Publié le 02.05.2022

Mai 2022

Le dialogue SRS vu par Matteo Merzagora

Chaque mois, une actrice ou un acteur du dialogue entre sciences, recherche et société (SRS) en propose sa définition. Ce mois-ci, la parole est donnée à Matteo Merzagora, directeur de l'association Traces et ancien directeur de l’Espace des sciences Pierre-Gilles de Gennes, ESPCI Paris, Université PSL.

Pour moi, le dialogue entre sciences, recherche et société, c’est une façon de renouveler le système même de production des connaissances, pour le rendre adapté aux grands changements qui traversent ce début de XXIe siècle (réseaux sociaux, crise climatique…). Ce dialogue n’est ni à la marge, ni en aval de la recherche : il en est au cœur.

Matteo Merzagora

Dans ce contexte, le dialogue science-société doit être pensé comme une infrastructure de recherche (voir Merzagora, JCOM 16 (02), 2017). Une infrastructure capable de construire et dynamiser des interfaces entre tous les acteurs de la société de la connaissance : académiques, industriels mais aussi ceux de la société civile, y compris ce qu’on appelait autrefois « public ». Une infrastructure qui permet aux citoyens de se saisir des enjeux contemporains et d’y participer, mais surtout qui permet aux chercheurs professionnels de mieux comprendre la société dans laquelle ils opèrent et de profiter de la richesse qu’elle offre.

Ces infrastructures de dialogue devraient à mon avis faire partie des composants essentiels de chaque université, au même titre que les bibliothèques ou les centres de calcul. Des signaux et des exemples vertueux existent – living-lab, sciences participatives, co-recherche – mais ils restent rares et timides. Plus souvent, on observe une tendance à rhabiller l’ancien avec des noms nouveaux, vidant le mot « dialogue » de tout son sens. Nous pouvons parler de dialogue science-société seulement si le monde de la recherche est disponible à changer, à se laisser influencer. Cette ouverture reste rare : combien d’institutions ont compris l’intérêt de prendre au sérieux le « partenariat » entre université et acteurs de la société civile, sans réduire à une externalisation de compétences ce qui devrait être une internalisation d’intelligences ?

Dans un moment où, plus que jamais, la société a besoin d’une recherche forte et autonome, et de chercheurs soutenus et protégés, l’ouverture à la société et la confiance de la recherche dans les citoyens (et pas uniquement l’inverse !) sont des conditions nécessaires pour qu’universités et institutions de recherche restent pertinentes et adaptées au monde dans les décennies à venir.

Auteur(s)

  • Directeur de l'association Traces et ancien directeur de l’Espace des sciences Pierre-Gilles de Gennes, ESPCI Paris, Université PSL