Comprendre le rôle des écosystèmes pour mieux les protéger
Connaître et faire connaître les espèces
L’ichtyologie est l’étude des poissons. Les scientifiques spécialisés dans cette branche de la zoologie répertorient, entre autres, les espèces en s’intéressant à la diversité taxonomique, les processus évolutifs, la génétique des populations ou encore l'approche morphologique. Connaître les espèces est un travail indispensable avant toute action scientifique, écologique ou économique. Elles ont toutes des besoins différents ou peuvent être un mélange d'espèces, ce qui ne répondrait pas au besoin initial.
La taxonomie est une discipline qui fait partie des sciences naturelles. Elle vise à étudier la diversité du vivant et la classifier. On y retrouve deux branches :
- L’alpha-taxonomie, qui consiste à identifier les espèces et caractériser des unités élémentaires du vivant.
- La beta-taxonomie, qui permet de comprendre comment les espèces cohabitent entre elles, quels sont leurs liens d’un point de vue évolutif…
Les scientifiques travaillent également sur les gênes des poissons pour mieux les comprendre. La génétique des populations est une méthode qui permet de quantifier les échanges de gênes entre les individus et définir le fonctionnement d’une espèce. Dans le cas par exemple d’un programme de réhabilitation d’une espèce menacée, il est important que l’ensemble des acteurs décisionnaires parlent d’une même espèce et s’assurent qu’il n’y ait pas de mélanges.
Remonter le cours d'eau... ou plutôt de l’histoire
Comprendre le passé pour comprendre le présent, c’est le travail fascinant et minutieux de certains scientifiques. L'intérêt de faire un inventaire des espèces, en plus d'avoir une vision sur la diversité ichtyologique, est aussi de nombreuses questions : savoir comment les éléments sont structurés, quels sont leurs liens, leur dépendance, comment et pourquoi des groupes ont évolué, comment ils sont arrivés dans une région... Il est donc possible de remonter dans le temps grâce à des outils utilisés en génétique !
Pour aller plus loin, l’étude phylogénétique permet plus particulièrement d’analyser les liens de parenté d’une espèce dans le temps, entre des individus qui existent et ceux qui n’existent plus. L'objectif de cette démarche est de retracer son évolution et construire une sorte d’arbre généalogique.
Raconter l'histoire d'une rivière, c'est possible... D'autres chercheurs, comme les écologues, s’intéressent aux interactions entre les êtres vivants et analysent les conséquences de l’activité humaine sur l’environnement dans le temps. Ils travaillent avec des statisticiens, des personnes qui utilisent les systèmes d’information géographique pour cartographier ou calculer des variables, des sociologues ou encore des modélisateurs. Ces derniers font des "modèles mécaniques", c’est-à-dire qu’ils essaient de simuler la dispersion des espèces à partir de paramètres biologiques. Ils peuvent ainsi raconter l’histoire géologique d’une rivière, par exemple, et expliquer pourquoi les communautés de poissons se sont structurées de cette façon, à un instant précis.
Envie de remonter encore plus loin dans le temps ? Tournons-nous vers l’archéoichtyologie, une discipline qui s’intègre à l’archéozoologie. Il s’agit de reconstituer l’histoire relationnelle entre l’humain et les poissons, à partir des restes osseux. L’objectif est de comprendre leurs interactions et les évolutions de notre société dans les communautés anciennes. Une récente étude à laquelle a participé le Muséum national d’Histoire naturelle indique que les poissons d’eau douce seraient un marqueur des débuts de l’anthropocène, donc d’une nouvelle époque géologique par les activités humaines, qui commencerait au milieu du XXe siècle.
Poissons ? Présents !
Si des poissons manquent à l'appel dans un milieu donné, les scientifiques s'interrogent sur leur disparition ou les conséquences de marqueurs extérieurs. Au contraire, s'ils sont présents alors qu'on ne les attendait pas, les questions se posent sur l'impact d'une réhabilitation ou des répartitions. Il est possible de détecter la présence d’une espèce grâce à l’analyse de l’ADN environnemental, une technique non invasive qui consiste à identifier des traces d'ADN à partir de prélèvements d’eau. Des scientifiques ont pu prouver que des espèces déclarées disparues ne l'étaient finalement pas. S'il est question d'expliquer la répartition des communautés de poissons, alors on parle de biogéographie, une branche de la macro-écologie.
La présence des poissons peut également révéler de précieuses informations sur la qualité des milieux, car ils jouent un rôle essentiel dans le bon fonctionnement des écosystèmes. L'Indice Poissons Rivière est l'indicateur de référence, créé pour traduire les différents problèmes présents sur les cours d'eau (pollutions et leurs impacts sur la qualité de l'eau, artificialisation des cours d'eau et des milieux aquatiques comme la disparition des zones humides...).
Le saviez-vous ?
Les rivières et les lacs couvrent environ 1 % de la surface du globe et 10 % des espèces y sont répertoriées. L’océan quant à lui couvre 75 % de la surface de la Terre et pourtant environ 10 % d’espèces y sont également répertoriées. Il y a donc presque autant d’espèces d’eau douce que d’espèces marines connues pour une surface radicalement différente.
Comment vont les poissons ?
Restaurer les écosystèmes
A partir de la compréhension biologique d’une espèce au préalablement menée, les chercheurs peuvent s’interroger sur la "restauration" des écosystèmes dégradés par la pollution, la destruction des milieux, l’activité humaine... Il existe ce qu’on appelle la restauration passive, qui consiste à réduire les causes de dégradation, et la restauration active, qui favorise la réinstallation des espèces et leurs besoins dans les milieux dégradés. La réhabilitation est une méthode qui permet de faire revenir une partie des espèces et des fonctionnalités d’un écosystème, à défaut d’obtenir une restauration écologique complète, plus difficile à atteindre.
Restauration, réhabilitation, compensation ? Tout savoir sur le site de l’Ifremer
Changement climatique : effets et anticipation
Pour anticiper les effets du changement climatique, les chercheurs modélisent les écosystèmes, évaluent leur évolution potentielle et imaginent des solutions de résilience.
L’Ifremer étudie les modifications qui s’opèrent sur les courants et l’acidité des eaux marines et ses conséquences sur les écosystèmes et les organismes vivants. Le changement climatique influe par exemple sur la survie des œufs et des larves des poissons ou sur la physiologie et le comportement de la Dorade, selon des chercheurs du CNRS.
D'autres études sont menées sur plusieurs espèces au sujet des modifications de températures et d’acidification . On constate, chez certaines espèces :
- une modification de la répartition des espèces ;
- une diminution de l’alimentation ;
- une diminution de la taille et du poids des individus ;
- une période de ponte modifiée et des portées précoces ;
- une masculinisation des individus augmentée.
La pollution et la contamination ont des effets notables sur les milieux marins, notamment les pesticides, les microplastiques et nanoplastiques, rejets industriels… Les pesticides par exemple laissent leur empreintes dans les océans car ils peuvent y rester durant des décennies ou se retrouver à -3 000 mètres.
Ces chiffres sont estimés par des chercheurs de laboratoires affiliés à l’IRD. Leur étude précise ces résultats grâce à une méthodologie innovante fondée sur l’utilisation de la plus importante base de données réalisée à partir de sonars immergés. Cette diminution de la faune aurait des conséquences sur les écosystèmes et bien au-delà.
Si les changements globaux peuvent provoquer des effets néfastes, certains phénomènes font naître de nouvelles espèces et de nouveaux écosystèmes. Le tétra aveugle par exemple est un poisson qui s'est retrouvé coincé dans une grotte et qui, au fil des siècles, a vu ses yeux disparaître.
Programmes et équipements prioritaires de recherche
- Le PEPR Bridges s’intéresse aux enjeux de gestion durable des ressources marines dans le sud-ouest de l’océan Indien.
- Le PEPR ATLASea a comme objectif de séquencer le génome de 4 500 espèces marines pour comprendre et préserver les écosystèmes.
Peut-on encore manger du poisson ?
La consommation de poisson et la surpêche posent toujours de nombreux problèmes sur la gestion des ressources et la protection des espèces. Manger du poisson, sans vider les océans, la question se pose toujours... Depuis quelques années, la qualité nutritionnelle des produits de la mer diminue, tandis que leur consommation a doublé. Entre qualité et quantité, l'équilibre semble difficile à atteindre. L’Ifremer propose une synthèse annuelle de l’état des populations de poissons exploitées en France. Si certains chiffres s’améliorent, les taux qualitatifs restent toujours trop bas.
Le rôle des chercheurs en halieutique est de répondre aux nouveaux défis sociétaux pour atteindre une pêche responsable et une aquaculture durable. L’Ifremer opère le Système d'Informations Halieutiques, un réseau scientifique national d'observation des ressources, pour apporter des connaissances à la recherche et contribuer à une exploitation durable.
D’autres chercheurs sont spécialisés en écologie trophique, c’est-à-dire la relation des organismes consommés vis-à-vis de ceux qui les consomment.
La pêche est une pratique qui peut laisser entrevoir dans ses filets des espèces menacées. Un dessinateur scientifique et deux écologues marins de l’IRD et du MNHN ont voulu valoriser ces animaux oubliés dans un ouvrage qui peint les invisibles et sensibilise à travers la fascination.