Publié le 07.02.2024

Interview avec un expert en robotique au CEA

La recherche sur les exosquelettes avance à grands pas

La recherche en robotique demande de développer une technologie minutieuse et innovante pour répondre aux enjeux de notre société, notamment en termes de santé. Les exosquelettes évoluent depuis des années pour s'adapter au corps humain et révolutionner la médecine dans le cadre du handicap ou de la rééducation sportive. Quels en sont les résultats aujourd'hui ?

La robotique sert à aider l'homme en s'insérant vraiment de très près, en disparaissant. Un exosquelette, c’est une structure mécanique articulée, un squelette mécanique qui est munie d'actionneurs, ou l'équivalent des muscles. C'est une machine de rééducation de la marche,
c'est-à-dire une machine qui d'abord entraîne la personne, elle lui impose la marche, elle va s'effacer progressivement et devenir transparente pour que la personne l'oublie.

Cette machine permet de faire des exercices de rééducation très sophistiqués donc soit d'entraîner, d'obliger les mouvements. Surtout, on peut mélanger par exemple, dans une phase du mouvement, on peut laisser la personne initier le mouvement, on se comporte en transparence, puis ensuite, quand on a compris ce que l’homme veut faire, on va prendre le relais en imposant la trajectoire.

Ici, l'épaule, les coudes, flexions des coudes, les rotations angulaires du poignet, c'est très important, donc ça totalise 7 articulations. Opposer un effort pour faire travailler les muscles dans une direction comme un sportif. Pour y parvenir il a fallu 7 à 8 ans. Chaque mécanisme de cet exosquelette est original. On dispose de brevets sur chaque partie. L'avant-bras poignet, c'est 4 ans de travail uniquement pour cette partie-là. C’est autant que pour le reste.

On va travailler dans le cadre du plan France 2030 PEPR sur des structures innovantes, donc des structures différentes, des structures rigides, qui seraient beaucoup plus près du corps, donc sous forme de tissu renforcé.

Notre sujet au CEA c'est la restauration des capacités humaines, essentiellement dans le médical, et aussi la compréhension éventuelle des gestes professionnels en vue de préserver ce qu'ils ont d’irremplaçable. On n’imagine pas aujourd'hui pouvoir remplacer un musicien. Les musiciens sont dans les usines. Ce sont des gens qui ont appris très longuement à faire des gestes, très élaborés et ce sont des maîtres, et l’IA sont des élèves. Donc l'élève intelligence artificielle doit bénéficier d'un maître.

C'est pour ça qu'il faut aussi faire comprendre, par le biais de la robotique, de cette robotique exosquelettique ou collaborative, l'intérêt de la richesse, des gestes humains.
 

Qu'entendons-nous par exosquelette ?

Dans le domaine de la robotique, un exosquelette est une structure mécanique articulée qui peut être comparée aux os du corps humain. Il se place sur une personne, que ce soit sur le corps entier, les membres supérieurs, inférieurs ou uniquement les mains, et permet de :

  • suppléer des fonctions déficientes chez une personne paralysée ;
  • aider à la rééducation pour les sportifs ou les personnes accidentées ;
  • soulager le port de charges dans le cadre d'un travail qui demande des efforts physiques.

Comment ça fonctionne ?

Un exosquelette est muni d’actionneurs, placés au niveau des articulations, qui sont l’équivalent des muscles. Ils sont commandés par des moteurs électriques qui génèrent différents efforts. Ils peuvent imposer un mouvement ou équilibrer l'exosquelette dans le cadre d'une assistance au port de charges. Il fonctionne grâce à un calcul des rapports de force selon l'action souhaitée.

Des données sur la vitesse, la position, l'accélération ou la rotation sont recueillies par des capteurs placés soit sur l'exosquelette, soit sur la personne elle-même. Ce sont ces données qui permettent ensuite à un ordinateur portable de piloter les actionneurs.

Focus sur les recherches au CEA

Il faut faire comprendre, par le biais de la robotique […], l’intérêt de la richesse des gestes humains. 

Philippe Garrec, ingénieur chercheur au CEA List et expert en robotique

Au CEA, les ingénieurs et chercheurs travaillent en robotique et en cobotique (la robotique collaborative, c’est-à-dire l’interaction entre un humain et un robot), pour répondre à des enjeux dans le domaine de la santé ou du sport.

Initialement conçus pour aider les hommes dans des tâches professionnelles physiquement pénibles et exigeantes, les exosquelettes permettent aujourd’hui de faciliter la rééducation des sportifs. Le CEA aide des athlètes à se rééduquer avec des exercices représentatifs de leurs défis sportifs. Ces technologies de robotique collaborative contribuent aussi à préparer les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

Quelques avancées marquantes...

Des experts ont inventé un procédé d’actionneurs, le vérin à câbles, devenu une innovation de rupture brevetée par le CEA. Il permet de réduire les frottements et l'inertie des actionneurs qui deviennent peu résistants, moins énergivores et amplifient les efforts du moteur.

Le CEA a aussi développé WIMAGINE® , une technologie qui se compose d'un implant cérébral posé à la surface du cerveau, qui détecte les signaux électriques émis par l'aire cérébrale où il est localisé, les aires motrices et d’une unité de décodage cérébral capable d'interpréter les signaux neuronaux en temps réel, grâce à une intelligence artificielle. Les informations recueillies sont transformées en signaux de commandes numériques qui permettent de piloter un exosquelette ou des systèmes de stimulation de la moelle épinière ou des muscles.

WIMAGINE®  est à l'origine de deux premières mondiales :

  • En 2019, une personne tétraplégique a pu contrôler un exosquelette grâce à son activité cérébrale.
  • En 2023, une personne paraplégique a retrouvé le contrôle naturel de la marche grâce à cette technologie couplée à un stimulateur de la moelle épinière.

Cette innovation a reçu un CES® 2024 Innovation Awards, dans la catégorie "accessibility & Aging tech".

PEPR exploratoire O2R "Robotique organique"

Le PEPR O2R est piloté par le CNRS, le CEA et l'Inria. Lancé le 11 mars 2024, il a pour objectif de fluidifier au maximum les interactions entre le robot et l'humain, et de mettre en œuvre une robotique socialement adaptée (dans ses principes, son comportement, ses usages...) et ouverte à la complexité des enjeux de notre société. Il est doté d’un budget de 34 millions d’euros sur 8 ans.

France 2030

Dans le cadre du plan France 2030, deux appels à projets ont récemment été lancés pour soutenir les équipements innovants et souverains en robotique :

  • "Offre de robots et machines intelligentes d’excellence" ;
  • "Défi transfert robotique".

 

En savoir plus sur les AAP

 

La stratégie robotique et machines intelligentes porte quatre grands objectifs :

 

  1. Renforcer notre autonomie stratégique sur les grands marchés des transitions énergétique et écologique.
  2. Réindustrialiser par les innovations de rupture (de procédés, de modèles économiques et d’organisations).
  3. Placer la France en leader sur des marchés robotiques émergents et à haute valeur ajoutée.
  4. Contribuer aux 10 objectifs de France 2030, la robotique étant une technologie d’intérêt général.