Marilena Radoiu est une experte en micro-ondes. L'objectif de sa société Microwave Technologies Consulting est d'établir une synergie entre le monde académique et l'industrie, afin de contribuer au développement de technologies assistées par micro-ondes, avec des applications variées dans les domaines de la chimie de synthèse, de l’énergie, de l'agroalimentaire, des semi-conducteurs... Elle est lauréate du prix « Femme, recherche et entreprise » à l'occasion de la 22e édition du prix Irène Joliot-Curie, qui valorise une femme travaillant en entreprise depuis au moins trois ans ou ayant contribué significativement à la création d’une entreprise valorisant ses recherches.
Interview
Comment avez-vous fait le choix de vous orienter vers une voie scientifique ?
Je n'en suis pas vraiment sûre, ça n'a pas été un avenir soigneusement planifié, je pense que j'ai simplement suivi le courant et ma curiosité. C'est drôle, mais quand j'étais petite, je m'intéressais beaucoup à la façon dont les différents articles ménagers se mélangeaient, par exemple le détergent et la farine, le sel et les boissons gazeuses ! J'étais peut-être une enfant cauchemardesque (je n'ai jamais fait la sieste comme mon frère et ma sœur !) mais mes parents m'ont soutenue. Plus tard, mes professeurs m'ont appris à être créative et à prendre des initiatives, même si elles n'étaient pas toujours les meilleures. J’ai aussi toujours été intéressée par la nouveauté et ennuyée par la répétition. Enfin, j'ai eu la chance d'être la fille des meilleurs parents du monde !
Comment peut-on encourager les jeunes filles à s’intéresser aux sciences ?
C'est un sujet d'actualité et les initiatives sont nombreuses dans le monde. Pour ma part, je pense que tous les enfants devraient être encouragés à faire preuve de curiosité et d'esprit pratique dès leur plus jeune âge.
D'autre part, les parents et les enseignants devraient encourager les filles à lutter contre le stéréotype selon lequel les sciences sont réservées aux garçons. Il y a beaucoup de femmes scientifiques dans le monde qui peuvent servir de modèles.
En tant que société, en tant qu'enseignants, pour les filles comme pour les garçons, nous devons vraiment comprendre les intérêts de chaque élève et leur présenter des projets scientifiques basés sur leurs intérêts. Pour atteindre cet objectif, nous devons mettre en place des programmes d'initiation et de sensibilisation aux sciences dans les écoles, des activités pratiques à réaliser en classe et lors des sorties scolaires. En participant à la création, la conception, la réalisation et à la mise en œuvre des différents projets pratiques, les filles et les garçons auront une meilleure idée de ce qu'ils pourraient faire à l'avenir et pourquoi pas en tant qu'ingénieur ou scientifique.
Enfin, on dit parfois qu'il faut aider les filles plus que les garçons à développer des compétences scientifiques. A mon avis, cet effort s'applique à tout le monde, pas seulement aux filles ! On devient bon dans une matière en s'exerçant à résoudre de nombreux problèmes, en particulier ceux qui sont difficiles et dont on peut tirer des enseignements.
Comment vivez-vous le fait d’être une femme menant une carrière scientifique et avez-vous rencontré des obstacles ?
Je suis une femme et une étrangère, donc double minorité, ce qui me donne un point de vue différent. Cela signifie qu'en plus de me poser beaucoup des questions techniques, je réfléchis beaucoup à la façon de travailler, à la façon dont je transmets mes connaissances aux autres, à ce que je pense de ma profession et à la façon dont je peux en faire profiter la société.
D’un autre côté, il n'y a pas beaucoup de femmes dans mon domaine. C'est plutôt un monde d'hommes. Lorsque j'ai commencé chez BOC Edwards au Royaume-Uni en 2001, j'étais la seule femme de l'équipe technique, et lorsque j'ai commencé chez Sairem en France fin 2008, j'étais aussi la seule femme de l'équipe technique. Il n'y avait pas non plus beaucoup de femmes parmi les collègues à l'EM Lyon, peut-être 10 %. Je suis encore très souvent la seule femme dans les collaborations avec les clients ou les partenaires industriels et académiques.
Au début de ma carrière, j'ai dû prouver mes compétences techniques devant mes collègues masculins et j'ai travaillé dur pour y parvenir. Aujourd'hui, je suis une experte en technologies des micro-ondes et les hommes comme les femmes me respectent pour mes connaissances. Je continue à travailler très dur…
Quelles valeurs porte le prix Irène Joliot-Curie ?
Je suis très fière que mon travail lié à l’éducation de jeunes générations et au lancement de procédés et équipements assistés par micro-ondes pour l'industrie ait été reconnu au niveau international, notamment par des prix nationaux et internationaux dont le récent prix Irène Joliot-Curie pour « Femme, recherche et entreprise ». C'est un immense honneur pour moi.
Enfin, ce prix est l'occasion d'exprimer un grand merci envers mes équipes et collaborateurs, hommes et femmes, qui m’ont fait confiance et qui se sont toujours dépassés pour assurer la réussite de nos projets.
Que ressentez-vous en tant que lauréate ?
Non seulement je me sens heureuse mais cela m'aide aussi à découvrir ce que je fais bien et pourquoi, afin que je puisse continuer à le faire et l'utiliser pour améliorer mon entreprise et ma carrière.
Avez-vous un vœu pour le futur ? Comment faire pour le réaliser ?
La paix dans le monde et je souhaite qu’on fasse en sorte que tous les jeunes aient les mêmes chances d’accéder à l’éducation et à l’emploi quels que soient leur sexe, leur nationalité et leur statut social.
Je vais persévérer pour faire de mon métier un travail où les jeunes, hommes et femmes, seront accueillis dans des conditions égales et où chacun pourra donner le meilleur de soi-même pour faire avancer la science et rendre le monde meilleur.