Publié le 04.03.2025

Femmes en sciences

Portrait de Kate Grieve, lauréate du prix Irène Joliot-Curie 2024

Le prix Irène Joliot-Curie récompense et met en lumière des femmes scientifiques aux carrières exemplaires. Kate Grieve, Directrice de Recherche INSERM spécialisée en imagerie optique, remporte le prix "Femme, recherche et entreprise".

Évidemment, je suis très honorée de recevoir ce prix. Je trouve que c'est une reconnaissance, pas seulement pour mon parcours personnel, mais aussi pour tout le bon travail que mon équipe a mené depuis plusieurs années.

Je suis directrice de recherche INSERM avec mon équipe académique à l'Institut de la Vision. Je suis pionnière dans le domaine de l'imagerie, particulièrement sur l'imagerie de l'œil, et en même temps, j'ai cofondé et je suis présidente d'une start-up qui s'appelle SharpEye, qui développe des technologies d'imagerie in vivo de la rétine et de la cornée.

Avec des jeunes de mon laboratoire, nous avons lancé un deuxième projet de start-up pour développer une technique de microscopie. Depuis mon arrivée en France, je pense que les deux personnes qui m'ont vraiment aidée à avancer dans ma carrière sont le professeur Claude Boccara, qui était mon directeur de thèse et avec qui je travaille toujours. Il est l'inventeur de la technologie de la tomographie par cohérence optique. L'autre personne, c'est le professeur José Sahel, créateur de l'Institut de la Vision. Je trouve son exemple vraiment très inspirant en termes de coupler le monde académique et la création de start-up.

Ils m'ont soutenue depuis le début, surtout parce que j'étais une femme. Ils trouvaient cela beau que je porte le projet.
L'aspect valorisation de la recherche se développe beaucoup en France. Depuis quelques années, on voit de plus en plus de spin-off issus de la recherche publique en France. Maintenant, nous sommes vraiment encouragés, en tant que chercheurs, à penser à la valorisation, à réfléchir à ce que nos inventions peuvent apporter non seulement à notre institution, mais aussi à la société en général.
Si l'on pense à une invention dans la technologie de la santé, cela peut vraiment avoir un impact sur les patients. C'est cela que nous voulons faire.

Je pense que j'avais quelques réserves au moment de créer la start-up, car je me demandais si je pourrais gérer à la fois le travail académique, le travail dans une start-up et ma vie personnelle en tant que mère de famille.

Mais au contraire, nous avons bénéficié de plus de visibilité grâce au fait que je suis une femme. Il y a plusieurs actions positives, comme ce prix Joliot-Curie, qui permettent de mettre en avant la place des femmes dans la recherche et dans les start-up.

J'aimerais encourager toutes les jeunes filles à se diriger vers une carrière de recherche. Nous avons besoin d'un équilibre entre hommes et femmes dans tous les domaines.
Le fait de pouvoir voir nos idées et nos innovations se transformer en une amélioration du niveau de vie d'un patient est vraiment très touchant.

Son parcours

Kate Grieve est Directrice de Recherche INSERM spécialisée en imagerie optique. Ses travaux sont à l’interface entre la physique, la médecine, la biologie et le traitement d’images.

Après un Master of Science en physique à l’Imperial College London, elle obtient un doctorat en optique biomédicale à l’École Supérieure de Physique et de Chimie Industrielles (ESPCI). Elle poursuit ses recherches avec deux post-doctorats, l’un à l’Université de Californie et l’autre à l’Université d’Oxford.

Ses travaux révolutionnent le diagnostic et le suivi des pathologies ophtalmologiques et neurodégénératives. Elle introduit l’ophtalmoscopie à optique adaptative (AOO) à l’Hôpital National d’Ophtalmologie des Quinze-Vingts, permettant de détecter pour la première fois des cellules inflammatoires chez des patients atteints de sclérose en plaques. Son équipe développe des outils non invasifs, comme la tomographie par cohérence optique en plein champ (FFOCT), offrant des images cellulaires rétiniennes détaillées et des diagnostics à coût réduit.

En 2021, elle devient directrice de recherche INSERM et dirige l’équipe « Imagerie en direct chez les patients et les cellules » à l’Institut de la Vision, où elle développe des technologies de pointe pour étudier la rétine à l’échelle microscopique.

Elle fonde SharpEye en 2020, sa première startup, suivie de Lutèce Dynamics en 2024, visant à commercialiser des innovations d’imagerie rétinienne. Elle est rédactrice associée de Biomedical Optics Express et Investigative Ophthalmology and Vision Science, et préside la conférence annuelle « i2eye ».

Ses contributions lui ont valu des distinctions telles que le prix Jean Jerphagnon et le Prix des Innovateurs de la région Île-de-France. SharpEye reçoit le prix de l'innovation français i-Lab en 2022 et la bourse Innovations en Imagerie de BPI France en 2024.

Kate Grieve milite pour la visibilité des femmes scientifiques, encourage les candidatures féminines aux prix et veille à la parité dans l’organisation des conférences scientifiques.

Interview

Quel conseil donneriez-vous aux petites filles qui n'osent pas se lancer dans des carrières scientifiques ?

De ne pas hésiter, c’est un métier passionnant où on touche à plein de sujets variés et on travaille en équipe, tous motivés pour faire avancer les connaissances.

Comment sensibiliser dès le plus jeune âge aux sciences ?

Il est important d’avoir l’opportunité de faire de la science, pas seulement de la lire à l’école.

Kate Grieve

Ainsi, les visites de musées, les randonnées dans la nature, suivre une recette en cuisine… On peut accéder assez facilement aux questionnements scientifiques à partir de notre quotidien.

Quelle est l'importance d'avoir des rôles modèles selon vous ?

Si l'on peut s'identifier à des personnes qui nous ressemblent, on peut plus facilement s'imaginer dans ce rôle.  Je pense qu’une équipe avec un équilibre entre femmes et hommes crée une ambiance où chacun se sent à l’aise pour s’exprimer.

Comment décririez-vous votre carrière scientifique ?

Je suis reconnaissante des opportunités que j’ai eues de découvrir diverses cultures, dans différents pays mais aussi dans des environnements académiques et industriels. La combinaison de toutes ces expériences est très riche.

En tant que lauréate, que représente ce prix pour vous ?

Je suis très honorée de recevoir ce prix. Il représente une reconnaissance du travail de toute mon équipe dont je suis fière. Nous innovons pour apporter les bénéfices de nouvelles technologies aux cliniciens et aux patients.