Publié le 18.10.2024

L'Institut universitaire de France installe ses nouveaux membres

Vendredi 18 octobre 2024 a lieu la cérémonie d'installation des nouveaux membres de l'Institut universitaire de France (IUF) en Sorbonne. Qu'est-ce que l'IUF ? Comment sont élus ses membres ?

Crédits :
MESR

Qu'est-ce que l'Institut universitaire de France (IUF) ?

L'Institut universitaire de France (IUF) a pour mission de favoriser le développement de la recherche de haut niveau, tant dans le domaine des sciences humaines et sociales que dans celui des sciences naturelles et médicales, au sein des établissements publics d’enseignement supérieur relevant du MESR. Il vise également à renforcer l’interdisciplinarité.

Il poursuit trois objectifs :

  1. promouvoir l’excellence en matière de recherche fondamentale, d’innovation et de médiation scientifique auprès des établissements et des enseignants-chercheurs et assurer son rayonnement sur l’enseignement, la formation des jeunes chercheurs ou encore la diffusion des savoirs en direction de la société civile ;
  2. contribuer à la féminisation du secteur de la recherche ;
  3. prendre part à une politique de maillage scientifique du territoire à travers une répartition plus équilibrée de la recherche universitaire dans le pays.

L’IUF constitue entre autres un réseau de l’excellence universitaire en France et à l’étranger.

Créé en 1991, l'Institut universitaire de France (IUF) revêt, depuis 2022, la forme d'une structure interne du ministère.

La liste des nouveaux lauréats nommés à l’Institut universitaire de France a été publiée au Bulletin officiel n°23 du 6 juin 2024

Fonctionnement et sélection des membres

Chaque année, 200 chaires IUF sont ouvertes au concours (100 Juniors et 100 Seniors), en application de la loi de programmation de la recherche (LPR). Les membres, élus pour 5 ans, sont répartis en trois chaires :

  • la chaire fondamentale
  • la chaire innovation
  • la chaire médiation scientifique. 

Les postulants doivent déposer un dossier de candidature.

Pour être éligible, les membres Junior doivent être titulaires depuis au moins deux ans et avoir 40 ans au plus ; cependant des dérogations d’âge sont possibles sous conditions. 

Les jurys Juniors et Seniors se tiennent, de façon indépendante, à huis clos.

Un membre IUF peut bénéficier de trois délégations au maximum dans sa carrière universitaire.

Attributions des membres de l'Institut universitaire de France 

Les lauréats sont déchargés des 2/3 du service statutaire d'enseignement (soit 128 h) durant les 5 années de délégation.

La nomination à l'IUF donne droit à une enveloppe de crédits de recherche (75 000 euros au total, soit 15 000 euros par an). Ces crédits peuvent être alloués à toutes les dépenses utiles à la réalisation du projet de recherche, qu'il s'agisse d'achat de matériel, de missions, de recrutement ou de masse salariale (après autorisation de l'établissement d'accueil). Les membres de l'IUF sont bénéficiaires de plein droit de la PEDR pour toute la durée de leur délégation.

Interviews des nouveaux membres

Vidéo : Ewen Bodio, lauréat junior, chaire innovation (chimie)

Professeur des universités, chimiste de synthèse de formation, Ewen Bodio travaille au sein du laboratoire CEISAM (CNRS) à Nantes Université, et consacre notamment ses recherches à la fluorescence et à ses applications médicales.

Je m'appelle Ewan Bodio. Je suis professeur des universités au laboratoire CEISAM, c'est un laboratoire CNRS Nantes université. Je suis chimiste de synthèse de formation, c'est-à-dire que je vais avoir à cœur de synthétiser des molécules innovantes et moi je m'intéresse plutôt au à l'interface chimie biologie et aux molécules qui sont dites photoactives, en tout cas, qui vont réagir avec la lumière. Elles peuvent réagir de telle façon à avoir un effet thérapeutique, mais elles peuvent aussi réémettre de la lumière, dans le cas par exemple des sondes fluorescentes et dans ce cas, on va pouvoir plutôt les utiliser dans le domaine de l'imagerie médicale et notamment de l'assistance à la chirurgie.

Alors ce que j'ai ressenti quand j'ai appris que j'étais lauréat d'une chaire innovation junior au niveau de l'IUF, eh bien avant tout de la surprise. Je ne m'attendais vraiment pas à être sélectionné. Ensuite, une vraie fierté d'avoir cette reconnaissance. C'est quelque chose qui, pour moi, en tout cas est extrêmement prestigieux. Un vrai plaisir, une satisfaction au niveau du projet en tant que tel, parce que je pense que cette nomination va permettre de lui apporter de la publicité, ce qui va permettre de pouvoir le mener à bien plus facilement et une petite pointe de regret quand même parce que cette récompense, elle se focalise sur une seule personne et les recherches que je mène, ce sont des recherches qui sont extrêmement collaboratives et je pense que tous mes collaborateurs et collaboratrices à Dijon, à Grenoble, à Nantes, à Rennes, à Lyon méritent aussi cette reconnaissance.

Le projet qui est relié à cette chaire innovation, c'est l'aide à la création d'une start-up par deux jeunes chercheuses les docteurs Amélie Godard et Malorie Privat que j'ai eu la chance de d'encadrer pendant pendant leur thèse et le l'objectif de ce projet, Fluonir, c'est de pouvoir créer et concevoir des sondes fluorescentes pour l'assistance à la chirurgie. On peut se demander à quoi vont servir ces sondes fluorescentes pour les chirurgiens. Eh bien, laissez-moi vous faire une petite analogie. Si je vous demande la nuit, d'aller chercher dans le jardin, un scarabée, vous allez avoir du mal à trouver. Si je vous demande, cette fois, d'aller chercher un ver luisant, ce sera beaucoup plus simple. Eh bien, pour le chirurgien c'est la même chose si la tumeur est fluorescente, ce sera beaucoup plus simple pour lui de la trouver, beaucoup plus rapide pour lui de l'enlever, sans toucher les tissus environnants, d'être sûr d'enlever la totalité de la tumeur, ce qui va limiter les rechutes ce qui va diminuer les effets secondaires faciliter le rétablissement du patient et même diminuer les coups parce qu'il y aura moins de temps de chirurgien et d'occupation des lits de prix et donc l'objectif ça va de synthétiser des sondes qui vont être plus brillantes plus précises plus fiable, moins toxique et donc, le processus de fabrication soit plus durable et évidemment qu'on puisse le le garder en France.

Première chose, c'est que je ne suis pas sûr que le plus d'effort soit à faire au niveau du jeune public, parce que quand je parle aux enfants, aux miens, en particulier, je vois des étoiles dans leurs yeux. Quand on parle de science cet intérêt-là, par contre, il est beaucoup moins présent chez les jeunes adultes ou les adultes. Déjà, parce que la science peut paraître inaccessible, alors que tout le monde peut faire de la science. Peut-être que le fait de donner aussi plus d'opportunités de carrière, par exemple aux jeunes, qui s'y intéressent permettra de développer encore plus cet intérêt... parce que vous dire que vous allez faire 10, 15, 20 ans d'études pour au final ne pas pouvoir faire carrière dans le dans le domaine, eh bien, ça détruit les vocations.
Ensuite, il y a l'image selon laquelle la science peut faire peur, peut être dangereuse, mais je pense que c'est un défaut de communication. Aussi, il faut montrer tout ce que les avancées ont permis, l'amélioration dans la vie tous les jours que fait la science et le fait que s'investir dans la science peut permettre de trouver des solutions et donc de faire bouger les choses. Dernière chose, je pense que aussi c'est la crédibilité qu'on accorde à la science : tout le monde doit pouvoir parler de science, mais il faut mieux éduquer les gens pour qu'ils puissent vérifier leur source et savoir à quelle personne donner crédit et ne pas croire à des des gens qui en réalité n'y connaissent pas grand-chose.

Témoignage : Ana Maria Castravet, lauréate Senior, chaire fondamentale (mathématiques)

Ana Maria Castravet est professeure des universités à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, en mathématiques et leurs interactions, spécialité géométrie algébrique.

Pouvez-vous vous présenter et nous dire quelques mots à propos de votre sujet d’étude ?

Ana Maria Castravet : Je suis mathématicienne, professeure des universités à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, qui fait partie de la communauté universitaire Paris-Saclay. Je suis également la responsable du Master 1 Algèbre Appliquée de Paris Saclay et jusqu’à récemment Directrice adjointe de l’École doctorale de mathématiques Hadamard. Après un début de carrière aux États-Unis, où j’ai obtenu mon doctorat et ai occupé plusieurs postes en tant que professeur, je suis arrivée en France en 2018.

Mes recherches sont en mathématiques fondamentales, dans le domaine de la géométrie algébrique, et plus spécifiquement en géométrie birationnelle. Les objets d'étude de la géométrie algébrique sont les variétés algébriques, c'est-à-dire les ensembles formés par les solutions de systèmes d'équations polynomiales. Les équations polynomiales sont fondamentales en mathématiques, mais également au-delà puisqu’elles apparaissent souvent « en pratique ».

Un objectif central du domaine est le problème de la classification, qui consiste à comprendre et à bien identifier les différentes sortes de variétés algébriques qui existent. La géométrie birationnelle étudie les applications d’un certain type entre deux variétés algébriques, c'est-à-dire une façon de comparer ces objets géométriques.

Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez été désignée comme lauréate ?

C’est un grand honneur, mais en même temps une grande responsabilité. Je suis très reconnaissante pour cette belle opportunité offerte par mon nouveau pays d’adoption.

Comment entendez-vous mettre à profit ces cinq ans en tant que membre de l’IUF ?

Étudier toutes les variétés algébriques d'un type donné amène naturellement à considérer ce que l’on appelle leur « espace de modules » et ces derniers sont souvent eux-mêmes de variétés algébriques, avec des structures très riches. Les propriétés des espaces de modules peuvent en retour être utilisées pour étudier et classifier les variétés algébriques considérées en premier lieu.

Mes projets pour les années à venir concernent en particulier les espaces de modules de courbes et ceux des fibrés vectoriels, qui jouent également un rôle clef en physique théorique. L'un de mes objectifs est d'étudier ces espaces de modules de plusieurs points de vue : du point de vue de la classification, via la géométrie birationnelle, et par une approche qui reposera sur la théorie des catégories dérivées et permettra d’approfondir les liens avec la physique théorique. Ma nomination à l’IUF me permettra de consacrer encore plus de temps à ces projets, d’explorer de nouvelles directions de recherche et d’établir de nouvelles collaborations. J’aimerais aussi contribuer à soutenir davantage ma communauté, en commençant par mon équipe « Algèbre et Géométrie » et mon laboratoire à Versailles, et plus largement la communauté mathématique dans son ensemble. Un projet qui me tient particulièrement à cœur est celui de contribuer à raffermir les liens entre les femmes mathématiciennes qui travaillent dans mon domaine en France et en Europe.

Comment encourager le grand public à s’intéresser aux sciences et à la recherche, selon vous ?

Selon moi, c’est en intervenant au niveau de l’école primaire, du collège et du lycée que des actions auront le plus d’impact. Il me semble en effet que c’est à ces moments-là qu’il est particulièrement crucial, pour développer un intérêt profond et durable des élèves pour la science, que ceux-ci disposent d’enseignants passionnés et talentueux.

Plus tard, au niveau des universités, il est important de pouvoir offrir des modèles qui soient sources d’inspiration, mais il est également nécessaire de montrer qu’à la base de la science et de la recherche, il y a souvent une connexion humaine importante. La collaboration est essentielle en science, mais en même temps elle est souvent la source d’amitiés durables.

S’investir dans la production de revues, d’articles, de podcasts (etc.) de qualité pour vulgariser auprès du grand public les découvertes les plus récentes me semble aussi important. J’espère que ma nomination à l’IUF me permettra également de diffuser davantage mes contributions scientifiques au delà du cercle des seul(e)s spécialistes de la géométrie algébrique.

Voir aussi

Crédits :
Ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation