L'endométriose en France
L’endométriose est une maladie gynécologique inflammatoire chronique qui touche 1 femme sur 10. Elle se définit par la présence, hors de la cavité utérine, de tissu semblable à celui de la muqueuse de l’utérus, appelée endomètre. Elle peut provoquer des douleurs intenses, qui engendrent de la fatigue, des symptômes de dépression ou d’anxiété. Elle est aussi la première cause d’infertilité en France.
Un programme de recherche dédié
Le PEPR « Santé des femmes, santé des couples », financé par le plan d'investissement France 2030, est un programme de recherche confié à l’Inserm. Il a pour objectif de développer les connaissances sur l’endométriose et l'infertilité, structurer la communauté française en recherche fondamentale, clinique, santé publique, épidémiologie et en sciences humaines et sociales dans ces deux domaines et développer les innovations clés de demain pour la prévention, le diagnostic et le traitement de l’infertilité et de l’endométriose.
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Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose
Depuis 2022, la Stratégie nationale de lutte contre l’endométriose a permis d’accélérer les efforts pour mieux comprendre, diagnostiquer et traiter cette maladie. Cette stratégie repose sur trois axes majeurs :
- Placer la France aux avant-postes de la recherche et de l’innovation, notamment grâce à un investissement de 25 millions d’euros sur 5 ans dédié à la santé des femmes et des couples ;
- Garantir un diagnostic rapide et l’accès à des soins de qualité sur tout le territoire, avec la mise en place de filières de soins spécialisées dans chaque région ;
- Former et informer, en sensibilisant les professionnels de santé et le grand public à cette pathologie encore trop méconnue.
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Entretien avec les chercheurs
Jean Rosenbaum est le coordinateur scientifique du Programme de recherche France 2030 « Santé des femmes, Santé des couples ». Marina Kvaskoff est épidémiologiste et responsable du projet ciblé EPI-ENDO financé par le PEPR Santé des Femmes, Santé des Couples. Ludivine Doridot est chercheuse dans l’équipe « Pathogénie et traitements innovants des maladies fibro-inflammatoires chroniques » à l’Institut Cochin (Inserm/CNRS/Université Paris Cité).
Qu'est-ce qui définit le plus l'endométriose ? Comment cette maladie affecte-t-elle les personnes qui en souffrent ?
Ludivine Doridot : L’endométriose se définit par la présence de lésions (dites d’endométriose) qui sont des fragments semblables à la muqueuse utérine (endomètre) en dehors de l’utérus. Pendant longtemps, afin de valider la présence de ces lésions, une analyse histologique de ce tissu anormalement localisé était nécessaire, et prélever ce tissu nécessitait une intervention chirurgicale.
Avec la meilleure (re)connaissance de la maladie, on favorise aujourd’hui la prise en compte des symptômes, typiquement le caractère cyclique de ces symptômes, avec une aggravation au moment des règles due à un saignement au niveau des lésions et/ou des problèmes de fertilité. Par ailleurs, il faut noter l’apport de l’imagerie médicale (échographie, IRM) qui permet de repérer les lésions d’endométriose dans la majorité des cas. La chirurgie à vocation diagnostique est donc délaissée au profit des chirurgies à visée thérapeutique pour les femmes qui ne sont pas soulagées par les options médicamenteuses.
La façon dont la maladie affecte les personnes atteintes peut être très variable en fonction de l’intensité des symptômes, en particulier les symptômes douloureux et la fatigue chronique.
La maladie affecte différents éléments de la vie quotidienne : la vie sexuelle et affective (avec des douleurs pendant les rapports sexuels), la santé mentale et physique, la vie professionnelle (absentéisme scolaire et professionnelle en raison de douleurs intenses) avec un fort impact sur la trajectoire de vie des personnes touchées.
Quels sont les principaux objectifs du PEPR ?
Jean Rosenbaum : Grâce à des moyens financiers conséquents dédiés à la recherche, ce PEPR vise à augmenter le niveau de connaissances sur les mécanismes physiopathologiques de l’endométriose, mais aussi de l’infertilité ; et améliorer les moyens de diagnostic et de prise en charge thérapeutique.
Il s'agit également de structurer la communauté scientifique française concernée, actuellement très dispersée. L’idée ici est notamment d’augmenter les interactions entre chercheurs en biologie, santé publique ou sciences humaines et sociales, et cliniciens. Enfin, un troisième grand objectif consiste à communiquer vers la communauté scientifique et le public non spécialisé.
Quelles constatations pouvez-vous partager depuis le lancement du PEPR ? De premiers jalons ont-il été atteints ?
Jean Rosenbaum : La plupart des actions prévues ont déjà débuté, ou vont le faire prochainement. Nous avons recruté une première promotion d’étudiants en thèse de sciences à l’automne 2024 puis une seconde, ainsi qu’un groupe de jeunes chercheurs post-doctorants vont être recrutés dans le courant de l’année 2025.
Nous avons lancé le projet ciblé EPI-ENDO, sur l’épidémiologie de l’endométriose en France. Par ailleurs, au terme d’un appel à candidatures très sélectif, nous avons constitué deux consortiums de recherche multidisciplinaires impliquant une dizaine d’équipes de recherche sur l’endométriose, et une vingtaine sur l’infertilité, respectivement. Nous espérons le début du travail de ces consortiums courant 2025.
Nous avons mis en place un comité participatif de patientes et patients. Ce comité vise à intégrer activement les patientes et patients au long des différentes étapes du programme de recherche, tout en leur fournissant une formation adéquate sur les enjeux et les méthodologies de la recherche scientifique.
Sur le plan de la formation, nous allons mettre en place en novembre 2025 une « école d’automne » pour jeunes chercheurs sur l’endométriose. Cette école fournira un cadre immersif où les jeunes chercheurs pourront acquérir des connaissances théoriques de pointe et développer des compétences pratiques.
Le premier symposium scientifique du PEPR aura lieu en novembre 2025, et sera centré sur les équipes des consortiums de recherche, mais aussi ouvert à toute la communauté scientifique et aux associations de patientes et de patients.
Enfin, nous communiquons désormais activement, notamment sur le web, et sur Linkedin, grâce au recrutement d’une chargée de communication.
Vous allez vous appuyer sur des cohortes existantes pour travailler sur l’épidémiologie de l’endométriose en France. En quoi consiste précisément ce projet, EPI-ENDO ?
Marina Kvaskoff : Le programme de recherche EPI-ENDO vise à mieux comprendre l’épidémiologie de l’endométriose en France. Il va s’appuyer sur 6 cohortes* en population existantes qui ont suivi des dizaines de milliers de participants depuis plusieurs décennies, en collectant des données détaillées sur leurs expositions environnementales ainsi que des échantillons biologiques.
*Les 6 cohortes : 3 chez l’adulte (Constances, E3N-Générations, NutriNet Santé ), 3 chez l’adolescente (Elfe, EDEN, Pelagie).
EPI-ENDO a pour but de générer des données robustes sur l’endométriose au sein de ces 6 cohortes.
Le premier objectif consiste à préciser les chiffres de prévalence et d’incidence de l’endométriose en France, y compris la prévalence de l’endométriose non diagnostiquée au sein d’une étude d’imagerie. Second objectif : explorer les facteurs de risque environnementaux et génétiques de la maladie.
EPI-ENDO constituera la plus grande étude épidémiologique sur l’endométriose au monde et permettra de significativement améliorer nos connaissances sur les causes de la maladie, qui sont actuellement limitées et ne permettent pas d’établir des stratégies de prévention.
Pourquoi les causes de l'endométriose sont-elles mal connues ?
Ludivine Doridot : Les causes de l’endométriose sont mal connues car c’est une maladie qui a été très longtemps peu reconnue par la société et peu étudiée par la communauté scientifique, avec jusqu’à récemment un très faible investissement au regard du nombre de personnes impactées (environ 2 millions de femmes en âge de procréer en France).
Ce manque de reconnaissance concerne également d’autres maladies touchant spécifiquement les femmes, comme le syndrome des ovaires polykystiques ou la prééclampsie pour ne citer que deux exemples.
L’endométriose a été largement ignorée – aussi bien par le grand public que par la communauté scientifique – notamment car entourée d’un tabou autour des règles et de la douleur des femmes.
De plus, il est probable que l’impact de cette maladie soit plus marqué dans notre société moderne, où notre environnement perturbe notre système hormonal, via des perturbateurs endocriniens, et où les femmes ont des enfants plus tard.
Comme d’autres maladies chroniques, c’est également une maladie complexe et multifactorielle (avec une composante génétique et environnementale), donc les causes sont multiples. La compréhension de ces causes nécessite donc d’étudier ces différents aspects avec des scientifiques aux connaissances diverses, et de manière intégrée.
Enfin, c’est une maladie hétérogène avec une grande diversité dans la présentation des symptômes (symptômes douloureux dans la région pelvienne, symptômes urinaires, gastro-intestinaux, fatigue chronique, infertilité etc…), ainsi que dans la localisation et l’étendue des lésions et des adhérences associées.
Marina Kvaskoff : Les causes de l’endométriose sont mal connues car la recherche sur cette maladie comporte plusieurs complexités méthodologiques. Les difficultés de diagnostic, alliées au délai de diagnostic et à l’existence de cas asymptomatiques, rendent la définition des cas difficile dans les études.
Des biais peuvent également être induits lorsque les cas ne sont pas confirmés par compte rendu médical, ou lorsque d’autres pathologies sont incluses dans le groupe témoin.
De plus, la plupart des études explorant les facteurs de risque d’endométriose sont rétrospectives (c’est-à-dire qu’elles collectent des informations passées, ce qui génère un biais de mémoire et une imprécision), ou n’ont pas pu examiner les expositions précédant le début des symptômes de la maladie.
Enfin, la plupart des études menées jusqu’à présent ont étudié la maladie de manière globale, sans considérer ses différentes formes et caractéristiques, qui permettraient une connaissance plus fine de la maladie.
Le programme EPI-ENDO va permettre de combler ces manques en examinant les facteurs de risque de la maladie selon le type d’endométriose, son stade, et la localisation des lésions.
En savoir plus à ce sujet en téléchargeant l'article rédigé par Marina Kvaskoff, pour l’Institut de recherche en santé publique :
Y a-t-il « une » endométriose par femme concernée, comme on l'entend parfois ?
Ludivine Doridot : Effectivement, devant l’étendue des présentations de la maladie (de l’absence de symptôme douloureux à des douleurs qui font perdre connaissance), on pourrait parler « des endométrioses » et l’identification de sous-groupes de patientes est un enjeu majeur de la recherche sur l’endométriose. Cependant, même s’il y a probablement plusieurs groupes de patientes, il y a bien des caractéristiques communes (la présence de lésions d’endomètre ectopique et une inflammation chronique).
Comme dans toutes les maladies chroniques, la maladie ne se traduit jamais exactement de la même façon chez tous les individus car nous sommes toutes et tous uniques en raison de notre patrimoine génétique (notre génome) et notre parcours de vie : ce à quoi nous avons été exposé – et ce même avant notre naissance lors du développement intra-utérin, nos habitudes alimentaires, notre niveau d’activité physique... Tout cela affecte ce qu’on appelle notre épigénome, une sorte d’ensembles d’instructions sur la façon d’utiliser les informations contenues dans notre génome.
Pouvez-vous décrire les douleurs liées à l'endométriose ?
Ludivine Doridot : On distingue différents types de douleurs liées à l’endométriose. La plus fréquente est celle de règles douloureuses (dysménorrhée). Il y a également les douleurs pendant les rapports sexuels (dyspareunie), les douleurs pelviennes (dans le bas ventre), des douleurs à la défécation ou au moment d’uriner (dysurie).
Parfois, les douleurs pelviennes peuvent irradier jusque dans la jambe. Certaines femmes atteintes d’endométriose n’ont cependant pas de douleurs et généralement, la maladie est alors découverte au moment d’un bilan de fertilité.
On demande généralement aux patientes d’évaluer leur douleur sur une échelle allant de 0 (aucune douleur) à 10 (la pire douleur imaginable), et la plupart des patientes évaluent leurs douleurs entre 7 et 8. C’est donc très élevé. Certaines patientes évoquent comme un coup de poignard, des douleurs aussi intenses que celles de l’accouchement, voire plus fortes.
Cela les empêche de mener à bien leurs activités quotidiennes : porter des courses, se concentrer sur la lecture d’un rapport etc... En plus de l’invalidité physique engendrée par de tels douleurs qui reviennent de manière chronique, il y a un impact important sur la santé mentale.
Quel message souhaitez-vous adresser, en tant que chercheuse, aux femmes souffrant d'endométriose ?
Ludivine Doridot : En tant que chercheuse, je tiens à indiquer aux patientes que la communauté scientifique s’intéressant à l’endométriose s’agrandit, avec des hommes et des femmes aux expertises diverses qui s’engagent pour mieux comprendre l’endométriose, sa physiopathologie et pour tenter de rattraper le retard de connaissances ; et ce, afin d’apporter de nouvelles pistes pour le diagnostic et la prise en charge.
Cependant, nous devons faire preuve de la plus grande rigueur pour répondre aux enjeux de cette maladie complexe, et cela prend du temps. Cette rigueur est essentielle afin d’apporter des éléments solides qui auront un réel impact. Et en tant que patientes, vous avez votre rôle à jouer dans l’avancement de la recherche sur l’endométriose, en participant aux différents projets de recherche (recherche clinique et biomédicale sur des échantillons biologiques comme l’étude MultiMENDo en région parisienne, recherche participative comme le projet CIME à Lyon, ou encore recherche épidémiologique avec ComPaRe-Endométriose en ligne).
C’est grâce à vous que nous comprendrons mieux cette maladie.
Marina Kvaskoff : En effet, si l’endométriose a longtemps été sous-étudiée, nous avons aujourd’hui l’opportunité de l’investiguer davantage, notamment via les moyens mis en place par le Programme de recherche Santé des femmes, santé des couples.
Nous sommes le 2e pays à s’être dotés d’un plan national pour lutter contre l’endométriose, et ce plan est porteur de nombreux espoirs pour mieux comprendre cette maladie et mieux la traiter.
De plus, les personnes atteintes d’endométriose peuvent prendre part aux travaux de recherche et être actrices de la recherche sur leur maladie. La cohorte de patientes ComPaRe-Endométriose, évoquée par Ludivine Doridot ci-dessus, suit plusieurs milliers de femmes atteintes d’endométriose afin de décrire le vécu des patientes et d’étudier les facteurs de progression de la maladie.
Toute personne adulte atteinte d’endométriose et/ou d’adénomyose peut participer en répondant à des questionnaires en ligne tous les mois : il suffit de s’inscrire sur le site compare.aphp.fr.
Endotest®, une innovation à l'essai
Depuis le 11 février 2025, l’Endotest®, développé par la société Ziwig, est disponible dans plusieurs centres en France dans le cadre d’un essai clinique et dans le cadre du Forfait Innovation proposé par la Haute Autorité de santé. Ce test, basé sur le séquençage de nouvelle génération et l’intelligence artificielle, a pour objectif d’identifier la maladie à partir d’un simple échantillon de salive.
Si les études de validation à grande échelle en population et en cours de réalisation confirment ses premiers résultats, il pourrait potentiellement réduire le délai de diagnostic en cas d'imagerie non révélatrice de la maladie, et éviter à certaines patientes de subir des examens invasifs. Ce test doit, à ce stade, faire la preuve entre autres de sa reproductibilité "chez une même patiente à des moments différents du cycle", comme le pointe un rapport de la HAS.