Son parcours
Marie Verbanck est Professeure Junior en statistique-génétique à l'Inserm. Passionnée par les sciences, en particulier les mathématiques et la génétique, elle obtient un master en statistique appliquée et réalise une thèse en mathématiques appliquées. Elle effectue un premier post-doctorat en génomique intégrative à l’Institut Européen de Génomique et un second en statistique-génétique à l’Institut de Médecine Personnalisée de l’Icahn School of Medicine at Mount Sinai, à New York.
La statistique-génétique, située à la croisée de la biologie et des mathématiques, consiste à poser de nouvelles questions biologiques tout en développant des méthodes statistiques novatrices. Ses travaux ont permis des avancées majeures, comme l’inclusion de patients d’origines ethniques variées dans les études génétiques, auparavant limitées aux populations européennes, et le développement de méthodes statistiques pour inférer la causalité des facteurs de risque des maladies.
Elle découvre que la pléiotropie, un phénomène génétique négligé, est omniprésente dans le génome humain. L’article qui en résulte, publié dans Nature Genetics, est devenu une référence mondiale, avec plus de 5000 citations en six ans, et est l'article le plus cité de la revue durant cette période.
En 2019, elle est nommée maîtresse de conférences en BioSTM (Biostatistique, Traitement et Modélisation des données biologiques) à l’Université Paris Cité. En 2024, elle obtient une Chaire de Professeure Junior Inserm et rejoint l’équipe de Génétique des cancers de l’Institut Curie. Elle fonde le groupe GEML (GEnetics Machine Learning) avec une bourse ANR Jeune chercheuse, pour développer de nouvelles méthodes statistiques et de machine learning appliquées à la génétique.
Convaincue de l’importance de former les scientifiques de demain et de promouvoir les femmes en science, Marie Verbanck mentore des jeunes chercheuses et s’engage dans la vulgarisation scientifique. Lors de son doctorat, elle remporte le 1er prix du jury, le prix du public et le prix des lycéens pour son court-métrage Statistix et le problème de la potion magique au festival « Sciences en Cour[t]s », festival qu'elle dirige l’année suivante. Elle participe aussi activement à l’association « Elles Bougent ! », en abordant des thèmes comme le syndrome de l’imposture et la conciliation des temps de vie.
Interview
Quel conseil donneriez-vous aux petites filles qui n'osent pas se lancer dans des carrières scientifiques ?
Je leur dirais de ne pas hésiter à se lancer parce que la science est une aventure passionnante, et que même s'il est tentant de se laisser guider par des stéréotypes ou les idées préconçues, sans essayer, on ne peut pas savoir si quelque chose va nous plaire. Au-delà de se lancer, je crois que s’ajoutent de nombreux freins à poursuivre dans le domaine scientifique plus tard. La science est un domaine où de fortes personnalités, avec beaucoup d'assurance, sont mises en avant, ce qui peut engendrer doutes et remises en question.
La confiance et l’expertise viennent avec le temps, alors osez, expérimentez, faites semblant d'y arriver jusqu'à ce que vous y arriviez et surtout, ne renoncez pas à votre curiosité !
Comment sensibiliser dès le plus jeune âge aux sciences ?
Un premier élément de réponse est l'école, qui joue un rôle essentiel dans l'éveil aux sciences. Il est donc crucial de valoriser le travail des enseignants qui, au quotidien, nourrissent la curiosité des élèves, et de leur donner les moyens de la développer davantage. En tant que chercheurs et chercheuses, nous avons également la responsabilité de projeter une image positive et inspirante, non seulement auprès des jeunes, mais aussi du grand public, pour susciter l'intérêt et gagner la confiance envers les disciplines scientifiques.
Quelle est l'importance d'avoir des rôles modèles selon vous ?
Les rôles modèles jouent un rôle crucial dans l'inspiration et la motivation, peut-être encore plus à notre époque où les jeunes consomment davantage de contenu médiatique mettant en avant des personnalités individuelles. En tant que chercheuse, je suis convaincue que les rôles modèles, qu'ils ou elles soient des scientifiques célèbres ou des inconnus, permettent de rendre la science plus concrète et moins intimidante. Ces figures sont importantes pour mettre en lumière les parcours atypiques et les obstacles qui peuvent être surmontés. Ces rôles modèles ont beaucoup compté dans mon parcours.
Comment décririez-vous votre carrière scientifique ?
Bien évidemment, ma carrière scientifique a été jalonnée de défis et de réussites, reflétant la nature intrinsèquement compétitive du milieu de la recherche. Dès le début, j'ai rencontré des obstacles qui ont mis à l'épreuve ma détermination et ma passion pour la science. Cependant, chaque difficulté rencontrée a également été une opportunité d'apprentissage et de croissance personnelle.
Aujourd’hui je me sens à ma place en tant que chercheuse et considère comme une priorité de former et de mentorer les jeunes chercheurs de demain, un rôle dans lequel je m’investis pleinement.
En tant que lauréate, que représente ce prix pour vous ?
Recevoir le prix Irène Joliot-Curie de la « Jeune femme scientifique 2024 » est pour moi une immense fierté et un honneur. C’est aussi la reconnaissance d’un travail collectif. Ce prix me confère également une grande responsabilité : celle de montrer l’exemple, de devenir un modèle pour les futures chercheuses, et de contribuer à changer les perceptions de la recherche.
Il contribue à souligner l’importance de la science et nous rappelle à tous que la recherche doit être valorisée, car c’est grâce à elle que nous faisons progresser la science et notre société.