Détecter et prévenir les problèmes liés à la santé mentale
Chez les jeunes, le suicide est la deuxième cause de décès. La dépression, les troubles anxieux, les troubles du neurodéveloppement, comme le TDAH, sont fréquents et font partie des principaux facteurs d’échec scolaire, de troubles du comportement, de toxicomanie et de marginalisation. Des chercheurs travaillent sur ces sujets à travers différents projets comme IMPROVA.
Il s’agit de détecter et prévenir les problèmes de santé mentale dans les écoles du secondaire pour lutter contre la stigmatisation et les inégalités sociales, grâce à des questionnaires qui seront diffusés aux adolescents. Ces établissements sont sélectionnés au hasard dans quatre pays (France, Allemagne, Roumanie et Espagne), incluant 6 000 adolescents.
En France, ce projet de recherche est confié à l’Inserm et notamment à l’équipe Épidémiologie Sociale, Santé Mentale et Addictions (ESSMA).
Financé par le programme de recherche et d'innovation Horizon Europe, le projet a débuté en avril 2023 et se terminera en avril 2027.
Comment ?
Dans chaque pays participant au projet, des établissements scolaires ont été répartis en deux groupes : un qui aura accès à la plateforme, et l'autre non. Les participants des deux groupes (élèves, parents, enseignants) sont invités à remplir des questionnaires en ligne durant l’année scolaire 2024-2025. Ces questionnaires permettront de savoir si l’utilisation de la plateforme IMPROVA, par les adolescents et par leur entourage, a un effet positif sur leur santé mentale, en comparant les résultats dans les deux groupes.
Un consortium d’institutions européennes aux compétences variées a été réuni pour étudier les facteurs de risque pour la santé mentale des adolescents et évaluer l’efficacité d'une intervention digitale de promotion de la santé mentale des jeunes. La première partie du projet sera réalisée à partir d’enquêtes existantes, notamment les cohortes française EDEN et Elfe. La seconde partie consiste à concevoir et évaluer l’efficacité d’une application numérique de promotion de la santé mentale en milieu scolaire. Le troisième volet vise à assurer un dialogue constructif avec les décideurs politiques afin de les informer des résultats obtenus et faire connaître le plus largement possible l'application numérique IMPROVA.
La parole aux chercheuses
- Maria Melchior, directrice de recherche à l’Inserm
- Judith van der Waerden, chargée de recherche à l'Inserm
- Murielle Mary-Krause, épidémiologiste à l’Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique
- Camille Davisse-Paturet, chercheuse post-doctorante en charge de la co-création de la plateforme
Pourquoi avoir choisi le moyen d’une plateforme en ligne ?
La plateforme en ligne est un outil de "première ligne", un support que les adolescents, leurs parents ou les personnels scolaires peuvent consulter au quotidien pour les accompagner dans la gestion des aléas de la vie et de différentes sources de stress. Un outil numérique offre l’avantage d’être accessible, peu coûteux et disponible à la demande, des qualités essentielles pour un usage quotidien et à grande échelle.
Comment les données seront-elles analysées ?
Qu'il s’agisse des données provenant d’études existantes, comme EDEN et Elfe, ou des données recueillies dans le cadre de l’essai contrôlé randomisé mis en place pour évaluer l'application, les analyses seront menées grâce à l’application de méthodes statistiques adaptées, sur des données pseudononymisées.
D’un point de vue technique, quel est votre rôle dans ce projet ?
L’équipe Épidémiologie Sociale, Santé Mentale et Addictions (ESSMA) est impliquée à divers niveaux dans le projet : Mirna Naddour, doctorante en épidémiologie, analyse les données des études Eden et Elfe; Camille Davisse-Paturet, chercheure, et Emma Falkiner, ingénieure d'étude, assurent la co-création de l'application en-ligne IMPROVA, en collaboration avec des chercheurs d’autres pays européens impliqués, ainsi que la réalisation d’un essai contrôlé randomisé pour évaluer l’application en-ligne IMPROVA auprès d’élèves de collèges et lycées sur le territoire francilien.
Personnellement, que cherchez-vous à comprendre ?
Au travers de ce projet, l’équipe ESSMA cherche d’une part à mieux comprendre les facteurs associés aux problèmes émotionnels et comportementaux des adolescents, et d’autre part à évaluer l’efficacité de l’application numérique IMPROVA visant à améliorer la santé mentale des jeunes. Nous sommes particulièrement intéressés par la question des inégalités sociales en santé mentale des jeunes et la manière dont l’application IMPROVA pourrait contribuer à les réduire.
Quel constat faites-vous aujourd’hui sur la santé mentale des jeunes ?
Le signal d’alarme a été tiré. Les données de l’enquête EnClass 2022 sont sans appel : si 13,3 % des lycéens rapportaient des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois en 2018, ils étaient 17,4 % en 2022. Le constat est encore plus préoccupant chez les lycéennes, puisque ce pourcentage est passé de 24,2 % en 2018 à 30,9 % en 2022 (source). Aux événements liés à la pandémie de COVID-19 et aux confinements successifs, s’ajoutent des préoccupations majeures comme la crise climatique, le climat social et international, qui sont des facteurs aggravant de la santé mentale des jeunes. Enfin, le sentiment d'isolement chez les jeunes, en augmentation depuis plusieurs années, peut également jouer un rôle. Face à ces constats, le projet IMPROVA est bien accueilli et soutenu par les académies de Créteil et Versailles, ainsi que par les établissements participants. Des personnels éducatifs aux infirmières et médecins scolaires, en passant par les parents et les élèves, nombreux sont ceux qui cherchent activement des solutions pour remédier au mal-être exprimé par les jeunes.