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Bulletin officiel
Ministère de l'Enseignement supérieur
et de la Recherche
Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)
Cneser
Sanction disciplinaire
nor : MENH2506475S
Décision du 14-2-2025
MENESR – CNESER
Monsieur XXX
N° 1704
Fabrice Guilbaud
Rapporteur
Séance publique du 12 décembre 2024
Décision du 14 février 2025
Vu la procédure suivante :
Le président de l’université de Toulon a engagé le 11 février 2021 contre Monsieur XXX, maître de conférences affecté à la faculté de droit de l’université de Toulon, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement ;
Par une décision du 19 novembre 2021, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Toulon compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé à l’encontre de Monsieur XXX la sanction de retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;
Par un mémoire en appel du 15 janvier 2022, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire, à titre principal, d’annuler la décision du 19 novembre 2021 de la section disciplinaire de l’université de Toulon et que soit prononcée sa relaxe, et, à titre subsidiaire, que la sanction prononcée soit proportionnelle aux manquements qui lui sont reprochés ;
Monsieur XXX soutient que la décision attaquée est entachée d’omission à statuer, notamment sur certains des moyens de défense qu’il avait invoqués ; qu’elle est insuffisamment motivée, notamment en ce qu’elle n’a pas statué sur l’irrégularité de l’enquête administrative et en ce qu’elle n’a pas précisé les manquements qui lui étaient reprochés ; que la procédure d’enquête administrative était irrégulière, Monsieur XXX étant en campagne décanale ; que la relation qu’il a nouée avec Madame YYY était de nature purement privée et consentie ; qu’elle n’était pas notoire et n’a en rien troublé le bon ordre dans l’établissement ; qu’il n’était plus en position d’autorité vis-à-vis de Madame YYY lorsque leur relation amoureuse a commencé ; que, dès lors, il n’y a eu aucun abus de pouvoir ; que les activités accessoires qu’il a exercées l’ont toujours été conformément à la réglementation en vigueur ; enfin, que la sanction est disproportionnée ;
Par un mémoire en défense du 10 avril 2024, le président de l’université de Toulon demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de rejeter la requête de Monsieur XXX et de confirmer le jugement rendu en première instance ;
Par un mémoire en réplique du 10 juin 2024, Monsieur XXX reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;
Par un second mémoire en défense du 5 septembre 2024, le président de l’université de Toulon réitère ses précédentes observations ;
La commission d’instruction s’est tenue le 16 octobre 2024 ;
Par lettres recommandées du 19 novembre 2024, Monsieur XXX, ainsi que le président de l’université de Toulon, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 12 décembre 2024 ;
Le rapport d’instruction rédigé par Fabrice Guilbaud ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;
Monsieur XXX étant assisté de Maître Sébastien Vicquenault, avocat ;
Le président de l’université de Toulon étant représenté par Maître Astrid Allala, avocate ;
Vu l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, et R. 232-23 à R. 232-48 ;
Vu le Code général de la fonction publique, notamment son article L. 121-1 ;
Après avoir entendu en séance publique le rapport de Fabrice Guilbaud, rapporteur ;
Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence à l’audience et de ne pas s’auto-incriminer ;
La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;
La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Maître Fabrice Guilbaud, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;
Considérant ce qui suit :
- Monsieur XXX, maître de conférences de classe normale, est affecté à la faculté de droit de l’université de Toulon depuis septembre 2011. Le 28 novembre 2019, Madame YYY, qui a été l’une de ses étudiantes et qui est apparemment dans une situation de détresse, révèle à l’un de ses enseignants, Monsieur ZZZ, alors jeune doctorant, des éléments constituant, selon elle, une situation de harcèlement exercée par Monsieur XXX. Le 26 juin 2020, le président de l’université diligente une enquête administrative portant sur « une relation présumée entre un personnel enseignant-chercheur et une étudiante de la faculté de droit ». Le 11 février 2021, le président de l’université de Toulon, sur le fondement des conclusions de cette enquête administrative, saisit la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Toulon de faits, d’une part, de manquements à la déontologie et d’abus de pouvoir, en raison d’une relation de nature privée, notamment sexuelle, avec l’une de ses étudiantes, et, d’autre part, de manquements à ses obligations, du fait de ses multiples activités accessoires effectuées en l’absence des demandes d’autorisation de cumul réglementaires ;
- Par une décision du 19 novembre 2021, la section disciplinaire du conseil académique de l’université de Toulon compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé, à l’encontre de Monsieur XXX, la sanction de retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel. Monsieur XXX fait régulièrement appel de cette décision ;
- La décision attaquée statue sur les trois motifs de la saisine du président de l’université : elle retient un manquement à la déontologie des enseignants-chercheurs dans le fait d’avoir entretenu une relation intime et sexuelle avec l’une de ses étudiantes ; elle écarte tout aussi explicitement la qualification d’abus de pouvoir, considérant que les faits invoqués de triche à la notation dans le but de favoriser Madame YYY, en utilisant un code porté par cette dernière sur ses copies, quoique reconnus par Madame YYY, ne sont pas établis. En revanche, si elle statue sur les manquements relatifs à l’obligation de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées et aux règles sur les autorisations de cumul, elle énonce successivement que « Monsieur XXX a fait preuve d’une abstention coupable en omettant de s’adresser à l’administration de l’université de Toulon pour demander des autorisations de cumul de rémunération pour l’exercice de certaines activités accessoires qu’il exerce » ; qu’il « procède néanmoins à de telles demandes (…) pour l’exercice d’heures d’enseignement dans des établissements publics » ; qu’il « n’a pas cherché à dissimuler ces activités accessoires dans son curriculum vitae » ; que ces activités accessoires « n’ont pas entraîné de manquement à son obligation de consacrer l’intégralité de son activité professionnelles aux tâches qui lui sont confiées par l’université de Toulon », qu’enfin, « il se conforme maintenant aux règles régissant les demandes d’autorisations de cumul de rémunération ». De cette présentation confuse et parfois contradictoire, il n’est pas possible de comprendre si la section disciplinaire a entendu retenir ce motif comme constitutif d’une faute disciplinaire, ou si elle a entendu l’écarter. Dès lors, Monsieur XXX est fondé à demander l’annulation de la décision attaquée, pour insuffisance de motivation ;
- L’affaire étant en l’état, il y a lieu pour le Cneser statuant en matière disciplinaire d’évoquer l’affaire et, par là, de statuer immédiatement, en qualité de juge de première instance, sur les faits dont le président de l’université de Toulon a saisi, le 11 février 2021, la section disciplinaire de cette université ;
- Aux termes de l’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique : « L’agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ». Le quatrième alinéa de l’article L. 123-6 du Code de l’éducation assigne par ailleurs au service public de l’enseignement supérieur la promotion « des valeurs d’éthique, de responsabilité et d’exemplarité ». Il résulte de ces dispositions que pèse sur les enseignants-chercheurs un devoir d’exemplarité et d’irréprochabilité qui, au regard de la relation d’autorité qui est celle d’un enseignant-chercheur avec ses étudiants, leur impose de maintenir les contacts avec leurs étudiants dans un cadre strictement professionnel et d’adopter une vigilance particulièrement rigoureuse pour respecter ce principe, tant dans l’exercice de leurs fonctions qu’en dehors ;
- Il ressort des pièces du dossier que Madame YYY a suivi les cours de licence de droit de septembre 2017 à juin 2020 ; qu’elle a suivi les enseignements de Monsieur XXX lors de sa première année et que ce dernier a été son tuteur de stage ; qu’au cours de cette première année, elle a eu des rapports sexuels (non protégés, Monsieur XXX ayant déclaré, selon les dires de Madame YYY,« qu’ils avaient la protection de Dieu ») à deux reprises, entre décembre 2017 et février 2018 ; que, si Madame YYY dit s’être sentie piégée tout au long de leur relation, elle reconnaît que ces rapports étaient consentis ; que cette relation s’est poursuivie alors que Monsieur XXX n’était plus son enseignant, comme en témoignent de nombreux échanges de messages, parfois à connotation sexuelle, jusqu’à ce que Madame YYY, ne supportant plus la pression marquée par Monsieur XXX, finisse par évoquer cette situation avec Monsieur ZZZ ;
- Il est constant que Monsieur XXX a eu une relation sexuelle avec une étudiante sur laquelle il avait autorité. Même si cette relation a été alors consentie, il résulte de ce qui précède que Monsieur XXX a fait preuve, pour le moins, d’une étonnante légèreté et d’une grande inconséquence et a ainsi gravement manqué à son devoir d’exemplarité et d’irréprochabilité. Dès lors, son comportement doit être regardé comme constitutif d’une faute disciplinaire ;
- Le Cneser statuant en formation disciplinaire ne pouvant, faute d’appel incident, aggraver la sanction prononcée par les juges de première instance, il sera infligé à Monsieur XXX, pour le seul manquement évoqué aux points 5, 6 et 7 et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs invoqués par le président de l’université de Toulon, la sanction de retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans ;
Décide
Article 1 – La décision rendue le 19 novembre 2021 par la section disciplinaire de l’université de Toulon compétente à l’égard des enseignants-chercheurs qui a prononcé la sanction de retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans à l’encontre de Monsieur XXX est annulée.
Article 2 – Il est prononcé, à l’encontre de Monsieur XXX, la sanction de retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans, étant entendu que cette peine est aujourd’hui entièrement exécutée.
Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Toulon, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Nice.
Délibéré à l’issue de la séance du 12 décembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Lilian Aveneau, Jean-Luc Hanus, Julie Dalaison, Véronique Reynier, membres de la juridiction disciplinaire.
Fait à Paris le 14 février 2025,
Le président,
Christophe Devys
La vice-présidente,
Frédérique Roux
Le greffier en chef,
Éric Mourou
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