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Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanction disciplinaire

nor : ESRH2430620S

Décision du 29-10-2024

MESR – CNESER

Monsieur XXX

N° 1574

Frédérique Roux

Rapporteure

Séance publique du 26 septembre 2024

Décision du 29 octobre 2024

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a engagé le 12 mars 2019, contre Monsieur XXX, maître de conférences, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par une décision du 4 juin 2019, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a infligé à Monsieur XXX la sanction de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans, avec privation de la totalité de son traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un appel formé le 17 août 2019, puis dans ses mémoires et observations successifs des 7 avril et 22 mai 2022, Monsieur XXX a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire, d’une part, d’annuler la décision du 4 juin 2019 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, d’autre part, de prononcer l’abandon des poursuites disciplinaires à son encontre ;

Par un mémoire en défense, réceptionné au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire le 22 novembre 2022, le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a demandé au Cneser statuant en matière disciplinaire de confirmer en toutes ses dispositions la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’établissement rendue le 4 juin 2019 ;

Par une décision du 23 novembre 2022, le Cneser statuant en matière disciplinaire a confirmé la décision du 4 juin 2019 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ;

Par une décision du 27 mars 2024, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par Monsieur XXX, a annulé la décision du 23 novembre 2022 du Cneser statuant en matière disciplinaire et renvoyé l’affaire devant cette juridiction afin qu’elle soit à nouveau jugée ;

Par un mémoire daté du 27 mai 2024 et un mémoire complémentaire daté du 24 septembre 2024, Monsieur XXX, représenté par Maître Jessica Finelle, réitère ses conclusions initiales par les mêmes moyens ;

Il soutient que du fait de l’arrêt définitif rendu le 3 février 2022 par la chambre de l’instruction près le Cour d’appel de Versailles qui a constaté que les faits reprochés à son encontre n’étaient pas établis, la saisine initiale de la section disciplinaire pour les mêmes faits est devenue sans objet, si bien qu’il y a lieu, à titre principal, d’annuler la décision rendue le 4 juin 2019 par la section disciplinaire de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de prononcer l’abandon des poursuites ; qu’à titre subsidiaire, il y a lieu de constater que la procédure en première instance était entachée d’irrégularités ; qu’en effet, l’université a communiqué à grande échelle sur la décision de suspension qu’elle avait prise à l’encontre du requérant ; que les étudiants se sont vus encouragés à déposer à charge contre ce dernier ; que la composition de la section disciplinaire est de nature à faire naître des doutes sur son impartialité, dès lors qu’en particulier le président de cette formation de jugement avait été sévèrement critiqué pour avoir mené avec légèreté l’instruction d’une précédente affaire ; que l’instruction de la présente affaire a été menée sur la base de témoignages biaisés, qui auraient dû être écartés en raison de leur évident parti pris ; que la commission d’instruction s’est fondée sur un rapport de Monsieur YYY, directeur de l’UFR 03, que ce dernier avait rédigé de sa propre initiative ; que la décision attaquée a méconnu le principe du contradictoire ;  qu’elle a été rendue pour des motifs infondés ; que la sanction qui lui a été infligée a un caractère disproportionné ; qu’il convient enfin de condamner l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au paiement de la somme de 8 000 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Par des mémoires enregistrés au greffe du Cneser statuant en matière disciplinaire les 13 août et 20 septembre 2024, le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne demande la confirmation de la décision du 4 juin 2019 de la section disciplinaire de son établissement et la condamnation de Monsieur XXX au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

Il soutient que l’université n’a jamais eu la volonté de communiquer sur cette affaire et s’est contentée de communiquer sur la prévention des violences sexuelles au sein de l’établissement ; que, nonobstant le contexte de pression médiatique, aucun élément ne permet de mettre en doute l’impartialité de la commission d’instruction ; que la procédure était parfaitement régulière ; qu’il est constant que Monsieur XXX a établi avec Madame ZZZ une relation de proximité qui a dépassé le strict cadre de la relation professionnelle, ne s’est pas imposé des règles de conduite très strictes et n’a pas conservé la distance requise avec une étudiante placée sous son autorité ; qu’il a accepté la présence de Madame ZZZ dans sa chambre avec lui, porte close, à l’exclusion de toute autre personne la nuit du 13 au 14 février 2019 ; qu’il avait conscience du caractère moralement répréhensible de son comportement ;

La commission d’instruction s’est tenue le 30 mai 2024 ;

Par lettres recommandées du 16 juillet 2024, Monsieur XXX et son conseil, Maître Jessica Finelle, ainsi que le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et son conseil, Maître Pierre-Olivier Sur, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 26 septembre 2024 ;

Par lettre recommandée du 16 juillet 2024, Madame ZZZ a également été convoquée à l’audience du 26 septembre 2024, en qualité de témoin ;

Le rapport d’instruction daté du 5 juin 2024 rédigé par Frédérique Roux a été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Le rapport d’instruction complémentaire daté du 3 septembre 2024, rédigé par Frédérique Roux, a été communiqué par courriel de la même date ;

Monsieur XXX et ses conseils, Maître Jessica Finelle, avocate, et Michel Gay, défenseur syndical, étant présents.

Le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne étant représenté par Catherine Botoko, directrice des affaires juridiques et institutionnelles, Maître Pierre-Olivier Sur et Maître Jérémy Gutkes, avocats ;

Madame ZZZ, témoin, étant absente ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Monsieur XXX ayant été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Frédérique Roux, rapporteure ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Frédérique Roux, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit :

  1. Par une décision du 4 juin 2019, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a infligé à Monsieur XXX la sanction de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant trois ans, avec privation de la totalité de son traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel. Par une décision du 23 novembre 2022, le Cneser statuant en matière disciplinaire a confirmé cette décision. Par une décision du 27 mars 2024, le Conseil d’État, saisi d’un pourvoi en cassation formé par Monsieur XXX, a annulé la décision du 23 novembre 2022 du Cneser statuant en matière disciplinaire et renvoyé l’affaire devant cette juridiction afin qu’elle soit à nouveau jugée ;

  2. Monsieur XXX, maître de conférences en archéologie à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne avait la responsabilité, au début de l’année 2019, d’un chantier de fouilles archéologiques organisé à Oman par son établissement et regroupant douze étudiants. Tous étaient logés dans la même maison, les étudiants étant hébergés dans des dortoirs au rez-de-chaussée, tandis que Monsieur XXX avait une chambre au premier étage, qui lui servait également de bureau. Il est constant que, durant ce séjour, Monsieur XXX et l’une de ses étudiantes, Madame ZZZ, âgée de 22 ans, se sont étroitement rapprochés et ont notamment échangé des messages intimes n’ayant aucun rapport avec les activités d’enseignement et de recherche. Il n’est pas non plus contesté que Madame ZZZ a passé une grande partie de la nuit du 13 au 14 février 2019 dans la chambre de Monsieur XXX, la porte étant close, et qu’elle a dormi avec lui dans le lit de ce dernier ;

  3. Il ressort ensuite des pièces du dossier que Madame ZZZ a déposé une plainte contre Monsieur XXX pour viol commis au cours de cette même nuit et saisi de ces mêmes faits le président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, mais que cette plainte a fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction du tribunal judiciaire de Nanterre, confirmée par un arrêt de la chambre d’instruction de la cour d’appel de Versailles en date du 3 février 2022, mettant en cause le caractère sérieux des allégations de Madame ZZZ et évoquant ses revirements, ses contradictions, son importante théâtralité, son manque d’authenticité et son potentiel côté affabulateur ;

  4. Néanmoins, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge disciplinaire, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement d’acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou qu’un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, au juge disciplinaire d’apprécier si les faits, qui peuvent, d’ailleurs, être différents de ceux qu’avait connus le juge pénal, sont suffisamment établis et, dans l’affirmative, s’ils justifient l’application d’une sanction. La circonstance que la plainte déposée par Madame ZZZ ait fait l’objet d’une décision de non-lieu devenue définitive n’a donc pas, contrairement à ce que soutient Monsieur XXX, pour conséquence l’abandon des poursuites disciplinaires intentées à son encontre ;

  5. Il n’est pas contesté que Monsieur XXX, reproduisant ainsi un comportement qu’il avait déjà adopté en 2013 et qui lui avait valu une sanction d’abaissement d’échelon, a eu avec l’une de ses étudiantes un comportement déplacé, marqué par une relation de grande proximité, critiquée par ailleurs par les autres étudiants, et des échanges de messages constants et intimes. Si les faits de viol ont été clairement écartés par le juge pénal, qui a par ailleurs mis en doute l’existence même de relations sexuelles, il n’en est pas moins constant que, dans la nuit du 13 au 14 février 2019, Monsieur XXX a accepté, à la demande de Madame ZZZ, d’accueillir cette dernière dans sa chambre, qu’il s’y est enfermé avec cette jeune femme durant de longues heures, suscitant ainsi la réaction d’autres étudiants, et qu’il a accepté enfin qu’elle dorme avec lui dans son lit.  Ces faits, qui révèlent une absence totale de prudence, contreviennent aux règles élémentaires de conduite d’un enseignant vis-à-vis de ses étudiants et méconnaissent les règles déontologiques applicables aux enseignants-chercheurs, sont constitutifs d’une faute disciplinaire et justifient, ainsi que l’a décidé la section disciplinaire de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, que soit infligée à Monsieur XXX une sanction disciplinaire ;

  6. Il apparaît néanmoins, au regard de la fragilité et du manque d’authenticité des dires de Madame ZZZ, relevés par un expert psychologue au cours de l’enquête préliminaire et cités dans l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, éléments que ne connaissaient pas les juges de première instance, qu’en choisissant de prononcer à l’encontre de Monsieur XXX une interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement et de recherche durant trois ans avec privation de la totalité du traitement,  la section disciplinaire  de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a retenu une sanction hors de proportion avec la faute reprochée à l’intéressé. Monsieur XXX est ainsi fondé à demander l’annulation de la décision rendue le 4 juin 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ;

  7. Il sera fait une plus juste appréciation de ces faits en infligeant à Monsieur XXX la sanction de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant un an, avec privation de la totalité de son traitement ;

  8. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 4 juin 2019 par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne est annulée.

 

Article 2 – Il est infligé à Monsieur XXX la sanction de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement ou de recherche dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant un an, avec privation de la totalité de son traitement.

 

Article 3 – La demande de condamnation de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au paiement à Monsieur XXX de la somme de 8 000 euros en application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative et la demande de condamnation de Monsieur XXX au paiement à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique sont rejetées.

 

Article 4 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche. Copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 26 septembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Véronique Benzaken, Jean-Luc Hanus, Julie Dalaison, Nicolas Guillet, Véronique Reynier, Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris le 29 octobre 2024,

Le président,
Christophe Devys

La secrétaire, la vice-présidente étant empêchée,
Véronique Benzaken

Le greffier en chef,
Éric Mourou

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