Publié le 17.10.2024

France 2030

Tara Polar Station : mise à l'eau avant une série d'expéditions en Arctique

Tara Polar Station, la station scientifique polaire, conçue par l’architecte Olivier Petit et la fondation Tara Océan, vient d'être mise à l'eau. Quelles innovations offre cette base scientifique dérivante ?

Derrière nous, on peut apercevoir la Tara Polar Station qui va servir à faire des dérives transpolaires pendant 20 ans. C'est une base de vie, dans laquelle on va mettre 12 humains capables de faire un travail scientifique de haut niveau, c'est-à-dire, envoyer des machines jusqu'à 2500 m de fond ; des ballons jusqu'à quelques kilomètres d'altitude ; des carottages de la banquise ; gratter sous de la banquise avec des ROV... Et aujourd'hui, c'est sa journée de mise à l'eau, son premier bain.

Transpolaire, c'est qu'on traverse tout l'océan Arctique. Il faut s'imaginer coincé entre deux plaques tectoniques de glace. Donc, à un moment donné, eh bien, il y a un moment de pression qui se fait dessus. Et après, hop ! ça monte. Elle monte sur la banquise et puis elle est posée dessus sachant qu'il y a quand même une partie émergée pour avoir accès grâce à mon poule aux engins. Et après, elle dérive pendant 500 jours, en moyenne 10 km par jour. 
Le chantier a commencé en avril 2023 par une phase d'étude où il a fallu valider le basic design.

C'est un projet qui a suscité un engouement énorme, près de 200 personnes se sont relayées à la construction de ce bateau. C'est l'équivalent de 100.000 heures de travail ! Les gens se battaient presque pour avoir le plaisir de travailler sur Tara. 
Les quatre sujets techniques ont été : la construction de la coque. On est sur une coque épaisse. On a aussi une forme très particulière qui est "ovaloïde". Le deuxième sujet a été la ligne propulsive puisque le bateau doit pouvoir naviguer en autonomie dans la zone polaire.

Tous corps de métiers sont représentés sur un bateau vous avez les charpentiers, les soudeurs, les électriciens, les aménageurs, des gens de système, les gens qui s'occupent de tout ce qui est motorisation et propulsion.

Le troisième sujet a été l'isolation, pour se faire une idée : il va faire en moyenne 22 degrés et on doit garantir aux alentours de 20 degrés à l'intérieur de la station. Dernier point, ça a été le jet fuel, le carburant pour les hélicoptères puisque la station étant en autonomie dans la zone polaire, on doit pouvoir venir secourir un équipage en cas d'événement sanitaire. Ça a été un vrai challenge de le faire dans ce dans ce délai puisque un an, c'est un an pour construire, un an pour définir, pour commander les matériels, pour les approvisionner, les avoir à bord, les monter.
L'Arctique autant que l'Antarctique sont deux sentinelles du changement climatique. Dans la mesure où elle réagissent trois fois plus vite au niveau de température que le reste de la planète. Aujourd'hui je pense que, pour les marins et pour plein de gens, la dérive ça reste un songe, une envie, peut-être, mais il va falloir d'abord faire tous ces tests. Il y a quand même deux ans de travail avant de la rendre prête. On sent qu'il y a beaucoup d'envie, c'est normal, d'excitation, de fantasme. C'est quelque chose d'assez exceptionnel. C'est sûrement une fois dans une vie.

C'est toujours un grand jour quand on met un bateau à l'eau. C'est à la fois un plaisir, le début d'un aboutissement, mais c'est aussi un petit pincement au cœur d'arriver le matin et de voir la nef vide de sans Tara.

La fondation Tara Océan a été créée en 2003 par Agnès Troublé dite agnès b., elle est présidée par Etienne Bourgois.

La fondation s'associe à des consortiums scientifiques, parmi lesquels figurent le CNRS, le CEA, le Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) afin de développer une science de l’Océan ouverte, pour mieux appréhender les risques climatiques, assurer la protection de la biodiversité et sensibiliser les citoyens.

Tara Polar Station : une base scientifique dérivante et innovante

Sur le modèle de la goélette de la fondation Tara Océan, cette station polaire dérivante de 26 mètres de long sur 16 de large, a été conçue pour des conditions extrêmes. Une prouesse technique et un navire battant pavillon français réalisés par les Constructions Mécaniques de Normandie (CMN) à Cherbourg. Adaptée à la fonte des glaces, sa coque ovale en aluminium pourra supporter des températures arctiques atteignant -52°C et lui permettra d’échapper aux agressions de la banquise.

Sorte d’ISS du pôle nord, la station se laissera prendre dans les glaces en hiver avant de dériver pendant plusieurs mois successifs avec la fonte en été.

18 mois consécutifs de mission

90 % du temps dans l'emprise de la glace

18 personnes à bord en été et 12 en hiver

La station sera alimentée par une production d’énergie « décarbonée » grâce à l’utilisation d’un carburant biosourcé issu du recyclage d’huiles de cuisson alimentaire. Des panneaux solaires et une éolienne permettront d’améliorer l’autonomie des batteries. 

Véritable base scientifique, elle est équipée de 5 laboratoires : humide pour la manipulation des échantillons, secs avec instrumentation, et dédiés à l’expérimentation sur place.

Crédits :
MESR

Mise à l'eau de la station polaire de la Fondation Tara à Cherbourg, octobre 2024

Le navire, mis à l'eau début octobre 2024 à Cherbourg, va suivre une campagne de tests en conditions polaires plusieurs mois durant, au cours de l'année 2025.

Missions de la Tara Polar Station

Accélérer la recherche sur le climat en Arctique

L'objet d'étude de la station polaire est l'océan Arctique central, un océan méconnu couvert de glace de mer qui se trouve menacé par le changement climatique et les pollutions. D'autant que dans cette région, le réchauffement est plus rapide et plus fort qu'en moyenne sur le globe.

L'enjeu de la station dérivante est de se pencher scientifiquement, sur la durée, toute l’année sur l'étude de cette région, afin de comprendre l'impact du changement climatique sur la biodiversité et la capacité d'adaptation des espèces locales, dans un espace qui n'est pas suffisamment couvert par l'observation satellite. 

Crédits :
© Fondation Tara Océan

Carte de l’océan Arctique : la flèche représente la dérive de la banquise, et donc la prévision de la trajectoire de dérive de la Station Polaire Tara prise dans cette glace de mer.

Tara Polar Station va ainsi embarquer, sur une dizaine d'expéditions consécutives jusqu'en 2046. Son équipage sera composé de climatologues, biologistes, physiciens, glaciologues, océanographes, ingénieurs, mais aussi d'artistes, de médecins et journalistes.

Contribuer à la stratégie polaire française

Tara Polar Station doit contribuer au déploiement en Arctique de la stratégie polaire de la France « équilibrer les extrêmes » à l'horizon 2030.

Objectifs :

  • mieux comprendre l’impact du changement climatique en Arctique et sur le reste de la planète
  • améliorer la connaissance de la biodiversité sur Terre en explorant des régions non accessibles aujourd’hui
  • analyser les conséquences de la fonte de la glace de mer et la pollution sur ces écosystèmes uniques et fragiles.

Financement

Dans le cadre du programme d'investissement France 2030, la station polaire de la fondation Tara est financée à hauteur de 13 M€ sur un budget total s'élevant à 21 M€.

Nous devons comprendre le rôle de l’atmosphère dans le changement climatique de l’Arctique, et comment elle évolue. En particulier, nous devons améliorer notre compréhension de l’équilibre des rayonnements solaires, y compris les flux de rayonnement à ondes courtes et à ondes longues. Le rôle des nuages et des aérosols (qui sont importants pour la formation des nuages et l’ombre qu’ils peuvent occasionner) est l’une des principales incertitudes des modèles climatiques globaux. Dans ce contexte, des mesures pluriannuelles sur Tara Polar Station des nuages, des aérosols et de ces flux radiatifs tout au long de l’année, fourniront des données indispensables, en particulier au-delà du 80° Nord où il n’y a pas d’observations par satellite. 

Kathy Law, chimiste de l’atmosphère, CNRS, LATMOS