Quatre priorités sont identifiées :
- Diminuer rapidement l’utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement.
- Structurer et renforcer la recherche sur les impacts des produits phytopharmaceutiques sur la santé en soutien du renforcement de la protection des populations.
- Accompagner la recherche d’alternatives et la mise en œuvre de ces solutions par les agriculteurs.
- Renforcer le plan Ecophyto 2, améliorer sa gouvernance et son fonctionnement.
Le document reprenant les principales actions correspondant à ces priorités est accessible en ligne. Certaines actions sont déjà engagées (mobilisation au niveau européen, proposition législative relative à la séparation des activités de vente et de conseil) ou seront mises en œuvre sans délai (approfondissement des expertises sanitaires). Ces actions tiendront compte de la spécificité des outre-mer et s'appliqueront à ces territoires.
Ces propositions prennent en compte les recommandations des ateliers des Etats Généraux de l’alimentation, du rapport de l’INRA sur les alternatives au glyphosate, publié le 1er décembre 2017 et du rapport des trois inspections (IGAS, CGAAER, CGEDD) sur l’utilisation des produits phytopharmaceutiques en France, remis en fin d’année aux ministres commanditaires. Ce rapport fait le point sur les enjeux sanitaires et environnementaux de l’utilisation de ces produits, sur la stratégie de retrait progressif mise en œuvre au niveau européen et national, sur les mesures de réduction des risques liés à l’utilisation de ces produits et sur les freins au développement des alternatives et à leur utilisation.
La concertation sera menée sur ces bases en prenant appui sur le programme Ecophyto, qui sera revu et adapté en conséquence. Des consultations seront initiées rapidement avec les parties prenantes par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, le ministère de la transition écologique et solidaire, le ministère des solidarités et de la santé et le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, afin de prendre en compte l'ensemble des préoccupations.
Propositions de plan d’actions sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides
Priorité 1 – Diminuer rapidement l’utilisation des substances les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement.
Il est proposé de reprendre le calendrier proposé par la mission CGAAER-IGAS-CGEDD.
La France s’opposera au renouvellement ou à la prolongation des substances les plus préoccupantes au niveau européen. Les ministères saisiront l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour arrêter, le cas échéant, les mesures de gestion nécessaires (retrait d’autorisation de mise en marché, restriction d’usages) et des études complémentaires.
Le glyphosate s’inscrira dans cette approche, nationale et européenne et fera l’objet de nouvelles études, y compris des études toxicologiques expérimentales, dont le résultat sera attendu d’ici 3 ans.
Améliorer le dispositif d'évaluation des substances actives et des produits phytopharmaceutiques
Propositions d’action :
- Appuyer la mise en place d'un mécanisme européen permettant aux agences d'évaluation nationales et européennes de conduire des études indépendantes d’évaluation des risques pour les substances les plus controversées.
- Réviser la législation européenne sur les produits phytopharmaceutiques, pour un système plus sûr, plus transparent et plus simple.
Veiller au respect du calendrier européen de sortie des molécules les plus préoccupantes et accélérer sa mise en œuvre.
Propositions d’action :
- Demander à la Commission européenne qu’elle mette fin dans les meilleurs délais à l'approbation des substances classées cancérogènes de catégorie 1 (C1A ou C1B), ou toxiques pour la reproduction de catégorie 1 (R1A ou R1B), ou perturbateurs endocriniens ;
- Engager une revue des substances les plus préoccupantes mentionnées par la mission IGAS CGAER CGEDD dont l’approbation européenne expire après 2018, afin d’engager des expertises scientifiques complémentaires dès 2018 et adopter les mesures de restriction d’usage en France si les études apportent des éléments nouveaux en termes de dangerosité ;
- Faire évoluer le droit européen pour permettre à chaque Etat membre d’engager unilatéralement le retrait des substances préoccupantes quand il existe des alternatives acceptables (révision en profondeur des modalités d'évaluation comparative prévues par le Règlement 1107/2009).
- Identifier les substances qui peuvent être considérées comme préoccupantes au regard des risques qu'elles peuvent présenter pour la santé publique ou l'environnement afin de les inscrire sur la liste des substances dont on envisage la substitution. Ce travail sera effectué par l'Anses au titre de la fréquence de leur détection dans les différents compartiments (aliments, eau, air) et des signalements dont elles ont pu avoir fait l'objet au titre de la phytopharmacovigilance.
- Prendre en compte les effets"cocktail" et cumulatifs des pesticides dans le cadre de l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement, notamment dans la détermination des limites maximales de résidus.
- Mener une expertise collective (Inserm) et élaborer un cahier des charges en vue de lancer une nouvelle étude expérimentale sur la dangerosité du glyphosate (Anses) afin de porter ses résultats au niveau européen.
Associer les filières dans la transition des systèmes agricoles
Propositions d’action :
- Engagement sur des objectifs quantifiables et vérifiables de réduction de la consommation de phytosanitaires dans chaque plan de filière et sur l’accompagnement par les acteurs de l’aval et de l’amont des filières de cette transition.
Séparer les activités de distribution et de conseil
Propositions d’action :
- Garantir la séparation capitalistique des activités de conseil et de vente : une habilitation à légiférer par ordonnance est inscrite dans le projet de loi.
- Préciser les objectifs et le contenu du conseil annuel individualisé afin qu'il contribue efficacement à la réduction des usages, des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques.
- Encadrer les pratiques en matière de vente de produits phytopharmaceutiques (interdiction des promotions et des rabais). Une disposition en ce sens est inscrite dans le projet de loi.
- Renforcer et pérenniser le dispositif des Certificats d’économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) avec notamment la mise en place d’un objectif intermédiaire en 2019.
Revoir la redevance pour pollutions diffuses pour inciter à réduire les consommations et contribuer au financement des transitions.
Propositions d’action :
- Revoir les modalités de calcul de la redevance pour pollution diffuse afin de rendre celle-ci plus efficace et plus désincitative pour les produits les plus à risques et contribuer au financement des actions d’accompagnement.
Priorité 2 – Structurer et renforcer la recherche sur les impacts des produits phytopharmaceutiques sur la santé en soutien du renforcement de la protection des populations.
L’objectif est de renforcer les moyens pour protéger les professionnels et leur famille, les riverains et la population en général, en développant la recherche et la prévention des enjeux sanitaires et environnementaux de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.
Ces actions viennent compléter la priorité 1 sur l’élimination des substances les plus préoccupantes pour la santé et l’environnement.
Structurer et renforcer la recherche sur les impacts des produits phytopharmaceutiques sur la santé
Propositions d’action :
- Améliorer la coordination des travaux en cours dans le cadre des différents programmes de recherche, de la phytopharmacovigilance ou encore du plan Ecophyto.
Coordination impliquant les alliances de recherche (Aviesan, AllEnvi), les agences sanitaires (Anses, ANSP, Inserm, INCa,...) et les ministères afin de structurer et prioriser les recherches.
Intégration, au sein du comité scientifique d’orientation "Recherche et innovation"(CSOR&I) du plan Ecophyto, d’une section santé-environnement pour les études et recherches sur les effets sur la santé des produits phytopharmaceutiques et les expositions.
- Actualiser l’expertise collective de l’Inserm de 2013 avec les nouvelles études, en lien avec les autres institutions compétentes (INCa, Anses, ANSP...) et en la complétant sur les effets sur la santé non identifiés et sur les effets sur la santé des populations vulnérables et riveraines.
- Améliorer les connaissances des expositions pour progresser dans l’identification des liens de causalité entre exposition et effets sur la santé et des mesures de prévention adéquates.
- Mettre en place une surveillance nationale des pesticides dans l'air ambiant. Une campagne exploratoire sera menée dès 2018 sur la base des travaux de l’Anses rendus le 19 octobre 2017 sur les modalités de mise en œuvre d’une surveillance nationale des pesticides dans l'air ambiant.
- Soutenir les études de biosurveillance au niveau national et européen (programme HBM4EU) afin d’estimer l’exposition interne de la population aux pesticides, toutes voies d’exposition confondues, et de mieux comprendre les sources d’exposition.
- Renforcer la recherche au niveau européen sur les effets cocktails et cumulatifs des pesticides pour améliorer la cadre d’évaluation des risques pour la santé et l’environnement ; soutenir la coordination des grands programmes européens en cours (FP7, H2020, EFSA et JRC), s’impliquer dans la mise en place du futur programme cadre et encourager des travaux sur les effets des mélanges des pesticides.
Prévenir les expositions aux produits phytopharmaceutiques et informer les populations, ainsi que former et informer les professionnels de santé.
Propositions d’action :
- Evaluer les arrêtés préfectoraux précisant les mesures de sécurité pour les traitements à proximité des lieux accueillant des groupes de personnes vulnérables et procéder aux modifications nécessaires.
- Définir les zones d'intérêt écologique devant faire l'objet de mesures de protection en cas de traitement de proximité avec certains produits phytosanitaires.
- Limiter les risques de dérive des produits phytopharmaceutiques lors de leur application en adaptant le matériel de pulvérisation.
- Clarifier et renforcer les mesures de protection des habitants exposés aux pesticides sur le long terme, notamment afin de permettre à l’Anses de renforcer, dans les autorisations de mise sur le marché, les conditions d’utilisation des produits, en particulier à proximité des zones d’habitation. Des actions d’information seront également engagées, en concertation avec les professionnels et en prenant appui sur les bonnes pratiques (chartes volontaires). Les Agences Régionales de Santé seront également associées à ces démarches.
- Soutenir les démarches de protection des personnes qui appliquent les produits phytosanitaires.
- Informer la population générale sur son exposition aux pesticides, sur les effets sur la santé et les moyens de s’en prémunir.
- Développer la formation et l’information des professionnels de santé sur les risques liés à l’exposition aux pesticides (dont les produits phytopharmaceutiques) :
- - Poursuivre les actions sur la formation des professionnels de santé sur la santé-environnementale.
- - Elaborer avec l’appui de la Haute Autorité de santé des recommandations sanitaires à destination des professionnels de santé pour accompagner les populations dans un objectif de prévention et de diagnostic de pathologies environnementales.
Priorité 3 - Amplifier la recherche-développement d’alternatives et la mise en œuvre de ces solutions par les agriculteurs.
Propositions d’action :
Renforcer les actions de recherche vers la mise en œuvre de solutions opérationnelles, en particulier sur les alternatives aux herbicides.
- Renforcer le pilotage interministériel de la programmation de l'axe Recherche et Innovation du plan EcoPhyto.
- Appuyer la reconception de systèmes en consolidant, analysant et mutualisant les références de terrain.
- Mobiliser la recherche sur les solutions alternatives aux herbicides, au glyphosate et aux néonicotinoïdes en particulier, notamment pour les impasses identifiées. Ce volet pourra s'appuyer sur les dispositifs suivants :
o Un bilan critique des connaissances déjà acquises et des pistes d’alternatives en associant les opérateurs de la recherche (dont les instituts techniques agricoles (ITA)) et les filières concernées. L’état des lieux des actions en cours sera adossé à un calendrier de préconisations.
o Une feuille de route identifiant des priorités spécifiques de R&D sur les alternatives aux herbicides, dont le glyphosate.
o Des expérimentations innovantes pour appuyer le développement d'agro-équipements dédiés.
Soutenir le développement du biocontrôle
Propositions d’action :
- Soutien à l'innovation et accompagnement des TPE/PME souhaitant développer des produits de biocontrôle (processus d’homologation).
- Proposer au niveau européen la reconnaissance des produits de biocontrôle dans le cadre de la révision du règlement 1107/2009.
Faciliter le recours aux préparations naturelles peu préoccupantes
Propositions d’action :
- Engager sans délai les démarches avec les parties prenantes pour identifier et autoriser d'autres substances naturelles à usage biostimulant présentant un intérêt agronomique.
- Mobiliser l'ITAB et autres ITA pour la constitution de dossiers en vue de l'approbation de nouvelles substances de base.
Accompagner les exploitations agricoles dans la transition pour réduire les quantités et mettre en œuvre les solutions alternatives
Propositions d’action :
- Accompagner les agriculteurs dans la transition des systèmes d'exploitation
- Cibler une partie des aides publiques pour accompagner l'acquisition de matériels de substitution aux produits phytopharmaceutique
- Mobiliser une partie de la ressource générée par la redevance pollutions diffuses afin de renforcer le financement de Mesures Agro-environnementales et Climatiques (MAEC) avec des engagements de réduction de phytosanitaires ou d'aides à la conversion en agriculture biologique ;
- Améliorer les outils de soutien afin de diminuer la prise de risque liée au changement de pratiques et de mieux coordonner investissements matériels et immatériels.
- Cibler des financements des organismes de développement agricole dans le cadre du CASDAR et d'Ecophyto pour accompagner les agriculteurs vers la sortie du glyphosate et la réduction des produits phytopharmaceutiques herbicides ;
- Mobiliser Ecophyto et CASDAR au profit de groupes d'agriculteurs visant la suppression, ou quasi-suppression des herbicides en 3 ans;
- Diffuser les réussites du réseau DEPHY pour réduire l'usage d'herbicides en général, et du glyphosate en particulier
- Développer le conseil des exploitations avec une approche système sur plusieurs années. Les réseaux de développement agricoles devront s'engager sur des objectifs de formation de leurs conseillers et de réorganisation de leur offre de conseil.
- Amplifier le dispositif de certification environnementale (certification environnementale niveau 2, haute valeur environnementale (HVE) et la certification bio, qui participent à la pérennisation de l'amélioration des pratiques par la valorisation économique.
Priorité 4 - Renforcer le plan Ecophyto 2, améliorer sa gouvernance et son fonctionnement
Le plan Ecophyto s’inscrit dans le cadre de la directive européenne 2009/128 d’utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable, qui demande à ce que "les États membres aient recours à des plans d’action nationaux visant à fixer des objectifs quantitatifs, des cibles, des mesures, des calendriers et des indicateurs en vue de réduire les risques et les effets de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine et l’environnement et à encourager le développement et l’introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et de méthodes ou de techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l’égard de l’utilisation des pesticides".
Les Etats généraux de l'alimentation ont confirmé l'ambition retenue pour le Plan Ecophyto 2 (réduction de 25 % en 2020 et de 50 % en 2025). Les conclusions de l'atelier 11 en particulier insistent sur des obligations de résultats par des engagements de type contractuels et appellent à accélérer son déploiement effectif notamment celui des deux dispositifs phares pour le déploiement des solutions éprouvées : certificats d'économie de produits phytosanitaires et réseau des 30 000 fermes.
Le rapport des inspections générales CGAAER-CGEDD-IGAS conforte ce diagnostic et pointe également un pilotage insuffisant et des difficultés méthodologiques (indicateurs). Des difficultés dans la mobilisation des financements, notamment aux niveaux national mais surtout régional sont aussi signalées comme un frein au déploiement des actions.
Co-piloté par le MAA et le MTES, la gouvernance du programme Ecophyto sera revue pour améliorer d’une part l’association des parties prenantes et, d’autre part, le pilotage opérationnel et financier, au niveau national et au niveau régional.
Propositions d’action :
- compléter et actualiser le plan Ecophyto 2 en intégrant les actions de la présente feuille de route et publier un plan Ecophyto 2 +.
- Installer un pilotage stratégique interministériel (MAA, MTES, MSS, MESRI).
- Conforter le COS et la Commission Régionale Agro-écologie comme instances associant les parties prenantes aux définitions des orientations et des priorités de financement.
- Renforcer la mise en cohérence et l’articulation du plan Ecophyto avec l'ensemble du projet agro-écologique.
- Améliorer l'efficience des circuits financiers au service des priorités nationales et régionales notamment pour l'accompagnement au plus près des agriculteurs (aides aux investissements, conseil, etc.).
- Définir par axe et/ou par action des indicateurs et des cibles en matière de résultats.
- Associer au plan national des "contrats d'engagements" des parties prenantes (instituts techniques et de recherche, acteurs du développement, collectivités, acteurs économiques, etc.). Les financements au titre d'Ecophyto tiendront compte du respect de ces engagements.
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