Publié le 24.03.2025

France 2030 : inauguration institutionnelle du PEPR Maths-Vives

PEPR Maths-Vives : faire dialoguer les mathématiques avec d’autres disciplines

Financé par le plan France 2030, le programme de recherche Mathématiques en interaction (PEPR Maths-Vives) vise à faire dialoguer les mathématiques avec les autres sciences afin d’innover pour le vivant, l’environnement et la société. Les grandes problématiques actuelles comme le changement climatique, la perte de la biodiversité ou la gestion des épidémies appellent des progrès conceptuels où les mathématiques ont un rôle important à jouer.

Les mathématiques ont toujours accompagné le développement des autres disciplines, en particulier la physique, les sciences du numérique. L'objectif du programme de recherche "Mathématiques en interaction" est de faire dialoguer les mathématiques avec les autres sciences afin d'innover pour le vivant, l'environnement et la société.

Arnaud Guillin, directeur du programme de recherche "Mathématiques en interaction", également professeur à l'Université Clermont Auvergne en probabilités et en statistiques. Vincent Calvez, je suis directeur adjoint du programme et je suis également directeur de recherche CNRS à l'Université de Bretagne Occidentale.

Quel est l'objectif de ce programme de recherche ?

Il aura pour but de structurer ces interactions en finançant des projets liant des mathématiciens et des mathématiciennes à des experts et des expertes d'autres sciences telles que la biologie, la physique, la médecine ou les géosciences.

Comment les mathématiques interagissent avec les autres sciences ?

Les mathématiques par essence sont un langage universel qui permet aux différentes sciences de dialoguer entre elles et donc naturellement de permettre un socle commun et d'irriguer les autres sciences à travers de nouveaux concepts développés en mathématiques ou développés pour l'autre science en question. Par exemple, on peut penser à la découverte de Neptune ou à la sécurité des transactions bancaires, pour lesquelles les mathématiques ont joué vraiment un rôle fondamental et actuellement les grands défis tels que le changement d'environnement, les crises climatiques, la perte de biodiversité ont besoin de développements conceptuels dans lesquels les mathématiques ont un rôle très important à jouer.

On peut très bien imaginer de mieux anticiper les événements extrêmes, par exemple liés aux vagues, qui ont un effet important sur le trait de côte, c'est-à-dire la façon dont nos frontières avec la mer s'érodent, et anticiper ce genre de phénomènes.

On pourrait très bien aussi voir, par exemple, les phénomènes d'incendies ou bien les grandes saisons pluvieuses. Un des projets qui est déjà financé sur le vieillissement, à l'échelle cellulaire, en termes de sciences du vivant ou de sciences de l'environnement, en fait, les mathématiques permettent de travailler à plein d'échelles différentes. Il y a beaucoup de questionnements autour du vieillissement. Une des questions, c'est, au cœur même des cellules, il y a ce qu'on appelle les télomères, qui sont ces portions du génome qui se raccourcissent à chaque division, qui peuvent être restaurées par différents mécanismes. Et donc, il y a des modèles mathématiques très riches, en fait, derrière ces phénomènes-là. Et donc, il y a un projet qui travaille sur ces modèles avec des applications chez les levures, chez les coraux, chez l'humain, et avec, bien sûr, des applications directes au diagnostic ou à la clinique. Et puis un autre beaucoup plus prospectif autour de la géographie et des mathématiques, mieux comprendre les flux urbains, la façon d'organiser les villes par exemple.

Un dernier mot ?

Quelque chose qui nous tient vraiment à cœur à Arnaud et moi en tant que porteurs de PEPR, c'est de sentir toutes les sollicitations qui viennent d'autres communautés, de la biologie, de la médecine, de l'océanographie, de la géographie et de beaucoup d'autres disciplines scientifiques. On voit le PEPR comme un outil d'accompagnement de la communauté mathématique pour répondre à tous ces défis.

Innover grâce aux mathématiques en interaction

Ce programme de recherche vise à favoriser et structurer les interactions des mathématiques avec les autres sciences autour d’enjeux actuels. Les mathématiques peuvent contribuer à relever des défis scientifiques du XXIe siècle en apportant un éclairage théorique et des méthodes numériques via la modélisation, l’analyse et la simulation de phénomènes complexes.

Trois thématiques de recherche

Le programme de recherche Mathématiques en interaction (PEPR Maths-Vives) se décline en trois thématiques de recherche : le vivant, l’environnement et la société.

  • L’axe « Vivant » va améliorer la compréhension des différentes dynamiques du vivant à toutes les échelles ;
  • L’axe « Environnement » vise à développer et analyser de nouveaux modèles pour des questions environnementales ;
  • L’axe « Société » propose des approches théoriques originales sur des thèmes sociétaux.

Dans un premier temps, ces trois thématiques sont abordées au sein de dix projets dit « ciblés », identifiés lors de la phase initiale du programme. Chaque projet est co-animé par une mathématicienne ou un mathématicien et une experte ou un expert du domaine d’application des recherches. Ces collaborations pluridisciplinaires permettront de renforcer l’innovation et les transferts technologiques et sociétaux potentiels.

Le programme est également soutenu par des actions transverses :

  • L’action « émergence » va développer des projets fondamentaux à haut potentiel pour enrichir les trois thématiques ;
  • L’action « diffusion » vise à diffuser les résultats de la recherche auprès de la société ;
  • L’action « formation » vise à accélérer le transfert de savoirs.

Doté d’un budget de 50 millions d’euros sur 10 ans, le programme fait partie du plan d’investissement France 2030. L’État a confié au CNRS la direction scientifique du programme dont l’ANR est l’opérateur. Il vise à faire évoluer le champ disciplinaire pour maintenir l’excellence française et préparer les mathématiques de demain, sources d’innovations futures et de rupture.

Le PEPR Maths-Vives en chiffres

50 M € sur 10 ans

10projets ciblés interdisciplinaires

3axes thématiques

Gouvernance du programme

Piloté par le CNRS, le programme de recherche est dirigé par Arnaud Guillin et Vincent Calvez.

Le directeur du programme, Arnaud Guillin, est directeur adjoint scientifique à l’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (Insmi) et professeur des universités à l’Université Clermont Auvergne (UCA).

Le directeur adjoint du programme, Vincent Calvez, est directeur de recherche CNRS à l’Université de Bretagne Occidentale (UBO). Sont associés plusieurs organismes : CEA, IFPEN, Ifremer, INRAE, Inria, Inserm, IRD, écoles d’ingénieurs, écoles normales supérieures, universités françaises...

Entretien avec les co-directeurs du PEPR Maths-Vives

Comment peut-on résumer les tenants et aboutissants de ce PEPR ?

Arnaud Guillin : L’objectif du Programme de recherche Mathématiques en interaction est de faire dialoguer les mathématiques avec d’autres disciplines afin d’innover pour le vivant, l’environnement et la société.

Le Programme vise à favoriser et structurer les interactions des mathématiques avec les autres sciences autour d’enjeux contemporains.

Arnaud Guillin

Pour cela, il finance des équipes de recherche pluridisciplinaires comprenant des mathématiciennes et des mathématiciens et des expertes ou des experts des domaines d’application comme la biologie, la médecine, la géographie ou les géosciences.

Comment les mathématiques interagissent-elles avec les autres domaines ?

Vincent Calvez : Les mathématiques ont toujours accompagné le développement des autres sciences, par exemple les sciences physiques ou numériques. On peut citer la découverte d'Uranus, ou la sécurité des transactions bancaires.

Les grandes problématiques actuelles comme le changement climatique, la perte de la biodiversité ou la gestion des épidémies appellent des progrès conceptuels où les mathématiques ont un rôle important à jouer. On le voit par le nombre croissant de sollicitations des scientifiques qui se tournent vers les mathématiques, et auxquelles la communauté mathématique doit répondre.

Les mathématiques proposent un langage universel.

Vincent Calvez

Par ailleurs, les projets pluridisciplinaires permettent aux scientifiques de décaler leur regard et d’aborder leurs problématiques sous un angle nouveau.

Le PEPR est articulé autour de trois thématiques. Quels sont leurs objectifs ?

Arnaud Guillin : Le programme se décline en trois thématiques de recherche : le vivant, l’environnement et la société, abordées au sein de différents projets de recherche.

L’axe « Vivant » vise à améliorer la compréhension des différentes dynamiques du vivant à toutes les échelles. Les mathématiques permettent de travailler au niveau cellulaire, au niveau individuel ou au niveau d’une population en intégrant des dimensions spatiales et temporelles. Cet axe vise donc à promouvoir des projets en lien avec les sciences du vivant : c’est-à-dire la médecine, la biologie, l’épidémiologie l’agronomie et l’écologie par exemple.

Vincent Calvez : L’axe « Environnement » vise à développer, analyser et simuler de nouveaux modèles mathématiques pour des questions environnementales variées comme le changement climatique, le développement de nouvelles énergies ou l’évolution de la biodiversité.

Les mathématiques permettent d'appréhender des systèmes complexes, tels que la modélisation du système Terre à l'échelle globale ou à l’échelle locale, et d’améliorer sa compréhension. Cet axe vise donc à promouvoir des projets en lien avec la physique, les géosciences et l’écologie.

Arnaud Guillin : L‘axe « Société » vise à proposer des approches théoriques originales sur des thèmes sociétaux comme la mobilité, la circulation des biens et des savoirs, les comportements collectifs, les réseaux, la géographie et l’urbanisme.
Les méthodes mathématiques permettent de fournir un cadre théorique pour cet axe très clairement exploratoire qui vise à promouvoir des projets en lien avec les sciences économiques, l’agronomie et les sciences humaines et sociales comme la géographie ou l’histoire.

Il y a également un axe transverse autour de la diffusion et de la formation, diffuser la culture informatique par exemple, ou former une génération de jeunes scientifiques en interaction. Nous viserons également la co-construction de programmes de recherche avec les territoires ou pouvoirs publics, par exemple comme l’érosion du trait de côte par l’effet des vagues extrêmes.

Pouvez-vous donner des exemples d’applications concrètes envisagées ?

Vincent Calvez : Dans l'axe « Vivant », le projet ciblé Dylt vise à étudier la dynamique des longueurs des télomères, ces extrémités des chromosomes qui déterminent le vieillissement cellulaire, avec des applications biologiques et cliniques. Les organismes étudiés sont les levures, les coraux, et l'humain.

Les mathématiques ont beaucoup à apporter à des fins d’aide au diagnostic, de suivi de patients ou encore à la détection précoce de maladies et au rôle joué par l'environnement.

Vincent Calvez

Arnaud Guillin : Concernant l’environnement, le projet ciblé Climaths vise à étudier l’évolution du climat en couplant les modèles océaniques et atmosphériques. Le système climatique est souvent décomposé en briques afin de simplifier les simulations alors que ces briques sont interconnectées.

L’objectif est donc d’aller plus loin dans la représentativité des modèles de climat. Cela passera par l’analyse théorique et la modélisation du couplage océan-atmosphère, de la convection (circulation atmosphérique ou océanique).

L'objectif est de permettre une meilleure prédiction des événements extrêmes et des écoulements côtiers.

Arnaud Guillin

Vincent Calvez : Dans l'axe « Société », le projet ciblé GéoMaths vise à apporter des outils mathématiques pour l'étude de l'espace, par exemple, l'urbanisme, le tourisme, ou le vivre en commun. 

Plus généralement, il s'agit d'introduire de nouveaux outils mathématiques en géographie, afin de mieux comprendre les flux urbains, la façon d'organiser les villes, par exemple.

Vincent Calvez

Il s'agit d'un projet très exploratoire, à l'image du programme tout entier.

Sur l'interaction avec les sciences humaines et sociales, on a pu lancer un autre projet, lié à la finance, et qui porte plus précisément sur les phénomènes d'incitation en finance verte, afin de mieux comprendre comment des lois et des mécanismes financiers pourront inciter à la transition énergétique, par exemple.

Quel rôle jouent les mathématiques dans le nouvel essor de l'intelligence artificielle ?

Arnaud Guillin : La recherche en IA n'est pas forcément ce qui sera développé dans le Programme Maths-Vives. Il y a déjà un programme de recherche spécifique sur l'intelligence artificielle.

Concernant cela dit les interactions observées avec les mathématiques, on peut évoquer la médecine, avec l'imagerie, qui va énormément utiliser l'intelligence artificielle. Pour les cartes de données génomiques, idem, beaucoup d'intelligence artificielle, donc c'est absolument inévitable.

Même si ce n'est pas forcément l'objectif initial de notre PEPR, ce sera à considérer d'un point de vue plus personnel. Les mathématiciennes et mathématiciens ont un énorme rôle à jouer puisque l'intelligence artificielle fonctionne extraordinairement bien, mais est elle très mal comprise, à la fois dans sa réussite mais aussi dans les biais qu'elle induit, les problèmes de reproductibilité et puis, aussi, sur les enjeux de frugalité, même si cela a plus à voir avec l'informatique.