Je suis particulièrement heureuse d’être ici ce matin, avec vous, dans ce haut lieu de la recherche scientifique pour l’installation de la promotion 2017 de l’Institut Universitaire de France.
Mesdames les lauréates, Messieurs les lauréats 2017, je tiens tout d’abord à vous féliciter chaleureusement. Vous avez été sélectionnés, durement, parmi plus de 600 candidatures, par un jury international qui a reconnu la qualité exceptionnelle de votre recherche. Ainsi vous devenez membres de l’Institut Universitaire de France, une institution qui s’est installée depuis 26 ans comme un symbole de l’excellence de la recherche universitaire.
Nos Universités ont parcouru un chemin considérable ces dernières années, vous en avez été témoin, et la loi L.R.U., vous en êtes certainement déjà les acteurs. Alors que nous entamons une nouvelle phase de la transformation de notre pays pour que l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation deviennent, plus encore qu’aujourd’hui, d’indispensables facteurs d’inflexions sociétales, des moteurs de la compétitivité économique et de véritables outils de rayonnement international, et à l’heure où notre défi est celui de l’ouverture sociale, intellectuelle, disciplinaire, institutionnelle et de l’innovation ouverte, nous aurons besoin de votre concours en tant que leaders intellectuels pour réussir cette transformation qui me semble essentielle pour l’avenir de notre pays.
Les réformes que je compte mener pour cette transformation, sont portées par une profonde conviction, et j’ai déjà eu l’occasion d’insister sur ce point, qu’il faut aujourd’hui dans le domaine de l’E.S.R.I. comme dans tous les autres domaines : libérer et protéger.
Cette transformation doit aboutir à une pleine autonomie de nos universités, sur le plan stratégique et en donnant aux acteurs académiques la réelle maîtrise de leurs ressources et de leur destin.
Il est donc pour moi indispensable que nos établissements d’enseignement supérieur disposent de nouvelles libertés : partout sur le territoire, nos universités doivent pouvoir affirmer leur identité et leur projet, oser des expérimentations et exercer la plénitude de leurs compétences. Et, aux côtés d’un réseau de dix à quinze universités de formation et de recherche de classe mondiale, internationalisées et fortement articulées avec les organismes de recherche, je souhaite que se développent toutes les universités qui valorisent leur excellence spécifique dans les domaines de formation comme de recherche où elles choisiront de s’investir.
Chaque université doit être en capacité ainsi de trouver la signature qui lui est propre et se reconnaître dans la diversité d’excellence en France, car aucun de nos territoires ne se ressemble. C’est d’ailleurs à mon sens ce qui fait notre force. Concrètement, cela signifie que :
- Je prendrai en compte les particularités de chaque université pour lui permettre de grandir,
- Je ne crois pas aux solutions toutes « toutes faites » et « venues d’en haut » qui s’imposeraient à tous,
- Je pense qu’il faudrait qu’on soit en capacité de tirer davantage de conséquences qu’aujourd’hui du contrat quinquennal sur lequel reposent les politiques de site et les stratégies d’établissement, pour en faire un véritable contrat objectifs-moyens.
- qu’il est essentiel de pouvoir expérimenter des solutions concertées propres à chaque site
- en un mot : je compte miser sur l’évidente capacité des universitaires à définir des objectifs ambitieux et transformant et leur faire confiance pour atteindre ces objectifs en déverrouillant tout ce qui doit l’être.
Pour protéger et libérer notre recherche il faut réaffirmer:
- la nécessité absolue de préserver l’investissement dans la recherche académique de base et la mobilisation, de manière transdisciplinaire des scientifiques et des institutions, pour répondre aux grandes questions sociétales.
- En y affectant un budget en hausse significative par rapport aux années précédentes, de plus de 500 millions d’euros, hors moyens du grand plan d’investissement, qui ont été confirmés ; Cela nous permettra d’augmenter les dotations des laboratoires (25 millions d'euros) et d’accroître les financements des appels à projets de l’A.N.R. sur des projets blancs ou encore de soutenir les projets des Instituts Carnot. Ce budget traduit par ailleurs l’engagement de construire des budgets sincères, incluant le financement intégral de la contribution de la France aux des organisations scientifiques internationales.
Mesdames et Messieurs les membres de la promotion 2017 de l’I.U.F., vous débutez une période au sein de laquelle vous pourrez consacrer une partie plus importante de votre temps à développer vos recherches et contribuer au rayonnement scientifique national et international de vos universités. Mais je sais aussi que pour autant vous ne vous désintéresserez pas de votre métier d’enseignant. Même si vos préoccupations sont naturellement plus tournées vers la recherche pour ces années à venir, je souhaite vous dire quelques mots sur la réforme, qui me semble essentielle, de l’entrée dans le supérieur, pour gagner la bataille de la mobilité sociale et pour construire la réussite des étudiants.
La capacité que nous aurons collectivement à intégrer, à donner une place à chaque étudiant dans les formations existantes, dans les Ecoles comme à l’université mais aussi dans les formations du supérieur que nous aurons à inventer, est à mon sens décisive pour gagner cette bataille. Cela participe aussi d’une plus grande autonomie pédagogique des universités en termes de formation et d’accompagnement.
Cela veut aussi dire qu’on doit créer plus de variété dans les formations universitaires de premier cycle, en privilégiant la réussite des étudiants, qu’ils aient besoin de soutien ou qu’ils souhaitent aller plus vite et plus loin. Renforcer là où on est le plus fort, soutenir là où des faiblesses se manifestent.
Ces principes se sont trouvés fortement affirmés au cours des trois mois de la concertation que nous venons de mener avec l’ensemble des parties prenantes.
Nous allons dans les toutes prochaines semaines proposer la réforme qui permettra de mettre en place le "contrat de réussite étudiant" que le Président de la République et le Premier Ministre ont souhaité. Celui-ci inclura les principes suivants :
- Il s’agira tout d’abord d’accompagner l’élève dans une orientation active, choisie, progressive et éclairée. Il faut que nous soyons en capacité d’attirer les étudiants les plus brillants.
- Il s’agira bien évidemment de remplacer le système A.P.B. et de supprimer le tirage au sort de manière à ce que les affectations ne soient plus soumises au hasard.
- Il s’agira encore d’afficher des prérequis qui vont doter les cursus d’une nouvelle lisibilité.
- Il s’agira également de construire des parcours qui reposent sur une individualisation et une flexibilité accrues.
- Pour l’ensemble des jeunes les parcours devront pouvoir permettre de s’immerger dans la recherche pour ceux qui souhaitent des carrières académiques
- L’université n’est déjà plus synonyme d’anonymat et de standardisation. Je le sais aujourd’hui pour en avoir discuté avec de nombreux présidents d’universités nous devons maintenant changer d’échelle. Elle est capable, en alliant savoir-faire pédagogique et nouvelles technologies numériques, de tailler ces formations au plus près des besoins et des projets des étudiants.
- Il s’agira enfin d’ouvrir ce nouveau modèle de licence : ouverture sur l’international comme sur l’environnement immédiat, échanges avec le monde socio-économique, dialogue interdisciplinaire, passerelles entre les cursus, sont autant de moyens pour faire de l’espace-temps du 1er cycle un lieu d’expérimentations, un lieu d’expérimentations diverses constructives, à l’image de chaque étudiant.
De tout cela, j’en suis sûre, vous êtes aussi convaincus. Car nul enseignant-chercheur n’ignore le guide qu’il constitue pour l’étudiant. Un guide qui a néanmoins changé de visage : ce que la transmission a perdu en verticalité, elle l’a gagné en dynamique et en interaction. Il s’agit de penser l’étudiant comme personnage actif de sa formation, coproducteur de celle-ci
Cette posture de l’étudiant, actif, producteur et non plus consommateur du savoir, est un aspect essentiel du contrat de pédagogique renouvelé.
En effet, la mise en place de ce contrat repose sur l’engagement de toutes les parties, de l’étudiant comme les enseignants chercheurs et les enseignants du supérieur, et cet engagement doit se refléter dans la construction quotidienne du parcours des étudiants.
La pédagogie par projet est l’une des modalités possibles de cette nouvelle relation au savoir, plus créatrice que conservatrice ou patrimoniale.
Je ne m’étendrai pas davantage sur les outils pédagogiques susceptibles de mener vos étudiants à la réussite. Car ce que je veux vous dire, c’est qu’ils auront aussi besoin de vous, et que j’ai pleinement confiance dans votre créativité et dans votre capacité à transmettre l’excellence et l’enthousiasme qui a fait de vous des chercheurs reconnus.
Mesdames et Messieurs les membres 2017 de l’Institut Universitaire de France, vous entrez dans une Institution qui, je le disais en préambule, s’est installée depuis 26 ans comme un symbole de l’excellence de la recherche universitaire française.
Je souhaite ici souligner un résultat particulièrement frappant cette année, sur les 6 universitaires français figurant sur la liste des E.R.C. advanced grants...
6 sont des membres (honoraires ou actifs) de l’I.U.F. ...
Bien sûr 6 universitaires lauréats de l’Advanced Grant, c’est trop peu, et il faut que les universitaires et plus largement les chercheurs français progressent sur cet indicateur, mais la forte représentation des I.U.F. à ce niveau démontre la bijection entre I.U.F. et excellence mais aussi le rôle de l’I.U.F. comme un tremplin vers l’E.R.C., et ce tremplin mérite encore d’être renforcé...
Parmi les actions nouvelles initiées par l’I.U.F. figure l’organisation de mini-colloques, et l’un de ceux planifiés dans les prochains mois sera dédié à l’E.R.C. et à la présentation par des lauréats et par des membres de panels de l’E.R.C. des points spécifiques qui peuvent permettre à un projet de proposer une rupture conceptuelle ou technologique et de se détacher du lot pour avoir des chances de l’emporter dans la compétition. C’est cet effort de mutualisation de coopération, de transmission aussi de ces acquis que nous devons partager ensemble. Je ne peux qu’encourager l'I.U.F. à développer de telles initiatives et à accompagner ses membres vers le succès à l’E.R.C..
Je voudrais tout particulièrement remercier Monsieur le professeur Michel Cogné qui, avec son équipe, a su au cours des cinq dernières années amener l’I.U.F. à un haut niveau de professionnalisme.
Après un certain nombre d’oscillations et de tangages, l’IUF a atteint une vitesse de croisière. Ses promotions sont fixées à 110 membres depuis maintenant 5 ans, son équipe administrative est stabilisée, ses rapports avec les universités partenaires sont mieux codifiées via des conventions tri-partites qui depuis 2016 sont devenues systématiques pour que tous les nouveaux membres puissent bénéficier du cadre pratique des délégations IUF.
Fort de ce fonctionnement, l’I.U.F. pourra aussi envisager de nouvelles actions, auxquelles je vous engage d’ores et déjà à réfléchir. Lors de l’échange que nous avons eu en juillet, vous avez évoqué plusieurs pistes comme par exemple :
- le recrutement de membres associés sur des projets thématisés, qui peuvent aussi permettre à des chercheurs qui souhaiteraient s’engager sur des voies qui couplent enseignement innovant et excellence scientifique de s’investir
- de nouvelles actions de partenariat qui pourront être mises en place avec le Collège de France, l’Académie des Sciences, ou d’autres acteurs nationaux de la recherche et de l’excellence ?...
- ou encore de nouvelles actions de communications vers le grand public prolongeant et étendant ce qui est actuellement réalisé à travers la participation de l’I.U.F. à l’initiative "The Conversation"...
- Je crois qu’il est essentiel que nous ayons à cœur le fait de réduire la part de la société qui confond les faits scientifiques avec des opinions et qui confond des connaissances avec des croyances : c’est aussi notre devoir de faire en sorte que la population n’ait pas le même regard sur les faits établis scientifiquement et non sur les opinions de quelqu’un
- Je souhaite que nous puissions échanger dans quelques mois. Afin d’envisager par quelles voies, le remarquable apport de l’IUF et de ses membres pourra contribuer au rayonnement de notre pays et pourra amplifier celui-ci.
Mesdames et Messieurs les membres de la promotion 2017 de l’I.U.F., je sais pouvoir compter sur vous au moment d’accélérer la transformation de notre système d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation et une fois de plus je vous félicite très sincèrement pour votre nomination.