Seul le prononcé fait foi
Je suis très heureuse d’intervenir au cours de ces 2èmes rencontres rares, presque conjointement avec Agnes Buzyn qui sera des vôtres tout à l’heure, pour lancer le 3e plan maladies rares. Nous aurions aimé l’occasion d’une photo nous réunissant tous, mais les contraintes de nos agendas respectifs ne l’ont pas permis.
Enfin ! pensent sans doute certains d’entre vous, car le suspens a un peu duré. C’est que la construction d’un tel plan, porteur des ambitions du gouvernement pour les maladies rares tant dans le champ de l’organisation des soins que de la recherche n’est pas une affaire simple, mais le résultat est là. Je veux d’abord remercier tous ceux qui y ont contribué ; Les personnes qualifiées qui ont mené la réflexion, les professeurs Yves Levy et Sylvie Odent ; toutes les personnes qui ont coordonné ou participé aux travaux des 4 axes ; et enfin nos administrations, et particulièrement Anne Chevrier et Sylvie Escalon à la D.G.O.S. et Anne Paoletti à la D.G.R.I. qui ont mis en forme l’ensemble de vos idées, et permis que vos propositions se traduisent en mesures concrètes assorties de financements. Le résultat est à la hauteur de l’énergie que vous y avez tous investis.
Vous pardonnerez à la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation que je suis de centrer la suite de mon propos sur la recherche et l’innovation, même si je sais tout ce que ce 3e plan apporte à l’organisation des soins, et combien organisation des soins et recherche doivent être liées, notamment lorsqu’il s’agit de données, j’y reviendrai. Mon intérêt pour la recherche sur les maladies rares a précédé, d’assez longtemps mon rôle dans le portage politique de ce plan puisque, dans une vie antérieure, j’ai découvert un nouveau gène responsable d’une maladie cutanée rare . Je me sens donc, en quelque sorte en terrain familier.
Les nouvelles mesures recherche de ce plan maladies rares représentent un financement de 20 millions d’euros, auquel nous devrions bien sûr ajouter les projets déjà en cours (comme l’ihu imagine, la cohorte Radico ou des projets rhu, ou A.N.R.) ainsi que l’ensemble du financement de base et des salaires des chercheurs des nombreux laboratoires investis sur cette thématique si nous voulions approcher un coût complet. Ces financements supplémentaires ont été ciblés là où ils sont susceptibles de faire la différence, pour tirer pleinement bénéfice de l’organisation mise en place dans les deux premiers plans.
Le défi que nous devons relever dans ce champ comme dans beaucoup d’ autres est celui de l’utilisation efficace, pour la recherche, des données de santé. Cette préoccupation est au centre de plusieurs des projets que nous portons en commun avec la ministre des solidarités et de la santé, et qui sont liés entre eux, notamment le plan France médecine génomique, le financement de cohortes dans le cadre de de l’action santé biotechnologies du PIA, la collaboration avec les communautés de recherche en intelligence artificielle et les industriels pour l’exploitation des données de santé.
Les plans précédents ont permis la structuration des filières maladies rares mettant en commun leurs pratiques cliniques et pour certaines d’entre elles des données. Dans le domaine des MR, les bases de données internationales clinico-génomiques sont particulièrement importantes puisque, outre leur intérêt en épidémiologie ou en physiopathologie, elles représentent le seul moyen d’identifier rapidement les patients éligibles à des essais cliniques que nous souhaitons de plus en plus nombreux. Nous proposons donc la montée en puissance du partage des données Maladies Rares en proposant des appels à projets pour la structuration de 10 entrepôts de données, coordonnés par les filières pour un montant de 400 000 euros par an par entrepôt pour une durée de 4 ans soit 16 Millions d’euros au total; Les caractéristiques de ces entrepots de données devront respecter les standards de qualité et d’interopérabilité qui permettront de les articuler avec les bases de données européennes et internationales.
Parce que nous sommes un grand pays doté d’un système de santé performant et parce que nous avons su grâce aux deux précédents plans structurer cette activité, les maladies rares sont un des champs où nous sommes en position de leader en Europe. La France coordonne l’Era-net E-rare. En 11 années d’activité, ce réseau a financé plus de 100 projets, pour près de 100 millions d’Euros, dans 17 pays. Reconnaissant l’impact de ces actions conjointes, la commission européenne a proposé la mise en place d’un European Joint program (E.J.P.) maladies rares, doté d’un financement de la commission de 55 millions d’Euros, et c’est à nouveau la France qui a préparé la proposition 2018, pour un budget total qui dépassera 100 millions d’euros et avec la participation de près de 85 pays. Le résultat devrait être connu dans les tous prochains jours, et nous retenons donc notre souffle. Si nous savons utiliser de façon synergique les financements nationaux pour la structuration de nos propres données, la coordination du programme européen, et la constitution de réseaux français capables de répondre aux appels d’offre européens, nous pouvons jouer un des tous premiers rôles mondiaux. Et cela repose d’abord sur l’expertise et l’énergie de chacun d’entre vous.
L’une des principales ambitions du plan est de réduire à la fois l’errance et les impasses diagnostiques. Dans cet objectif, 4 millions d’euros seront consacrés à un programme de recherche dédié aux impasses diagnostiques, qui bénéficieront aussi d’un nouveau registre, avec là aussi, un enjeu d’interopérabilité avec les bases de données européennes et internationales.
Un dernier mot pour parler d’innovation. Le champ des maladies rares est l’un de ceux ou l’attente des patients est très forte pour que les découvertes de nos laboratoires puissent émerger, donner lieu à la création de start-up, que ces starts-up puissent se développer et parfois transférer leur produits à de plus grands groupes capables de les mettre à disposition du public. Nous souhaitons tous que ce processus puisse chaque fois que possible se dérouler sur notre territoire, y créer des emplois, participer à notre balance commerciale, et permettre l’accès aux innovations. Nous devons faire mieux dans ce domaine pour répondre aux attentes des patients et valoriser les travaux de nos chercheurs. Une priorité sera définie à l’ANR pour la recherche translationnelle sur les maladies rares, étape intermédiaire indispensable entre recherche et innovation. Dans le cadre de la loi PACTE nous soumettrons à la représentation nationale un ensemble de mesures qui favorisent la mise en œuvre effective du mandat unique et facilitent la création d’entreprises par des chercheurs
- en limitant la consultation de la commission de déontologie aux situations où des interrogations existent,
- en permettant la mise à disposition de chercheurs à temps partiel,
- en favorisant le retour à la recherche académique de ceux qui en font le choix et en leur permettant de continuer de détenir une partie des capitaux de l’entreprise qu’ils ont participé à créer.
Ces mesures ne sont pas spécifiques des maladies rares, mais je souhaitais les rappeler ici car elles participent déjà à la mise en œuvre de certains des engagements pris dans ce plan.
La collaboration, l’organisation en réseaux, la qualité de nos données, l’échelle européenne, l’urgence de la valorisation voici en quelques mots clés les priorités recherche de ce 3e plan. Je sais pouvoir compter sur l’engagement de toute la communauté des maladies rares pour transformer ces priorités en découverte et ces découvertes en traitements.