Seul le prononcé fait foi
Je suis bien sûr très heureuse d’être présente à vos côtés aujourd’hui. Car ce colloque est de ceux qui comptent. Il compte car il nous rappelle d’abord ces 22 magnifiques projets qui ont été labellisés et lancés il y a près d’une année. Il nous rappelle ensuite l’importance des acteurs impliqués : 300 établissements scolaires, 24 collectivités territoriales, 58 unités de recherche, 25 établissements d’enseignement supérieur et une vingtaine d’entreprises. Il nous rappelle enfin que des projets ne sont importants que si on les suit, si on les accompagne, si on en fait la promotion et si on s’assure qu’ils essaiment. Et tel est bien l’objet de ce colloque.
Les initiatives e-FRAN sont essentielles. Car elles mettent l’Ecole au cœur des grandes mutations sociétales et préparent toute une jeunesse à vivre dans un monde qu’elle sera capable d’appréhender, un monde dans lequel nos enfants seront libres de faire des choix éclairés et responsables et dans lequel ils seront ces citoyens du 21ème siècle capables de résister – car ils les comprendront – aux bouleversements économiques, environnementaux, sociaux et culturels.
Or, aucun de ces bouleversements ne sera étranger au numérique. C’est la raison pour laquelle nous devons former nos enfants à « vivre avec » cet environnement numérique : qu’ils soient capables de le comprendre, de l’anticiper, de l’analyser, de s’en méfier (parfois), de l’utiliser et, toujours, de le maîtriser.
Comment nous y prendre ? Comment basculer dans une "éducation du numérique" ? C’est évidemment le premier défi magnifiquement relevé par les initiatives e-FRAN.
Mais il y en a un second car comment imaginer que, par un naturel effet de balancier, cet environnement numérique auquel nous devons former les enfants, puis les étudiants, ne rejaillisse pas sur nos manières de transmettre et d’apprendre ?
On le sait tous : sans systématisme béat, le numérique doit désormais être pleinement intégré dans nos pratiques pédagogiques. Car il nous permettra :
- de développer des méthodes d’enseignement novatrices qui convaincront ceux auxquels les méthodes d’enseignement traditionnelles ne conviennent pas,
- de transmettre des savoirs "qui restent" et qui sont mis dans la perspective les uns des autres,
- de valoriser enfin les compétences autant que les connaissances – car il n’y a pas plus discriminant socialement que les compétences.
Pour toutes ces raisons, les initiatives e-FRAN sont essentielles. Et si elles sont une réussite, c’est parce qu’elles ne sont pas "que l’affaire de l’Ecole". Votre présence en témoigne. Aujourd’hui plus encore qu’hier, l’Ecole doit être ouverte sur son environnement : sur son territoire bien sûr, mais aussi sur le monde socio-économique (qu’il s’agisse d’entreprises traditionnelles ou de start-up), sur le monde culturel et... sur le monde de la recherche.
Et je voudrais bien sûr dire un mot de ce dernier monde et de cet objectif que Jean-Michel Blanquer et moi partageons pleinement : il est de notre devoir de développer la recherche en éducation, sur l’éducation et autour de l’éducation. Cette recherche doit s’immiscer dans les pratiques de nos professeurs des écoles, de nos professeurs du secondaire et, bien sûr aussi, de nos professeurs du supérieur. Un peu comme l’on n’imaginerait pas un médecin qui ne ferait que soigner sans se préoccuper des avancées médicales ou qui ne ferait qu’enseigner et chercher sans se préoccuper des résultats de sa recherche, un professeur doit toujours opérer ce va-et-vient entre son propre enseignement et les travaux de recherche conduits au sein des universités et des organismes de recherche. Car c’est grâce à ce "terrain" dont la recherche ne doit jamais se couper et qu’elle doit toujours garder en ligne de mire que l’enfant – puis l’étudiant – deviendra davantage acteur de son apprentissage, que sa curiosité intellectuelle sera sans cesse stimulée et qu’il y trouvera un terrain d’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, grâce à vos projets, ce sont de véritables « territoires éducatifs d’innovation numérique » qui se sont structurés et qui organisent ce dialogue "en réseau" entre les enseignants, les chercheurs, les élèves, les proviseurs, les recteurs, les inspecteurs, les entreprises, les institutions culturelles et les collectivités territoriales. Les bonnes pratiques se propagent déjà, les expérimentations se multiplient, les usages numériques se développent et gagnent en qualité et en finesse : ce n’est pas le numérique "pour le numérique", c’est un numérique bien pensé, qui n’est pas une fin en soi mais qui est mis au service d’un enseignement renouvelé et durable.
De tout cela vous allez discuter aujourd’hui bien sûr. Et je serai très attentive à vos conclusions car vous avez un recul dont on manque souvent. Vos premiers résultats – qu’ils soient des échecs ou des succès – vous permettent déjà de réajuster les intuitions initiales. À vous maintenant de les croiser, de les interroger, de les critiquer.
Tel est l’objet de ce beau colloque... un colloque qui vient à point nommé, au moment où l’enseignement supérieur est en pleine métamorphose.
Le projet de loi Orientation et Réussite des Etudiants va en effet permettre de retisser du lien entre le scolaire et le supérieur et de ne plus faire comme si ces deux mondes ne partageaient rien. En réalité, ils partagent le plus important : une jeunesse qu’il est de notre responsabilité de conduire au plus haut, dans toute sa diversité, dans toute sa richesse.
L’enseignement conduit au lycée doit se mettre dans une perspective d’études supérieures et celui développé dans les universités et les écoles d’enseignement supérieur doit prendre en compte l’hétérogénéité de son public : nul n’a le même parcours, nul n’a les mêmes envies. Alors oui, le premier cycle post-bac doit se réformer. Il doit personnaliser et flexibiliser les apprentissages et les parcours. Il en va de la réussite de toute une jeunesse. Une réussite individuelle... et ceci, où qu’il aille et d’où qu’il parte.
Je vous remercie.