Seul le prononcé fait foi
Achever la démocratisation de l’enseignement supérieur et réaliser la promesse de progrès individuel et collectif qui l’accompagne : voici en un mot l’esprit qui anime le Gouvernement au moment de présenter devant vous ce projet de loi destiné à favoriser l’orientation et la réussite des étudiants.
Car quel est l’enjeu, Mesdames et Messieurs les députés ? Dans ce monde marqué par des mutations permanentes, parfois brutales, ce sont l’éducation et la qualification qui protègent et qui libèrent. La meilleure assurance face aux changements et aux ruptures technologiques, économiques et politiques, ce sont le savoir et la formation.
Notre ambition, car je crois pouvoir dire qu’elle est partagée, c’est de les rendre accessibles au plus grand nombre, c’est de permettre aux générations qui viennent d’accéder à des niveaux de formation plus élevés, c’est d’armer nos jeunes pour qu’ils puissent, demain, construire leur parcours, leur vie et leur histoire. C’est la clef de tout progrès, individuel et collectif.
Et c’est bien cela que la crise que nous avons connu, à l’été, autour d’A.P.B. et du tirage au sort, est venue remettre en cause. Cette crise n’était pas due à un dysfonctionnement technique, elle a résulté d’une lacune de choix politiques. Elle a remis au jour une évidence : la démocratisation de l’enseignement supérieur n’est pas encore achevée, loin s’en faut.
Le tirage au sort, c’est en effet le mode d’affectation le plus arbitraire. On ne peut pas, on ne peut plus s’en remettre au hasard pour répartir des places et accueillir nos jeunes. Et je sais que nous sommes tous en accord sur ce point : nous devons tirer un trait définitif sur le tirage au sort.
Mais il est un autre point sur lequel notre attention doit être attirée : c’est l’échec en première année de Licence, auquel nous nous sommes lentement habitués et j’en veux pour preuve les documents budgétaires qui accompagnent année après année les projets de loi de finances. Ils fixent comme objectif 30 % de réussite en Licence à horizon 2020... Notre attention ne peut être tout entière focalisée sur les quelques mois de la procédure d’affectation et se relâcher lorsque, quelques semaines après la rentrée, les amphithéâtres se vident et que les places si disputées se trouvent désormais trop souvent être vides.
L’enjeu, c’est donc bien de donner à nos équipes pédagogiques dans les établissements les moyens de saisir à bras le corps l’enjeu de la réussite étudiante et d’accompagner ainsi toute notre jeunesse au moment de son entrée dans l’enseignement supérieur.
Et c’est pourquoi le projet de loi que vous vous apprêtez à examiner est construit autour d’un objectif très simple : replacer l’étudiant au centre – au centre de la procédure d’orientation, bien sûr, en le rendant pleinement acteur de ses choix, mais aussi au centre de notre enseignement supérieur, en personnalisant les parcours qui leur sont offerts afin de leur donner toutes les chances de réussir.
Et c’est donc bien une révolution copernicienne que le Gouvernement vous propose, en passant d’un traitement de masse dont l’algorithme d’A.P.B. était le symbole à une procédure d’entrée qui redonne, à toutes les étapes, du pouvoir de décision à chacun des futurs étudiants et qui fait de la personnalisation le principe.
Ce pouvoir de décision, il se nourrit d’abord d’une information enfin complète et rendue accessible à chacun. Il n’y a pas de décision éclairée sans une pleine information. C’est tout le sens des attendus qui seront désormais publics pour chaque formation du supérieur : permettre à chacun des futurs étudiants d’avoir accès à la réalité des cursus, c’est-à-dire d’en connaître précisément le contenu et les exigences, non pas pour les dissuader, mais pour leur permettre de décider en toute connaissance de cause.
Je veux y insister, car c’est déterminant à mes yeux : ce qui rend si difficile l’orientation de nos jeunes aujourd’hui, c’est qu’elle sait trop souvent encore dans une sorte de brouillard, faute d’une information claire et fiable sur les formations elles-mêmes et leurs débouchés. Le résultat, ce sont des choix qui sont parfois fondés sur des malentendus et des idées reçues.
Ainsi, nombreux sont encore les futurs étudiants qui rejoignent une licence de S.T.A.P.S. parce qu’ils voudraient exercer un métier de l’activité physique et sportive, tout en ignorant qu’ils devront y étudier l’anatomie et la physiologie. Et du même coup, c’est durant les premières semaines de cours qu’ils découvrent que la formation qu’ils ont choisie n’a rien à voir avec ce qu’ils imaginaient et qu’ils finissent par se décourager avec bien souvent l’échec ou l’abandon à la clef.
Car près d’un tiers des étudiants abandonnent dès la première année de Licence. Et dans l’immense majorité des cas, ces abandons sont la conséquence d’une orientation qui n’a pas pu être murie et informée.
La première de nos responsabilités, c’est donc de donner à chacun l’information qui lui permettra de prendre une décision éclairée. Et ce faisant, nous lutterons contre ces inégalités masquées qui séparent insidieusement ceux qui savent et ceux qui ne savent pas, ceux qui ont toutes les cartes en main et ceux qui ne les ont pas. L’accès à l’information est le plus puissant des marqueurs sociaux. En faisant figurer ces attendus sur la plateforme ParcourSup, tout comme les statistiques de réussite et les taux d’insertion professionnelle ou de poursuite d’études correspondant, nous rétablirons ainsi l’égalité : c’était indispensable.
Ces attendus, ils doivent bien entendu avoir une vraie cohérence à l’échelle nationale, afin de permettre aux lycéens d’avoir une vue globale des attentes de chaque formation. C’est la raison pour laquelle votre rapporteur a souhaité que soit inscrit dans la loi le principe d’un cadrage national des attendus. C’est une excellente chose et c’est tout le sens des travaux que nous avions engagés avec la conférence des présidents d’université, les conférences de chefs d’établissement et les différentes conférences de doyens.
Le résultat, c’est non seulement une charte des attendus qui reconnaît leur pleine portée pédagogique et que nous avons signée la semaine dernière avec le ministre de l’Education nationale, mais c’est aussi la définition, pour chacune des formations de premier cycle, des attendus de référence à l’échelle nationale, que chaque établissement pourra ensuite compléter, préciser et adapter dès cette semaine pour tenir pleinement compte des particularités du cursus qu’il propose.
Redonner du pouvoir de décision aux futurs étudiants, cela veut dire aussi les accompagner dans la durée : parce qu’au-delà des quelques mois que dure la procédure d’entrée dans l’enseignement supérieur, notre objectif est bien de permettre à chaque lycéen de construire progressivement son orientation. Cela veut dire passer peu à peu d’une envie, parfois vague, parfois très précise, à un projet personnel qui conduit à une orientation. C’est un chemin que chaque jeune parcourt à son rythme.
Ce rythme, il faut bien sûr le respecter. Mais notre responsabilité collective, c’est de le jalonner d’étapes qui permettront à chacun de mûrir ces choix, d’affirmer progressivement des envies et d’identifier des perspectives. C’est tout le sens des deux semaines de l’orientation qui ont été mises en place, dès cette année, dans les classes de Terminale. Et c’est pour mieux accompagner ce cheminement qu’il y aura désormais deux professeurs principaux dans chacune de ces classes : pour que plus de temps puisse être consacré à chacun.
Construire une orientation plus progressive, cela veut dire aussi faire le choix de la cohésion entre enseignement supérieur et enseignement secondaire. Cela passe par une meilleure compréhension des enjeux et des contraintes de chacun : cette cohésion, je dirais même cette cohérence, elle ne se décrète pas, elle passe par les équipes pédagogiques elles-mêmes. C’est en multipliant les occasions de rencontre, en renforçant les liens que nous parviendrons à créer la continuité nécessaire pour accompagner nos jeunes du secondaire au premier cycle. Avec Jean-Michel Blanquer, nous en avons fait une priorité absolue, en construisant ensemble cette charte qui renforce les articulations entre le secondaire et le supérieur.
Ainsi, les futurs bacheliers pourront systématiquement bénéficier de l’éclairage de leur conseil de classe au travers de l’avis porté par le chef d’établissement sur leur fiche Avenir. Cet avis était jusqu’ici réservé à certaines formations ; il sera désormais étendu à l’ensemble des vœux d’orientation, afin de mieux accompagner les futurs étudiants. Car cet avis est d’abord destiné aux élèves eux-mêmes, afin de leur permettre de mieux se situer par rapport à leurs projets et de faire des choix qui leur donnent toutes les chances de réussir.
J’ai entendu ici et là s’exprimer des inquiétudes sur ces différents sujets, comme si le fait de donner toutes les informations, tous les conseils et tous les avis nécessaires risquait de restreindre la liberté de choix des futurs étudiants. Penser ainsi, je le dis très clairement et très franchement, ce n’est ni respecter notre jeunesse ni la prendre au sérieux : ouvrir largement l’information, dire à chaque futur étudiant où il se situe, ce n’est jamais limiter sa liberté, c’est au contraire lui permettre de l’exercer pleinement, c’est le rendre pleinement acteur dans le dessin d’un chemin sur lesquels les établissements s’engagent à les accompagner.
Et c’est bien là tout l’esprit de ce projet de loi : replacer l’étudiant au centre du jeu. Jusqu’ici, c’était à nos jeunes de s’adapter aux formations. Désormais, ce seront les formations qui s’adapteront à eux, à travers la personnalisation des cursus.
L’objectif – et je veux être très claire sur ce point, c’est en effet de donner à chaque jeune la possibilité de réaliser son projet. Et cela veut dire deux choses : tout d’abord, réaffirmer le principe de la liberté d’inscription et de choix dans l’enseignement supérieur, bien sûr, car la première des conditions pour réussir, c’est de faire les études que l’on a choisi de faire. Et ensuite, offrir à chaque étudiant l’accompagnement personnalisé dont il a besoin pour mettre toutes les chances de son côté.
Il s’agit bien là d’une démarche pédagogique : car si le baccalauréat est et demeure le seul passeport pour l’enseignement supérieur, les bacheliers n’en sont pas moins profondément différents. Tous les enseignants et les enseignants-chercheurs le savent. Si nous voulons accompagner chacun vers la réussite, nous avons l’obligation pédagogique de tenir compte de cette différence et de proposer à chacun un parcours personnalisé au sein de la formation qu’il a choisie.
Et c’est pourquoi nous avons choisi d’enrichir profondément le dialogue entre le futur étudiant et sa future formation. Car l’objectif, ce n’est pas simplement de remplir des places, c’est aussi de construire un contrat de réussite pédagogique avec chaque étudiant, qui pourra prendre la forme d’un "Oui, si" proposé sur ParcourSup : à un bachelier qui candidate dans une filière, par exemple en biologie, mais qui a besoin de consolider certaines connaissances et compétences scientifiques ou qui a besoin d’apprendre à s’organiser, les équipes pédagogiques pourront proposer des modules de méthodologie ou des enseignements leur permettant de se renforcer.
Permettez-moi enfin d’y insister, Mesdames et Messieurs, cette réponse en forme de "Oui si", elle dessine un équilibre pédagogique indispensable : d’un côté, c’est au futur étudiant et à lui seul de choisir la formation qu’il souhaite rejoindre et ce choix nous engage ; mais de l’autre, c’est aux équipes pédagogiques de définir les modalités qui lui permettront de mettre toutes les chances de côté pour atteindre cet objectif. Ce qui se scelle au travers du contrat de réussite pédagogique, c’est un pacte de confiance : confiance de l’institution universitaire dans le projet du futur étudiant, d’un côté, et confiance du futur étudiant dans l’institution universitaire pour l’accompagner vers la réussite.
Ce pacte de confiance, il traduit également, Mesdames et Messieurs les députés, notre volonté de remettre de l’humain au cœur de la procédure d’entrée en premier cycle. C’était indispensable, car le recours même à l’algorithme avait fini par rendre le système aussi peu intelligible qu’inégalitaire.
Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir le rapport de la Cour des comptes sur A.P.B., qui reconnaît tout à la fois la grande qualité technique de l’algorithme et les difficultés qu’il pose, dès lors que son fonctionnement est insaisissable pour la grande majorité des familles. Le résultat, c’étaient des modes d’emploi d’APB qui fleurissaient sur Internet et qui donnaient des conseils totalement erronés aux futurs étudiants et à leurs parents.
Ainsi, alors même qu’A.P.B. était entièrement construit autour d’une hiérarchisation des vœux qui conduisait à donner une priorité absolue aux candidats ayant placé en vœu 1 absolu une formation située au sein de leurs académies, on a vu émerger en ligne des martingales absurdes conseillant aux familles de ne réserver leur « vrai » vœu pour le vœu 2, 3 ou 4, afin de conserver des marges de manœuvre. Le résultat, c’est que les candidats qui ont suivi ces règles n’avaient tout simplement aucune chance d’avoir la formation de leur choix.
Quant au rôle de l’algorithme lui-même, Mesdames et Messieurs les députés, il était mal compris. Nous avons tous entendu ou lu des récits de lycéens qui auraient été affectés par A.P.B. dans telle ou telle formation qui n’avaient rien à voir avec leur projet et leur formation. Or nous le savons tous, c’était rigoureusement impossible : APB ne pouvait en aucun cas proposer des formations qui ne figuraient pas dans la liste de vœux initiale du futur étudiant.
Et cela signifie, Mesdames et Messieurs les députés, que figer la procédure autour de vœux arrêtés en mars et hiérarchisés définitivement en mai, c’était en vérité commettre une erreur d’analyse : parce que les futurs étudiants étaient nombreux à choisir sur la plateforme des vœux qui ne correspondaient à aucun projet, à choisir des vœux "pour voir" ou simplement pour compléter leur liste.
Aussi séduisante que puisse paraître, en théorie, l’idée de hiérarchiser les vœux, elle passait à côté de la réalité des choix faits par les candidats – des choix souvent bouleversés jusqu’à la dernière minute et c’est bien naturel.
C’est la raison pour laquelle il nous fallait construire une nouvelle plateforme, ParcourSup, qui soit cohérente non seulement avec les contraintes légales et règlementaires identifiées par la CNIL et par la Cour des comptes, mais qui réponde à notre volonté de remettre de l’humain dans une procédure qui était abstraite et illisible à force d’être automatisée.
Ce choix de remettre de l’humain, je l’assume et je le revendique. Le débat sur la plateforme, ce n’est pas un débat technique, c’est un débat politique. Nous l’avons vu avec A.P.B., un système peut être techniquement parfait, mais politiquement inacceptable.
C’est pourquoi le Gouvernement vous propose aujourd’hui d’inverser les choses et de définir ensemble, dans le cadre du débat parlementaire, les grandes règles qui ordonneront le fonctionnement de procédure d’entrée en premier cycle. Ces règles, elles échappaient jusqu’ici à tout débat et à toute formalisation juridique. Elles étaient embarquées dans la plateforme, dont les règles de fonctionnement faisaient loi. Tel ne sera plus le cas et nous aurons ainsi l’occasion d’examiner de nombreux amendements qui permettront de fixer un cadre clair permettant de répondre aux situations particulières – celle des étudiants en situation de handicap, comme l’a souhaité votre commission, ou bien encore celle des bacheliers issus des lycées français de l’étranger ou résidant dans des territoires qui ne disposent pas d’une offre de formation complète.
C’est le législateur et lui seul qui veillera ainsi aux grands équilibres de la procédure et qui garantira l’égalité des chances entre les étudiants. C’est une bonne nouvelle pour le débat démocratique, comme pour les bacheliers et leurs familles. Nous devons aller vers une plus grande transparence des règles et c’est pourquoi, vous le savez, j’ai souhaité que ParcourSup soit adossé à un comité éthique et scientifique, qui garantira à l’ensemble des candidats et à la communauté universitaire dans son ensemble que la loi est pleinement appliquée.
Et il revient à la loi, Mesdames et Messieurs les députés, de régler de manière tout aussi claire et transparente toutes les situations, y compris celle où il y aurait plus de candidats que de places dans une formation.
Cette situation, je le dis très clairement, nous ferons tout pour l’éviter : comme l’a annoncé le Premier ministre, 500 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires seront mobilisés d’ici la fin du quinquennat afin d’augmenter les capacités d’accueil des formations qui sont aujourd’hui soumises à une forte pression. Ils viendront s’ajouter aux 450 millions d’euros dégagés dans le cadre du grand plan d’investissement et aux 100 millions d’euros rendus aux étudiants en pouvoir d’achat. Soit, au total, plus d’un milliard d’euros pour financer la réforme : c’est un investissement exceptionnel que nous engageons ainsi.
D’ores et déjà, à ma demande, les recteurs d’académie se sont rapprochés des présidents d’université et des chefs d’établissement, pour travailler avec eux à l’augmentation des capacités d’accueil sur la base de ces moyens supplémentaires. Ce dialogue se poursuivra tout au long des semaines qui viennent.
Il est essentiel, car la conviction profonde du Gouvernement, c’est que notre pays a besoin de poursuivre l’élévation du niveau de qualification de sa jeunesse. C’est la clef du progrès social et individuel. Car cette transformation profonde du premier cycle, nous l’avons placée sous le signe de la lutte contre l’échec, un échec qui reste encore trop souvent la règle, avec 30 % seulement des étudiants qui obtiennent leur Licence en trois ans.
Le coût individuel de cet échec, nous le connaissons tous, Mesdames et Messieurs les députés. Et je ne crois pas un instant que l’on puisse dire qu’un système d’enseignement supérieur qui repose sur la réorientation massive de ses étudiants qui abandonnent ou échouent dans la première formation qu’ils ont choisie est un système qui fonctionne.
Bien entendu, l’échec peut être formateur et nous devons accompagner les parcours de réorientation. Mais en faire un principe pédagogique, c’est se payer de mots et c’est oublier que ce sont les plus fragiles qui risquent le plus, au fil des réorientations, d’abandonner purement et simplement leurs études. La réussite est donc notre priorité absolue.
Mais agir pour accompagner les étudiants vers la réussite, cela suppose aussi de faire preuve de pragmatisme.
Il arrive et il arrivera sans doute encore parfois, Mesdames et Messieurs les députés, malgré tous les efforts du Gouvernement et de la communauté universitaire, que les candidats soient plus nombreux que les capacités d’accueil. Et nous avons le devoir de régler collectivement ces situations, en définissant des règles claires et justes.
Si nous ne le faisons pas, alors nous verrons émerger à nouveau des règles absurdes, comme le tirage au sort, ou de petits arrangements de proximité, qui seront synonymes d’injustice.
C’est pourquoi le Gouvernement vous propose d’adopter un principe simple et juste : quand les capacités d’accueil sont dépassées, il faut bien ordonner les candidatures et la seule manière équitable de faire, c’est de les ordonner sur la base d’une analyse de la cohérence entre le projet du futur étudiant, ses acquis et ses compétences d’une part et les caractéristiques de la formation, d’autre part.
Et je veux être très claire sur ce point : je suis prête à avoir toutes les discussions, tous les débats et nous les aurons. Mais à ceux qui condamnent cette manière de faire, je répondrai en posant une question et une seule : si cette règle ne convient-pas, que faisons-nous ? Quelle est la proposition alternative ? Le tirage au sort ? La construction en l’espace de quelques mois de deux ou trois universités supplémentaires ?
La réalité, Mesdames et Messieurs les députés, c’est que cette question, je l’ai posée à l’ensemble de la communauté universitaire depuis bientôt six mois et que depuis six mois, personne, je dis bien personne, ne m’a fait de proposition alternative.
Et pour une raison simple : la seule autre manière de faire, c’est de tirer au sort et je crois que sur tous les bancs de cette Assemblée, nous y sommes opposés. Ou bien on prend en compte la personne du futur étudiant, ou bien on ferme les yeux sur tout ce qui fait sa singularité. Il n’y a pas d’autre voie envisageable et c’est dans ce champ des possibles que notre débat doit avoir lieu.
Le Gouvernement, pour sa part, a pris ses responsabilités et vous propose d’instituer des règles justes et claires. A nos yeux, il n’y a pas d’autre solution possible.
Nos responsabilités, elles impliquent également que nous prenions toutes les mesures pour garantir à chaque candidat qu’il aura bien, demain, la possibilité de poursuivre ses études en premier cycle. C’est pourquoi le projet de loi vous propose de confier au recteur la mission de mobiliser, avec l’ensemble des chefs d’établissement, l’offre de formation pour faire une proposition à tous ceux qui, par exemple, n’auraient eu que des réponses négatives en filière sélective. Et ils sont nombreux, tout particulièrement parmi les bacheliers technologiques et professionnels.
Nos responsabilités, nous les prenons également en vous proposant de donner à l’Etat son plein rôle de garant des équilibres de la procédure, en mettant en place des pourcentages minimaux de boursiers et de candidats issus d’une autre académie. Car c’est ainsi que nous pourrons redonner toute leur place aux mobilités sociales et géographiques. C’est essentiel, si nous voulons donner à cette transformation son plein sens : celui d’une réforme de progrès, d’une réforme qui redonne à l’enseignement supérieur son plein sens de tremplin vers la réussite et de moteur de l’égalité.
Et c’est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, ni le Gouvernement ni la commission n’ont hésité, comme les y invitaient certains d’entre vous, à graver dans le marbre de la loi la vocation émancipatrice de l’enseignement supérieur.
Cette émancipation, elle est personnelle et intellectuelle, bien sûr, elle doit aussi être matérielle et c’est pourquoi, Mesdames et Messieurs, le Premier ministre a souhaité que les conditions matérielles d’études soient placées au cœur du plan Etudiants dont ce projet de loi est la traduction législative.
Et dans ce domaine aussi, nous devons faire plus pour les plus fragiles. C’est vrai dans tous les domaines – même et y compris dans celui de la santé. Longtemps, la question de la santé des étudiants est restée relativement marginale. L’existence du régime délégué de sécurité sociale étudiante y a contribuée : par une forme de paradoxe, la gestion de ce régime par les mutuelles étudiantes nous a en quelque sorte collectivement déchargés de la question.
La meilleure preuve, c’est l’indifférence qui a prévalu face à la très faible qualité de service et d’accès aux soins proposée aux étudiants. Il a fallu que les rapports émanant d’instances indépendantes se succèdent pour que vienne enfin sur la place publique ce que bien des parents d’étudiants savaient déjà : qui disait régime étudiant disait retard dans l’émission des cartes Vitales, retard dans les remboursements, au point de conduire à des situations fréquentes de non-recours aux soins. Et là aussi, les premiers à en souffrir étaient les plus fragiles, ceux-là mêmes qui faute de pouvoir attendre un remboursement préféraient renoncer aux soins.
Je le dis très clairement : ce n’est pas acceptable et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de supprimer la délégation de gestion, afin de permettre aux étudiants de bénéficier du même niveau de service et d’accès aux soins que l’ensemble de la population.
Dès la rentrée 2018, les nouveaux étudiants seront concernés, puis, à la rentrée 2019, ce sera l’ensemble des étudiants. C’est une évolution profonde, mais nécessaire. Il est bien entendu essentiel, en parallèle, d’accompagner les personnels et d’être attentif au devenir des entreprises que sont les mutuelles étudiantes.
C’est la volonté du Gouvernement. La reprise des personnels concernés par les C.P.A.M. est garantie et interviendra de plein droit. Quant aux mutuelles elles-mêmes, elles poursuivront leur activité complémentaire et je suis certaine qu’elles sauront trouver une nouvelle place et un nouvel équilibre. Elles ont une vraie expertise dans le contact avec ce public singulier qu’est le public étudiant. Il s’agit à l’évidence d’un avantage compétitif.
Je veux également être très claire : la fin de la délégation de gestion ne signifie pas un recul de la prise en charge des étudiants. C’est au contraire l’occasion de revisiter en profondeur et de renforcer nos politiques de prévention à destination des jeunes actifs. A l’échelle nationale, les fonds de prévention vont dégager des lignes de soutien particulières. A l’échelle territoriale, nous allons renforcer les SUMPPS et créer de nouveaux centres de santé dans les universités : ils interviendront dans un cadre rénové de coopération en matière de santé et de prévention au service des étudiants. Les organismes complémentaires y auront toute leur place.
Et sur tous ces sujets, je suis convaincue que nous parviendrons ensemble à enrichir très largement ce projet de loi en replaçant, là aussi, les étudiants au cœur des politiques de santé qui les concernent. Aux yeux d’Agnès Buzyn et aux miens, c’est en effet une nécessité absolue : nous voulons que les étudiants puissent être acteurs de leur santé comme ils doivent être acteurs de leurs parcours universitaires.
Votre commission, à l’initiative de votre rapporteur, a fait des propositions fortes et ambitieuses dans ce domaine : le Gouvernement y sera favorable et je saisi cette occasion pour saluer le travail remarquable qui a été réalisé par les commissions et par les rapporteurs. Vous avez su nourrir et renforcer ce texte, en apportant des garanties concrètes à tous les étudiants : je tenais à vous en remercier.
Enfin, vous le savez, ce plan Etudiants est également l’occasion d’engager un effort déterminé au service du pouvoir d’achat et de la vie étudiante. Avec la suppression dès 2018 de la cotisation de sécurité sociale étudiante de 217€ et la création de la cotisation de vie étudiante, nous pourrons rendre près de 100 millions d’euros de pouvoir d’achat aux étudiants. C’est considérable : l’engagement du Premier ministre de baisser le coût de la rentrée universitaire sera tenu dès 2018.
Nous pourrons également ainsi rénover en profondeur la vie étudiante, en permettant à chaque étudiant d’accéder gratuitement, s’il le souhaite, aux activités culturelles et sportives. Là aussi, d’une université à l’autre, les étudiants étaient tenus de payer des sommes variables, sans que les boursiers ne soient systématiquement exonérés, loin s’en faut.
Je sais, Mesdames et Messieurs les députés, que certains d’entre vous s’interrogent sur le sens d’une différenciation par cycle du niveau de la contribution. Des propositions ont été formulées par les commissions et par les différents groupes pour parvenir à instaurer un taux unique pour l’ensemble des étudiants. Sur le principe, j’y suis favorable : il nous reste à définir le bon montant, afin de garantir le respect des équilibres globaux du dispositif.
Cette contribution, Mesdames et Messieurs les députés, elle sera recouvrée par les CROUS. Cela a parfois créé des interrogations. Je veux être très claire sur ce sujet : cette contribution, ce n’est en aucun cas un droit d’inscription supplémentaire qui serait dû à un établissement déterminé, c’est une contribution au service de la vie étudiante dans son ensemble qui est demandée à tout étudiant, qu’il soit à l’université ou dans une école, publique ou privée. Et l’interlocuteur universel qui est ouvert par principe à tout étudiant, c’est le CROUS – un CROUS qui, au demeurant, jouera essentiellement le rôle de collecteur. In fine, la très grande majorité du produit de cette contribution sera en effet reversée aux établissements eux-mêmes.
Je sais enfin qu’un certain nombre d’entre vous souhaitent que la liste des établissements bénéficiaires du produit de cette contribution soit complétée : là aussi, nous aurons l’occasion d’y revenir, mais j’y suis favorable sur le principe.
Vous le voyez, Mesdames et Messieurs les députés, ce projet de loi est bien plus qu’un texte qui viendrait modifier une plateforme d’entrée en premier cycle. Il traduit une vision et une ambition globales pour notre jeunesse et pour notre enseignement supérieur.
Car ce texte n’a pas été élaboré en chambre par le Gouvernement. Il est le fruit d’une longue et d’une large concertation avec l’ensemble des acteurs, il est issu des travaux de onze groupes de travail et de centaines d’heures de réflexion conduite avec les organisations syndicales, les étudiants, les lycéens, les parents d’élèves, les présidents d’université.
Bien entendu, il y a eu des différences, parfois des divergences. Au fil des discussions et des échanges, nous avons, je le crois, su trouver des équilibres qui permettront à ce texte de produire tous ses effets. J’en veux pour preuve le fait que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, lui a apporté son soutien. C’est un fait inédit dans l’histoire récente de notre enseignement supérieur et je veux, devant la représentation nationale, remercier tous ceux qui, durant des semaines, se sont engagés pleinement dans ce dialogue pour nous aider à construire des solutions concrètes.
Ces solutions, Mesdames et Messieurs les députés, elles sont pragmatiques, parce qu’elles ont été construites avec les acteurs eux-mêmes. C’était indispensable, car c’est sur eux que reposera, demain, la charge de sa mise en œuvre. Et je sais que, demain, ils seront au rendez-vous, car les équipes pédagogiques sont d’ores et déjà à pied d’œuvre.
Car cette réforme, Mesdames et Messieurs les députés, elle se nourrit des multiples initiatives que les enseignants et les enseignants-chercheurs ont pris, sur le terrain, depuis plusieurs années, afin d’accompagner leurs étudiants. Ces initiatives sont remarquables et bien souvent encore méconnues, alors même qu’elles sont de nature à faire changer le regard que nous portons sur l’université. Avec cette transformation du premier cycle, mon souhait, c’est de poser le cadre qui permettra à ces initiatives de s’épanouir et de se développer dans l’ensemble des mentions, des U.F.R. et des établissements.
Cet après-midi, devant la représentation nationale, je veux donc saluer l’engagement de l’ensemble des enseignants, des enseignants-chercheurs et des personnels et leur dire qu’avec les organisations représentatives, je travaillerai à faire en sorte qu’il soit mieux reconnu. C’est une nécessité.
Plus largement encore, je tiens à saluer la mobilisation de l’ensemble de la communauté universitaire – et notamment des conférences de doyens, qui ont saisi toute l’importance de cette réforme du premier cycle et qui ont d’ores et déjà fourni un travail considérable pour qu’à la rentrée prochaine, tout soit prêt pour accueillir nos étudiants dans les meilleures conditions. Ils l’ont fait en lien étroit avec les présidents d’université, qui jouent un rôle déterminant dans la réforme qui s’engage, afin de redonner au premier cycle universitaire et à nos universités toute la place qui leur revient.
Concertation, équilibre et pragmatisme : ce sont là les grandes règles que je me suis fixée et qui guident mon action. Elles seront également au cœur de nos débats et je suis certain qu’ensemble, Mesdames et Messieurs les députés, nous saurons faire évoluer ce texte avec un seul objectif, une seule boussole : mieux accompagner les étudiants vers la réussite.
Je vous remercie.