Publié le 11.02.2025

Mille et une orchidées... à protéger !

La 12e édition de l’exposition Mille & une Orchidées est lancée ! Ce voyage au cœur des grandes serres du Jardin des Plantes invite le public à admirer de plus près la beauté et la variété de ces plantes, mais pas seulement… Ce parcours est pensé pour nous sensibiliser à leur fragilité, car certaines espèces d’orchidées sont menacées d’extinction. Pourquoi sont-elles en danger ? Que font les chercheurs pour participer à leur protection ? On vous répond.

L'exposition Mille & une Orchidées du Muséum national d'Histoire naturelle a lieu dans la serre des forêts tropicales humides, du 6 février au 10 mars 2025. Elle propose une scénographie végétale haute en couleurs, avec des orchidées épiphytes, des décors floraux, mais aussi une exposition photographique, la présence d'associations d’orchidophilie, des animations…

 

30 000 espèces d'orchidées sont connues dans le monde.

160 espèces d'orchidées sont connues en France métropolitaine.

27 espèces d'orchidées de France métropolitaine sont menacées d'extinction, soit 1 sur 6.

50 %des espèces d'orchidées sont considérées comme menacées à l'Île de La Réunion, soit 86 sur 165 connues.

Pourquoi sont-elles menacées ?

Certaines espèces d'orchidées sont menacées pour plusieurs raisons : 

  • les cueillettes excessives dans les milieux naturels ;
  • la destruction de leurs habitats (forêts tropicales, zones humides, pelouses calcicoles...) ;
  • le déclin de leurs pollinisateurs (insectes, oiseaux, chauves-souris) ;
  • le réchauffement climatique ;
  • l'urbanisation ;
  • la destruction des forêts ;
  • la pollution des sols ;
  • les incendies, liés à la sécheresse.

Quel est le rôle des chercheurs ?

Description

Les chercheurs interviennent particulièrement dans la connaissance des espèces, car mieux les connaître, c'est proposer des mesures de protection les plus appropriées possible.

Connaître une espèce demande des spécialisations dans plusieurs domaines, à travers leur description, leur classification, l’étude de leur répartition géographique, de leur biologie de reproduction...

La taxonomie, plus précisément, permet d'identifier et de classifier les espèces, pour informer et alerter si besoin sur leur évolution.

La phytogéographie, c'est-à-dire l'étude de la répartition des végétaux à la surface de la Terre, permet quant à elle de mieux comprendre leur évolution et leur adaptation face aux changements globaux.

Multiplication

Certains chercheurs effectuent des travaux de multiplication végétative, principalement grâce à la technique de culture in vitro. Cette technique permet de régénérer une plante à partir de ses cellules ou tissus végétaux. Elle est souvent utilisée pour la sauvegarde des espèces endémiques menacées, des espèces qui ne poussent que dans une région géographique déterminée.

Conservation

Dans les jardins botaniques, on fait ce qu’on appelle de la conservation ex situ, c'est-à-dire qu’on conserve des espèces et des taxons en dehors de leur milieu naturel. Pour des espèces qui sont menacées parce que leur milieu de vie est en danger, le fait de les conserver dans des jardins botaniques permet de préserver la ressource. 

Sophie Kling, responsable scientifique des collections végétales vivantes de plein air des jardins botaniques du MNHN

Sensibilisation

Les chercheurs font aussi un travail de sensibilisation, comme ici par exemple, à travers une exposition qui s'adresse au grand public. 

Vulgariser et diffuser l’information, donc la connaissance, participe à leur protection. 

Denis Larpin, enseignant-chercheur et botaniste au MNHN

D'autres actions permettent de sensibiliser le public mais aussi les décideurs, comme la liste rouge des espèces menacées de l'UICN. Elle établit, à un niveau mondial, le degré de menaces qui pèsent sur l'ensemble des espèces. Ces indications permettent, en plus de sensibiliser, de suivre l'évolution des populations ciblées et proposer des solutions prioritaires pour protéger la biodiversité.

Voir la liste rouge des orchidées

Rencontre avec les spécialistes, au cœur de l'exposition...

On retrouve des orchidées quasiment sur tous les continents, tout autour du monde, sauf dans les régions désertiques et les régions polaires et puis c'est une famille avec une diversité très impressionnante en termes de couleurs, de formes, mais aussi d'adaptation à leur environnement.

Je m'appelle Sophie Kling et je suis responsable scientifique des collections végétales vivantes des jardins botaniques du Muséum, pour la partie plein air.

Nous nous trouvons aujourd'hui dans les grandes serres du Jardin des Plantes, en particulier dans la serre des forêts tropicales, qui est un écrin idéal pour accueillir l'exposition Mille et une orchidée.

Je suis Denis Larpin, je suis enseignement-chercheur au Muséum national d'Histoire naturelle à Paris, je suis botaniste.

En France métropolitaine, en tout cas dans les climats tempérés, on compte à peu près 160 espèces d'orchidées sauvages et une espèce sur six est menacée d'extinction pour plusieurs raisons.

Une des premières c'est la disparition de leurs habitats naturels. On peut citer par exemple l'Orchis des Marais qui qui vivent dans des milieux tourbeux et des mares acides et qui est victime en fait de l'assèchement des zones humides, qui se produit actuellement en France. On peut aussi citer l'Ophrys d'amenin, qui est une autre espèce d'orchidée, cette fois-ci qui est endémique des Grandes Causses et qui vit sur des bois et des pelouses ouvertes et qui cette fois-ci est victime de refermement des milieux agricoles et d'une déprise agricole. Une autre raison de leur menace c'est malheureusement les prélèvements et les cueillettes sauvages. Là on peut citer l'exemple du sabot de Vénus.

C'est déjà une collecte importante par les gens mais qui reste quand même mineure par rapport au grand trafic d'orchidées qui existe dans le monde. Cela menace énormément leur présence dans différents milieux, leur diversité après il y a tout le reste il y a toutes les causes anthropiques le surpâturage la, destruction des forêts bien entendu, la pollution des sols, les incendies qui sont de plus en plus importants avec le le réchauffement climatique, les périodes de sécheresse, l'urbanisation... Il y a beaucoup de causes.

On peut enfin citer le réchauffement climatique qui va probablement accélérer certains processus de disparition et là on peut citer l'Orchis nain, qui est une une orchidée qui vit principalement dans les départements alpins, à plus de 2000 mètres d'altitude. A cause du réchauffement climatique son état de végétation va probablement remonter, ce qui va entraîner une diminution des habitats potentiels dans lesquels elle va pouvoir vivre à l'état sauvage.

Dans les jardins botanique on fait ce qu'on appelle de la conservation ex situ, c'est-à-dire qu'on conserve des espèces et des taxons en dehors de leur milieu naturel. Donc finalement pour des espèces qui sont menacées parce que leur milieu de vie est en danger, le fait de les conserver dans des jardins botaniques permet de préserver la ressource. Donc on a des collections principalement tropicales au Jardin des Plantes et à l'arboretum de Versailles-Chèvreloup, qui permettent de conserver ces souches sauvages . On effectue aussi des travaux de multiplication sur les orchidées, principalement par la technique de culture in vitro, qui permet en fait de lever des freins qu'on peut observer en multiplication classique, soit par les semence, soit par de la multiplication végétative. La culture in vitro permet de lever ces freins et de pouvoir continuer à conserver ces collections qui sont extrêmement précieuses.

En 2009, il y a eu un gros travail commun entre le Muséum national d'Histoire naturelle, la Société française d'orchidophilie, la Fédération française des conservatoires botaniques nationaux et le Comité français de l'UICN, qui ont réalisé un gros travail d'état des lieux de toutes les orchidées sauvages en France et qui ont permis d'amender la liste rouge des espèces menacées françaises. Donc ça a permis d'avoir vraiment ces chiffres et de pouvoir savoir que 27 espèces françaises sont menacées d'extinction. Cette liste rouge n'a pas vocation légalement à protéger mais c'est un indicateur qui peut servir au pouvoir public et aux amateurs. Elle sert d'outil de sensibilisation pour pouvoir mettre en place des mesures de de protection officielle.

Il y a des chercheurs, des spécialistes des orchidées, qui étudient ce cette famille exceptionnelle, donc qui vont sur le terrain, qui inventorient, qui décrivent, qui étudient la biologie de la reproduction, la phyogéographie. En fait, mieux connaître leur biologie, leur fonctionnement, leur répartition, c'est aussi mieux les protéger.

Qu'en pense le botaniste Serge Muller ?

Serge Muller est botaniste, professeur émérite du Muséum national d'Histoire naturelle, expert de la commission "sauvegarde des espèces" de l'UICN et ancien président du Conseil national de la protection de la nature.

Quelles sont les espèces les plus menacées ?

L’UICN distingue trois niveaux croissants de statut de menace : les espèces vulnérables (VU), les espèces en danger d’extinction (EN) et les espèces en danger critique d’extinction (CR), auxquelles s’ajoutent les espèces éteintes au niveau régional (RE) et au niveau mondial (EW). Pour la métropole, une espèce est classée RE (c’est l'Anacamptis collina), 4 EN et 23 VU, alors que pour l’île de La Réunion, il y a 1 espèce EW (c’est l'Angraecum palmiforme), 1 RE, 28 espèces CR, 22 EN et 36 VU, soit une proportion beaucoup plus importante d’espèces en danger et en danger critique d’extinction.

Y a-t-il eu une évolution ces dernières années ?

Des protections ont heureusement été mises en place, d’abord concernant leur commerce dans le cadre de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction), puisque les espèces d’orchidées les plus menacées figurent à l’annexe I (commerce interdit) et toutes les autres à l’annexe II (commerce assujetti à autorisation). Ensuite, les espèces les plus menacées sont légalement protégées par les États (par exemple 18 espèces en France métropolitaine, auxquelles s’ajoutent des espèces protégées dans certaines régions, et 38 à l’île de La Réunion). Des sites abritant des orchidées rares et menacées bénéficient en outre de mesures de protection réglementaire (parcs nationaux, réserves naturelles…). Mais malgré ces diverses mesures de protection, la destruction de leurs habitats reste la menace principale sur ces espèces.

Que faut-il faire pour les protéger ?

Pour les protéger, il faut d’abord interdire leurs prélèvements dans la nature et lutter contre leur commerce illégal, mais également protéger leurs habitats, que ce soient les forêts tropicales, les marais et autres zones humides, ainsi que les pelouses calcicoles. Dans certains cas, en particulier pour les espèces inféodées aux prairies et aux pelouses créées depuis des siècles pour l’alimentation des animaux domestiques, des modes de gestion conservatoire (pâturage extensif ou fauche sans fertilisation) doivent être mis en place.

Quel est le rôle du Muséum ?

Le Muséum intervient d’abord dans la connaissance taxonomique des espèces d’orchidées (comme pour toutes les autres espèces) et ceci grâce également aux nombreux spécimens conservés dans l’Herbier du Muséum. A partir de cette connaissance des espèces, de leur répartition, de leur biologie et écologie, les botanistes du Muséum contribuent à l’évaluation des menaces et à leur inscription sur les listes rouges nationales et la liste rouge mondiale d’espèces menacées, en vue d’assurer leur protection règlementaire et de créer des zones protégées.