Publié le 23.09.2024

Discours de Sylvie Retailleau lors de la passation de pouvoir avec Patrick Hetzel

23 septembre 2024

11h00

Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 21 rue Descartes, 75005 Paris

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

Chères toutes et tous,

Monsieur le Ministre,

Bienvenue rue Descartes, dans ce ministère à qui revient l’une des plus belles missions de la République : repousser toujours plus les frontières de la connaissance, et en garantir la transmission.

Ce ministère, c’est le ministère de la confiance.

Celle que l’on doit avoir en l’avenir pour avancer ;

Celle que l’on doit avoir dans notre jeunesse pour qu’elle s’épanouisse et construise la société de demain ;

Celle que l’on doit avoir dans les femmes et les hommes qui leur transmettent savoirs et compétences.

Celle bien sûr que l’on doit avoir dans la science pour éclairer nos choix, imaginer des solutions nouvelles et bâtir le progrès.

La confiance, c'est aussi celle que la société place en nous.

Et la confiance ne se décrète pas, elle se construit jour après jour.

Elle nécessite de l'écoute, du dialogue, et parfois du courage, pour reconnaître nos erreurs et les corriger. C'est dans cet esprit que nous avons travaillé pendant plus de deux ans.

Comme je parle de confiance, je tiens à remercier, sincèrement, le président de la République, la Première ministre puis le Premier ministre, pour celle qu’ils m’ont accordée.

Je suis véritablement honorée d’avoir pu, grâce à eux, servir notre pays, son avenir et sa jeunesse en tant que ministre.
Et parce que deux ans à la tête de ce ministère, c’est une aventure humaine et collective, je tiens également à adresser mes remerciements à l’ensemble de mes collègues au Gouvernement ainsi qu’aux parlementaires de la coalition présidentielle, véritables compagnons de route pour cette aventure si particulière pour une ministre « issue de la société civile », comme le dit l’expression consacrée.

Je remercie également les parlementaires des oppositions avec qui nous avons pu nouer des relations de travail sérieuses, et un dialogue exigeant mais passionnant. J’adresse un merci tout particulier aux présidents des commissions de la culture du Sénat et de l’Assemblée nationale, pour leur bienveillance et la très grande qualité des travaux de leurs commissions.

J’adresse également mes remerciements aux organisations étudiantes, aux partenaires sociaux, aux conférences et à travers elles, à tous les établissements, ainsi qu’aux organismes de recherche pour leur écoute, pour le dialogue que nous avons toujours maintenu, et leur volonté de trouver des solutions ensemble.

Je voudrais revenir sur quelques axes forts sur lesquels nous avons travaillé et qui demandent un temps long pour voir des résultats, temps long qui est une caractéristique de l’ESR, et donc de ce ministère.

Mon action a été guidée par trois axes forts.

  • Le premier, c’est de former aux savoirs et aux métiers qui répondent aux enjeux du présent, et de l’avenir.

Notre offre de formation s’adapte constamment, pour former aux métiers en tension : des médecins, des enseignants, des techniciens et des ingénieurs, pour former, aussi, aux métiers de demain et permettre à chaque étudiant de réussir ses études, de trouver un travail et d’évoluer tout au long de sa vie. Pour réconcilier, au fond, les destins individuels et celui de la Nation.

Pour cela, nous avons encore amélioré l’efficacité, la transparence, et l’équité de Parcoursup, qui n’est pas un algorithme, répétons-le ! Aucun outil n’est parfait, mais je suis aujourd’hui persuadée que pour améliorer le vécu des jeunes et de leurs familles à cette étape cruciale qu’est la transition vers les études supérieures, il faut encore renforcer l’accompagnement humain à l’orientation, et donc dégager du temps aux enseignants et leur fournir les supports nécessaires. C’est la priorité. C’est pourquoi, avec l’Éducation nationale, dont le rôle est central sur ces questions, nous avons engagé ce travail, et de nouveaux outils seront déployés dès cette année.

Nous avions également finalisé la nécessaire réforme de la formation des enseignants, qui doit être poursuivie et mise en œuvre en concertation avec les organisations syndicales et les conférences d’établissement. 

Enfin, nous avons préparé, avec le ministère du travail et grâce aux travaux remarquables du Parlement, les instruments d’un juste contrôle et d’une régulation des formations privées à but lucratif.

Je ne doute pas que vous veillerez Monsieur le ministre à la poursuite de ces chantiers très attendus.

  • Le deuxième axe qui a guidé mon action, c’est l’amélioration de la qualité de vie des étudiants.

Nous avons ainsi poursuivi notre action pour accompagner les étudiants : pour lutter contre la précarité étudiante, pour garantir le bien-être et la santé des étudiants, avec une attention particulière aux étudiants en situation de handicap, et enfin, pour développer l’offre de logements étudiants, chantier à renforcer, ainsi que l’accès à une offre de restauration étudiante à tarif modéré.

Je ne peux bien sûr pas citer les actions menées sans m’arrêter un instant sur la réforme des bourses étudiantes. L'acte 1 de cette réforme, mis en place dès la rentrée 2023, a marqué une avancée significative dans notre politique qui vise à aider plus ceux qui en ont le plus besoin. Il s’est traduit par la plus forte augmentation des montants des bourses en 10 ans !

L’acte 2 de cette réforme des bourses, avec la remise à plat du modèle, est un chantier qui doit être finalisé. Il est très attendu. Ces travaux sont très avancés et le modèle est prêt pour tenir le calendrier et être mis en œuvre pour la rentrée 2025.
Je citerai aussi la mise en œuvre de la loi Lévi, qui vise à favoriser l’accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, ou encore la pérennisation du repas à 1 euro, créé par la majorité présidentielle lors du précédent quinquennat, pour tous les étudiants boursiers et non-boursiers en situation de précarité.

  • Le troisième axe qui a guidé mon action, c’est l’évolution du paysage de la recherche avec une clarification des rôles des acteurs, un meilleur pilotage et un vaste chantier de simplification.

À la suite des annonces du président de la République du 7 décembre dernier sur l’avenir de la recherche en France, nous avons œuvré à rendre plus compréhensible et plus lisible le paysage de la recherche française. Nous avons ainsi renforcé, respectivement :

  • le positionnement des organismes nationaux de recherche en tant qu’agences de programmes,
  • et celui des universités en tant que chef de file à l’échelle territoriale, en renforçant leur autonomie avec un acte 2 dont une expérimentation est en cours par plusieurs établissements.

Tout cela s’est accompagné d’un chantier de simplification massif qui a été lancé au niveau national et territorial, absolument prioritaire pour redonner du temps de recherche aux chercheurs.

Je suis fière du travail déjà réalisé, collectivement, pour atteindre ces objectifs et j’espère que c’est une ambition que vous partagez.
A l’heure de toutes les transitions, il est en effet essentiel que la France puisse accompagner et soutenir les transformations techniques, sociétales, sanitaires ou environnementales de notre monde.

Pour cela, nous avons aussi œuvré pour l’innovation en travaillant au renforcement des liens entre la recherche académique et le monde socio-économique avec les PUI en fer de lance. Le renforcement de notre capacité d’innovation et du transfert entre public-privé doit s’inscrire dans une continuité à long terme pour atteindre des résultats ambitieux et rester à la pointe des technologies, en particulier des technologies émergentes comme l’IA et le quantique ou le domaine de la recherche biomédicale, particulièrement soutenu par le plan Innovation Santé de France 2030.

La diplomatie scientifique a également été un levier important pour renforcer notre position sur la scène mondiale.  En particulier, L’Union européenne est, j’en suis convaincue, la bonne échelle pour pouvoir relever les différents défis, pour répondre à la compétitivité internationale et pour compter dans le contexte géopolitique actuel. Un constat que dresse également le récent rapport Draghi.

La préparation du prochain FP10 est l’un des défis importants qui vous attend, Monsieur le ministre, et j’espère que vous continuerez de défendre le doublement du budget consacré à la recherche et l’innovation.

Un mot, enfin, sur la transition écologique et énergétique, défi majeur de notre époque. Conscients que les solutions aux défis écologiques viendront en grande partie de l'innovation et de la science, la recherche sur les enjeux environnementaux a également été une priorité, à travers vingt-cinq programmes et équipements prioritaires de recherche de France 2030.
Nous avons également pris des mesures importantes pour intégrer les enjeux environnementaux dans nos formations et nos pratiques, conformément au plan d’actions « Climat et biodiversité » du ministère, que nous mettons en œuvre en lien avec le Secrétaire général pour la planification écologique et toujours poussé par les étudiants sur le terrain !

Tout cela n’aurait pas été possible sans le travail, l’engagement quotidien, le dévouement même, de l’ensemble des personnels de l’ESR. Je sais que toutes les évolutions se font SUR le terrain et PAR ceux qui les vivent en direct. Je voudrai témoigner reconnaissance et gratitude à tous ceux qui font tourner notre ESR français et le portent haut et fort pour le faire rayonner au national comme à l’international.

*

Malgré ces motifs de réjouissance, je tiens à évoquer certaines inquiétudes qui m'habitent au moment de quitter mes fonctions.

La pérennité des engagements budgétaires reste un sujet de préoccupation majeure. La loi de programmation de la recherche prévoit une augmentation progressive et substantielle du budget de la recherche jusqu'en 2030. Sa mise en œuvre et le respect de sa trajectoire, a été un axe fondamental de mon action.
Ses mesures commencent à porter leurs fruits en matière d’attractivité et de rayonnement de notre pays, comme en attestent les récents classements internationaux, le retour de grandes figures de la recherche en France ou encore les investissements de grands acteurs économiques sur notre territoire. Notre tissu économique exprime un fort besoin de compétences, et la qualité de nos formations est reconnue comme un atout par les investisseurs étrangers.

Mais dans un contexte économique et politique incertain, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter quant au respect à long terme de ces engagements.

Parce que la France est une grande Nation scientifique, et doit le rester, parce que l'enseignement supérieur est un investissement stratégique pour notre avenir, parce que la recherche est à la base de la création de valeurs, parce que l’innovation est l’économie et la compétitivité de demain, nous devons protéger les investissements faits et prévus au travers de la LPR et de France 2030.

Malgré les efforts engagés, je reste également préoccupée par l'attractivité des carrières scientifiques en France : retenir nos meilleurs talents, les faire revenir en France, et attirer des chercheurs étrangers de haut niveau reste un combat de chaque instant.

Tout cela nécessitera une vigilance constante et un engagement sans faille dans les années à venir.

La question de la vie étudiante reste également un sujet de préoccupation majeure. Malgré nos efforts pour améliorer les conditions de vie et d'études, la précarité étudiante demeure une réalité prégnante. J’espère que les sujets d’accès au logement étudiant, de santé mentale des étudiants et de lutte contre la précarité alimentaire continueront de bénéficier de votre attention soutenue et de moyens dans les années à venir. Comme dans de nombreux domaines, les actions menées en ce sens satisfont rarement, ce n’est « jamais assez ». Mais j’espère que ce ne sera pas là une cause de découragement.

*

Bien sûr, si je retiens surtout du chemin parcouru certaines réussites et satisfactions, ce chemin n’a pas toujours été dépourvu d’obstacles ou de difficultés.
J’en citerai deux.

Je pense tout d’abord aux relents de haine antisémite que nous avons constatés partout en France, y compris dans nos établissements. Je suis heureuse que nous ayons pu renforcer nos dispositifs de prévention, de signalement et de sanction de ces faits inacceptables, mais je sais que c’est une lutte de chaque instant, et qu’elle n’est pas terminée.

L’antisémitisme et la haine de l’autre n’ont jamais leur place dans nos établissements, qui doivent rester des lieux d’ouverture et de respect mutuel, où doivent se tenir des débats apaisés, des lieux où chacun doit pouvoir étudier sereinement et sérieusement, sans jamais être inquiété en raison de sa religion réelle ou supposée.

Je quitte mes fonctions avec la conviction que cette lutte doit rester une priorité absolue.
Ensuite, je pense à la manière dont la question des étudiants internationaux a été abordée dans le cadre de l’examen du projet de loi immigration.

Je le dis avec force : les étudiants internationaux sont une chance pour la France.

Parmi eux se trouve le prochain Léopold Sédar Senghor.

Parmi eux se trouve la prochaine Marie Skłodowska-Curie.

Comment ne pas penser à toutes celles et ceux qui n’étaient pas Français mais qui sont venus étudier en France et en sont devenus de véritables ambassadeurs, pétris qu’ils étaient de sa culture, de son Histoire, de sa langue, de sa richesse scientifique. Ces amoureux de la France que l’on trouve dans chaque laboratoire.

Alors, avant de partir, je voudrais, dans un monde et un moment particulier où les opinions tranchées et les postures radicales semblent souvent primer, profiter de cette dernière intervention pour faire ici l'éloge de la nuance et du doute.

L'enseignement supérieur et la recherche nous apprennent que la réalité est rarement binaire. Les grands défis auxquels nous sommes confrontés ne peuvent pas se résoudre par des solutions simplistes ou des slogans réducteurs.

Et la nuance, j’insiste, ne doit pas être boudée par les responsables politiques et publics parce qu’elle serait un signe de faiblesse ou d'indécision. Elle témoigne au contraire d'une pensée mature, capable d'appréhender la complexité du monde.

C'est le fondement même de la démarche scientifique. Et, je crois nécessaire que cette approche infuse davantage le débat public.

*

Chers étudiants, c'est à vous que je souhaite adresser mes derniers mots en tant que ministre.

Vous êtes la force vive qui façonnera le monde de demain.

Je sais que vos parcours ne sont pas toujours faciles.

Je sais que les défis sont nombreux : la pression académique, les inquiétudes sur l'avenir professionnel, parfois les difficultés financières ou personnelles.

Mais vos idées, vos ambitions, votre persévérance, votre curiosité et votre engagement sont essentiels pour notre société et notre avenir collectif.

L'enseignement supérieur n'est pas seulement un lieu d'apprentissage, c'est un creuset où se forgent les citoyens de demain.

Si je n’avais qu’un message à passer, il est clair : N'ayez pas peur de vous tromper, n’ayez pas peur de l'échec. Il fait partie du processus, il fait partie du voyage.

Votre réussite est la réussite de notre pays tout entier. Alors, allez de l'avant, avec confiance.

*

Enfin, je tiens à remercier sincèrement et chaleureusement celles et ceux qui font le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : son administration, centrale et dans les rectorats, son inspection générale, les équipes administratives et techniques du bureau des cabinets, qui prennent si bien soin de nous au quotidien, Laureline, Isabelle et Nathalie, Quentin et Lionel, Jean-Marie et Yvain.

J’ai bien évidemment une pensée affectueuse pour mon cabinet, sans qui rien de tout cela n’aurait été possible, qui m’a soutenue et a porté à mes côtés tous les chantiers de ma feuille de route, sous les directions bienveillantes et efficaces d’Olivier Ginez puis de Naomi Peres.

Monsieur le ministre, je vous adresse tous mes vœux de réussite dans la belle mission qui vous est désormais confiée. La tâche qui vous attend est grande, mais c’est la plus enthousiasmante de toutes.

Je vous remercie.

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Service presse du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR)

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