PEPR ICCARE : accélérer les industries culturelles et créatives
Les industries culturelles et créatives (ICC) constituent une filière de premier plan de l'économie française. Dans un contexte de transition numérique et écologique, les ICC font face à la transformation des usages, à la concurrence accrue des acteurs internationaux, au bouleversement des modes de création, de production et de diffusion... Autant d'enjeux qui traduisent des problématiques communes et invitent à développer des actions transversales.
La stratégie nationale d’accélération Industries culturelles et créatives
La stratégie nationale d’accélération ICC résulte d’une vaste consultation publique. Elle comprend l’audiovisuel, le spectacle vivant dans toutes ses disciplines, la musique dans toutes ses composantes, les musées et les patrimoines, les arts visuels, le design, l’architecture, les métiers d’art, le jeu vidéo, le livre et la presse, ainsi que les secteurs connexes de la communication et de la mode pour le volet créatif de leur activité.
Porté par le CNRS, le Programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) ICCARE – Industries culturelles et créatives : action, recherche, expérimentation constitue le volet recherche de la stratégie nationale dédiée aux industries culturelles et créatives (ICC) et bénéficie d'un budget de 25 M€ pour une durée de six ans.
Le PEPR repose sur trois piliers et entreprend six projets ciblés.
Interview des co-directeurs du PEPR ICCARE
Interview de Solveig Serre, directrice de recherche au CNRS, historienne et musicologue, et David Coeurjolly, directeur de recherche au CNRS en sciences informatiques géométrique et graphique, tous deux directeurs du programme de recherche ICCARE.
En consiste le PEPR ICCARE ?
Solveig Serre : Ce programme de recherche correspond à la volonté qu'a eu Sylvie Retailleau de créer une « équipe de France
» composée de l'ensemble des chercheurs de l'enseignement supérieur et de la recherche et par certains aspects, étant donné l'objet de notre programme, également des écoles d'art dépendant du ministère de la Culture. L'idée est donc de créer un réseau national, une équipe de France de chercheurs et d'enseignants-chercheurs issus, à la fois, des sciences humaines et sociales et des sciences informatiques, et d'y adjoindre les acteurs culturels et créatifs.Comment le programme de recherche est-il structuré ?
David Coeurjolly : Pour répondre à ces objectifs de « sciences avec et pour les industries culturelles et créatives », on a décidé de structurer le programme autour de trois grands piliers.
- Un premier, l'ICCARE-LAB, dont l'objectif est d'animer des communautés de recherche, secteur par secteur, des industries culturelles et créatives, avec à chaque fois une interaction entre chercheurs en SHS, chercheurs en informatique et professionnels des industries culturelles et créatives.
- Le second pilier est constitué de projets ciblés transversaux, au nombre de six, dont l'objectif est de questionner des grands problématiques scientifiques transversales à tous ces secteurs professionnels.
- Et le dernier pilier, c'est un bloc d'appel à manifestation d'intérêt, qui sera opéré au fur et à mesure du contrat, pour faire émerger des consortia et des activités de recherche sur ces sujets.
Parlez-nous de ces projets ciblés.
Solveig Serre : Ces projets ciblés sont donc au nombre de six :
- Le premier, « HARMONIE », s'intéresse à la question de la création, de la diffusion et de la production à l'heure de la transition numérique et de l'intelligence artificielle.
- Le deuxième projet, intitulé THÉMIS », s'intéresse à la question des publics : comment les toucher ? Il invite, de manière plus large, à repenser la démocratisation culturelle. «
- Le troisième projet, intitulé « Crise, bien-être et résilience », s'intéresse aux industries culturelles et créatives comme vecteur de bien-être et comme facteur permettant aux citoyens d'accéder à une démocratie plus large et partagée.
- Le quatrième projet ciblé s'appelle
Sans parler peut-être de la nécessité de faire apparaître de nouveaux secteurs industriels qui n'existeraient pas encore mais qui mériteraient d'être détectés et accélérés par la suite.
« Alternatives culturelles et créatives » et a pour objectif de détecter tout ce qui est en marge des industries culturelles et créatives : que ce soit la question des territoires qui sont en marge, qui sont encore relativement éloignés de la culture, les territoires ruraux par exemple ou les Outre-mer, que ce soit les marges en termes de féminin-masculin – on sait par exemple que la mode est beaucoup conçue par les hommes mais pour les femmes –, et également tout ce qui relève de la transition écologique – ce qui est encore peu pris en compte aujourd'hui dans les industries culturelles et créatives. - Dans ce cadre, le cinquième projet qui s'appelle STYX, les aborde plutôt d'un point de vue économique, juridique en termes de régulation des métavers.
- Et le sixième, COMET, d'un point de vue technologique, porte sur tous les aspects de cognition, de perception liés à ces univers métaversiques complexes.
Dans quelle mesure piloter ce PEPR est un travail différent de votre mission de directrice/directeur de recherche en regard de vos spécialités respectives ?
Solveig Serre : Piloter un PEPR diffère du « métier » traditionnel du chercheur en raison de la nature même du programme. En effet, il faut être capable de faire coïncider les objectifs de la lettre de mission avec les réalités des communautés de recherche, ce qui nécessite un peu d’agilité. Il s'agit de constituer une « équipe de France », un réseau national, ce qui est assez différent des pratiques de recherche qui fonctionnent beaucoup par site ou par institution. Le travail en réseau est d’une grande richesse car les membres bénéficient des forces de recherche de tout l’ESR, qui sont très importantes et souvent sous-estimées.
David Coeurjolly : Concernant mon activité de recherche (traitement numérique de la géométrie et de l'informatique au sens large), si certaines de mes recherches ou certains outils peuvent être utilisés pour la production de contenu graphique, la production d’images de synthèse ou des dispositifs d’interaction 3D, j’ai eu peu l’occasion de mener des projets en interaction avec les SHS autour des ICC. Piloter ce PEPR est pour moi une opportunité d'explorer ces interactions.
Quels sont les potentiels de synergie entre les différents programmes de recherche de France 2030, en particulier les PEPR à dimension transversale ?
David Coeurjolly : Pour tout ce qui concerne la création de contenu immersif, les systèmes de collaboration interactive, ou encore la réalité virtuelle, les recoupements sont nombreux avec le PEPR Ensemble (tant sur le volet technique, que SHS qui pourrait être une contribution d’ICCARE sur ce sujet). De la même manière, les interactions potentielles avec le PEPR VDBI autour du secteur architecture, design et patrimoine, ne font aucun doute (notamment dans le cadre de notre action ICCARE-LAB).
Solveig Serre : Il y a sans aucun doute des potentiels de synergie et des zones d’interface entre différents PEPR. Je donne un exemple : le secteur édition est intéressé par des aspects de recyclage du papier, et pourrait se tourner vers les travaux menés par le PEPR Recyclage. Les projets ciblés consacrés aux expériences immersives entretiennent des liens étroits avec le PEPR Ensemble, et d’ailleurs, en pratique, certains chercheurs font partie de ces deux PEPR.
Comment le projet ICCARE enrichit-il vos travaux de recherche ou votre propre rapport à l’interdisciplinarité ?
David Coeurjolly : L’interdisciplinarité avec les sciences « dures » fait partie de mon activité de recherche avec des projets passés ou en cours, avec les mathématiques ou science des matériaux. L’interdisciplinarité avec les SHS est pour moi une pratique nouvelle, que je découvre depuis maintenant deux ans de montage du PEPR ICCARE.
Solveig Serre : Depuis deux ans, ICCARE m'a permis de rencontrer beaucoup de chercheurs qui sont extérieurs aux disciplines dans lesquelles s’inscrivent d’ordinaire mes recherches, que ce soit du point de vue trans-disciplinaire (inter SHS) ou interdisciplinaires. Ces rencontres ont même déjà donné lieu à des projets communs qui ne seraient pas nés sans ces rencontres et qui sont venues enrichir mes propres recherches. J'ai par exemple un projet sur la caractérisation du son punk, avec des chercheurs en acoustique et en perception, dont je n’aurais jamais eu l’idée auparavant sans le PEPR.