d’administration de l’établissement et d’y siéger comme de préparer et d’exécuter ses délibérations. Il reviendra aux autorités compétentes d’en tirer des conséquences sur le mandat de président de l’université de La Réunion de Monsieur XXX ;
Décide
Article 1 – Monsieur XXX est condamné à l’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche à l’université de La Réunion pendant un an, avec privation de la totalité de son traitement.
Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de La Réunion.
Délibéré à l’issue de la séance du 19 septembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Olivier Garet, Véronique Benzaken, Marguerite Zani, Pascale Gonod, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 10 octobre 2024,
Le président,
Christophe Devys
La vice-présidente,
Frédérique Roux
Le greffier en chef,
Éric Mourou
Monsieur XXX
N° 1808
Fabrice Guilbaud
Rapporteur
Séance publique du 26 septembre 2024
Décision du 10 octobre 2024
Vu la procédure suivante :
La directrice générale de Clermont Auvergne INP a engagé, le 21 avril 2023, contre Monsieur XXX, maître de conférences affecté à l’école Sigma Clermont et à l’UMR ICCF, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;
Par un courrier du 2 mai 2023, la directrice générale de Clermont Auvergne INP a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire le renvoi de ce dossier devant la section disciplinaire du conseil académique d’un autre établissement ;
Par décision rendue le 4 septembre 2023, le Cneser statuant en matière disciplinaire a renvoyé la connaissance de ce dossier devant la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne ;
Par une décision du 23 février 2024, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne a infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer des fonctions de recherche dans l’établissement pendant une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par une requête du 20 mai 2024, Monsieur XXX, représenté par Maître Didier Girard, a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire l’annulation de la décision du 23 février 2024 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne ;
Par une requête en sursis à exécution du 20 mai 2024, enregistrée au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 3 juin 2024, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision ;
Il soutient que la saisine de la section disciplinaire du conseil académique de Clermont Auvergne INP par la directrice générale de cet établissement était irrégulière ; que la procédure a été irrégulière, en raison d’un défaut de communication de l’intégralité du dossier et de l’absence de notification du droit au silence ; qu’elle a été déloyale, l’administration étant passée outre les conclusions de l’enquête administrative qu’elle avait diligentée ; que la section disciplinaire a statué ultra petita ; que le défaut de publicité de l’audience est contraire aux stipulations de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ; que la décision de première instance est insuffisamment motivée ; que les premiers juges ont commis un excès de pouvoir en appréciant l’état médical de Monsieur XXX ; que les moyens et conclusions de ce dernier n’ont pas été correctement analysés ; que la décision est entachée d’une violation de la règle non bis in idem ; que les faits reprochés à Monsieur XXX ne sont pas justificatifs d’une faute disciplinaire ; qu’à supposer qu’ils le soient, la sanction serait disproportionnée ;
Par des observations en défense datées du 18 septembre 2024, la directrice générale de Clermont Auvergne INP rappelle qu’elle était bien compétente pour engager des poursuites ; que l’enquête administrative initiale n’a pas été menée en interne mais déportée dans un autre établissement, à savoir l’université Clermont Auvergne, afin de garantir la neutralité de l’instruction ; qu’à l’issue de cette enquête, aucune sanction n’a été prise mais les mesures conservatoires d’éloignement ont été maintenues, tout en permettant à Monsieur XXX de poursuivre ses activités d’enseignement et de recherche ; qu’enfin Monsieur XXX a eu accès à l’ensemble des pièces de son dossier mis à sa disposition en présentiel par le service GRH de l’établissement ;
Par un mémoire en réplique en date du 19 septembre 2024, Monsieur XXX reprend les mêmes conclusions par les mêmes moyens ;
Le rapport en date du 30 juin 2024 de Fabrice Guilbaud, maître de conférences, rapporteur auprès de la juridiction disciplinaire, a été mis à disposition de Monsieur XXX et de la directrice générale de Clermont Auvergne INP le 16 juillet 2024 ;
Par lettres recommandées du 16 juillet 2024, Monsieur XXX, Maître Didier Girard, son conseil, et la directrice générale de Clermont Auvergne INP ont été régulièrement convoqués à l’audience du 26 septembre 2024 ;
Monsieur XXX et son conseil, Maître Didier Girard, étant présents ;
La directrice générale de Clermont Auvergne INP n’étant ni présente, ni représentée ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2, L. 952-8 et R. 232-33, R. 232-34 ;
Monsieur XXX ayant été informé du droit au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui sont posées ou de se taire ;
Après avoir entendu en séance publique, le 26 septembre 2024, le rapport de Fabrice Guilbaud, rapporteur auprès du Cneser statuant en matière disciplinaire ;
La parole ayant été donnée, après la lecture du rapport, puis en réponse aux questions posées par les membres de la juridiction, à Monsieur XXX et à son conseil ;
Monsieur XXX s’étant exprimé en dernier, avant que la formation restreinte du Cneser statuant en matière disciplinaire ne délibère à huis clos ;
Considérant que l’un des moyens invoqués par Monsieur XXX, tiré de l’irrégularité de la procédure dès lors qu’il n’a pas été informé de son droit de se taire avant de comparaître à l’audience, paraît sérieux et de nature à entraîner l’annulation ou la réformation de la décision du 23 février 2024 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne ; que, dès lors, en application des dispositions de l’article R. 232-34 du Code de l’éducation, il convient de faire droit à la demande de sursis à exécution de cette décision présentée par Monsieur XXX ;
Décide
Article 1 – Il est sursis à l’exécution de la décision rendue le 23 février 2024 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Jean-Monnet de Saint-Étienne, qui a infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer des fonctions de recherche à Clermont Auvergne INP pendant une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement.
Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, à la directrice générale de Clermont Auvergne INP, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Clermont-Ferrrand.
Délibéré à l’issue de la séance du 26 septembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Jean-Luc Hanus et Fabrice Guilbaud, maîtres de conférences, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 10 octobre 2024,
Le président,
Christophe Devys
Le secrétaire de séance,
Jean-Luc Hanus
Le greffier en chef,
Éric Mourou
Monsieur XXX
N° 1813
Jean-Luc Hanus
Rapporteur
Séance publique du 26 septembre 2024
Décision du 10 octobre 2024
Vu la procédure suivante :
Le président de l’université Le Havre Normandie a engagé, le 1er mars 2024, contre Monsieur XXX, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;
Par une décision du 10 juin 2024, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Le Havre Normandie a infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement dans l’établissement pendant une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par une requête du 14 juin 2024, Monsieur XXX, représenté par Maître Vanessa Koum Dissake, a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire l’annulation de la décision du 10 juin 2024 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Le Havre Normandie ;
Par une requête du 17 juin 2024, enregistrée au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 4 juillet 2024, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire qu’il soit sursis à l’exécution de cette décision ;
Il soutient que la décision attaquée a été prise en violation des droits de la défense en ce que les convocations qui lui ont été adressées ne comportaient pas l’indication succincte des faits reprochés, la faculté de se faire assister par un conseil, ni la possibilité de prendre connaissance des pièces de son dossier, ni enfin du droit de se taire ; qu’il n’a pu entrer en possession de l’intégralité du dossier ; que le principe du contradictoire n’a pas été respecté ; que les membres de la commission d’instruction étaient en situation de conflit d’intérêt ; qu’il lui a été refusé d’être assisté de plusieurs défenseurs ; que les propos qu’il a tenus et qui lui sont reprochés ont été déformés ; que la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation en ce que les questions posées ont été orientées afin de faire croire qu’il était à l’origine du mal-être et des tentatives de suicide de certains étudiants ;
Par un mémoire en défense daté du 16 septembre 2024, le président de l’université Le Havre Normandie demande de déclarer irrecevable la demande de sursis à exécution, de rejeter les conclusions, demandes et prétentions de Monsieur XXX et de condamner ce dernier au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761.1 du Code de justice administrative ;
Il soutient que la requête de Monsieur XXX est irrecevable faute de s’appuyer sur l’article R. 232-34 du Code de l’éducation ; que la procédure suivie avant la commission de discipline du 31 mai 2024 était régulière ; que le dossier a été communiqué à Monsieur XXX ; que les faits ont été établis avec souci d’objectivité et d’impartialité ; qu’il n’existe aucune raison objective de mettre en doute l’impartialité de la présidente de la commission de discipline ; que la procédure suivie devant la commission de discipline était régulière ; que les questions posées n’étaient en rien orientées ; que l’article R. 712-31 du Code de l’éducation dispose que les intéressés peuvent se faire assister « d’un conseil de leur choix » et non donc de plusieurs avocats ; que si Monsieur XXX reproche à la section disciplinaire de ne pas l’avoir préalablement informé de son droit à garder le silence, il convient de rappeler que le juge administratif ne consent à annuler une procédure atteinte d’un vice que si ce vice a eu pour effet de priver l’intéressé d’une garantie ; qu’en l’espèce, le choix de Monsieur XXX de garder le silence pendant l’audience a été garanti par la commission ;
Le rapport en date du 15 juillet 2024 de Jean-Luc Hanus, maître de conférences, rapporteur auprès de la juridiction disciplinaire, a été mis à disposition de Monsieur XXX et du président de l’université Le Havre Normandie le 16 juillet 2024 ;
Par lettres recommandées du 16 juillet 2024, Monsieur XXX, Maître Vanessa Koum Dissake, son conseil, et le président de l’université Le Havre Normandie ont été régulièrement convoqués à l’audience du 26 septembre 2024 ;
Monsieur XXX et son conseil, Maître Vanessa Koum Dissake, étant présents ;
Le président de l’université Le Havre Normandie étant représenté par Maître Amandine Domingues ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2, L. 952-8 et R. 232-33, R. 232-34 ;
Monsieur XXX ayant été informé du droit au cours des débats de faire des déclarations, de répondre aux questions qui sont posées ou de se taire ;
Après avoir entendu en séance publique, le 26 septembre 2024, le rapport de Jean-Luc Hanus, rapporteur auprès du Cneser statuant en matière disciplinaire,
La parole ayant été donnée, après la lecture du rapport, puis en réponse aux questions posées par les membres de la juridiction, tant à Monsieur XXX et à son conseil qu’au représentant du président de l’université Le Havre Normandie ;
Monsieur XXX s’étant exprimé en dernier, avant que la formation restreinte du Cneser statuant en matière disciplinaire ne délibère à huis clos ;
Considérant que deux des moyens invoqués par Monsieur XXX tirés de l’irrégularité de la procédure adoptée devant les juges de première instance, d’une part, en ce qu’il n’a pas été informé de son droit de se taire avant de comparaître à l’audience, d’autre part, en ce qu’il lui a été refusé de venir assisté de deux avocats sur le fondement d’une interprétation erronée des dispositions de l’article R. 712-31 du Code de l’éducation, paraissent sérieux et de nature à entraîner l’annulation ou la réformation de la décision du 10 juin 2024 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Le Havre Normandie ; que, dès lors, en application des dispositions de l’article R. 232-34 du Code de l’éducation, il convient de faire droit à la demande de sursis à exécution de cette décision présentée par Monsieur XXX ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de Monsieur XXX, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
Décide
Article 1 – Il est sursis à l’exécution de la décision du 10 juin 2024 par laquelle la section disciplinaire du conseil académique de l’université Le Havre Normandie a infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement dans l’établissement pendant une durée d’un an, assortie de la privation de la moitié du traitement.
Article 2 – La demande de condamnation de Monsieur XXX au paiement à l’université Le Havre Normandie de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761.1 du Code de justice administrative est rejetée.
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, président de l’université Le Havre Normandie, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, à la rectrice de l’académie de Rouen.
Délibéré à l’issue de la séance du 26 septembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Jean-Luc Hanus et Fabrice Guilbaud, maîtres de conférences, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 10 octobre 2024,
Le président,
Christophe Devys
Le secrétaire de séance,
Fabrice Guilbaud
Le greffier en chef,
Éric Mourou
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