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et de la Recherche

Édité par le MESR, le Bulletin officiel de l'enseignement supérieur et de la recherche publie des actes administratifs : décrets, arrêtés, notes de service, circulaires, avis de vacance de postes, etc. La mise en place de mesures ministérielles et les opérations annuelles de gestion font l'objet de textes réglementaires publiés dans des BO spéciaux.
Publication hebdomadaire (ISSN : 2110-6061)

Cneser

Sanctions disciplinaires

nor : ESRH2434302S

Décisions du 11-12-2024

MESR – CNESER

Monsieur XXX

N° 1685

Ivan Pertuy

Rapporteur

Séance publique du 7 novembre 2024

Décision du 11 décembre 2024

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université de Lorraine a engagé le 11 septembre 2020, contre Monsieur XXX, professeur des universités en mathématiques, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement ;

Par une décision du 2 décembre 2020, la section disciplinaire de l’université Lorraine compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé un blâme à l’encontre de Monsieur XXX, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un mémoire en appel du 26 janvier 2021, Monsieur XXX demande au Cneser statuant en matière disciplinaire de réformer la décision du 7 septembre 2020 de la section disciplinaire de l’université de Lorraine ;

Monsieur XXX soutient que :

  • aucun grief ne peut être relevé à son encontre concernant la délivrance des enseignements aux étudiants, comme en témoignent nombre de ses collègues, au sein et hors de sa structure ;
  • la cessation des échanges avec l’administration a été progressive et n’est pas de son fait, dès lors qu’elle résulte de l’instrumentalisation de la scolarité par le directeur de l’UFR ;

Par un mémoire en défense du 27 mars 2024, le président de l’université de Lorraine conclut au rejet de la requête d’appel de Monsieur XXX ;

Le président de l’université de Lorraine soutient, d’une part, qu’aucune faute ne peut être imputée à l’université, qui a tenté de maintenir le lien avec Monsieur XXX et, d’autre part, que les manquements reprochés à Monsieur XXX justifient la sanction prononcée ;

Par des observations en réplique et trois nouveaux mémoires des 19 août, 17 et 21 octobre 2024, Monsieur XXX soutient que l’université de Lorraine est à l’origine des difficultés qu’il rencontre et qu’elle l’a privé de toute possibilité de se soustraire à une situation pour lui inextricable ;

La commission d’instruction s’est tenue le 18 septembre 2024, Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence ;

Par lettres recommandées du 11 octobre 2024, Monsieur XXX, ainsi que le président de l’université de Lorraine, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 7 novembre 2024 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Ivan Pertuy ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant absent ;

Le président de l’université de Lorraine étant représenté par Sarah Weber, directrice des affaires juridiques ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu :

  • le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
  • le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Ivan Pertuy, rapporteur ;

La parole ayant été donnée au représentant du président de l’université de Lorraine, Monsieur XXX étant absent ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Ivan Pertuy, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit : 

Monsieur XXX, professeur des universités à l’université de Lorraine au sein de l’UFR MIM (mathématiques, informatique et mécanique) situé à Metz, relève appel d’une décision du 2 décembre 2020 par laquelle la section disciplinaire du conseil d’administration de l’université de Lorraine lui a infligé un blâme au motif qu’en se considérant étranger au département mathématiques et en refusant tout échange avec les membres de ce département et le service de scolarité, il perturbe l’organisation du service, des enseignements et examens, au détriment des étudiants et en méconnaissance de son devoir d’obéissance hiérarchique ;

Sur la matérialité des faits reprochés :

Monsieur XXX ne conteste pas qu’il se considère comme étranger au département mathématiques, alors qu’il y appartient depuis 1998, et refuse tout échange avec les membres de ce département et le service de scolarité, mais réfute l’affirmation selon laquelle ces faits auraient eu des effets négatifs sur ses étudiants ;

S’il n’est en effet pas démontré, par les pièces du dossier, que le comportement de Monsieur XXX aurait eu un effet délétère à l’égard de ses étudiants, il n’en reste pas moins que son refus de participer à la vie collective de son UFR est avéré et, comme il a été dit, n’est pas contesté ;

Sur la qualification des faits reprochés :

Aux termes de l’article 2 du décret du 6 juin 1984 : « Les enseignants-chercheurs ont une double mission d'enseignement et de recherche. Ils concourent à l'accomplissement des missions du service public de l'enseignement supérieur prévues par l'article L. 123-3 du Code de l'éducation ainsi qu'à l'accomplissement des missions de la recherche publique mentionnées à l'article L. 112-1 du Code de la recherche. Dans l'accomplissement des missions relatives à l'enseignement et à la recherche, ils jouissent, conformément aux dispositions de l'article L. 952-2 du Code de l'éducation, d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du Code de l'éducation, les principes de tolérance et d'objectivité (…) ». Aux termes de l’article 3 du même décret : « Les enseignants-chercheurs participent à l'élaboration, par leur recherche, et assurent la transmission, par leur enseignement, des connaissances au titre de la formation initiale et continue (…). Ils organisent leurs enseignements au sein d'équipes pédagogiques dans tous les cursus universitaires et en liaison avec les milieux professionnels. (…) Ils participent aux jurys d'examen et de concours. (…) Ils concourent à la vie collective des établissements et participent aux conseils et instances prévus par le Code de l'éducation et le Code de la recherche ou par les statuts des établissements. Les professeurs des universités ont vocation prioritaire à assurer leur service d'enseignement sous forme de cours ainsi que la direction des unités de recherche (…) ». Aux termes de l’article 6 du même décret : « Les obligations de service des enseignants-chercheurs sont celles définies par la réglementation applicable à l'ensemble de la fonction publique ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions que s’ils jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression, les enseignants-chercheurs doivent en contrepartie et afin de satisfaire à leurs obligations statutaires, notamment en qualité d’enseignant, s’intégrer de bonne foi aux équipes pédagogiques, participer aux jurys et concourir à l’organisation collective des établissements ;

Si Monsieur XXX soutient que la dégradation de ses relations avec l’ensemble des services de l’UFR MIM résulte du comportement des responsables de cette UFR à son égard, il ressort néanmoins des pièces du dossier que, notamment, le service de scolarité de l’UFR, dont il n’apparaît pas qu’il ait à aucun moment manqué de respect à Monsieur XXX, a déployé des efforts demeurés vains pour préserver avec Monsieur XXX un minimum de relations de nature à permettre, à tout le moins, l’organisation de ses propres enseignements et examens. Le refus de Monsieur XXX de conserver un quelconque lien avec les services administratifs de l’UFR MIM doit ainsi être regardé comme méconnaissant ses obligations d’enseignant-chercheur, telles que prévues notamment par le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 précité, et est, dès lors, constitutif d’une faute disciplinaire ;

Sur la sanction :

Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « (…) les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : 1° Le blâme ; 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; 3° L'abaissement d'échelon ; 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; 6° La mise à la retraite d'office ; 7° La révocation (…) » ;

La sanction de blâme prononcée le 2 décembre 2020 par la section disciplinaire de l’université de Lorraine, sanction la plus faible sur l’échelle des sanctions prévue par les dispositions précitées du Code de l’éducation, apparaît, par conséquent, proportionnée à la gravité des manquements commis ;

Il résulte de tout ce qui précède que Monsieur XXX n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 2 décembre 2020 par laquelle la section disciplinaire de l’université de Lorraine a prononcé la sanction de blâme à son encontre ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision rendue le 2 décembre 2020 par laquelle la section disciplinaire de l’université de Lorraine compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a prononcé un blâme à l’encontre de Monsieur XXX est confirmée.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Lorraineau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de la Nancy Metz.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 7 novembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Marcel Sousse, Marguerite Zani, Lilian Aveneau, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, 11 décembre 2024,

 

Le président,

Christophe Devys

 

La vice-présidente,

Frédérique Roux

 

Le greffier en chef,

Éric Mourou    

 

 

Monsieur XXX

N° 1690

Véronique Reynier

Rapporteure

Séance publique du 21 novembre 2024

Décision du 11 décembre 2024

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université Sorbonne Nouvelle a engagé le 16 novembre 2020, contre Monsieur XXX, maître de conférences affecté au département LEA de l’université Sorbonne Nouvelle, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de son établissement ;

Par une décision du 13 avril 2021, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle a infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans et a décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un appel formé le 25 mai 2021, Monsieur XXX, alors représenté par Maître Marine Février, demandait au Cneser statuant en matière disciplinaire d’annuler partiellement la décision rendue par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle et de réévaluer à la baisse la sanction disciplinaire prononcée ;

Par trois mémoires complémentaires datés des 9 septembre, 12 septembre et 3 octobre 2024, Monsieur XXX demande l’annulation de la sanction prononcée ;

Monsieur XXX soutient que, s’il reconnaît le caractère inapproprié du mail adressé au président de l’université le 21 octobre 2020, il le justifie, d’une part, par le sentiment qu’il avait de n’être ni entendu, ni pris en considération, et de ne disposer ni d’un bureau, ni du matériel informatique adéquat pour travailler et, d’autre part, par le caractère anxiogène de la pandémie de la Covid-19 et de l’état de santé de son fils et de son épouse ; que, s’agissant de Madame AAA, il n’y avait aucune intention de harcèlement de sa part ; que la sanction est disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés ;

Par un mémoire en défense daté du 19 juillet 2024, le président de l’université Sorbonne Nouvelle demande le rejet de la requête d’appel présentée par Monsieur XXX ;

Le président de l’université Sorbonne Nouvelle soutient que l’envoi des deux mails litigieux des 14 et 15 octobre 2020 constitue un trouble au bon fonctionnement de l’établissement ; que l’envoi au président de l’université des deux mails du 21 octobre 2020, dont l’un particulièrement injurieux et menaçant, constitue un risque avéré d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens ; que le fait que Monsieur XXX aurait développé des liens forts avec ses étudiants est susceptible de créer un trouble au bon fonctionnement de l’université ; qu’il en est ainsi, en particulier, de ses relations avec Madame AAA, l’une de ses étudiantes, à laquelle il a adressé de nombreux tweets à caractère personnel ;

La commission d’instruction s’est tenue le 27 septembre 2024. Monsieur XXX était présent et le président de l’université Sorbonne Nouvelle était représenté par Chérine Belkhiter et Inès Gamoudi, chargées des affaires juridiques. Monsieur XXX a été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

Par lettres recommandées du 24 octobre 2024, Monsieur XXX ainsi que le président de l’université Sorbonne Nouvelle, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 21 novembre 2024 ;

Le rapport d’instruction daté du 21 octobre 2024 rédigé par Véronique Reynier a été communiqué aux parties par courrier recommandé, en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant présent ;

Le président de l’université Sorbonne Nouvelle étant représenté par Inès Gamoudi, chargée des affaires juridiques ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;

Vu le Code général de la fonction publique ;

Monsieur XXX ayant été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Véronique Reynier, rapporteure ;

La parole ayant été donnée aux parties, Monsieur XXX ayant eu la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Véronique Reynier, rapporteure, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit : 

  1. Monsieur XXX, maître de conférences en informatique, a rejoint l’université Sorbonne Nouvelle en 1999. Entre janvier 2005 et août 2018, il a exercé ses fonctions, avec le statut d’enseignant associé, au sein de l’université Pierre et Marie Curie. À son retour à l’université Sorbonne Nouvelle en septembre 2018, il a été affecté au département langues étrangères appliquées (LEA), mais aucun enseignement ne lui a été proposé. De plus, il n’a été mis à sa disposition ni bureau ni équipement. Par ailleurs, il conduisait ses travaux de recherche dans un laboratoire extérieur à l’université. 
  2. En vertu du premier alinéa de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique, « le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité », le quatrième alinéa de l’article L. 123-6 du Code de l’éducation assignant par ailleurs au service public de l’enseignement supérieur la promotion « des valeurs d’éthique, de responsabilité et d’exemplarité ».
  3. En octobre 2020, considérant que les démarches de l’université Sorbonne Nouvelle étaient insuffisantes pour lutter efficacement contre la propagation de la Covid-19, Monsieur XXX a adressé, à plusieurs reprises, des messages électroniques au ton et au contenu inappropriés à ses collègues et à certains étudiants de l’université, touchant parfois 300 destinataires, et ce malgré les rappels de la Direction des ressources humaines sur la bonne utilisation de la messagerie professionnelle. En particulier, il a adressé le 21 octobre 2020 au président de l’université, mettant en copie nombre de ses collègues ou de membres de l’administration, un message injurieux et menaçant. Ce message commençait par les propos suivants : « Tout d’abord, félicitations pour votre manque total de professionnalisme, voire d’une grande irresponsabilité qui n’est autre que de la bêtise pure et simple d’un minable incompétent ». Puis, après avoir rappelé le rendez-vous qui devait avoir lieu entre Monsieur XXX et le président de l’université le 23 octobre 2020 et précisé l’adresse personnelle de ce dernier, il ajoutait : « Merci de ne pas être en retard, sinon je demanderai aux étudiant(e)s d’aller vous chercher massivement et en personne ».
  4. Monsieur XXX reconnaît avoir ainsi fait preuve de maladresse et explique ses erreurs par le contexte de la pandémie de la Covid-19 et des difficultés familiales. Il est constant, par ailleurs, que, ainsi que le reconnaît l’université Sorbonne Nouvelle, la situation professionnelle de Monsieur XXX, auquel l’université, tout en l’affectant au département langues étrangères appliquées, n’avait ni confié d’enseignements ni attribué de bureau ou de matériel, était profondément anormale. L’université, agissant ainsi avec une légèreté coupable, n’a pas sérieusement cherché à sortir de cette situation qui perdure encore à ce jour. Il n’en reste pas moins que Monsieur XXX a gravement méconnu les obligations de dignité et d’exemplarité qui s’imposent aux enseignants-chercheurs et que, dès lors, ces seuls faits sont constitutifs d’une faute disciplinaire. 
  5. La section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle a fait une juste appréciation des faits ainsi reprochés à Monsieur XXX en lui infligeant la sanction d’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans.

 

Décide

 

Article 1 – La décision du 13 avril 2021 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Sorbonne Nouvelle prononçant la sanction d’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans est confirmée.

 

Article 2 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Sorbonne Nouvelle, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche. Copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de Paris.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 21 novembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Lilian Aveneau, Pascale Gonod, Jean-Luc Hanus, Julie Dalaison, Fabrice Guilbaud, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, le 11 décembre 2024,

 

Le président,

Christophe Devys

 

La vice-présidente,

Frédérique Roux

 

Le greffier en chef,

Éric Mourou    

 

 

Monsieur XXX

N° 1694

Baptiste Henry

Rapporteur

Séance publique du 21 novembre 2024

Décision du 11 décembre 2024

Vu la procédure suivante : 

La présidente de l’université Paris Cité a engagé le 15 décembre 2020, contre Monsieur XXX, maître de conférences affecté à l’unité de formation et de recherche droit économie gestion de l’université Paris Cité, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire du conseil académique de cet établissement ;

Par une décision du 23 juin 2021, la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Cité a infligé à Monsieur XXX la sanction de la révocation et a décidé que sa décision serait immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un appel formé le 17 septembre 2021 et un mémoire réceptionné le 10 juin 2024, Monsieur XXX, représenté par Maître Rebérioux et Maître Klugman, demande au Cneser, statuant en matière disciplinaire, d’annuler la décision rendue par la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Cité et de mettre à la charge de cet établissement une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative ;

Monsieur XXX soutient que : 

  • la décision de première instance a été rendue au terme d’une procédure irrégulière dès lors que les membres de la commission d’instruction ont siégé au sein de la formation de jugement, en méconnaissance de l’exigence d’un tribunal impartial résultant de l’article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 
  • la décision de première instance a été rendue au terme d’une procédure irrégulière dès lors que l’anonymisation des témoignages à laquelle a procédé l’université ne lui a pas permis d’exercer ses droits de la défense ; 
  • la sanction qui lui a été infligée n’est pas justifiée. 

Par un mémoire en défense réceptionné le 10 avril 2024, l’université Paris Cité conclut au rejet de la requête d’appel présentée par Monsieur XXX ;

Elle soutient que les moyens soulevés par Monsieur XXX ne sont pas fondés ;

La commission d’instruction s’est réunie le 27 septembre 2024 afin d’auditionner les parties. Monsieur XXX était présent, assisté de Maître Rebérioux. Le président de l’université Paris Cité était représenté par Monsieur Teissier, directeur général délégué aux affaires juridiques, et Périé-Frey, directrice du pôle conseil juridique et règlement des litiges. Monsieur XXX a été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu

  • la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; 
  • le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
  • le Code général de la fonction publique ; 
  • le Code de justice administrative ; 
  • la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Les parties ayant été régulièrement convoquées à l’audience ;

Le rapport d’instruction, rédigé par Baptiste Henry, rapporteur extérieur, ayant été communiqué aux parties en même temps que la convocation ;

Monsieur XXX ayant été informé de son droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 21 novembre 2024 : 

  • le rapport de Monsieur Henry,
  • les observations de Monsieur XXX et de Maître Rebérioux, 
  • les observations de Monsieur Teissier, représentant l’université Paris Cité ;

Monsieur XXX et Maître Rebérioux ayant été invités à prendre la parole en dernier ;

La formation de jugement du Cneser, statuant en matière disciplinaire, ayant délibéré à huis clos, sans que Monsieur Henry, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit : 

  1. La présidente de l’université Paris Cité a engagé, devant la section disciplinaire du conseil académique de cet établissement, des poursuites disciplinaires à l’encontre de Monsieur XXX, maître de conférences en histoire du droit et des institutions, lui reprochant d’avoir eu un comportement inapproprié vis-à-vis de plusieurs étudiantes, à savoir des jeux de séduction, des échanges de messages, un comportement déplacé et une relation sexuelle. Par une décision du 23 juin 2021, cette dernière a infligé à Monsieur XXX la sanction de la révocation. Monsieur XXX demande au Cneser, statuant en matière disciplinaire, d’annuler cette décision ;
    Sur la régularité de la décision de première instance :
  2. En premier lieu, le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de tout accusation en matière pénale dirigée contre elle. (…) » ;
  3. Les fonctions dévolues à la commission d’instruction des sections disciplinaires des conseils académiques des établissements publics d’enseignement supérieur par les dispositions de l’article R. 712-33 du Code de l’éducation ne diffèrent pas de celles que la formation collégiale de jugement pourrait elle-même exercer, et ne confèrent pas à la commission d’instruction le pouvoir de modifier le champ de la saisine de la juridiction. Ainsi, elles ne font pas obstacle à ce que les membres de la commission d’instruction participent au délibéré de la formation de jugement dans le respect de l’exigence d’un tribunal impartial prévue par les stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Par suite, Monsieur XXX n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Cité serait irrégulière au motif que les membres de la commission d’instruction ont siégé au sein de la formation de jugement ;
  4. En second lieu, Monsieur XXX soutient que les droits de la défense ont été méconnus dès lors que les témoignages d’étudiantes recueillis par l’université Paris Cité ont été versés au dossier disciplinaire de manière anonymisée. Toutefois, une telle anonymisation était en l’espèce justifiée par les craintes légitimes que les étudiantes concernées pouvaient avoir quant aux répercussions, sur la suite de leur cursus universitaire, de leur témoignage à l’encontre d’un membre du corps enseignant, ainsi que par la protection de leur vie privée, les faits en cause ayant une connotation sexuelle et les personnes concernées, qui étaient en première année de licence au moment des faits, pouvant légitimement souhaiter ne plus y être associées. Par ailleurs, les services de l’université, qui ont recueilli les témoignages, ont pu vérifier l’identité des témoins et leur qualité d’anciennes étudiantes de Monsieur XXX, tout comme la commission d’instruction de la juridiction disciplinaire de première instance qui a eu connaissance de l’identité des déposantes, a entendu cinq des sept témoins et a eu un échange écrit avec une sixième. Enfin, les témoignages écrits versés au dossier étaient circonstanciés et il ressort tant des écritures de première instance et d’appel que des auditions de Monsieur XXX devant les deux commissions d’instruction que celui-ci a pu identifier la très grande majorité des personnes concernées et les faits qui lui sont reprochés. Dans ces conditions, l’anonymisation des témoignages versés au dossier n’a pas, en l’espèce, entaché d’irrégularité la décision de première instance ;
  5. Il résulte de ce qui précède que Monsieur XXX n’est pas fondé à critiquer la régularité de la décision de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Cité ;
    Sur le bien-fondé de la décision de première instance :
  6. En vertu du premier alinéa de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, désormais codifié à l’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique, « L’agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité », le quatrième alinéa de l’article L. 123-6 du Code de l’éducation assignant par ailleurs au service public de l’enseignement supérieur la promotion « des valeurs d’éthique, de responsabilité et d’exemplarité ». En outre, aux termes de l’article 29 de la loi du 13 juillet 1983 précitée, dans sa version applicable à la date des faits litigieux, désormais codifié à l’article L. 530-1 du Code général de la fonction publique : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ». Enfin, aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « (...) les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l’enseignement supérieur sont : / 1° Le blâme ; / 2° Le retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans au maximum ; / 3° L’abaissement d’échelon ; / 4° L’interdiction d’accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; / 5° L’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement ou de recherche ou certaines d’entre elles dans l’établissement ou dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; / 6° La mise à la retraite d’office ; / 7° La révocation. (…) » ;
  7. Les témoignages circonstanciés et concordants versés au dossier, ainsi que les auditions par les commissions d’instruction de première instance et d’appel, permettent d’établir qu’à plusieurs reprises entre 2014 et 2020, Monsieur XXX a noué, en marge des enseignements qu’il dispensait en première année de licence, des relations personnelles avec des étudiantes ayant donné lieu à des échanges de messages à caractère sexuel, avec parfois des propos particulièrement crus et brutaux et des envois de photographies dénudées, et, pour l’une des étudiantes, à une relation sexuelle. Si Monsieur XXX fait valoir qu’au moment où les échanges ont pris une tournure sexuelle, les enseignements qu’il dispensait aux étudiantes concernées étaient terminés, les échanges ont systématiquement été amorcés alors que Monsieur XXX était l’enseignant de ces étudiantes et ils ont été permis par la proximité qu’il créait avec ses étudiants, notamment en prolongeant de manière informelle les discussions à l’issue de ses cours. Cette proximité avait d’ailleurs déjà été reprochée à Monsieur XXX, à la fin de l’année universitaire 2017-2018, par la direction d’un autre établissement d’enseignement supérieur, qui avait, pour ce motif, mis fin aux vacations de l’intéressé. En outre, il ne pouvait être exclu que Monsieur XXX soit à nouveau l’enseignant de ces étudiantes au cours de leur cursus universitaire, comme cela a d’ailleurs été le cas de l’étudiante avec laquelle il a eu une relation sexuelle. En tout état de cause, il existait toujours, une fois les enseignements terminés, un rapport académique d’enseignant à étudiant entre Monsieur XXX, membre du corps enseignant de l’université, et des étudiantes débutant leur parcours universitaire. Enfin, il résulte de l’instruction que les relations reprochées à Monsieur XXX étaient marquées par un déséquilibre caractérisé, les étudiantes en question, bien que majeures, étant en première année de licence et manifestant une forme d’admiration pour leur enseignant, déséquilibre que celui-ci entretenait par la manière dont il s’adressait aux étudiantes lors de leurs conversations privées, témoignant ainsi d’une forme d’emprise sur ces dernières. Dans ces conditions, les faits reprochés à Monsieur XXX, qui sont suffisamment établis, constituent des manquements aux devoirs de son état tels qu’ils résultent de l’article L. 121-1 du Code général de la fonction publique, en particulier à l’exigence de dignité, et, en outre, portent atteinte à la réputation du service public de l’enseignement supérieur, auquel le législateur a, par ailleurs, assigné la mission de promouvoir les « valeurs d’éthique, de responsabilité et d’exemplarité », ainsi qu’il a été rappelé au point précédent. Ils apparaissent donc constitutifs d’une faute disciplinaire et justifient, comme l’a estimé la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Cité, le prononcé d’une sanction disciplinaire ;
  8. Toutefois, les faits reprochés à Monsieur XXX ne sont pas de nature à justifier, en l’absence d’antécédents disciplinaires, que lui soit infligée la sanction de la révocation, sanction la plus haute parmi celles prévues par l’article L. 952-8 du Code de l’éducation. La sanction prononcée en première instance apparaît donc disproportionnée. Il sera fait une plus juste appréciation des faits de l’espèce en infligeant à Monsieur XXX la sanction de l’interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans, assortie de la privation de la moitié du traitement ;
    Sur l’application de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative :
  9. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative et de mettre à la charge de l’université Paris Cité une somme de 2 000 euros à verser à Monsieur XXX au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

 

Décide

 

Article 1 – Il est infligé à Monsieur XXX la sanction d’interdiction d’exercer toutes fonctions d’enseignement dans tout établissement public d’enseignement supérieur pendant cinq ans, avec privation de la moitié du traitement.

 

Article 2 – La décision du 23 juin 2021 de la section disciplinaire du conseil académique de l’université Paris Cité est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

 

Article 3 – L’université Paris Cité versera une somme de 2 000 euros à Monsieur XXX au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

 

Article 4 – En application des articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université Paris Cité, au ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche. 

 

Copie sera adressée au recteur de la région académique Île-de-France, recteur de l’académie de Paris, chancelier des universités de Paris et d’Île-de-France ;

 

Délibéré à l’issue de la séance du 21 novembre 2024, à laquelle siégeaient Christophe Devys, président de section au Conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Lilian Aveneau, Pascale Gonod, Jean-Luc Hanus, Julie Dalaison, Fabrice Guilbaud, Véronique Reynier, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, le 11 décembre 2024,

 

Le président,

Christophe Devys

 

La vice-présidente,

Frédérique Roux

 

Le greffier en chef,

Éric Mourou    

 

 

Monsieur XXX

N° 1719

Ivan Pertuy

Rapporteur

Séance publique du 7 novembre 2024

Décision du 11 décembre 2024

Vu la procédure suivante : 

Le président de l’université de Lorraine a engagé le 20 janvier 2022, contre Monsieur XXX, professeur des universités en mathématiques, des poursuites disciplinaires devant la section disciplinaire compétente à l’égard des enseignants-chercheurs de son établissement ;

Par une décision du 25 avril 2022, la section disciplinaire de l’université Lorraine compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement dans l’établissement pendant cinq ans, assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel ;

Par un mémoire en appel du 10 juin 2022, Monsieur XXX conteste la décision rendue le 25 avril 2022 par la section disciplinaire de l’université de Lorraine ;

Monsieur XXX soutient que :

  • la procédure disciplinaire est irrégulière, dès lors qu’elle a été menée durant un arrêt maladie ;
  • les fautes supposées, sanctionnées par la décision contestée, ont déjà été sanctionnées par une décision antérieure du 2 décembre 2020 ; la décision contestée méconnaît ainsi le principe non bis in idem ;
  • aucun grief ne peut être relevé à son encontre concernant la délivrance des enseignements aux étudiants, comme en témoignent nombre de ses collègues, au sein et hors de sa structure ;
  • la cessation des échanges avec l’administration a été progressive et n’est pas de son fait, dès lors qu’elle résulte de l’instrumentalisation de la scolarité par le directeur de l’UFR ;
  • la sanction résulte d’un détournement de procédure et n’a été prononcée qu’en raison d’une inimitié personnelle et non de difficultés professionnelles.

Par deux mémoires en défense des 18 janvier 2023 et 24 avril 2024, le président de l’université de Lorraine conclut au rejet de la requête d’appel de Monsieur XXX comme manifestement infondée en tous ses moyens et demande le maintien de la sanction prononcée à son égard ;

Le président de l’université de Lorraine soutient que :

  • la procédure disciplinaire a certes été menée alors que Monsieur XXX était en arrêt de travail pour maladie mais, dès lors que Monsieur XXX a été régulièrement informé de l’ensemble des étapes de la procédure, qu’il pouvait consulter son dossier à tout moment, et qu’il a été régulièrement convoqué devant les instances, la procédure disciplinaire n’est entachée d’aucune irrégularité ;
  • le principe non bis in idem n’a pas été méconnu, dès lors que les faits sont identiques mais postérieurs à la précédente sanction ;
  • aucune faute de l’UFR, qu’il s’agisse de procédure « inqualifiable », de volonté de nuire personnellement, de harcèlement ou de « mobing », n’est avérée ;
  • les manquements reprochés à Monsieur XXX justifient la sanction prononcée.

Par diverses observations en réplique, et un nouveau mémoire daté du 19 août 2024, Monsieur XXX soutient que l’université de Lorraine est à l’origine des difficultés qu’il rencontre et qu’elle l’a privé de toute possibilité de se soustraire à une situation pour lui inextricable ;

La commission d’instruction s’est tenue le 18 septembre 2024, Monsieur XXX ayant été informé de son droit de garder le silence ;

Par lettres recommandées du 11 octobre 2024, Monsieur XXX, ainsi que le président de l’université de Lorraine, ont été régulièrement convoqués à l’audience du 7 novembre 2024 ;

Le rapport d’instruction rédigé par Ivan Pertuy ayant été communiqué aux parties par courrier recommandé en même temps que la convocation à comparaître devant la formation de jugement ;

Monsieur XXX étant absent ;

Le président de l’université de Lorraine étant représenté par Sarah Weber, directrice des affaires juridiques ;

Vu l’ensemble des pièces du dossier ;

Vu :

  • le Code de l’éducation, notamment ses articles L. 232-2 à L. 232-7, L. 952-8, R. 232-23 à R. 232-48 ;
  • le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

Après avoir entendu en séance publique le rapport de Ivan Pertuy, rapporteur ;

La parole ayant été donnée au représentant du président de l’université de Lorraine, Monsieur XXX étant absent ;

La formation de jugement du Cneser statuant en matière disciplinaire ayant délibéré à huis clos sans que Ivan Pertuy, rapporteur, n’intervienne ni n’ait voix délibérative ;

 

Considérant ce qui suit : 

Monsieur XXX, professeur des universités à l’université de Lorraine au sein de l’UFR MIM (mathématiques, informatique et mécanique) situé à Metz, relève appel d’une décision du 25 avril 2022 par laquelle la section disciplinaire de l’université de Lorraine compétente à l’égard des enseignants-chercheurs l’a sanctionné d’une interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement dans l’établissement pendant cinq ans, assortie de la privation de la moitié du traitement, au motif, d’abord, qu’en se considérant étranger au département mathématiques et en refusant tout échange avec les membres de ce département et le service de scolarité, il perturbe l’organisation du service, des enseignements et examens, au détriment des étudiants et en méconnaissance de son devoir d’obéissance hiérarchique, ensuite qu’il ne s’est pas rendu au sein des locaux depuis un an et a délivré ses enseignements au cours de l’année 2020-2021 à distance sur préconisation du médecin du travail, n’a pas surveillé d’examen au cours de la période et a refusé d’aller récupérer ses copies, encore qu’il a demandé à délivrer ses enseignements au cours de l’année 2021-2022 à distance ou sur un autre site sans préconisations en ce sens du médecin du travail, enfin que, s’estimant victime de harcèlement et d’acharnement sans toutefois qu’aucun élément ne corrobore ses dires, il s’est plaint de son administration auprès de ses étudiants, et qu’il méconnaît ainsi le devoir de réserve qui pèse sur lui, portant ainsi atteinte à la réputation de l’UFR MIM,  de l’université de Lorraine et de ses membres ;

Sur la régularité de la procédure :

Si la procédure disciplinaire a été menée alors que Monsieur XXX était en arrêt de travail pour maladie, il est constant que Monsieur XXX a été régulièrement informé de l’ensemble des étapes de la procédure, de ce qu’il lui était loisible de consulter son dossier, et qu’il a été régulièrement convoqué devant les instances devant lesquelles il a été informé de la possibilité d’être assisté d’un avocat. Aucune irrégularité n’entache, par suite, la procédure disciplinaire en cause à ce titre ;

Sur le principe d’unicité de la sanction pour un même fait :

Il ressort des pièces du dossier, et notamment de la décision en litige, que le manquement reproché à Monsieur XXX s’agissant du refus d’entretenir des relations avec la direction de l’UFR ou le service de la scolarité de son établissement, en effet déjà sanctionné par une décision antérieure, en date du 2 décembre 2020, est évoqué à nouveau au soutien de la décision contestée en tant que ce manquement a persisté après le prononcé de la première sanction. Le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait sanctionné à nouveau des faits identiques, en méconnaissance du principe d’unicité des sanctions pour un même fait ne peut, par suite, qu’être écarté ;

Sur la matérialité des faits reprochés :

En premier lieu, Monsieur XXX ne conteste pas qu’il a persisté, après la sanction de blâme prononcée le 2 décembre 2020, à se considérer comme étranger au département mathématiques et à refuser tout échange avec les membres de ce département et le service de scolarité, mais réfute l’affirmation selon laquelle ces faits auraient des effets négatifs sur ses étudiants. S’il n’est en effet pas démontré, par les pièces du dossier, que le comportement de Monsieur XXX aurait eu un effet délétère à l’égard de ses étudiants, il n’en reste pas moins que son refus de participer à la vie collective de son UFR est avéré et n’est d’ailleurs pas contesté ;

En deuxième lieu, le manquement tiré de l’absence de Monsieur XXX dans les locaux depuis un an est, à la date du prononcé de la sanction le 25 avril 2022, avéré ;

En troisième lieu, il est constant que Monsieur XXX a demandé à délivrer ses enseignements, au cours de l’année 2021-2022, à distance ou sur un autre site, sans préconisations en ce sens du médecin du travail ;

En dernier lieu, Monsieur XXX ne conteste pas avoir dit à certains de ses étudiants qu’il ressentait un acharnement à son encontre par l’université et avoir ainsi critiqué, auprès de ses étudiants, le comportement de la direction de l’UFR à son égard ;

Sur la qualification des faits reprochés :

Aux termes de l’article 2 du décret du 6 juin 1984 : « Les enseignants-chercheurs ont une double mission d'enseignement et de recherche. Ils concourent à l'accomplissement des missions du service public de l'enseignement supérieur prévues par l'article L. 123-3 du Code de l'éducation ainsi qu'à l'accomplissement des missions de la recherche publique mentionnées à l'article L. 112-1 du Code de la recherche. Dans l'accomplissement des missions relatives à l'enseignement et à la recherche, ils jouissent, conformément aux dispositions de l'article L. 952-2 du Code de l'éducation, d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du Code de l'éducation, les principes de tolérance et d'objectivité (…) ». Aux termes de l’article 3 du même décret : « Les enseignants-chercheurs participent à l'élaboration, par leur recherche, et assurent la transmission, par leur enseignement, des connaissances au titre de la formation initiale et continue (…). Ils organisent leurs enseignements au sein d'équipes pédagogiques dans tous les cursus universitaires et en liaison avec les milieux professionnels. (…) Ils participent aux jurys d'examen et de concours. (…) Ils concourent à la vie collective des établissements et participent aux conseils et instances prévus par le Code de l'éducation et le Code de la recherche ou par les statuts des établissements. Les professeurs des universités ont vocation prioritaire à assurer leur service d'enseignement sous forme de cours ainsi que la direction des unités de recherche (…) ». Aux termes de l’article 6 du même décret : « Les obligations de service des enseignants-chercheurs sont celles définies par la réglementation applicable à l'ensemble de la fonction publique ». Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, s’ils jouissent d’une pleine indépendance et d’une entière liberté d’expression, les enseignants-chercheurs doivent en contrepartie et afin de satisfaire à leurs obligations statutaires, notamment en qualité d’enseignant, s’intégrer de bonne foi aux équipes pédagogiques, participer aux jurys, concourir à l’organisation collective des établissements et effectuer les heures d’enseignement qui leur sont confiées ;

Si Monsieur XXX soutient, en premier lieu, que la dégradation de ses relations avec l’ensemble des services de l’UFR MIM résulte du comportement des responsables de cette UFR à son égard, il ressort néanmoins des pièces du dossier que, notamment, le service de scolarité, dont il n’apparaît pas qu’il ait à aucun moment manqué de respect à Monsieur XXX, a déployé des efforts demeurés vains pour préserver avec Monsieur XXX un minimum de relations de nature à permettre, à tout le moins, l’organisation de ses propres enseignements et examens. Le refus persistant de Monsieur XXX de conserver un quelconque lien avec les services administratifs de l’UFR MIM, alors même qu’il avait déjà été sanctionné pour les mêmes faits par une décision du 2 décembre 2020, doit ainsi être regardé comme l’expression de sa volonté de persister dans la méconnaissance de ses obligations d’enseignant-chercheur, telles que prévues notamment par le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 précité. Dès lors, ce refus est constitutif d’une faute disciplinaire ;

Monsieur XXX n’avait pas, en deuxième lieu, à se rendre dans les locaux durant l’année 2020-2021, puisqu’il résulte de la décision de sanction en litige que ses enseignements ont été, sur préconisation du médecin du travail, réalisés à distance. À compter du 9 septembre 2021, il est également constant que Monsieur XXX était placé en congé pour maladie aux dates de ses enseignements. Son absence durant l’année précédant le 25 avril 2022, date de prononcé de la sanction, était donc justifiée jusqu’à la fin de l’année scolaire 2020-2021, en raison de la préconisation du médecin du travail d’exercice à distance, et à compter du 9 septembre 2021 en raison de son placement en congés maladie. Son absence n’est ainsi fautive que durant la courte période de quelques jours entre la reprise de l’année 2021-2022 et le 9 septembre 2021 ;

Il est constant, en troisième lieu, que Monsieur XXX a demandé à délivrer ses enseignements de l’année 2021-2022 à distance ou sur un autre site, sans préconisations en ce sens du médecin du travail. Mais, pour les raisons exposées au point précédent, ce refus n’était contraire aux préconisations du médecin du travail qu’à compter de la rentrée 2021-2022 et, dès lors que Monsieur XXX a été placé en congé pour maladie à compter du 9 septembre 2021, son refus de délivrer des enseignements sur le site de l’UFR MIM n’a pas eu d’incidence concrète sur la délivrance de ces enseignements ;

En dernier lieu, le caractère fautif des propos tenus par Monsieur XXX à l’égard des responsables de l’UFR devant ses étudiants, propos relativement communs et peu outranciers, puisqu’il s’est borné à se plaindre d’un acharnement ou d’un harcèlement à son encontre, n’apparaît pas présenter de caractère de gravité alors, au surplus, qu’il ressort des pièces du dossier que l’administration de l’UFR a pu donner crédit à des critiques ou critiquer en retour Monsieur XXX devant les étudiants ;

Sur la sanction :

Aux termes de l’article L. 952-8 du Code de l’éducation : « (…) les sanctions disciplinaires qui peuvent être appliquées aux enseignants-chercheurs et aux membres des corps des personnels enseignants de l'enseignement supérieur sont : 1° Le blâme ; 2° Le retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans au maximum ; 3° L'abaissement d'échelon ; 4° L'interdiction d'accéder à une classe, grade ou corps supérieurs pendant une période de deux ans au maximum ; 5° L'interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement ou de recherche ou certaines d'entre elles dans l'établissement ou dans tout établissement public d'enseignement supérieur pendant cinq ans au maximum, avec privation de la moitié ou de la totalité du traitement ; 6° La mise à la retraite d'office ; 7° La révocation (…) » ;

En premier lieu, dès lors, d’une part, que certains faits reprochés ne sont pas avérés, ne sont que très partiellement avérés ou n’ont eu aucune incidence sur la délivrance des enseignements et la situation des étudiants de Monsieur XXX, et d’autre part, que certains faits reprochés sont avérés mais ne sont pas fautifs, la sanction prononcée n’apparaît en définitive justifiée que par la persistance de Monsieur XXX dans son refus d’entretenir des liens avec l’UFR et sa revendication, sans incidence sur la délivrance concrète des enseignements, d’un droit à enseigner à distance ou dans le lieu qui lui convient ;

En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l’UFR MIM, puis l’université de Lorraine, ont une responsabilité dans la genèse de la relation difficile entre les responsables de l’établissement et Monsieur XXX et ne lui ont pas permis, par leur intervention défavorable dans le processus de recrutement au CNRS que Monsieur XXX avait sérieusement engagé en juin 2021 et par leur refus de rechercher une possibilité de permettre à Monsieur XXX d’enseigner auprès d’une autre structure ou dans un autre lieu, de s’extraire de la situation de manière honorable ;

Par conséquent, les seuls faits avérés et fautifs, qui n’ont eu de conséquences sur les enseignements délivrés par Monsieur XXX qu’entre la fin août 2021 et le 9 septembre 2021, ne pouvaient justifier le prononcé de la sanction prévue au 5° de l’article L. 952-8, sanction la plus lourde avant la révocation et la mise à la retraite d’office ;

Par voie de conséquence, la décision du 25 avril 2022 par laquelle la section disciplinaire de l’université de Lorraine compétente à l’égard des enseignants-chercheurs a sanctionné Monsieur XXX d’une interdiction d’exercer toute fonction d’enseignement dans l’établissement pendant cinq ans, assortie de la privation de la moitié du traitement, décision immédiatement exécutoire nonobstant appel, est annulée ;

Il sera fait une juste appréciation des faits avérés et fautifs reprochés à Monsieur XXX, en tenant compte du précédent constitué par la sanction de blâme prononcée le 2 décembre 2020 par la section disciplinaire de l’université de Lorraine, confirmée en cause d’appel par décision n° 1685 du même jour, en infligeant à ce dernier la sanction de retard à l'avancement d'échelon pour une durée de deux ans ;

 

Décide

 

Article 1 – La décision du 25 avril 2022 rendue par la section disciplinaire de l’université de Lorraine compétente à l’égard des enseignants-chercheurs à l’encontre de Monsieur XXX est annulée.

 

Article 2 – Il est infligé à Monsieur XXX la sanction de retard à l’avancement d’échelon pour une durée de deux ans.

 

Article 3 – Dans les conditions fixées aux articles R. 232-41 et R. 232-42 du Code de l’éducation susvisé, la présente décision sera notifiée à Monsieur XXX, au président de l’université de Lorraineau ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et publiée, sous forme anonyme, au Bulletin officiel de l’enseignement supérieur et de la recherche ; copie sera adressée, en outre, au recteur de l’académie de la Nancy Metz.

 

Délibéré à l’issue de la séance du 7 novembre 2024, où siégeaient Christophe Devys, président de section au conseil d’État, président du Cneser statuant en matière disciplinaire, Frédérique Roux, Marcel Sousse, Marguerite Zani, Lilian Aveneau, membres de la juridiction disciplinaire.

 

Fait à Paris, le 11 décembre 2024,

 

Le président,

Christophe Devys

 

La vice-présidente,

Frédérique Roux

 

Le greffier en chef,

Éric Mourou    

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