Nous venons d’entendre deux exemples de réalisations communes aux instituts de formation en soins infirmiers et à l’université. C’est donc bien la preuve qu’un tel rapprochement est possible, et qu’il est perçu comme pertinent par les acteurs de ces formations, qui y consacrent sans compter, leur temps et leur énergie. Et pourtant si ce travail en commun n’est plus l’exception, il n’est pas encore la règle et, trop souvent, il impose à ceux qui s’y attellent un parcours d’obstacles tant nos institutions et nos usages ne sont tous simplement pas faits pour cela.
Aujourd’hui, de fait, les études en soins infirmiers s’effectuent en France hors de l’Université. Ce n’est pas le cas dans tous les pays du monde et le modèle de département de sciences infirmières au sein des universités, développé en Europe du Nord ou en Amérique du Nord depuis le début du vingtième siècle s’est progressivement diffusé, notamment dans les pays dits émergents. Nous ne pouvons pas rester à l’écart de ce mouvement pour deux raisons différentes mais également importantes. L’absence d’inclusion de la formation en soins infirmiers dans l’Université l’a écartée de la production de connaissance par la recherche. Et l’absence d’inclusion de la formation en soins infirmiers dans l’Université fait des étudiants en soins infirmiers des étudiants à part, soumis à des règles spécifiques et n’accédant pas à tous les droits.
C’est à cette double anomalie, préjudiciable pour le présent et pour l’avenir, que nous avons souhaité, la ministre des Solidarités et de la Santé et moi-même remédier en relançant, résolument, le processus d’universitarisation des formations en santé.
Les questions à traiter sont multiples, parce qu’il existe 22 métiers de la santé accessibles par 25 formations, parce que les différentes tentatives de rapprocher ces formations de l’Université ont été conduites jusque-là sans toujours assez de cohérence et ont dessiné un paysage toujours plus complexe. Mais les concertations engagées avec toutes les parties prenantes, et particulièrement en ce qui concerne les soins infirmiers avec les associations représentant les formateurs, le CEFIEC et l’ANDEP, avec Régions de France, avec la C.P.U. et avec la FNESI, dans un esprit extrêmement constructif, ont permis de dessiner l’horizon commun et de définir des étapes, pragmatiques, faisables, permettant de parvenir à l’objectif d’intégration universitaire.
De nombreux sujets, concernant la possibilité de recruter des enseignants chercheurs dans ces disciplines, ou la simplification des relations entre établissements, régions et universités ont progressé mais je veux aujourd’hui évoquer avec vous deux points sur lesquels nous pouvons maintenant conduire les changements, et les traduire en termes réglementaires dans un avenir très bref.
La loi orientation et réussite des étudiants a modifié en profondeur l’accès aux études supérieures pour faire une place centrale à l’information et à l’orientation active, au dialogue entre lycée et études supérieures, au projet de l’étudiant, à la personnalisation des parcours. Certains cursus, dont les cursus de soins infirmiers, étaient restés à l’écart de cette évolution, et nous devons maintenant les inclure dans ce dispositif général, comme la loi le prévoit. Cette étape doit aussi permettre de reconsidérer les modalités d’admission.
Les études de soins infirmiers présentent des forces, des atouts, considérables, qu’étudiants et formateurs connaissent mieux que quiconque. Ces études accueillent des étudiants diversifiés, par leur âge et leur expérience, puisqu’un tiers a déjà exercé une activité professionnelle, par leur milieu social, plus des trois-quarts provenant de catégories socio-professionnelles autres que les cadres, par leur filière de baccalauréat, plus d’un tiers provenant de baccalauréats technologiques. En ce sens les études en soins infirmiers sont emblématiques de ce que devraient être les premiers cycles universitaires et particulièrement les filières professionnelles, et prouvent que les objectifs de formation tout au long de la vie et de mobilité sociale, sont des objectifs réalistes. C’est possible, puisque vous le faites déjà. C’est important, essentiel, et cela doit se poursuivre.
Mais le dispositif d’admission présente aussi des faiblesses. Aujourd’hui l’accès par un concours impose des frais très significatifs à des étudiants dont nous venons de souligner la diversité, et parfois la fragilité financière. Et ce sont à ces étudiants qu’il est aujourd’hui imposé, par la force des choses, de multiplier les inscriptions au concours pour augmenter leurs chances, avec, à chaque fois, des frais supplémentaires à payer, pour passer le concours, bien sûr, mais aussi tout simplement pour se déplacer et se loger à proximité du lieu où se déroulent les épreuves.
Ce n’est pas tout. Comme dans d’autres filières l’existence d’un concours d’accès a généré le développement de formations de préparation, dont le coût peut être très significatif, plusieurs milliers d’euros. La proportion d’étudiants recourant à ces formations a augmenté de plus de 10 points en 10 ans, traduisant aussi les difficultés de notre système d’orientation et de liaison lycée - formations supérieures. De fait, ce qui s’est mis progressivement en place, c’est une forme de sélection par l’argent, discrète, mais réelle, qui oblige les étudiants et leurs familles à faire des sacrifices financiers de plus en plus lourds afin d’aller jusqu’au bout de leur vocation.
Ultime paradoxe : l’émiettement des processus de recrutement conduit à laisser des places vides, faute d’un processus de remise en jeu qui garantisse toujours et partout qu’il n’y a aura aucune place vide à la rentrée.
Nous devons changer cela, et permettre aux étudiants, sans frais spécifiques, sans frais de préparation ou de dossier, de candidater pour l’admission dans les instituts de formation en soins infirmiers comme ils le font pour d’autres filières.
L’inclusion du processus d’admission dans le droit commun est une étape essentielle du processus dit d’universitarisation. Il renforcera sur ce champ d’études la liaison lycée-enseignement supérieur, au travers des outils que sont les attendus de la formation et la
"fiche avenir ". Il permettra que toutes les places soient proposées à tous les étudiants sans leur imposer de traverser la France pour candidater.
Les discussions des semaines passées nous ont montré les attentes fortes des étudiants en soins infirmiers de sortir d’une situation jugée trop particulière, mais aussi les inquiétudes.
Inquiétudes d’abord des lycéens qui ont fait le choix d’intégrer à la rentrée prochaine un dispositif de préparation. Je veux les rassurer. Il n’y aura aucune année blanche, aucune année perdue. Les étudiants qui ont fait le choix, à la rentrée 2018, de se préparer aux études d’infirmier pourront tirer le plein parti de cette préparation lors de la procédure d’admission 2019. Leur parcours sera pleinement pris en compte et l’analyse des dossiers d’admission tiendra compte de cette nécessaire transition. Ils ne sont pas inscrits seulement ou d’abord à une préparation au concours, mais à une préparation aux études d’infirmier, dans des établissements qui ont une expertise de la formation, une connaissances des métiers, une habitude de donner des conseils d’orientation et qui vont pouvoir orienter davantage leur travail vers cette préparation aux études, et moins vers la technique des épreuves du concours.
Inquiétudes de certains des formateurs qui craignent davantage la disparition de l’entretien oral, que celle de l’épreuve écrite, et rappellent, à juste titre, que ces métiers ont des caractéristiques particulières et ne conviennent pas à tous. Ces préoccupations sont fondées et devront être centrales dans la rédaction des attendus, et dans une méthode partagée d’analyse des dossiers, qui fasse une large place à d’autres critères que ceux qui quantifient la réussite scolaire. Mais faisons le pari de la coopération et de la confiance. S’il est possible d’orienter les lycéens vers les métiers de travailleur social, ou d’orthoprothésiste qui sont depuis de nombreuses années des formations recrutant à partir d’un dossier, ce doit être possible pour de futurs infirmiers. Si la connaissance de l’étudiant est un des éléments de la décision, celle qu’en a l’équipe pédagogique du secondaire doit pouvoir être aussi utile que celle obtenue en quelques dizaines de minutes au cours d’un entretien dit « de motivation », parfois intensément préparé et stéréotypé.
Dès la rentrée universitaire 2019, les lycéens et les étudiants en réorientation candidateront donc aux IFSI sur Parcoursup, rendant ainsi plus de 25 millions d’euros de pouvoir d’achat aux candidats et à leur famille et matérialisant le fait que les études en soins infirmiers appartiennent pleinement au monde de l’enseignement supérieur.
Depuis 2009, comme je l’indiquais en introduction, le lien entre formation en soins infirmiers et universités s’est resserré sans pourtant que les étudiants en soins infirmiers deviennent exactement des étudiants comme les autres. Nous nous trouvons devant l’une de ces situations hypercomplexes dont notre pays a parfois le secret. Autant de conventions entre établissements et universités que d’universités, parfois même davantage, autant de décisions sur l’accès ou non aux services de sport ou de culture que de conventions, autant de façons d’établir, ou non une carte d’étudiant, permettant ou non, l’accès aux services que d’établissements, autant de discussions sur le montant des reversements entre IFSI et universités.
Avec in fine des étudiants en soins infirmiers "à part", à qui l’on pose toujours x questions avant qu’ils ne puissent s’inscrire à une activité sportive, ou accéder au restaurant universitaire.
Cela n’est pas acceptable. Je le disais à l’instant : parce que les étudiants en IFSI sont des étudiants comme les autres, ils doivent avoir les mêmes droits que les autres. Et ce sera désormais le cas.
Je souhaite donner toute sa place à la vie étudiante dans l’organisation de l’enseignement supérieur et permettre aux universités et au réseau des œuvres universitaires de jouer pleinement leur rôle d’animateur de la vie étudiante, pour tous les étudiants, quel que soit leur établissement d’inscription.
Pour que cela concerne également les étudiants en santé, nous allons simplifier considérablement les organisations relatives aux services qui leur sont rendus. Les étudiants en santé non boursiers s’acquitteront de la cotisation de vie étudiante, comme tous les étudiants. L’obligation de conventionnement avec l’université sera assortie d’une obligation d’inscription des étudiants. Cette inscription leur ouvrira les mêmes droits d’accès aux services de vie étudiante que tous les autres étudiants. En bref, et du point de vue de la vie étudiante, et des droits qui s’y rapportent, ces étudiants seront enfin à la rentrée 2018, dans quelques semaines, des étudiants comme les autres.
En conclusion je voudrais remercier tous les acteurs qui ont permis, depuis près de 6 mois des avancées considérables dans un dossier complexe. Admission sur Parcourssup, inscription à l’université et accès aux droits, voici nos deux premiers résultats. Je reste engagée à vos côtés pour continuer de progresser en direction d’une pleine inclusion de toutes les professions de santé dans l’Université.