Cet immense paléontologue à la carrière exceptionnelle entra très tôt au CNRS, avant d’être professeur au Muséum national d'Histoire naturelle, et au Collège de France, membre de l’Académie des sciences à l’Institut et de prestigieuses académies. Scientifique infatigable, dont les travaux ont été reconnus par de nombreux prix et distinctions dans le monde, il fut également un formidable pédagogue et conteur, rapprochant avec simplicité et humour la science de la société à travers des ouvrages, des émissions de radio ou de télévision, des films. En avril dernier, il s’était même lancé le défi de monter sur les planches d’un théâtre pour partager, une fois encore et inlassablement, sa passion avec le grand public.
Fasciné par l’archéologie dès son plus jeune âge, Yves Coppens contracte de manière précoce ce que lui-même appelle "l’exotite", c’est-à-dire l’attrait de "l’avant" et de "l’ailleurs". C’est ce fil rouge qui anime sa passion inextinguible pour la paléontologie et le mène de sa Bretagne natale aux quatre coins de la planète, au cours d’expéditions souvent très longues mais toujours couronnées de succès et éclairantes pour la science et pour l’humanité.
Pour ses premiers travaux universitaires, on lui confie des ossements de proboscidiens (porteurs de trompe) conservés à Paris. Il les étudie mais veut aller sur le terrain conduire lui-même ses découvertes. S’il aime les animaux, il veut avant tout comprendre les origines de l’homme.
Sa première mission au Tchad en 1960 l’amène à découvrir l’année suivante le Tchadanthropus uxoris. En 1967, en Ethiopie, c’est dans la vallée de l’Omo qu’il comprend l’articulation entre les évolutions de l’environnement et la naissance du genre homo. Toutefois, c’est surtout en tant que co-découvreur en 1974 aux côtés du Français Maurice Taïeb et de l’Américain Donald Johanson, de l’australopithecus afarensis, que l’équipe baptisa Lucy, qu’il devient mondialement connu. Cette représentante d’une espèce inconnue était âgée de quelque 3,2 millions d’années et, surtout, les 52 os qui avaient pu être mis au jour permettaient de dessiner pour la première fois la silhouette d’un pré-humain et de lui donner ainsi vie.
Proposant au début des années 1980 une théorie sur la sortie de l’homme d’Afrique, "l’East Side Story", il la remet volontiers en cause lorsque le paléontologue Michel Brunet découvre au Tchad L’homme de Toumaï, dont les 7 millions d’années invalidaient ses hypothèses.
En tous domaines, Yves Coppens était en effet convaincu que la science est vivante et destinée à évoluer. Il était également très attentif à la transmission des savoirs et à la direction des travaux universitaires des étudiants qui prendraient un jour la relève. Il dirigea et accompagna ainsi de nombreuses thèses, ne ménageant pas son temps pour délivrer ses conseils avec bienveillance et ouverture d’esprit.
S’il était un amoureux inconditionnel de l’Afrique, c’est sur tous les continents qu’il a sillonné la planète pour partager ses résultats autant que pour apprendre des autres. Yves Coppens se sentait profondément et littéralement "citoyen du monde".
En 2001, lorsque le Président de la République annonce le lancement d’une commission ayant pour mission de rédiger une charte de l’environnement, il est sollicité et accepte car il sait, par ses travaux, les liens qui unissent les humains, les autres êtres vivants et les milieux qui les hébergent. Promulguée en 2005, et intégrée dans le bloc de constitutionnalité français, elle pose les fondements d’engagements plus que jamais d’actualité.
Soucieux de la préservation du patrimoine hérité du passé, Yves Coppens accepte en 2010 de présider le Conseil scientifique de la grotte de Lascaux, avant de prendre l’année suivante la tête de l’association Paysages de Mégalithes de Carnac et du Sud Morbihan qui porte le projet de classement à l’Unesco des mégalithes de Carnac au Patrimoine mondial de l’humanité.
Yves Coppens était un scientifique, mais aussi un acteur de son temps. C’est une figure emblématique de la recherche française, du savoir et de la transmission, qui s’est éteinte le 22 juin 2022, à laquelle la ministre Sylvie Retailleau et l’ensemble des acteurs du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche rendent un hommage appuyé.